TOUT EST DIT

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jeudi 3 février 2011

Sortir de l'illusion fiscale

Faut-il taxer davantage les revenus du capital, de manière à aligner leur imposition sur celle du travail ? Sans doute. Une telle réforme fiscale modifiera-t-elle substantiellement l'équation budgétaire française ? Point du tout : son effet sur les ressources de l'Etat sera marginal. Il serait temps que la gauche comme la droite cessent de se nourrir de rêves.
Des revenus du capital encaissés par les ménages, on a une connaissance confuse et lacunaire. Le Conseil des prélèvements obligatoires en fournit une image qui n'est qu'approximative. Que peut-on en retenir ? Les revenus du capital des ménages représentaient 150 milliards d'euros en 2007, dont on ne connaît pas la décomposition exacte, ce qui fait globalement 8 % du produit intérieur brut (PIB). Ces mêmes revenus sont taxés en moyenne à hauteur de 17 %, soit 1,4 % du PIB, avec une répartition inconnue entre produits de l'immobilier, plus-values, dividendes et intérêts.
Quid des revenus du travail ? Ils font l'objet d'un prélèvement obligatoire qui est en moyenne de l'ordre de 30 %. Un esprit trop rapide en déduirait qu'aligner l'imposition des revenus du capital sur celle du travail, donc passer d'un taux de prélèvement de 17 % à un taux de 30 %, permettrait de dégager des ressources supplémentaires de l'ordre de 1 % du PIB, soit 20 milliards d'euros. Ce n'est pas rien, sans être gigantesque. Un tel mouvement serait-il économiquement fondé ? La réponse est négative. Dans la comparaison des prélèvements, il faut en effet prendre en compte une donnée essentielle, le taux d'inflation.
Les barèmes de l'impôt général sur le revenu sont, de fait sinon de droit et grâce à la sagesse répétée du législateur, indexés chaque année sur la hausse des prix. Les revenus du travail sont donc imposés en valeur réelle. Une augmentation purement nominale de ces revenus n'entraîne aucun alourdissement de leur taxation.
Certains revenus du capital, qui sont « barémisés », suivent le même régime. Tel est le cas des loyers, taxables à l'impôt sur le revenu. Tel est le cas également des dividendes lorsque leurs bénéficiaires choisissent de les inclure tels quels dans leur revenu imposable, après un abattement de 40 % qui tient compte de la taxation en amont des bénéfices. Malheureusement, personne ne sait ce que représentent, dans les 17 % précités, ces deux sources importantes de recettes déjà taxées, peu ou prou, suivant le droit commun.
Restent les multiples taxations des revenus du capital en valeur nominale, donc inflation comprise. Hélas, nous sommes en face d'un véritable maquis dont nul ne semble capable d'appréhender le dessin. En effet, le régime d'imposition dépend de la nature du placement (immobilier, actions ou obligations) mais également du canal par lequel l'argent est investi, soit directement, soit à travers des organismes de placement collectif ou encore par le biais de contrats d'assurance-vie. Comment mettre un peu d'ordre dans ce fouillis ? Simplifions jusqu'à l'outrance.
Le régime de référence des contrats d'assurance-vie conduit à un prélèvement fiscal et social de l'ordre de 20 %. Un prélèvement forfaitaire s'applique sur les intérêts perçus directement, sur les dividendes quand le choix des bénéficiaires s'exerce en ce sens ainsi que sur les plus-values mobilières. Il est de l'ordre de 30 %, contributions sociales comprises. Dans aucun de ces cas, on ne connaît l'ampleur des sommes concernées.
La question est pourtant décisive. En effet, une partie de l'enrichissement obtenu par les titulaires de revenus du capital est fictive, du fait de l'inflation. Imposer un taux fixe, quel qu'il soit, sur l'assiette nominale des revenus perçus revient à une taxation réelle d'un montant bien supérieur. Supposons que le taux d'intérêt réel dans l'ensemble de l'économie soit de l'ordre de 1,5 %. Pour une inflation de 2 % l'an, le taux d'intérêt nominal est de 3,5 %. Imposer un prélèvement fixe de 20 %, soit 0,7 des 3,5, revient à taxer à 47 % le revenu réel des bénéficiaires. Et à 70 % dans le cas d'un prélèvement libératoire de 30 %.
Qu'en conclure, même si la constatation est désagréable ? Qu'il n'y a à peu près rien à gagner sur les revenus du capital qui sont déjà inclus dans le barème commun de l'impôt. Ni, sauf à spolier les bénéficiaires, sur ceux qui sont soumis à prélèvement libératoire au taux de 20 ou a fortiori de 30 %.
Laissons de côté les exonérations totales : Livret A, PEA, épargne logement, certains contrats d'assurance-vie et surtout plus-values immobilières, tant sur les résidences principales que secondaires. Qui osera y toucher ? En fait, le seul gisement rémunérateur proviendrait d'une taxation, à partir de valeurs locatives réalistes, de l'ensemble du parc foncier et immobilier des ménages (trois fois le PIB), ce qui nous rapprocherait plutôt d'un impôt généralisé sur le patrimoine à taux faible : les recettes nettes pourraient être de l'ordre de 20 milliards d'euros pour un taux d'imposition de 0,5. Je crains que dans ce domaine le zèle réformateur des uns ou des autres ne s'arrête assez vite. Mais, si tel est le cas, arrêtons de nous gorger d'illusions.

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