mardi 21 janvier 2014
"De l'ordre, monsieur le président !"
"De l'ordre, monsieur le président !"
On doit reconnaître une qualité à François Hollande : il ne fait rien pour plaire. Son indifférence aux sentiments qu'il inspire est ahurissante. On dira que c'est, chez un chef d'État, le propre de l'intégrité. Oui, lorsque cette vertu est mise au service de la rectitude, de la cohérence, de la persévérance dans la conduite d'un projet. Mais tel n'est pas le cas chez Hollande, qui manque visiblement de constance, passe d'une politique de la demande à une politique de l'offre au gré des circonstances et s'aliène par là même ceux qui lui avaient donné leur foi, sans convaincre ceux qu'il invite aujourd'hui à le rejoindre.
Il a un problème avec l'autorité. Celle-ci suppose le consentement. Lui, il impose, avec un mépris doucereux et sans se préoccuper outre mesure du jugement qu'on porte sur lui. Sa confiance en soi-même semble directement proportionnelle à la défiance qu'il provoque. C'est d'une certaine façon une force. Elle a ses limites.
En dépit des apparences, Hollande apparaît avec le temps comme un homme de défi. Ce projet d'alliance avec le patronat dans le cadre d'un pacte de responsabilité en porte le témoignage. Improvisé, approximatif, aléatoire, il ressemble à un coup de dés. Comment l'opinion peut-elle fermement adhérer à ce retournement alors qu'on l'y a si mal préparée et qu'il est si mal géré ? Tout dans la politique d'aujourd'hui est à l'image de ce désordre. Alors qu'on présente légitimement comme prioritaire tout ce qui touche à l'emploi, au travail, à la compétitivité, à quoi ressemble cette obstination que met le président de la République à faire aboutir au plus vite, c'est-à-dire à la veille des prochaines élections, des projets de réforme qui ne sont pas d'une urgence absolue, mais qui surtout suscitent la division jusqu'au sein de la majorité : on pense à l'organisation territoriale et au cumul des mandats.
Il y a de l'ordre à mettre dans la maison. Vie privée, vie publique, on y trompe trop ouvertement son monde. Toute confiance est abolie.
Les cocus de la démocratie
La règle démocratique veut que les pays qui ont choisi cette voie soient gouvernés par ceux qu’ils ont élus.
S’il est vrai que c’est souvent le cas, ça ne l’est pas toujours, à preuve le gravissime accord en train de se tramer en douce dans les instances européennes.
On sait que les ministres ne sont pas élus, ils sont nommés par le président de la république, mais aussi qu’ils sont entourés d’un bataillon de conseillers, non élus non plus, simplement là parce qu’on a choisi en haut lieu qu’ils étaient nécessaires, voire indispensables, pour donner des conseils, établir des stratégies, et au besoin être à l’origine des décisions prises.
Mais ce n’est pas tout.
Les députés s’entourent eux aussi de conseillers, non élus pour la plupart, qui sont souvent les éminences grises qui gouvernent en sous-main posant ainsi la question de la légitimité du pouvoir.
Mais ce qui se trame au niveau européen est beaucoup plus préoccupant.
Le 18 janvier, dans l’émission « Terre à Terre », de Ruth Stégassy, sur l’antenne de France Culture, on pouvait écouter Raoul-Marc Jennar, docteur en sciences politiques, s’exprimer sur la décision prise, en catimini, par l’Europe, laquelle à confié à la Commission Européenne, le mandat pour négocier avec lesUSA le TAFTA (Transatlantic Free Trade Area) appelé aussi le « grand marché transatlantique », qui pourrait permettre aux grandes multinationales de passer outre les décisions des états. lien
Ce projet contestable s’écrit en 4 lettres : PTCI (partenariat transatlantique de commerce et d’investissement).
extrait : « ce qui est largement tenu sous silence par les médias, c’est le 14 juin 2013, que le conseil des ministres des 28 états européens a donné un mandat à la commission européenne pour négocier avec les Etats Unis un partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (…) c’est surtout une amplification des accords de l’OMC. (…) quand on lit les 46 articles du mandat donné à la commission européenne, (…) on y retrouve l’accès au marché, l’accord général sur le commerce des services, les droits de propriété intellectuels (…) ainsi que l’AMI, cet accord multilatéral pour l’investissement, refusé par Jospin en 1998, et de retour dans la négociation menée actuellement ».
Or comme le dit l’interviewé, les accords de l’OMC ne touchent pas que les produits de consommation, il ne s’agit pas seulement de vendre ou d’acheter des biens de consommation, mais aussi de toutes les activités de service : transport, distribution d’eau, etc.…
Elles seraient donc soumises à la concurrence.
A terme ça signifie la possibilité qu’à aujourd’hui cette commission de « non élus » à autoriser la production de lait et de viande avec usage d’hormones, la volaille chlorée, les semences OGM, etc…balayant ainsi toutes les règles décidées par les états.
Raoul-Marc Jennar poursuit : « ce grand marché que l’on veut construire, s’inscrit dans cette philosophie néolibérale (…) qui nie que la société soit légitime quand elle élabore des normes. (…) nous sommes avec ce projet en face d’un énorme conflit de valeurs ».
Or comme l’explique le scientifique, nous n’avons pas les mêmes valeurs sociales que celles pratiquées aux Etats Unis.
Ajoutons qu’il n’est pas prévu que la France ratifie cet accord, il devrait seulement l’être par le parlement européen, alors que l’article 53 de la constitution de la 5ème république dit que les traités de commerce se doivent d’être ratifiés.
Le problème posé est donc que la commission européenne a le monopole de l’initiative : elle propose, le conseil des ministres européens décide, et la commission applique.
Comme cette commission adhère avec enthousiasme au contenu des accords de l’OMC, on devine sans peine qu’elle va plébiciter, sans la moindre hésitation, les accords en question.
L’exemple de la libéralisation, de la mise en concurrence, porte ouverte à la privatisation, du transport des passagers et des marchandises est la preuve de la volonté néolibérale de cette commission.
Mais les services ne se limitent pas au transport, on y trouve aussi l’éducation, la santé, la finance, les assurances, etc... tous les services de tous les secteurs.
Raoul-Marc Jenna considère donc que « ce qui se trame est de mettre un grand coup d’accélérateur aux précédents accords de l’OMC, afin d’aller au-delà de ce qui a déjà été acté (…) on voit déjà les tentatives de marchandiser l’eau, l’énergie, les ressources naturelles…(…) il s’agit de mettre en œuvre ce qui était l’espérance formulée par David Rockefeller le 1er février 1998 dans Newsweek :transférer le gouvernement des peuples au secteur privé (…) et transférer la définition de la norme au secteur privé ».
Or la définition de la norme appartient depuis 1789 à la représentation nationale et à des institutions issues d’un processus démocratique, à l’assemblée nationale, sous le contrôle des autorités juridiques du pays et ce n’est pas pour l’essentiel dans des structures d’arbitrage privées.
Dans le projet d’accord il est dit qu’en cas de conflit sur une norme, sur un règlement, sur une loi, entre une firme privée et un gouvernement, on aura recours à « un mécanisme de règlement des différends », c'est-à-dire une structure d’arbitrage privée, qui délibère en secret, et dont les décisions seront sans appel, sans avoir recours à nos institutions, à nos juridictions. lien
On imagine sans peine les conséquences qui découleraient de cet accord s’il était décidé : par exemple, si une entreprise décide d’explorer les gaz de schiste, contre l’avis d’un état, la structure d’arbitrage privée pourrait donner raison à l’entreprise, condamnant l’état à de lourdes sanctions s’il ne se soumettait pas aux décisions prises. lien
Cette structure existe déjà dans le cadre de l’OMC et s’appelle « l’organe de règlement des différends » et Raoul-Marc Jennar donne l’exemple d’un conflit qui a opposé les USA et l’Europe lors de l’interdiction de l’importation de bœuf traité aux hormones de croissance, et qui a obligé l’Europe à payer des centaines de millions de dollars d'amende car les critères de santé publique ne sont pas dans le cahier des charges de cet organe.
Voilà à quoi nous risquons d’être bientôt confrontés en plus grave, car « l’organe de règlement des différents » possède une instance d’appel.
Cette situation, aux antipodes d’une démocratie souhaitée, pourrait avoir une origine troublante.
Qui se souvient de cette mise en garde proférée par Nicolas Sarközi qui évoquait déjà en2009 l’impossibilité d’échapper à une gouvernance mondiale ? lien
C’est Bush qui le premier, le 11 septembre 1990, prononça ce « NOM » (nouvel ordre mondial). lien
Ils sont nombreux a le contester : « les peuples ne seront pas consultés et les criminels au pouvoir nous l’imposeront…cette idéologie a peut-être déjà commencé et les politiciens n’ont jamais œuvré pour les intérêts des peuples »
John Kerry affirme « ensemble ils ont réussi à créer ce que les principaux leaders n’avaient pas créé, un nouvel ordre mondial… » ce que confirme Paul Wolfowitz évoquant certains des « sages » qui ont aidé à donner forme au nouvel ordre mondial…tous, de Steny Hoyer à Tony Blair en passant parWesley Clarck, Georges Bush, tous défendent ce NOM, dont H.G. Wells disait dans son livre (le nouvel ordre mondial) : « d’innombrables personnes détesteront le nouvel ordre mondial, et mourront en protestant contre lui ». lien
Il y eut d’abord les accords du Gatt, a suivi l’OMC, voici donc venu le temps du NOM qui veut que la valeur de l’argent surpasse celle de l’être humain, les droits de l’homme et le respect de l’environnement devant être subordonnés aux échanges commerciaux, avec comme résultat un exode rural massif, la privatisation de l’eau, des hôpitaux et d’autres services publics.
Christophe Deloire, journaliste et auteur de : « circus politicus » (éditeur Albin Michel/2012) a découvert l’existence d’un groupe d’anciens commissaires européens, qui se coopte dans la commission trilatérale, dont le fondateur est David Rockefeller, (dont le but déclaré était de « remplacer les gouvernements par le business ») et qui appartiennent aussi au comité de direction Bilderberg, qui sont aussi présents dans la banque Goldman Sachs, ajoutant que l’homme le plus puissant d’Europe, Von Rompuy, (tout commeBarroso), n’a pas fait acte de candidature auprès des peuples, il a été nommé à huis clos par les chefs d’états et les gouvernements, après s’être fait adoubé, une semaine auparavant par la conférenceBildelberg, mais qui connait le club Bildelberg ?
Cet innocent « groupe de réflexion » (liste des membres) crée en 1954, dans l’hôtel du même nom, auxPays-Bas, comporte 130 membres qui œuvrent très discrètement pour influer, voire plus, sur la gouvernance mondiale. vidéo
Les démocraties seraient donc sous influence et bientôt confisquées par ce groupe ? Le PTCI sera-t-il validé ? Nous le saurons bientôt, et comme dit mon vieil ami africain : « dites à quelqu’un qu’il y a 300 milliards d’étoiles dans l’univers, il vous croira. Dites-lui que la peinture n’est pas sèche, et il voudra toucher pour en être sur ».
Grèce : entre présidence de l’UE et sortie de l’euro
Cette année sera une année particulière à Athènes. D’une manière assez paradoxale, le pays occupe la présidence de l’Union Européenne. Certes, il a atteint ses objectifs financiers, mais il pourrait bien avoir besoin d’un nouveau plan et surtout, la perspective d’un conflit politique a fortement augmenté.
Un contexte économique compliqué
Jean Quatremer peut bien se réjouir de l’évolution de la situation en Europe (fermant les yeux sur la situation sociale dramatique des pays « aidés » ou sur le fait que le montant des créances douteuses en Espagne ne cesse de progresser, à 13,1%), la situation est moins stable que les euro béats ne veulent bien l’admettre, malgré le calme des marchés. Car le fait que la Grèce ait maintenant un excédent primaire de son budget (avant paiement des intérêts) veut aussi dire qu’une sortie de l’euro devient encore plus facile pour le pays, qui n’aurait pas besoin de plan d’austérité en cas de défaut sur sa dette.
Du coup, cela rend aussi le bras de fer entre les autorités grecques et la troïka plus équilibré, pour qui voudrait vraiment créer un rapport de force. Or, il y aura sans doute besoin d’une nouvelle aide pour le pays, comme même le ministre allemand des finances l’a reconnu. En effet, les banques grecques ont déjà bénéficié 40 milliards sur les 50 dont dispose le fond de soutien du pays. Mais le montant colossal des créances douteuses (24% fin 2012 !) pourrait nécessiter de nouveaux fonds et il n’est pas évident que le Fonds Héllénique de Stabilité Financière soit suffisant…
Vers une crise politique ?
C’est la menace qui pèse depuis longtemps sur le pays. A l’automne 2011, les dirigeants européens avaient scandaleusement demandé au premier ministre de revenir sur son idée de soumettre le plan européen à l’approbation d’un référendum, précipitant une chute que l’on pouvait assimiler à un coup d’état de la part des instances européennes. En 2012, lors des élections législatives, la population avait majoritairement voté pour des partis hostiles aux plans, mais ND était parvenue à légèrement devancer Syriza, garantissant une majorité parlementaire pour soutenir les plans, avec l’aide du PASOK.
Mais cet équilibre est extrêmement instable. Assez fréquemment, des élus de la majorité en démissionnent, réduisant celle-ci à une peau de chagrin. Mieux, les élections européennes de mai 2014 pourraient voir le succès des partis opposés à la troïka, avec la fatigue – légitime – du peuple grec. Une victoire de Syirza et un bon score des partis qui refusent la saignée que subit le pays depuis quatre ans pourraient boulverser l’équilibre politique, déjà instable, du pays. Partout en Europe, des critiques de plus en plus dures des plans européens se fait jour, comme au sujet de l’Irlande par Jean Gadrey.
L’accession de la Grèce à la présidence de l’UE en 2014, à la veille d’élections qui devraient voir le succès des partis euro-réalistes, est un immense paradoxe. Elle rappelle à tous la nocivité des plans européens, mais aussi leur inefficacité, puisqu’une nouvelle aide est nécessaire.
Genre, genre, genre à l’Assemblée
Genre, genre, genre à l’Assemblée
C’est une Assemblée très majoritairement masculine – à 74 % –, comme le faisait remarquer un éditorialiste, qui va examiner, à partir de lundi, le projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes, un texte porté par le ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem, qui a déjà été adopté au Sénat. Mais le climat est largement consensuel. Il est des combats dans lesquels on ne risque pas sa peau. Le féminisme est aujourd’hui de ceux-là.
Et il ne parle plus de guerre des sexes, époque bien révolue. Mais de « réduction des inégalités » contre les « tentations permanentes de régression », à travers un large panel de dispositifs touchant aussi bien à la vie familiale que professionnelle, à la représentation politique qu’aux images médiatiques. C’est la première fois qu’un projet de loi tente de balayer de manière aussi transversale le sujet.
Protection ou obligation ?
Noble tâche, on veut protéger les femmes contre les violences. Dès l’âge tendre, tout d’abord, en interdisant les odieux concours de « mini-miss » aux moins de treize ans. Puis en renforçant le dispositif de l’ordonnance de protection pour les victimes de conjoints violents. Et en instaurant un système de garantie contre les impayés de pensions alimentaires – 40 % d’entre elles : une pension minimale sera expérimentée, et la différence payée par la CAF – pourtant déjà bien déficitaire…
En contrepartie, elles vont se (re)mettre au travail. Et vite. Le congé parental – qui ne concerne que 3 % des hommes – est en ligne de mire : à partir de deux enfants, sa durée restera de trois ans à condition que six mois soient pris par le second parent, sinon elle sera raccourcie à deux ans et demi. « 18 000 hommes prennent un congé parental, on en attend 100 000 en 2017 », clame Najat.
Le rêve de la mixité absolue
Et attention au monde du travail qui a intérêt à respecter à la lettre ces impératifs catégoriques. Les exigences de parité seront étendues à une bonne partie des établissements publics. Et les entreprises ne respectant pas les dispositions sur l’égalité professionnelle seront pénalisées. Belkacem veut lutter contre les écarts de rémunération mais aussi contre la « non-mixité »,celle de ces secteurs où les femmes n’apparaissent pas et vice versa : du BTP pour Isabelle, de la puériculture pour Gaston. « Aujourd’hui, seuls 17 % des métiers sont considérés comme mixtes. Nous nous fixons comme objectif d’arriver à 30 % en 2025. »
Attention aussi aux partis politiques dont les pénalités pour manquement à la parité seront doublées. La loi imposera aussi, dans les exécutifs locaux, la parité entre la tête de l’exécutif et son premier adjoint : « Le paysage politique devrait être profondément chamboulé en quelques années. »
Quant à l’image de la femme, elle doit être « préservée », ou plutôt imposée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel qui veillera à la lutte contre la diffusion de stéréotypes sexistes et d’images dégradantes des femmes. Autrement dit, porno oui, « rôle réducteur » de la femme au foyer, non.
Parfaire la révolution
Tout cela sera très probablement agréé. Le seul point qui a quelques chances de faire bouger l’opposition est celui de l’avortement pour lequel le texte projette de supprimer l’idée d’une « situation de détresse », issue de la loi Veil de 1975. Pour Belkacem, « il y a un décalage entre les textes et la façon dont cette pratique est conçue ». Cette abrogation sacraliserait, de plus, un « droit fondamental », plutôt malmené dans la voisine Espagne. Des députés UMP menés par Philippe Gosselin et Jean-Frédéric Poisson, membres de l’Entente parlementaire pour la famille, vont défendre le maintien de cette notion qui fait selon eux de l’IVG une « exception ». Tout en affirmant qu’il n’y a là aucune volonté de nuire à l’IVG : « Nous ne sommes pas en Espagne. » Ça oui.
En France, on avance. Vallaud-Belkacem appelle au front la troisième génération des droits des femmes, pour fonder les conditions de l’égalité « réelle » contre l’héritage des millénaires. On peut être sûr qu’il y en aura une quatrième, puis une cinquième…
GOUVERNANCE
GOUVERNANCE
Il y a l’urgence, les hypothèses et de forts remous sous le capot. Comme des allures de grand bond en avant chez PSA. Parce que l’augmentation de capital validée par le conseil de surveillance de dimanche s’accompagne d’une certitude. Toujours à la recherche de cash, le vieux groupe (plus de deux siècles d’histoire) va changer de gouvernance. À la mainmise d’une famille de plus en plus divisée succédera donc « un lion à trois têtes » : les Peugeot, l’État français et les Chinois de Dongfeng. Un schéma qui ne dépaysera guère Carlos Tavares, le futur patron, ex de Renault… un constructeur lui aussi adossé à un Asiatique (le japonais Nissan) et contrôlé par l’État (à 15 %). Pour les autres, il s’agira d’abord d’une révolution par obligation, voire d’un véritable crève-cœur. Prisonnier de ses choix passés (un positionnement trop généraliste, sa faiblesse dans les pays émergents et sa frilosité en terme d’alliances), PSA a annoncé hier que, pour la troisième année consécutive, ses ventes avaient enclenché la marche arrière. Confirmant que, dans un marché régenté par la mondialisation, le rêve automobile français ne pouvait plus se bâtir, le dimanche midi, entre le gigot et le dessert. À la table d’une seule et même famille.
Le billet de Michel Schifres
Les bonbons et le scooter
En Europe du Nord, on ne rigole pas avec le politiquement correct. Une marque célèbre de confiserie a dû retirer de la vente ses bonbons au Danemark et en Suède. La raison ? Ils étaient à la réglisse et donc noirs ; de plus, ils figuraient des masques africains. Il n’en fallait pas davantage pour que certains crient au racisme : en suçotant, on manifestait sa haine de l’autre. Le plus triste est qu’il existe bien d’autres raisons de combattre cette plaie sans tomber dans ces bêtises. Encore ne faut-il jamais sous-estimer la sottise. Un citoyen vient d’écrire pour se plaindre du Président. De quoi ? De l’état de la France ? Nullement. Il n’admet pas que François Hollande utilise un scooter étranger pour se rendre à ses amours secrètes. Il faut rouler et aimer français !
Un libéralisme sauce sucrée-salée
Un libéralisme sauce sucrée-salée
On connaissait, dans la bouche d’Arnaud Montebourg, la nationalisation-punition : c’est ce dont le ministre du Redressement productif avait menacé Lakshmi Mittal pour le sanctionner d’avoir projeté d’éteindre les hauts-fourneaux de Florange. L’Indien voulait-il fermer une filiale déficitaire ? On allait lui faire payer en confisquant la totalité de son entreprise. Heureusement, François Hollande et Jean-Marc Ayrault ne l’ont pas laissé faire.
Voici maintenant la nationalisation-contention : c’est pour contenir le chinois DongFeng que l’Etat va investir près d’un milliard d’euros chez PSA Peugeot-Citroën. Qu’il faille préserver le constructeur national, et que cela passe par une mobilisation des moyens de l’Etat, pourquoi pas. Qu’on mobilise des capitaux, qu’on investisse, qu’on participe activement à la redéfinition de la stratégie de l’entreprise, bref que l’Etat nationalise, parfait si c’est pour se retirer ensuite. Exactement comme l’a fait Washington lorsqu’il a fallu sauver du trou noir plusieurs constructeurs américains. Lorsqu’il y va de dizaines de milliers d’emplois, lorsque la menace porte sur un secteur stratégique pour l’économie d’un pays, alors on comprend la nécessité de procéder à cette sorte de nationalisation-rebond.
Mais investir des centaines de millions et se retrouver en paravent censé dissimuler la présence des Chinois n’offre aucune garantie que la présence de l’Etat servira à quelque chose. Dire à la fois que l’avenir passe par la Chine mais qu’on ne veut pas des Chinois sauf sur les places arrières, est un peu court. Et croire qu’un Etat désargenté finira par faire jeu égal avec un puissant groupe mondialisé et porté par son gigantesque marché est illusoire. Ce libéralisme d’Etat sauce sucrée-salée ne fait pas une stratégie industrielle.
PSA Peugeot Citroën: un tournant de l’histoire industrielle
PSA Peugeot Citroën: un tournant de l’histoire industrielle
Le dossier n’est pas encore bouclé dans tous ses détails mais le principe semble bel et bien arrêté : l’État français et le groupe public chinois Dongfeng vont faire leur entrée dans le capital de PSA Peugeot Citroën. Si l’événement se confirme, il marquera un moment important de l’histoire industrielle française. Tout d’abord, ce sera le premier investissement chinois de cette envergure sur le territoire français. Et c’est un signe de plus du basculement de l’équilibre économique du monde vers l’Asie. Particulièrement dans l’industrie automobile, dont la Chine est devenue le premier marché mondial. L’alliance financière entre PSA et Dongfeng, de ce point de vue, vient compléter un partenariat industriel, le groupe français s’appuyant sur Dongfeng pour conquérir une place significative dans la production automobile chinoise.
Autre dimension historique : la réorganisation du capital de PSA signifie que la dynastie Peugeot va devoir partager le pouvoir avec deux autres grands actionnaires. L’une des très grandes aventures familiales de l’industrie française s’achemine sans doute vers sa fin. Dans un univers automobile désormais mondialisé, il est de plus en plus difficile pour une famille de garder la main. Cela n’est pas impossible, comme on le voit avec les familles Toyoda (chez Toyota), Porsche et Piëch (chez Volkswagen) ou Agnelli (chez Fiat). Mais il n’y a plus aucun droit à l’erreur. La mauvaise passe que traverse PSA va coûter son autonomie de décision à la famille Peugeot.
Il y a en revanche quelque chose qui ne change pas : en France, l’État n’est jamais très loin. Dans la grande tradition colbertiste, on voit donc la puissance publique venir au secours de PSA par une prise de participation. On notera que ce n’est pas une exception puisque Renault compte aussi l’État parmi ses actionnaires (tout comme le Land de Basse-Saxe est actionnaire de Volkswagen). Cela garantira l’ancrage français de PSA, qu’il s’agisse de son siège social, de sa direction ou d’une partie au moins de ses sites de production. Et, si l’entreprise se redresse, cela pourra même devenir une bonne affaire pour les finances publiques.
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