Les Champs, c’était un piège du pouvoir !
Pour Me Françoise Besson, il n’y a pas de doute. Venue en robe manifester aux côtés de ses confrères avocats et des magistrats, professeurs et autres juristes nombreux en haut de l’avenue de la Grande-Armée, dimanche, elle a été témoin direct des « débordements » qualifiés d’« inacceptables » par Manuel Valls, ministre de l’Intérieur (et du gazage). Elle a vu comment des familles étaient bloquées dans des espaces beaucoup trop restreints, dangereusement même, et ont tout simplement cherché à trouver un peu de place pour bouger, et passer les barrières du service d’ordre de la manif – mais aussi des forces de l’ordre, dont elle atteste qu’ils ont laissé certains accès libres vers l’Etoile. Elle a vu la pression monter du fait de la poussée de personnes entassées qui ne pouvaient reculer.
Et puis elle a vu, pas une fois mais à plusieurs reprises, les forces de l’ordre actionner leurs bombes de gel lacrymogène, sans la moindre sommation, souvent à bout portant, vers des personnes qui étaient totalement pacifiques. Des personnes qui tentaient en vain de s’éloigner vers l’arrière. Des jeunes assis, qui chantaient et qui ont été gazés sur les Champs-Elysées alors qu’ils ne pouvaient même pas s’en aller, les forces de l’ordre les ayant encerclés…
Tentant elle-même de parlementer avec les responsables des CRS ou des gendarmes, elle a eu confirmation qu’ils avaient eu des ordres stricts. Et a constaté qu’ils étaient « sans pitié ».
Pour Me Besson, c’est clair : les forces de l’ordre se sont comportées de manière à « provoquer des actes de violence de la part des manifestants, c’est une certitude ». Le miracle, c’est qu’il n’y en a pas eu. Il n’y a pas eu de riposte qu’on aurait pu maquiller en agression. Les gens braves qui étaient là étaient aussi des braves gens !
« On a attiré les gens dans une nasse, une souricière », accuse Me Besson.
Il est clair que le pouvoir ne voulait pas de cette manifestation de dimanche et a tout fait pour démobiliser avant – en laissant planer l’incertitude sur les autorisations de parcours le plus longtemps possible – ; pour discréditer et accuser mensongèrement ensuite.
La brutalité des forces de l’ordre est de plus en plus difficile à passer sous silence. Les multiples vidéos postées sur internet – on en trouve un bel échantillon sur le Salon beige, le blog qui remarquablement centralise les informations qui permettent de contrer la désinformation dans cette affaire – mais aussi les témoignages de personnes de tous âges victimes de coups ou de lacrymogènes, en attestent. Et il faut citer celui d’un pro-« mariage gay (dans Le Figaro) qui est allé porter de l’eau aux victimes des lacrymos en bas de son bureau, sur les Champs-Elysées. Lui aussi s’est pris une rasade de gel en pleine figure : ce gel qui adhère, qui reste collé aux vêtements et qui a fait tousser et vomir des enfants plusieurs heures après.
Tout cela a été dit, mercredi, lors d’une conférence de presse qui s’est tenue en haut des Champs par un groupe d’avocats qui, tel Frédéric Pichon et en coordination avec l’AGRIF notamment, apportent leur aide à ceux qui portent plainte contre l’Etat. L’Etat qui n’a pas voulu prévoir l’ampleur de la manifestation, alors qu’il a les moyens de le faire ou qui, plutôt, a agi malgré ce qu’il savait forcément, de manière à faire dégénérer des mouvements de foule certes déterminés et parfois bruyants, mais qui sont restés pacifiques dans leur écrasante majorité.
Il faut voir une vidéo de très bonne qualité, signée fxdubc (et retrouvable par ce biais sur internet), prise depuis le podium de l’avenue de la Grande-Armée. On y voit notamment des élus UMP arborer un large sourire en voyant l’Etoile se remplir de manifestants avec des drapeaux de la Manif pour tous. Christine Boutin, interrogée à ce moment-là, se demande joyeusement si le « Printemps français » n’est pas en train de commencer…
On sait la suite.
Une suite à laquelle a participé Béatrice Bourges, qui a rejoint alors les Champs-Elysées pour ne pas laisser « seuls » ces groupes de manifestants pacifiques dont elle voyait qu’ils risquaient d’être victimes du piège qu’elle voyait se tendre autour d’eux. Intervenant elle aussi à la conférence de presse de mercredi après-midi, elle a confirmé qu’elle avait été exclue de l’organisation de la Manif pour tous – chose qu’elle a apprise de ses amis. Sans rancune : pour elle, les actions menées par la Manif pour tous autour de Frigide Barjot et celles entreprises par le tout nouveau « Printemps français » sont complémentaires.
Et mobilisent probablement, à l’occasion, les mêmes militants. De jour en jour, ceux-ci « harcèlent » pacifiquement et dans la bonne humeur les membres du gouvernement dans leurs déplacements : Le Drian accueilli par une mini-manifestation à Annecy, Christiane Taubira qui a vu sa voiture bloquée alors qu’elle assistait à la première de Claude à l’Opéra de Lyon (livret : Robert Badinter…), Erwann Binet, rapporteur du projet, empêché sans violence, mais bruyamment, de participer à un débat à l’université de Versailles Saint-Quentin, mardi après-midi. Une nouvelle manifestation était prévue pour « accueillir » François Hollande à son arrivée à France 2, jeudi soir.
Le mépris continue en effet. A l’heure d’écrire, ni l’Elysée, ni le gouvernement n’ont répondu aux demandes de la Manif pour tous, sinon pour dire qu’il n’était pas question de changer quoi que ce soit. La préfecture de police soutient mordicus que son chiffre de 300 000 est le bon, se fondant sur le travail de deux équipes policières de deux personnes postées dans une manifestation statique. C’est tellement absurde que même les gros médias n’y croient plus !