Lorsqu'on occupe un poste payé fort cher mais qu'on se sait
profondément inutile quand la tempête survient, on peut s'éclipser
discrètement ou faire de grands discours creux et ridicules pour occuper
les esprits. Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole officielle d'un
gouvernement aussi aphone qu'acéphale, a définitivement choisi la
seconde option : ouvrir son bec et prouver au monde entier qu'une femme
peut parfaitement être aussi nulle qu'un homme à un poste
gouvernemental.
Elle a donc pris la parole,
lundi dernier, dans une interview accordée au magazine Têtu. Le sujet ?
L'homosexualité dans les manuels scolaires. Notez qu'elle a déjà sévi,
et sur un sujet diablement comparable : le méchant sexisme des habitudes scolaires.
Cette fois-ci, petite variation sur thème puisqu'il s'agit de dresser
98.51% de ses fibres citoyennes (le reste étant consacré au
porte-parolat) contre l'obstination malsaine de certains manuels de
français à cacher les orientations sexuelles d'auteurs littéraires. Plus
exactement, la remuante ministre des Droits des femmes déclare :
"Aujourd'hui, ces manuels s'obstinent à passer sous
silence l'orientation LGBT (lesbienne, gay, bi et trans) de certains
personnages historiques ou auteurs, même quand elle explique une grande
partie de leur oeuvre comme Rimbaud."
Eh oui que voulez-vous : si l'on ne dit pas, haut et fort, que
Verlaine et Rimbaud étaient de la jaquette flottante à tous les élèves
de France et de Navarre, on passe l'essentiel. Non, ce dernier
n'est pas dans leurs productions poétiques ! Non, l'essentiel
n'est pas
leur talent artistique et l'empreinte qu'ils firent dans la littérature
française ! La source de leur inspiration, évidente, indispensable pour
comprendre leur oeuvre, c'est qu'ils étaient homo ! Et s'obstiner à ne
pas le marquer noir sur blanc dans les livrets, c'est, littéralement,
faire affront à l'éducation, c'est, très clairement, de l'homophobie,
voyons !
Et certains, qui pourraient dire que mettre ainsi en exergue
l'homosexualité d'un auteur pour justifier son talent, c'est faire une
discrimination pure et simple, seront bien évidemment poursuivis par la
HALDE qui avait déjà écrit plusieurs rapports
à ce sujet et dont l'expertise, notamment judiciaire, n'est plus à démontrer ; après tout, si cette association de
malfaiteursphilosophes de l'égalité a réussi à déceler, en son temps, toute
l'abominable discrimination dont les seniors faisaient l'objet dans le
poème de Ronsard, "Mignonne, allons voir si la rose", on ose espérer que
la nouvelle égérie des femmes pleines de droits saura prouver
l'insoutenable obstination des manuels à cacher les penchants sexuels
des auteurs littéraires.
Du reste, pour bien faire dans l'égalité, j'attends le moment où on
parlera (enfin !) de l'hétérosexualité navrante de Victor Hugo ou de la
vie de famille scandaleusement rangée de Mallarmé. Ceci pour faire bonne
mesure avec la proposition suivante de la Najat :
"Il serait utile que des familles homoparentales
soient représentées dans les campagnes de communication généraliste du
gouvernement, afin de banaliser ce fait".
Oui, c'est cela, banalisons ! Après tout, nous avons déjà un
président délicieusement normal au point d'assommer les citoyens (et pas
qu'avec des taxes), un premier ministre si commun qu'il pourrait faire
clerc de notaire dans une petite ville de province ; même à la télé, on
sent l'odeur du cuir des patchs qu'il aurait dû se coudre sous les
coudes... Un peu de banalité avec des homos dans la communication
généraliste ne fera même pas tache. On peut aller plus loin ? Oui, on le
peut, et la porte-parole relève le défi, quasiment dans le même souffle
:
"La France portera un discours politique pour la
dépénalisation universelle de l'homosexualité et nous remettrons en
marche l'appareil diplomatique pour obtenir une résolution aux Nations
unies. Je vais travailler au niveau européen pour que l'Union adopte des
lignes directrices contre l'homophobie. Il faut dessiner la perspective
d'une grande convention internationale contre les discriminations en
raison de l'orientation sexuelle, c'est urgent alors que dans certains
pays voisins les marches de la fierté sont réprimées. Les ambassades
françaises interviendront en faveur des militants LGBT"
Car la France n'avait pas assez de casseroles à trimbaler de réunions
internationales en réunions internationales, en plus de son président
sidéralement normal et de son premier ministre galactiquement commun, il
faut bien rajouter à la représentation diplomatique du pays une petite
goutte de What The Fuck si terriblement XXIème siècle, festif, citoyen,
coloré et à paillettes. Et puis, ça tombe bien, on n'a aucun autre
message à faire passer avant, et on n'a pas d'autres inégalités plus
urgentes à travailler au corps.
Il est intéressant que pas une seconde la pauvresse ne se soit posée
la question de savoir en quoi le gouvernement, et l'Etat en général,
devait aller fourrer son nez dans le sexe des auteurs et expliquer à la
face des élèves qui lui sont confiés (par la force des choses) que
l'orientation sexuelle était importante. Sur quelle base l'Etat doit-il
ainsi prôner toutes les formes de sexualité ? Depuis quand l'Etat a-t-il
cette mission ? Il me semblait qu'il ne lui appartenait en rien d'aller
faire du prosélytisme religieux en classe, et qu'il semble consternant
qu'on puisse y envisager un prosélytisme politique sauf à tomber
ouvertement
dans les pires usines à manipulation mentale. De la même façon que
l'Etat n'a pas à favoriser le pain au chocolat ou le coca-cola à 16h, il
n'a pas non plus à favoriser des formes de sexualités, et surtout pas
au travers de personnages historiques qui sont passés à la postérité
pour complètement autre chose que leurs choix de partenaires sexuels.
Or, comment la ministre peut-elle vouloir banaliser l'homosexualité
en la mettant ainsi en exergue au milieu des considérations historiques,
littéraires ou mathématiques ? En quoi le fait de spécifier que tel
philosophe de l'Antiquité s'enfilait des personnes du même sexe est-il
pertinent pour l'étude de ses mathématiques ? Pourquoi devrait-on
exposer la vie sexuelle de tel poète là où c'est son oeuvre qui a
marqué, et non ses prouesses sexuelles ? Sauf à clarifier aussi
l'hétérosexualité de chaque roi, chaque reine, chaque artiste, chaque
scientifique concernés, le fait de mentionner explicitement les
orientations sexuelles différentes des autres risque en effet de
paraître tout sauf banal.
Encore une fois, nous assistons à la navrante performance d'une
ministre en mal de retour médiatique. Cela s'explique. Et pas par
l'hétérosexualité latente ou les pulsions hormonales de la ministre,
hein.
La conjoncture est complètement bouchée, et elle rend impossible pour
Ayrault de remettre le pays en marche sauf à céder aux obligations
économiques parfaitement contraires aux dogmes socialistes. Il lui faut
donc occuper le terrain sur le seul plan verbal, d'une communication
confuse et mollassonne. Pas étonnant ensuite qu'il ait tant de mal à
discipliner ses troupes : à mesure que l'impuissance du gouvernement se
fait plus grande et plus visible, que sa confusion mentale et
organisationnelle s'étend, chacun de ses membres tente d'exister de
façon quasi-indépendante du reste du groupe. Que ce soit Peillon avec le
chichon, Montebourg avec ses saillies consternantes, ou
Vallaud-Belkacem avec ses fixettes sociétales ridicules, chacun des
ministres tente de compenser sa complète et totale inutilité, son
impuissance chimiquement pure par une agitation communicationnelle
compulsive.
Lorsque Belkacem réclame qu'on explique que Rimbaud était homo, elle
dit simplement "Ecoutez-moi, j'existe, je sers à quelque chose, je vous
jure que si !"
C'est un peu triste, au fond.