TOUT EST DIT

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mercredi 22 mai 2013

Suicides à l'école, au travail et même à Notre-Dame : la souffrance sociale mène-t-elle à une multiplication des pétages de plomb ?


Dominique Venner, essayiste d'extrême droite, s'est suicidé hier mardi dans la cathédrale de Notre-Dame de Paris. Jeudi dernier, un homme avait mis fin à ses jours dans le hall d’une école. Faits divers isolés ou symptômes du basculement d'une France épuisée socialement, propice aux manifestations de violence qui caractérisent généralement la société américaine ?

Dominique Venner, essayiste d'extrême droite, s'est suicidé ce mardi dans la cathédrale de Notre-Dame de Paris tandis que jeudi un quinquagénaire avait mis fin à ses jours dans le hall d’une école devant les yeux d’une dizaine d’élèves. Enfin, un anonyme a également lancé sur internet des menaces de fusillade dans un lycée en Alsace. Se dirige-t-on vers une société à l’américaine marquée par les "pétagede plomb" ?

 Michel Wieviorka : Il faudrait faire la comparaison non pas avec d'autres sociétés, mais avec la notre en d'autres temps. La période actuelle n'est pas la seule qui ait connu des suicides. J'appartiens à une discipline, la sociologie, dont le père fondateur, Émile Durkheimest justement connu pour sa grande étude sur le suicide. Le phénomènenous dit quelque chose sur l'Etat de la société, mais n'est pas nouveau. Il est toujours difficile d'expliquer des comportements isolés par des attributs généraux de la société. Il faut éviter deux écueils : le "sociologisme" qui consisterait à tout expliquer par le social et le psychologisme qui à l'inverse consisterait à voir dans ces suicides des cas particuliers ou pathologiques sans tenir compte de l'environnement social.
Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'interroger sur le sens de ces suicides. Quand un certain nombre de suicides ont lieu dans une entreprise cela dit quelque chose sur les rapports sociaux ou plutôt sur l'absence de rapport sociaux dans cette entreprise. Les suicides chez France Télécom ont évidemment à voir avec la brutalité des changements qui se sont opérés dans cette entreprise, avec les techniques de management et les conditions de travail.  Dans le cas d'un suicide devant une école comme celui-ci, on pense effectivement aux "school shootings" américains comme le massacre de Colombine. Le fait que l'école soit un lieu où l'individualisation se fait mal pour un certain nombre de personnes est très important. Dans les affaires de "school shooting", les enquêteurs ont souvent relevé que les criminels n'avaient pas eux-même trouvé leur place dans l'école, avaient été maltraités, avaient subi des humiliations. Le fonctionnement de l'école crée des conditions qui contribuent à l'explication de tels gestes. Quelqu'un qui se suicide ne choisit pas complètement au hasard l'endroit où il va se donner la mort. Quelqu'un qui se suicide devant une agence Pôle emploi ne dit pas la même chose que quelqu'un qui se suicide du dernier étage de son immeuble.
Eric Delbecque : Je ne sais pas vraiment ce qu’est une société "à l’américaine" !... En revanche, il est vrai que nous devons faire face, y compris en Europe, à de nouvelles formes de violence qui remettent en cause bien des catégories. Ce qui importe c’est de ne pas voir des drames en puissance à tous les coins de rue, de ne pas imaginer que notre voisin peut être un tueur en série ou croire que les tueurs de masse vont se multiplier comme des petits pains ! Il faut raison garder tout en analysant consciencieusement la réalité de cette violence et surtout se garder des amalgames : un tueur de masse ne se confond pas avec un terroriste ou un tueur en série ! Parfois il y a des intersections mais ces individus n’ont pas les mêmes profils psychologiques ni les mêmes parcours de vie. Quant à leurs motivations, elles sont différentes.
Ne cédons pas à la caricature. Il faut quand même rappeler que la violence en Europe n’a rien à voir aujourd’hui par rapport à ce qu’elle était au Moyen Âge. Contrairement à ce que l’on dit nos sociétés ne sont pas de plus en plus violentes : c’est la métamorphose des formes de la violence qu’il faut parvenir à penser, pour pouvoir les combattre.

Cette violence est-elle causée par une progression de la souffrance sociale ? Est-elle liée à la crise ?

Michel Wieviorka : Un raisonnement trop élémentaire consisterait à dire : "il y a une crise, il y a des difficultés et il n'y a plus les médiations qui permettent de transformer la crise en conflit. En d'autres temps, des syndicats puissants, des partis politiques actifs, une Église plus influente auraient peut-être apporté un traitement institutionnel, politique, culturel, religieux à ces problèmes." Dans un premier temps, on pourrait donc dire que la crise exacerbe les difficultés dans un contexte où il n'y a plus de médiations. 
Mais, à mon sens, la question est plus complexe. Dans le passé, les questions sociales étaient formulées en termes de grands ensembles : la classe ouvrière ou les paysans par exemple. Il y avait de grand agrégats et chacun pouvait se dire partie prenante d'un ensemble. Aujourd'hui, les gens se sentent de plus en plus livrés à eux-mêmes, de moins en moins pris en charge par de grands ensembles. Dans le passé, il était possible de dire : " si je ne réussis pas, si je ne trouves pas ma place, c'est la faute du système, de l'entreprise, du capitalisme, etc..." 
Désormais, avec les progrès de l'individualisme, l'idée de l'échec personnel s'est imposé : "si je ne réussis pas, c'est ma faute à moi, c'est que je n'étais pas capable de trouver ma place." On intériorise beaucoup plus qu'avant l'idée qu'on est responsable de ses propres difficultés et le suicide est certainement une façon d’exprimer cette intériorisation. Il arrive un moment où l'on considère que la meilleurs solution est de se détruire. On exprime le sentiment de ne plus avoir sa place dans cette école, dans cette société, sur cette terre...
Eric Delbecque : "Causée" non, mais favorisée sans doute. Cependant, il importe de ne pas sombrer dans la "culture de l’excuse". Personne n’est mécaniquement porté à devenir un tueur. En revanche, moins les individus sont intégrés dans des structures de sociabilité leur fixant des repères et créant des solidarités positives plus ils sont susceptibles de basculer vers des comportements allant jusqu’au bout de l’horreur.

Quels sont les points communs et les différences dans le rapport de la société française et américaine à la violence ?

Eric Delbecque : Les deux sociétés connaissent les conséquences de l’hypermodernité, y compris dans le domaine de l’insécurité. De nos jours, les organisations criminelles ou terroristes ne sont plus les seules à pouvoir propager la violence. Des individus, par exemple radicalisés par les idéologies, comme les terroristes, peuvent devenir de terribles porteurs de mort au nom des idées les plus folles et les plus inacceptables pour les démocraties. Il n’en reste pas moins que la société américaine connaît un climat général de violence qui constitue un terreau pour les actes meurtriers.Sans doute le rapport aux armes facilite-t-il le passage à l’acte mais il ne doit pas monopoliser la réflexion et les "ripostes" politiques.
Un autre point mérite d’être souligné. Les tueurs de masse ou en série démontrent en particulier un comportement érostratique (du  nom de l’incendiaire du temple d’Artémis à Ephèse qui visait à ce que l’on retienne son nom par-delà la mort) : ils veulent que l’on se souvienne d’eux et font donc tout pour attirer l’attention collective, médiatique.Malheureusement, dans leur esprit défaillant, tuer devient le moyen de se faire connaître, de s’assurer d’une future célébrité. Il faut briser cette logique terrifiante en réfléchissant à un autre traitement médiatique de ces actes déments.  

Une tragédie comme le massacre de Colombine, qui avait causé la mort de 12 étudiants américains en 1999 ou comme la fusillade d'Aurora (dix tués dans une salle de cinéma en 2012) pourrait-elle désormais se dérouler en France ? La tuerie d’Utoya en Norvège est-elle le symptôme d’un basculement de l’Europe dans l’ère des tueurs de masse ?

Eric Delbecque : Il faut en tout état de cause s’y préparer : faire des pronostics n’a aucun sens, l’affaire Merah en témoigne. On ne saurait dire ce qui arrivera ou pas. Mais dès lors qu’un événement a eu lieu, il convient d’en tirer des conclusions, c’est-à-dire d’acter que la chose est possible. Je ne crois pas pour autant qu’il faille affirmer que nous sommes entrés dans l’ère des tueurs de masse. Disons plutôt que certaines idéologies ou faits sociaux, contextes globaux, favorisent l’éclosion de tel ou tel passage à l’acte. Dans le cas des terroristes islamistes, c’est un radicalisme religieux mortifère qui pousse des individus vers l’horreur, mais ce dernier exploite une "faille", une carence précoce.

La mondialisation provoque-t-elle dans les pays occidentaux un accroissement de l’insécurité notamment sur le plan économique, social et culturel. Comment cela se manifeste-t-il. Quelles en sont les conséquences ?

Michel Wieviorka : Ce serait trop facile de mettre sur le dos de la mondialisation des phénomènes aussi précis que le passage à l'acte d'un individu qui vient mettre fin à ses jours devant une école. La mondialisation est un élément qui nous permet de décrire le monde dans lequel nous vivons. On peut peut-être trouver des articulations entre le passage à l'acte d'un individu et des phénomènes planétaires. Mais ce serait une facilité paresseuse que d'établir un lien direct entre le fait que des gens se suicident et la mondialisation. Des gens se donnent la mort dans une société qui est pour le meilleur et pour le pire partie prenante de la mondialisation. Mais ils se suicident d'abord pour des raisons personnelles.
Eric Delbecque : Ce genre de liens mécaniques n’existe pas. L’insécurité constitue une réalité protéiforme, qui n’a pas le même visage, la même intensité, selon les lieux, les temps et les situations. Elle exige une analyse différenciée et se prête mal aux explications univoques et caricaturales. Il est donc trop facile de mettre la mondialisation en accusation. Qu’elle accentue certaines précarisations, c’est certain. Mais en aucun cas ses "victimes", si tant est que le mot soit approprié, ne deviennent mécaniquement des délinquants. Ce serait faire injure aux personnes en difficulté en regard de leurs difficultés socio-économiques. On cumulerait l’ignorance et l’injustice en propageant ce cliché.

L'Europe contre la fraude fiscale ?


L'Europe va-t-elle caler dans la lutte contre l'évasion et la fraude fiscale ? Ou aura-t-elle la volonté politique de s'y attaquer de front ? Dans la foulée de l'affaire Cahuzac et des révélations de « l'Offshore leaks » sur les paradis fiscaux, les chefs d'État des Vingt-sept, réunis aujourd'hui à Bruxelles, ne sont pas tous sur la même longueur d'ondes.
Le fléau représente un manque à gagner colossal pour les Européens : 1 000 milliards d'euros par an, 80 rien qu'en France. C'est dire si la triche, où blanchiment et délinquance financière font bon ménage, s'est érigée en sport national ici ou là. C'est dire si le jeu, qui consiste pour chacun des pays floués à vouloir récupérer des fonds « souverains » évaporés dans des stratégies fumeuses de contournements fiscaux, en vaut la chandelle.
Reste, pour y parvenir, à faire sauter des verrous. Car la lutte ne sera efficace que si elle est internationale. Mais, puisque l'Asie et l'Amérique continuent d'oeuvrer sans trop se poser ce genre de questions, d'abord européenne. Or, l'Autriche et le Luxembourg, farouches défenseurs du secret bancaire, freinent des quatre fers. Ces deux-là demandent, au préalable, des négociations abouties avec les pays tiers comme la Suisse, pour éviter une fuite de leurs clients (et surtout de leurs capitaux !). Des postures intenables dans le contexte de crise persistante en Europe.
Vote à l'unanimité
Car la fraude galopante est plus insupportable que jamais pour nos économies. Pour tous ces États en mal de trésorerie, en quête de lendemains meilleurs pour les peuples à bout de souffle, soumis à l'austérité et aux affres d'un chômage record. Alors que la zone euro est engluée dans la récession, l'Europe doit donc absolument convaincre tous ses membres de lever leurs ultimes résistances.
Le changement des règles fiscales impose un vote à l'unanimité des 27. Pourquoi attendre pour agir ? Échouer, là, laisserait à penser que le scandale perdure à nos portes, au vu et au su de tous, alors que la fraude contribue à accroître le niveau d'endettement des États, détruit la possibilité de concurrence loyale entre les firmes honnêtes et les tricheuses.
La Suisse y mettrait-elle aussi de la mauvaise volonté ? Non-membre de l'UE mais place financière incontournable, elle ne veut pas entendre parler de nouvel arrangement avec les Européens tant qu'il n'y aura pas de standard mondial sur l'échange automatique d'informations de certaines données bancaires. La Commission européenne, mandatée pour renégocier des accords fiscaux avec elle comme avec Andorre, Monaco, Saint-Marin et le Liechtenstein, plaide pourtant pour que le principe d'un tel dispositif voie le jour au 1er janvier 2015. Que dira la Grande-Bretagne plutôt adepte, comme d'autres, d'accords bilatéraux ? Là encore, les chances de consensus restent faibles.
Fer de lance dans ce combat, la France, elle, continue la traque sans merci de ses exilés fiscaux, quitte à durcir son arsenal répressif. Mais quid de la fraude sociale estimée à 20 milliards d'euros annuels ? De l'économie souterraine ? Le seul travail au noir pèserait entre 6 et 10 % du Produit intérieur brut. Certes, c'est moins qu'en Bulgarie, en Grèce, en Italie ou en Allemagne. Mais dans un pays où un euro sur cinq échappe déjà à l'impôt, peut-on, sérieusement, s'en réjouir ?

L'Europe, remède miracle et bouc émissaire

Selon la presse, François Hollande veut « sortir l'Europe de sa langueur ». On se demande dans quel dimension il vit pour proférer pareil propos. L'Europe n'a jamais été aussi active. Entre l'aide au pays en difficultés, et la réforme bancaire, elle n'a jamais évolué aussi rapidement.

Ce que veut Hollande, c'est que l'Union européenne emprunte pour donner de l'argent à ses membres. C'est toujours l'idée d'une relance par l'endettement financée par l'Europe que veut le socialiste. Il se place ainsi dans la continuité de l'utilisation que font les politiciens français de l'Europe.
Quand il s'agit de voter un référendum, l'Europe est parée de tous les atouts. Ceux qui votent contre sont des europhobes. Car l'Europe doit permettre à la France d'imposer sa politique à tout le continent. Par contre, quand la France connaît des difficultés économiques, c'est la faute à l'Europe. Celle-ci libéralise les services, et tire les salaires vers le bas, où elle maAintient un euro trop fort et pénalise les exportations françaises.
Aujourd'hui, Hollande refuse toute réforme en France et attend le salut de l'Europe. Pourtant, croire qu'un emprunt européen relancera par miracle l'économie est une totale absurdité.
En effet, pour emprunter, l'Union européenne a deux solutions. Soit les États membres garantissent les emprunts. Ce qui fait que les emprunts dépendent de leur capacité à rembourser, finalement. C'est déjà ce qui existe aujourd'hui pour l'aide aux pays en difficultés. Et ne change rien pour la France.
Soit l'Union européenne instaure un nouvel impôt, sur les citoyens, les entreprises ou les nations, pour rembourser l'emprunt. Ce qui signifie des prélèvements supplémentaires sur la France. Et donc plus d'austérité. D'autant que la France est la deuxième économie de la zone euro. Elle supporterait une part importante d'un emprunt européen.
De plus, le taux d'intérêt d'un emprunt européen ne serait pas forcément très bas. Il dépendrait de la situation de l'Union dans son ensemble. Le taux pourrait dépendre du maillon le plus faible. Un problème en Espagne et le taux augmenterait. Finalement, la France devrait, indirectement, payer un taux plus élevé que pour ses propres emprunts.
Hollande considère sans doute que c'est l'Allemagne qui paiera. Mais l'Allemagne n'a pas une situation budgétaire si saine. Son endettement est important, du même ordre que celui de la France. D'autre part, l'Allemagne n'est pas assez grande pour financer l'Europe à elle seule. La France est la deuxième économie de la zone euro, l'Italie la troisième. L'Allemagne n'est pas à ce point puissante pour financer ces pays.
François Hollande propose donc un emprunt européen sans se soucier des modalités qu'il pourrait prendre. Dans la droite ligne de l'attitude des politiciens français vis-à-vis de l'Europe. Et se défausse sur l'Europe des problèmes de la France : si la France va mal, c'est la faute à l'Europe qui ne veut pas l'aider !
Et pourtant, la France a beaucoup profité de l'Union. Son agriculture s'est construite avec l'Europe. L'euro a maintenu des taux d'intérêt très bas pour les entreprises et les particuliers. L'euro a permis à la France d'emprunter à des taux très bas, et continue de lui permettre d'emprunter à des taux très bas. L'euro permet le déficit budgétaire, et la politique de relance que mène le pays. En effet, les établissements financiers de la zone euro ont des obligations d'investir en euro, et dans des titres d’État. La France, dans une Europe en crise, est un des pays les moins mal en point. Elle a une économie diversifiée. Son marché obligataire est large. Donc des capitaux affluent pour financer la France. Ils affluent d'autant plus que les difficultés d'autres pays réduisent le choix des gérants de fonds.
Malheureusement, la France n'a pas utilisé les facilités que lui offre l'Europe pour chercher à améliorer son économie. Elle en a profité pour ne rien faire. Et elle accuse l'Europe qui l'aide de l'obliger à des efforts, alors que l'Europe soulage les efforts que la France devrait faire sans elle. Ce faisant, elle crédibilise les extrémistes qui accusent eux aussi l'Europe.
L'Europe est une grande idée. Elle a permis la paix. Là est son plus grand apport. Auparavant, une crise comme celle d'aujourd'hui entraînait une guerre. Ce sont les leçons des guerres qui ont conduit à l'Europe. Malheureusement, les politiciens ne respectent rien. Ils sont prêts à gâcher une belle idée à leur intérêt personnel.