|
Il peut se le foutre dans le cul son doigt |
Pour sortir de la croissance zéro, le président de la République veut reprendre la main. Un séminaire ministériel à donc été organisé ce jeudi à l'Élysée, censé donner un nouveau souffle au programme investissement d'avenir que Nicolas Sarkozy avait décidé à l instigation d'Henri Guaino en 2010.
Problème, il n'est pas question de faire de l'affichage de milliards, au moment ou le gouvernement s'efforce de faire passer le message de la rigueur budgétaire. Pas de nouveau grand emprunt en perspective donc, même si en additionnant des choux et des carottes, ce sont bien quelques dizaines de milliards qui pourront être mobilisés pour soutenir l'activité, dés cette année, dans quelques domaines clefs.
"On ne croit plus du tout à la dépense publique massive pour traiter des sujets d'investissements", avait résumé avant la réunion un conseiller de l'Elysée, faisant valoir que "ce serait complètement incohérent avec les mesures de consolidation et de redressement budgétaire qui sont en cours". La question c'est de savoir "comment on prépare l'avenir de la France, en période de disette budgétaire", a-t-il ajouté. Jean-Marc Ayrault s'est félicité sur le perron de l'Elysée que le gouvernement ait pu faire "un bilan complet de la question" des investissements d'avenir en définissant "une méthode" et "des priorités".
Si un complément d'emprunt n'est pas exclu, selon l'Élysée, pour redonner des marges de manœuvre à la stratégie d'investissement d'avenir, dont Louis Gallois a la charge, c'est surtout une nouvelle démarche que François Hollande veut impulser : l'alliance de l'investissement public et privé.
Un coup de com'
Bien sûr, le séminaire organisé ce jeudi s'inscrit donc surtout dans la stratégie de communication du chef de l'Etat qui tente de compenser son absence de réelle marge de manœuvre par un activisme tous azimuts. Avec cette communication sur les investissements d'avenir, l'intention est bien de redonner aux investisseurs privés plus de visibilité pour les convaincre d'anticiper et d'accélérer des projets d'investissements aujourd'hui gelés en raison des fortes incertitudes qui pèsent sur la conjoncture. Objectif : débloquer des projets programmés pour 2014 et 2015 afin de lutter contre les tendances récessives actuelles.
François Hollande a donc présenté dans la foulée lors d'une visite d'entreprise à Pessac, en Gironde, sa "stratégie pour moderniser la France à l'horizon 2020". Le chef de l'Etat a fixé l'objectif : "il n'y a pas d'avenir possible sans investissements (...) Nous avons besoin d'une vision à long terme d'une ambition collective" et "j'ai demandé au gouvernement de préparer une feuille de route pour dessiner la France des prochaines décennies".
En ce qui concerne la méthode, le président de la République a que "tout l'enjeu, ce n'(était) pas d'aller chercher des investissements nouveaux, nous n'en avons pas à notre disposition sur le plan budgétaire, mais de mieux mobiliser ce qui existe déjà". Il a notamment précisé avoir demandé que "soient redéployés 2 milliards d'euros" prévus pour les investissements d'avenir. Partisan d'une méthode "pragmatique", il a défendu les partenariats publics-privés (PPP) pour investir dans "cinq grands domaines d'investissements essentiels" : le logement, la rénovation thermique et la transition énergétique, le numérique, les transports, l'aéronautique.
Pour la rénovation thermique, "le Premier ministre présentera dès février un programme de financement", a-t-il précisé. Quant au numérique, il a fixé l'objectif que la France soit "couverte en haut débit d'ici 10 ans",
M. Hollande a appelé à utiliser tous les dispositifs existant estimant notamment que la France ne devait pas hésiter à "aller au guichet de la BEI" (banque européenne d'investissement), soulignant qu'elle avait participé à son augmentation de capital". Il a aussi préconisé la "promotion du crédit d'impôt compétitivité emploi".
Remobiliser notamment les assureurs
Ce plan d'action du gouvernement vise à relancer plusieurs domaines clefs. S'agissant du logement, d'abord, il s'agit de remobiliser les investisseurs institutionnels notamment les assureurs, en augmentant la rentabilité de l'investissement en immobilier résidentiel tombé à 2% contre 6% pour le commercial et les bureaux. Pour cela, l'Etat va accélérer le programme de libération de foncier et l'allégement des contraintes réglementaires qui rallongent les délais pour les permis de construire. Un allègement des contraintes que, déjà, voulait mettre en œuvre Nicolas Sarkozy....
Le plan de rénovation thermique des logements sera aussi dynamisé, notamment en incitant mieux les bailleurs à engager les travaux. Le crédit d'impôt rénovation thermique devrait aussi être amélioré. Il représente un investissement de sept milliards d euros.
Identifier les priorités en matière d'infrastructures
Deuxième axe, les infrastructures. Le schéma du plan national de transport (200 milliards d'euros) sera revu pour mieux identifier les priorités. Une négociation est en cours avec les sociétés d autoroute pour les inciter à financer des nouveaux tronçons en échange soit d'un allongement des durées de concession, soit d'un réaménagement des redevances reversées à l'Etat. Le Grand Paris relève ainsi de cette stratégie, tout comme le plan numérique.
Redéploiement budgétaire
Les financements encore très flous, viendront du redéploiement de dépenses budgétaires prévues dans le programme pluriannuel, des deux milliards d'euros encore non dépensés par le programme investissements d'avenir, quitte à réabonder en fonction des nouveaux besoins identifiés notamment par les universités, de la mobilisation des fonds d'épargne de la CDC issus de l'augmentation du plafond du livret A (20 milliards seront mis à disposition de projets d investissements publics notamment les hôpitaux) et du pacte européen pour la croissance : l'augmentation de capital de la BEI à laquelle la France vient de participer à hauteur de 1,6 milliard va permette de doubler, à plus de sept milliards, la capacité de tirage sur ses financements.
Des moyens à la hauteur des ambitions?
On se trouve là loin du discours ambitieux de certains élus socialistes qui, comme Karine Berger, plaidaient encore il y a peu pour un Grand Emprunt annuel. Les temps ont changé, même si le bas niveau des taux d'intérêt offre la tentation de financer à bon compte des projets à long terme. Des ajouts ponctuels aux investissements d'avenir ne sont pas exclus mais dans une optique nouvelle inspirée par l'expérience de feu l'agence de l'innovation industrielle promue par Jean Louis Beffa. Ce qu'il faut, indique-t-on à l'Elysée, c'est inviter le secteur privé à augmenter son effort d investissement et pour cela apporter des financements publics ciblés sur les projets de R&D de rupture. On est plus dans le "cousu main" et dans "l'accompagnement de la mise sur le marche de projets innovants".
Quelle peut-être la portée d'un tel plan ? Les experts les plus sérieux, tels que ceux de l'Insee, soulignent que le taux d'investissement est resté particulièrement élevé, en France, s'agissant du secteur privé. Les entreprises privées investissent à hauteur de 18,5% de leur valeur ajoutée, contre 17% en 2009, alors même que les tensions sur les capacités de production se réduisent, logiquement, avec l'affaiblissement de l'activité industrielle. Le risque existe donc d'une chute en 2013, que le plan du gouvernement aura bien de la peine à contrecarrer.