TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mardi 20 décembre 2011

LVMH avance ses pions chez Hermès

C'est une annonce en forme de pied-de-nez : le numéro un mondial du luxe LVMH a encore accru sa part dans Hermès, alors que la famille Hermès vient de lancer une holding pour contrer les appétits du patron de LVMH, le milliardaire Bernard Arnault.
Entré par surprise en octobre 2010 dans le sellier, en prenant 17 % du capital, puis passé à 21,4 % malgré les protestations de la famille Hermès, LVMH détient désormais 22,28 % du capital et 16 % des droits de vote, selon une déclaration de franchissement de seuil publiée mardi par l'Autorité des marchés financiers (AMF).
Il y a moins d'une semaine, les actionnaires familiaux d'Hermès, qui détiennent plus de 72 % du capital, avaient de leur côté annoncé le lancement d'une holding baptisée H51, arme anti-LVMH dans laquelle ils ont immobilisé 50,2 % de Hermès pour vingt ans, avec un droit de préemption sur 12,3 % supplémentaires. Seul le principal actionnaire familial n'y participe pas, Nicolas Puech, qui détient 6 %. Dans la foulée, Patrick Thomas, le gérant d'Hermès, assurait que "s'il y a eu une guerre [avec LVMH], elle est finie". Pour autant, ajoutait-il dans cette interview au Figaro, "nous avons toujours la même demande" envers LVMH… à savoir qu'il quitte le capital de Hermès.
MÉTHODE INDIGNE
Hors de question, répond aujourd'hui LVMH. Le groupe détient désormais, via des sociétés qu'il contrôle, plus de 23 millions d'actions Hermès sur un total de quelque 105 millions. Quant au franchissement du seuil de 15 % de droits de vote, il "résulte d'une réduction du nombre total de droits de vote de la société Hermès international", selon l'AMF. Et LVMH n'entend pas s'arrêter là. Dans sa déclaration au gendarme de la Bourse, il reconnaît "envisager de poursuivre, le cas échéant, ses achats d'actions Hermès international, en fonction des circonstances et de la situation du marché". Et d'évoquer un investissement "stratégique et de long terme", mais sans intention de "prendre le contrôle de Hermès International ou de déposer une offre publique d'achat", ni de demander un poste au conseil de surveillance. Dans les faits, si LVMH réclamait un tel poste, il se verrait sans nul doute opposer une fin de non-recevoir.
Aujourd'hui, la famille Hermès fait bloc et s'estime à l'abri de toute prise de contrôle hostile grâce à sa holding. Le flottant (actions en circulation en Bourse) se situe désormais autour de 5 %, la famille détenant plus de 72 % des actions de Hermès.
LVMH a indiqué à l'AMF détenir un contrat d'échange de flux financiers sur actions ("equity swaps"), qui porte sur l'équivalent de 205 997 actions Hermès, à échéance de moyen terme. C'est par le biais de ces produits dérivés, complexes instruments financiers, que le numéro un du luxe avait réussi l'an dernier son entrée par surprise dans Hermès, une méthode considérée comme indigne par la famille Hermès.
MOI QUI CONNAIS LA MAISON HERMÈS DEPUIS LONGTEMPS, JE TROUVE INDECENTE LA DÉMARCHE DE LVMH.
AXÉE SUR LE PROFIT PLUTÔT QUE SUR LA TRADITION.

Du toujours plus au bientôt moins

Comment les Français découvrent-ils soudain la réalité de leur état, sinon dans "d'étranges défaites", celles jadis de nos armes et aujourd'hui de nos finances ? Pour un de Gaulle, un Barre, les Français ne voient clair que tombés au fond du puits. Ils ne s'en sortent qu'avec la vérité.

Derrière les crises enchaînées de la dette, de l'euro et de l'Europe gît encore l'essentiel : la révolution d'un monde globalisé qui entre, chez nous, par portes et fenêtres. Un monde où des milliards de pauvres sortent peu à peu de leur mélasse, s'enrichissent et bousculent un ordre ancien où perduraient nos privilèges. Les agences de notation, comptables de l'économie de marché, sont, ce coup-ci, devenues oracles de notre destin. Pourquoi, sinon que son effarante dette publique a jeté la France sous leurs calculettes ?

En vérité, le seul déclassement qui devrait nous convaincre, c'est celui d'un double A : celui des "avantages acquis". Car ils ne sont plus acquis.

Le couple franco-allemand, avec une obstination méritoire, vient d'imprimer à l'Europe un pas réputé décisif en ce qu'il aborde avec son pacte de stabilité budgétaire les rudiments d'une gouvernance économique sans quoi l'euro n'existera plus.

Historique, alors ? Attendons ! On sait que la France fut plusieurs fois incapable d'ajuster ses dépenses à ses jactances. Et constatons que la défection insulaire de Londres aura, pour nous réconforter, bénéficié au concours de quelques pays qui, hors même les 17 de la zone euro, épousent le processus de peur de rater le train d'une nouvelle Europe.

Mais ce train lui-même ira-t-il à bon port ? Il rencontre d'emblée deux gros obstacles. On doute d'abord que les pays du Sud supportent une très sévère cure de désendettement. On craint que, privés de croissance, ils ne tombent de léthargie en catalepsie. Or, la récession menace. Devant elle, l'encadrement prescrit à Bruxelles n'abolira pas les diversités culturelles, et donc politiques, des nations. L'Allemagne, avec une industrie très exportatrice et, depuis 2003, de bonnes réformes accomplies, rallie à ses vues - et tant mieux ! - une approche vertueuse de l'Europe en confection. Mais la France, elle, n'est toujours pas réformée et se complaît encore dans des aménités sociales uniques au monde.

Contre l'accord de Bruxelles, l'opinion française se verra travaillée par la tentation souverainiste qui se déploie sur le Front de gauche et le Front national : elle fera de l'euro un bouc émissaire, porteur de tous les virus de régression sociale. C'est encore miracle de constater qu'avec Sarkozy, Hollande et Bayrou la triplette pro-européenne tient bon. Mais le monde - et les marchés - reste - on le voit - sceptique sur notre capacité politique (et syndicale) à réformer le panier percé de nos dépenses publiques. À passer sans drame du toujours plus au bientôt moins. Dans l'accablement de la crise, jamais, depuis la guerre, nos politiques n'auront affronté un si redoutable défi démocratique.

Le second obstacle tient à l'affaiblissement mental et moral de nos vieilles nations. Le conservatisme nationaliste, le mirage souverainiste y sont autant de rétractions, de replis hors de la planète où nous vivons. Au sein des pays riches, nous peinons encore à considérer la révolution qui travaille le monde depuis que les pauvres ont abandonné, avec le communisme, la condamnation marxiste de l'économie de marché.

À mes yeux, le jour qui, symboliquement, a tout changé est celui où Deng Xiaoping quitta le chat noir de l'anticapitalisme pour rallier le chat blanc de l'économie de marché. "Peu importe sa couleur, disait-il, pourvu qu'il attrape les souris." Depuis, la Chine ne cesse d'en attraper. La quasi-unanimité de ce qui fut le tiers-monde vogue dans ce sillage et devient le "tiers état" du monde nouveau.

S'y détachent les "émergents". Ils ont, dans leur enfance, vu arriver l'eau courante, l'électricité, la télé et la médecine. Ils trouvent la science généreuse et l'avenir prometteur. Ils se voient comme la jeunesse du monde. Ils tiennent nos nations pour autant de vieilles dames indignes, hypothéquant leur patrimoine aux pétromonarchies arabes et à la Chine. Le terrain où ces jeunes malabars nous entraînent, c'est celui de la compétitivité et de l'innovation. Nous n'y sommes pas infirmes, mais engourdis.

"Dans l'optimisme des émergents, il y a la griserie d'un pouvoir ascendant. Dans notre pessimisme, il y a la déprime d'un pouvoir déclinant" (Marc Ullmann) 1. Car les émergents devront, eux aussi, affronter un jour l'aspiration libertaire et la revendication sociale, comme on le devine déjà en Russie et en Chine. Mais nous connaîtrons, nous, un défi plus pathétique : celui de voir périr cette illusion que l'Histoire s'assoupirait avec nous.
Click here to find out more!
Claude Imbert


1.Lettre, toujours fertile, du Club des vigilants.

«Surmenage mental»

Le régime nord-coréen a un talent inégalable pour faire confiner le sinistre et le loufoque. La mort de son «Cher leader» lui a donné une occasion de se surpasser dans ce registre singulier. La qualification de la cause profonde du décès de Kim Jong-Il n’est pas la moindre des drôleries involontaires des plumes serviles de Pyongyang. «Surmenage mental»: cela pourrait tenir de l’humour décalé pour signer l’acte de décès d’un des chefs d’État les plus authentiquement paranoïaques de la planète.

Les rares témoins qui ont pu approcher le personnage parlent pourtant d’un homme au comportement étrangement normal en dépit d’une cinéphilie monomaniaque qui laissait transparaître une admiration baroque pour… Jean-Paul Belmondo. Ce tyran de carnaval a réussi, pourtant, à asservir son pays au-delà des limites les plus sombres. Les pleurs, grincements de dents et autres manifestations théâtrales qui ont accueilli sa disparition ne sont pas le signe d’un soupçon d’humanité et de sentiment au cœur d’une nation autarcique. Toute cette émotion démonstrative est au contraire la preuve – hélas – de la folie totale d’un système qui a réussi, en circuit fermé, à transformer ses citoyens en robots obéissants. L’effacement du maître qui les manipulait provoque une impression, sincère, de manque… Ce stade ultime de la lobotomisation des esprits a de quoi provoquer l’effroi tant il est mécaniquement organisé dans un état où les intelligences sont capables de maîtriser la technologie nucléaire.

On cherche en vain des raisons d’espérer dans la transition de longue date préparée par le défunt, de la même façon que son père, Kim Il-Sung, l’avait envisagée pour lui. Ces despotes de père en fils réussissent l’exploit de cadenasser l’univers concentrationnaire dont dépend leur pouvoir, et qui survit à leur règne. Toute forme de contestation, toute forme de contre-pouvoir moral ou religieux, toute forme d’autorité autre que la leur a été éradiquée, ruinant par avance toute perspective d’évolution.

L’Amérique et la Chine ne souhaitent d’ailleurs rien de plus que «la stabilité» de cette zone stratégique pour toute la région, et pour le monde. Même la Corée du Sud, qui souffre depuis plus d’un demi-siècle d’une partition bien plus douloureuse que ne fut de l’Allemagne, ne rêve plus vraiment de réunification… Comment adresser messages plus désespérants à un peuple abandonné par l’Histoire ?

L'enjeu nord-coréen

Kim Il-sung, le fondateur. Kim Jong-il, le père de l'État nucléaire. À présent, Kim Jong-un, le général méconnu. La dynastie nord-coréenne, seule dynastie communiste de la planète, prête souvent à sourire. Comme un curieux film muet projeté à distance de milliers de kilomètres. Avec son dictateur et les paillettes du régime. Avec ce peuple qui pleure sa mort à chaudes larmes, à la télévision comme dans la rue. Comme si, anthropologiquement, une zone de dépression affligeait tout un pays.

Le choix même des noms semble sorti d'un mauvais film. Kim Jong-un, qui va succéder au leader défunt, signifie « nuage vertueux » en coréen. La parodie est tentante, évidemment. Irrésistible même. Elle masque pourtant un régime dictatorial sans pitié, qui affame son peuple et dont l'arme nucléaire constitue une menace constante pour la stabilité du Pacifique nord.

Accueillie avec inquiétude à Washington, ravivant les craintes fondées de Séoul et Tokyo, l'annonce, hier, de la mort de Kim Jong-il rappelle à l'attention du monde la persistance du conflit irrésolu entre les deux Corée depuis 1953. Ce fut l'un des grands affrontements de la Guerre froide entre Soviétiques et Américains. C'est l'un des grands enjeux stratégiques entre Chinois et Américains, dans une région du monde, le Pacifique, devenue aujourd'hui centrale.

Depuis qu'ils ont supplanté les Soviétiques dans le soutien au régime coréen, les Chinois n'ont pas fléchi d'un pouce dans leur recherche de statu quo. Ils sont les seuls vrais alliés du régime. La réunification des deux Corée signifierait pour Pékin l'établissement d'une frontière directe avec un pays qui accueille d'importantes bases militaires américaines, où plus de 28 000 soldats sont stationnés. Aussi, les dirigeants chinois continuent-ils de tenir en vie cette étrange dynastie, mêlant héritage léniniste, peur de la bombe et culture traditionnelle.

Manifestement préparée, la transition en cours à Pyongyang a d'autant plus réveillé les craintes de déstabilisation, que le régime a choisi ce jour de deuil pour faire deux essais de missiles à courte portée. Les essais nucléaires de 2006 et de 2009 sont encore dans toutes les mémoires des capitales de la région, notamment au Japon.

La mort de Kim Jong-il intervient alors que Washington et Pyongyang étaient sur le point de relancer leur dialogue portant sur l'apport d'une aide alimentaire américaine en échange d'un gel du programme nucléaire. Alterner le chaud et le froid est le propre de tous les régimes dictatoriaux. On se souvient, au début des années 2000, des tentatives de rapprochement entre les deux Corée et des visites officielles à Pyongyang des responsables sud-coréens et japonais. Avant une nouvelle phase de gel des relations régionales.

Le changement à la tête de cet État-prison sans égal sur la surface du globe, avec toutes les incertitudes qui planent sur la réelle capacité de « nuage vertueux » à prendre les rênes du pouvoir, ouvre néanmoins une fenêtre diplomatique. Si l'état d'alerte était, logiquement, de mise hier en Corée du Sud, les responsables américains et chinois sont surtout prudents. Le maître mot est la stabilité. Autorise-t-elle une évolution ? C'est à Pékin que se joue l'ouverture au monde de cet État-prison. Autant dire une ouverture, si jamais, fatalement contrôlée.

Ne pas se plaindre, mais s'expliquer

La formule est très anglaise, il faut donc la citer en anglais : « Never complain, never explain. » Ne pas se plaindre, ne pas s'expliquer. Je fais ce que je dois, ou ce que je veux, sans avoir de comptes à rendre. Dans le premier cas, je suis conduit par ma morale ; dans le second par mon plaisir ; dans les deux, j'assume mes choix sans avoir à les justifier.

C'est l'expression de toute la superbe aristocratique, la manifestation orgueilleuse de l'autorité. Je suis votre chef ou votre roi, je ne vous dois rien et je ne vous demande rien d'autre que de me suivre sans rien attendre de moi. Évidemment, le principe fonctionne dans un régime autoritaire, moins dans une démocratie.Dans une société régie par la souveraineté du peuple, les élus doivent éviter de se plaindre et accepter de s'expliquer. Ce n'est pas toujours le cas. Il arrive que des responsables politiques, de premier plan ou pas, aux prises avec quelques difficultés judiciaires, s'empressent de se lamenter pour n'avoir pas à se justifier.

On a beaucoup plaint Jacques Chi-rac. Lui-même a indiqué qu'il ne ferait pas appel du jugement. « Je n'ai plus, hélas, les forces nécessaires pour mener, par moi-même, le combat pour la vérité. » Jacques Chirac, ou son entourage, utilise l'état de santé dégradé de l'ancien président de la République pour jeter l'éponge en s'appuyant sur la sympathie - très forte - de l'opinion.

Son grand âge, ses trous de mémoire, les services éminents rendus à la France devaient, pour certains, le dispenser de peine. C'est effectivement une triste fin de vie. L'homme et l'ancien chef de l'État méritaient mieux. Mais s'il avait accepté de s'expliquer plus tôt, de rendre les comptes qu'il devait aux Français, il n'aurait pas aujourd'hui à se plaindre que la justice le poursuive jusqu'au bout.

La démocratie est un combat quotidien contre de vieux réflexes. Nos élus, grands et petits, s'engagent, se battent, brûlent souvent leur vie au bénéfice de leurs mandats. On peut leur en savoir gré, on n'est pas obligés d'être ingrats. Mais on ne voit pas bien en quoi cet investissement personnel leur apporterait une immunité éternelle.

Élus, ils le sont parce qu'ils l'ont voulu. Élus, ils le sont aussi parce que nous l'avons voulu. Alors, quand leurs actions patinent un peu, quand leurs décisions surprennent, quand leur mandat s'achève, ils nous doivent des explications.

Et quand ceux qui font la loi, la votent et la défendent, se permettent de s'asseoir dessus, ils doivent bien quelques éclaircissements aux juges et au peuple. Et les fournir sans se plaindre.

Il arrive que des responsables politiques, de premier plan ou pas, s'empressent de se lamenter pour n'avoir pas à s'expliquer.