La non reconduction d'Anne Lauvergeon à la tête d'
Areva
en juin 2011 n'en finit pas de livrer ses secrets. Après les
confidences d'Anne Lauvergeon elle-même, dans son ouvrage paru au
printemps, sur les arrière-pensées qu'elle prête à Nicolas Sarkozy,
voici un tout autre éclairage. Non seulement les socialistes ont été «
discrètement associés au processus de désignation de son successeur » à
la tête d'Areva, affirme le journaliste Thierry Gadault dans son dernier
livre « Areva mon amour », mais encore l'ont-ils été dès avril 2010.
Le scénario était arrêté et transmis au PS dès le printemps 2010
« Nicolas Sarkozy va attendre la fin de son mandat en juin 2011 pour la
faire partir, tout en lui proposant un autre poste qu'elle ne pourra que
refuser », expliquait à l'auteur en avril 2010 un responsable
socialiste qui a demandé à rester anonyme. Ce printemps là, Areva et ses
associés venaient de rater le méga appel d'offres d'Abu Dhabi. L'Elysée
ne cachait pas sa fureur et recevait des candidats à sa succession,
dont MarwanLahoud d'
EADS et Yazid Sabeg de C&S. Pour effectivement ne rien faire avant l'échéance du mandat d'Anne Lauvergeon, un an plus tard.
Des proches de Pierre Joxe consultés sur le choix du remplaçant d'Atomic Anne
Et à ce moment là, des membres du PS sont consultés, selon cette même
source interrogée par Thierry Gadault. « Deux jours avant l'annonce du
non-renouvellement d'Anne Lauvergeon à la tête d'Areva, Xavier Musca, le
secrétaire général de l'Elysée, a contacté, à la demande de Nicolas
Sarkozy, des dirigeants socialistes dans l'entourage de Pierre Joxe pour
savoir qui était leur candidat préféré. Marwan Lahoud, le directeur
stratégie d'EADS et favori du gouvernement, s'étant fâché avec des
socialistes influents au sein de l'appareil, c'est Luc Oursel qui a été
nommé », affirme ce responsable socialiste. Luc Oursel, ancien
conseiller de Pierre Joxe au ministère de la Défense, qui dès février
2011 savait que sa « patronne » ne serait pas reconduite, selon un cadre
d'Areva cité dans « Areva mon amour »....
" 'On' avait peur d'elle, de ce qu'elle savait "
Reste à savoir pourquoi l'Elysée, si hostile, n'a pas débarqué Anne
Lauvergeon au printemps 2010, alors que l'Etat détenait près de 90 % du
capital d'Areva. Thierry Gadault, qui décrit très précisément les
nombreuses luttes intestines qui ont modelé en France la filière
nucléaire, suggère une raison. Rappelant les motifs officiellement
avancés pour justifier le départ, avant l'échéance de son mandat chez
Thomson, d'Alain Gomez, l'auteur écrit : «Le même argument aurait très
bien pu servir pour justifier le départ d'Anne Lauvergeon. Si l'Etat ne
l'a pas utilisé, c'est simplement qu' »on » avait peur d'elle,de ce
qu'elle savait et de ce qu'elle aurait pu donner à la presse ou à la
justice ».
Lauvergeon, sherpa à l'Elysée pendant l'affaire Karachi
Le journaliste rappelle qu'en 1993-1995, lors de la vente des
sous-marins de la DCN au Pakistan, vente liée à l'attentat de Karachi en
2002, c'est Nicolas Sarkozy qui était ministre du budget d'Edouard
Balladur, accusé d'avoir financé sa campagne présidentielle avec des
sous-commissions liées à cette vente. Et à l'Elysée occupée par François
Mitterrand, c'est Anne Lauvergeon qui, en tant que conseillère
diplomatique du président socialiste, « avait accès aux documents
relatifs aux grands contrats internationaux ». « Comme la presse
multiplie les révélations sur l'affaire Karachi, la rumeur va rapidement
attribuer à la reine de l'atome l'origine de ces révélations », note le
journaliste.
Areva mon amour Thierry Gadault
François Bourin Editeur 164 pages. 19 euros