TOUT EST DIT

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jeudi 3 février 2011

Pourquoi les marchés votent pour l'euro


Deux mille dix, une année épouvantable pour l'euro. Enfin, c'est ce que suggèrent les apparences. La crise grecque a ouvert une période chaotique. On a vu à l'oeuvre, si l'on peut dire, une Union monétaire sans mécanisme de coordination budgétaire. Il a fallu des semaines, des mois de négociation pour aboutir à des compromis pas toujours convaincants. Les opposants de toujours ont eu de quoi nourrir leur hostilité de principe à la monnaie unique ! Au lendemain de l'été, une accalmie s'était produite, elle n'a pas duré. L'Irlande, réputée sérieuse, sombrait ; il fallait s'attendre à ce que le Portugal suive et donc l'Espagne, et là ce serait vraiment le commencement de la fin.


C'est une façon de raconter l'histoire mais, curieusement, elle ne reflète pas tout à fait la réalité. Que voit-on en restant plus près des faits ? L'euro reste la monnaie internationale qu'elle est rapidement devenue après sa création. Sa part de marché dans le commerce, la finance ou les réserves mondiales n'a pas été affectée par les turbulences récentes. Revenons à son parcours : l'euro a été introduit à 1,19 dollar, ce qui correspond plus ou moins à sa parité de pouvoir d'achat, il a connu au début des années 2000 une période difficile, tombant à 0,84 dollar. Après les épreuves traversées en 2010, on pourrait imaginer un mouvement de défiance similaire. A en croire la presse financière anglo-américaine, l'euro devrait être moribond. Eh bien, pas du tout, l'euro fluctue depuis cinq ans au voisinage de 1,35 dollar, son niveau actuel. Non seulement l'Asie n'a pas vendu l'euro au coeur de la tourmente, mais la Chine a même augmenté (de 20 à 26 %) la part de l'euro dans ses pléthoriques réserves de change.


Ce qui s'est produit en Europe depuis un an est spectaculaire. La crise a forcé à reconnaître les défauts de conception de la zone euro. Une coordination budgétaire et financière plus étroite, ce que l'on appelle en France une sorte de « gouvernement économique de l'euro », se met en place. Douloureusement, c'est vrai, mais résolument. Deux aspects de ces négociations presque non-stop depuis avril dernier sont frappants : 1- Le retour de la coopération franco-allemande comme moteur de l'action commune, le sommet de Deauville en ayant été une illustration frappante ; 2- Un certain pragmatisme allemand qui, au-delà de réactions rhétoriques parfois maladroites, a en définitive servi l'intérêt général européen, en préservant ses intérêts propres, bien sûr, comment pourrait-il en être autrement ?


Beaucoup reste encore à négocier, aussi bien en matière de prévention que de gestion des crises. Mais l'issue ne fait plus de doute : il y aura en mars prochain accord sur les outils permettant à l'avenir d'encadrer les procédures budgétaires et de traiter le cas de pays en difficulté. C'est parce que ces efforts sont mieux compris que les marchés, tout en restant vigilants sur les nombreux écueils qui demeurent, accordent leur confiance à l'euro : la semaine dernière, le Fonds européen de stabilité financière a rencontré un succès impressionnant, levant 5 milliards d'euros face à des ordres s'élevant à 45 milliards !


Ce qui précède est évidemment un facteur d'espoir pour la zone euro, mais d'autres difficultés se profilent. Celles traversées depuis un an ont eu leur bon côté, l'euro est fort mais il est resté à une parité raisonnable, les exportateurs ont tiré profit de la reprise mondiale en 2010. Si notre pronostic est correct, il faut s'attendre à un nouvel engouement en faveur de l'euro (en juillet 2007, il avait été propulsé à 1,60 dollar) surtout si se diffusaient les inquiétudes sur la situation budgétaire aux Etats-Unis ou sur les conséquences du passage graduel à un monde multipolaire - et donc multimonétaire.


Il y a ensuite la question centrale de la croissance et de l'emploi en Europe. La croissance européenne reste faible, elle est incapable d'apporter une vraie amélioration du marché du travail, elle est décourageante par rapport aux performances d'autres zones, l'Asie bien sûr mais aussi les Etats-Unis, et ce serait pire si la monnaie unique était aspirée vers le haut. Il ne faudra pas se tromper de priorité en 2011. La dette des pays périphériques pourrait bientôt cesser d'être l'objet de préoccupations obsessionnelles. Il va falloir remettre sur le métier la question de l'investissement, de l'emploi, du régime de croissance futur. Sur ces questions-là, également, il sera bientôt temps de renforcer les mécanismes de coopération au sein de la zone euro. Quel que soit le nom qu'on lui donne, on n'a pas fini d'entendre parler en Europe de gouvernance économique et politique !

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