TOUT EST DIT

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dimanche 1 novembre 2009

James Baker : «La guerre froide aurait pu se terminer en big bang»

Ami personnel de George Bush père, James Baker était le patron de la diplomatie américaine en 1989. Il explique au «Figaro Magazine» le rôle déterminant joué par les dirigeants politiques de l'époque dans la chute du communisme.

En novembre 1989, quelques heures après la chute du mur de Berlin, Vernon Walters, ambassadeur des Etats-Unis en Allemagne, disait : «Nous avons gagné la guerre froide.» Elle a vraiment été gagnée ce jour-là ?

James Baker - Je dirais que les valeurs et les principes occidentaux ont eu le dessus. Au fond, c'est une discussion assez stérile. Dans ce pays, il est clair que les gens ont le sentiment de l'avoir gagnée, que les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux l'ont gagnée à travers ces quarante ans. Je ne dirais pas que la victoire a été remportée en cette année 1989. Elle est à mettre au crédit de beaucoup de gens qui ont fait triompher la liberté, la démocratie et l'économie de marché. Ce sont d'abord les nations captives d'Europe centrale et orientale qui ne se sont jamais soumises ; ensuite la constance de nos alliés, notamment les principaux leaders des nations occidentales quel que soit leur parti politique - aux Etats-Unis, des présidents démocrates et républicains, en France, des gaullistes et des socialistes, comme au Royaume-Uni des travaillistes et des conservateurs, et en République fédérale d'Allemagne des sociaux-démocrates et des chrétiens-démocrates.

Vous êtes devenu secrétaire d'Etat précisément en 1989, vous attendiez-vous à un tel bouleversement en prenant vos fonctions ?

En arrivant à la tête de la diplomatie en janvier, je n'aurais jamais pu imaginer que le mur de Berlin serait tombé avant la fin de l'année et que l'on pourrait circuler librement d'Est en Ouest. Quant à imaginer qu'à la fin de 1991, l'Union soviétique aurait implosé... Et franchement, nous n'étions pas les seuls. Si vous vous plongez dans les archives des différents acteurs de l'époque - Gorbatchev, Bush, Mitterrand, Kohl... -, il est clair que les choses avaient commencé à bouger à une vitesse surprenante.

En 1987, à Berlin, Ronald Reagan a prononcé la célèbre phrase : «M. Gorbatchev, abattez ce mur !» C'était un coup de poker ou y croyait-il vraiment ?

J'appartenais à l'Administration Reagan. J'étais secrétaire au Trésor. On avait la certitude que nos valeurs triompheraient parce qu'il est difficile de refuser la liberté aux gens. Quand j'ai dit que le mérite de la fin du communisme revenait à beaucoup de gens, il faut associer Gorbatchev et Chevardnadze. S'ils n'avaient pas renoncé à la force pour maintenir l'empire, le scénario eût été tout autre. Bien sûr que Reagan a joué un rôle, mais n'oubliez pas celui de George Bush père, qui a géré cette fin de partie en expert. La guerre froide ne devait pas obligatoirement se terminer aussi pacifiquement, elle aurait pu se terminer dans un « big bang ».

Qu'est-ce qui a provoqué l'écroulement du communisme ?

Un défaut fondamental dans la philosophie et dans le système : l'absence de liberté de la presse, de liberté de se réunir, de liberté de s'opposer politiquement. En plus de tout cela - et les responsables communistes de ces années-là l'avaient compris -, le système économique ne pouvait pas concurrencer la libre entreprise et le marché. L'Etat n'arrive pas à la hauteur de ce que les entreprises privées sont capables de faire.

Comment avez-vous appris la chute du Mur ?

C'était pendant un déjeuner officiel au 8e étage du Département d'Etat à Washington avec la présidente philippine Corazon Aquino. Un de mes assistants m'a apporté une note qui m'avertissait que les autorités est-allemandes venaient d'annoncer qu'elles accordaient la liberté de mouvement aux citoyens entre Berlin-Est et Berlin-Ouest. C'était une nouvelle époustouflante ! J'ai lu la note à voix haute. J'ai proposé un toast à la liberté et aux nations captives d'Europe centrale. Puis j'ai présenté mes excuses à mes invités et j'ai filé à la Maison-Blanche pour y retrouver le Président. J'ai passé le reste de la journée avec lui à tâcher de définir notre réaction aux événements. Souvenez-vous que la déclaration de George Bush a été très mesurée et pleine de retenue. Il a été beaucoup critiqué pour ça. Pourtant c'était, sans le moindre doute, la réponse et le ton qu'il fallait. Nous avions encore tant de dossiers à traiter avec l'Union soviétique. Et comme le Président l'a dit lui-même, ce n'était pas le moment de «danser sur le mur». A l'époque, nous soutenions de toutes nos forces les réformes de Gorbatchev et de Chevardnadze parce que nous pensions qu'elles allaient dans le bon sens. Nous ne voulions pas faire la moindre déclaration qui aurait pu saper leurs positions. D'ailleurs, le coup d'Etat mené contre lui en 1991 par les « durs » a montré que nous avions vu juste. L'issue pacifique du communisme a donné raison au président Bush.

Quelle a été votre priorité politique le 9 novembre ?

Pas d'arrogance, pas de triomphalisme, ne pas humilier les Soviétiques : c'était notre priorité. Ce n'est que deux ou trois jours plus tard que nous avons pensé à la réunification de l'Allemagne. Après tout, les alliés avaient soutenu cette issue pendant quarante ans. Mais personne n'avait envie d'aller trop loin et trop vite sur cette route. On peut le comprendre. L'histoire nous enseignait que l'Allemagne avait commencé deux guerres pendant ce siècle et que ses troupes avaient occupé une bonne partie de l'Europe occidentale.

Avez-vous dû faire de la médiation entre Français et Britanniques d'un côté et Allemands de l'autre ?

Le président Mitterrand était effectivement réticent au départ avant de se résoudre à l'idée de l'unité de l'Allemagne. Les Etats-Unis ont aidé à aplanir le problème. Mais, franchement, sa proximité et son amitié avec Helmut Kohl ont pesé plus lourd dans son changement d'attitude. Sans oublier son engagement personnel dans le projet européen. Il a compris assez vite que s'il aidait le chancelier à unifier l'Allemagne, cela ferait de lui en contrepartie un partenaire fiable vers l'intégration européenne.

Margaret Thatcher était encore plus réticente. Mais nous, Américains, n'avions pas ces réticences-là. Avions-nous peur que l'histoire se répète ? Non, nous ne le pensions pas. Mais la préoccupation des Européens était compréhensible. Nous n'avions pas été occupés. Notre priorité était que l'Allemagne réunifiée ne devienne pas un Etat neutre au cœur de l'Europe. Quand Helmut Kohl a pris l'engagement devant le président Bush que l'Allemagne unifiée serait membre de l'Otan, nous lui avons dit qu'il aurait tout notre soutien. Ce double engagement a été tenu. En fait, c'était un devoir envers l'Allemagne.

Mais Gorbatchev n'en voulait pas. Il a même dit récemment que les Etats-Unis avaient promis de ne pas étendre l'Otan au-delà de la RFA...

Ce n'est pas vrai ! Nous avons eu une discussion avec lui uniquement sur l'Allemagne de l'Est, jamais sur les autres Etats. Et même sur ce point, il n'a pas fait d'objection. Si, à l'époque, il avait insisté devant nous et devant Kohl pour que l'ex-RDA ne soit pas dans l'Otan, s'il avait dit «c'est à prendre ou à laisser», il l'aurait peut-être obtenu. Mais il ne l'a pas fait. Nous n'avons concédé qu'une chose : qu'il n'y ait pas d'autres troupes que la Bundeswehr sur le territoire est-allemand. Et Gorbatchev a accepté le marché. Il a même laissé son ministre des Affaires étrangères signer un document qui l'entérine. Comment peut-il affirmer aujourd'hui que nous avons fait une telle promesse ? C'est du révisionnisme.

Gorbatchev avait renoncé à utiliser la force. Avez-vous craint néanmoins une réaction violente de l'URSS ?

Quand Schabowski a annoncé que les gens pourraient sortir librement et que ceux-ci ont commencé à s'amasser devant les postes-frontières à Berlin, personne ne savait si les soldats soviétiques allaient vraiment rester dans leurs casernes. Mais laissez-moi insister sur un point : Gorbatchev et Chevardnadze seront bien traités dans les livres d'histoire car ils ont renoncé à la force pour maintenir l'Empire soviétique. Ils ont rejeté cette méthode, contrairement à ce que leurs prédécesseurs avaient fait en Hongrie en 1956 et en Tchécoslovaquie en 1968.

Des historiens disent qu'ils n'avaient pas le choix tant le financement de la perestroïka dépendait des prêts consentis par la RFA.

Il est évident que l'URSS cherchait des fonds à l'époque. Et, à l'instigation d'Helmut Kohl, la Dresdner Bank avait accordé d'importants crédits à Moscou. A l'époque de la guerre du Golfe, quand nous voulions éviter un veto à l'ONU, je leur ai moi-même trouvé 15 milliards de dollars auprès des Saoudiens ! Nous voulions que Gorbatchev réussisse. Nous avons travaillé dur, main dans la main avec lui.

D'où est venue l'idée de la conférence «2 + 4», qui réunissait les deux Allemagnes et Etats-Unis, URSS, Grande-Bretagne et France pour régler l'unification allemande ?

C'est une idée du Département d'Etat. Les Soviétiques tenaient beaucoup à régler cette question dans le cadre des quatre puissances. A un moment donné, alors que je négociais la mise en place de cette conférence, le président Bush m'a appelé en me disant que Kohl n'était pas chaud pour cette formule. J'ai appelé Genscher (le ministre des Affaires étrangères ouest-allemand, ndlr) et je lui ai dit de prévenir Kohl que le Président allait lui téléphoner. Le chancelier a dit au Président qu'il approuvait cette démarche sans réserve. Parfois, les relations directes sont préférables aux entourages... Et j'ai découvert combien il était important qu'un secrétaire d'Etat ait un lien d'amitié avec le Président. Si cela n'avait pas été le cas, il aurait écouté ces autres sources qui lui paraissaient sérieuses. Qui sait ce qui se serait passé ?

Helmut Kohl avait quand même pris tout le monde par surprise, vous y compris, en présentant un plan en dix points vers l'unité allemande, vingt jours après la chute du Mur...

Juste avant son discours, la Maison-Blanche a été avertie que le chancelier ferait une annonce importante devant le Parlement mais sans plus de détails. On a été surpris, c'est vrai. Mais, à cette époque, il n'y avait pas deux Etats qui coopéraient aussi étroitement que l'Allemagne et les Etats-Unis. Nous avions une relation sans nuage. On a été un peu pris de court, mais cela ne nous a pas empêchés de mener cette affaire d'unification jusqu'à son terme.

Cette initiative a jeté un froid, notamment à Paris et à Londres...

Je vous le redis : on nous a notifié la déclaration du chancelier, mais nous n'avons pas été consultés. Cela n'a pas été le cas pour la France et la Grande-Bretagne, qui ont été maintenues dans une totale ignorance. Et cela a créé un problème.

Comment jugez-vous l'évolution de l'Europe centrale pendant les vingt années écoulées depuis ?

La liberté dont jouissent les habitants de ces pays est parfaite. Et ils se portent beaucoup mieux qu'en 1989, infiniment mieux ! En 1993, j'avais écrit un article dans lequel je plaidais pour que l'Otan prenne un caractère un peu plus politique et un peu moins sécuritaire. Je demandais que tout Etat de la zone eurasienne qui adopterait la démocratie et l'économie de marché devienne éligible, y compris la Russie. Cela m'a valu des critiques, notamment chez les éternels tenants de la guerre froide. L'Administration Clinton n'a pas retenu l'idée. Mais aujourd'hui, je pense que cela aurait contribué à apaiser les tensions actuelles entre la Russie et l'Ouest. Quoi qu'il en soit, je pense que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France doivent soutenir vigoureusement les républiques ex-soviétiques qui ont fait le choix de l'indépendance. Et cela ne doit pas être lié au fait qu'elles souhaitent ou non rejoindre l'Otan ou l'Union européenne. L'indépendance n'est pas négociable.

Chirac renvoyé devant la justice

Jacques Chirac devrait être le premier ex-chef d'État français à comparaître devant la justice, après son renvoi vendredi devant le tribunal de Paris dans un dossier d'emplois fictifs, dernière en date des affaires politico-judiciaires qui empoisonnent la droite française.

Jacques Chirac, protégé pendant 12 ans (1995-2007) par sa fonction à la tête de l'État puis redevenu justiciable ordinaire, sera jugé pour «détournements de fonds publics» et «abus de confiance» pour 21 emplois de complaisance présumés payés par le cabinet du maire de Paris, fonction qu'il a occupée de 1977 à 1995. «Pourquoi chercher à le blesser maintenant ? Pourquoi porter atteinte à la fonction présidentielle ? Pourquoi encourager ceux qui s'attaquent à l'image de la France ?», s'est interrogé son ex-premier ministre Jean-Pierre Raffarin.

La droite française et sa principale composante gaulliste sont sous le choc des affaires.

L'ordonnance de la juge d'instruction Xavière Siméoni intervient alors que les Français viennent d'assister à deux procès retentissants qui sont aussi ceux des turpitudes de leur classe politique. Dans les deux cas, l'ombre de Jacques Chirac a plané sur les débats.

Dans l'Angolagate, le procès fleuve d'une vente d'armes à l'Angola dans les années 90, l'ex-ministre de l'Intérieur Charles Pasqua, un de ses anciens proches, a été condamné à un an de prison ferme, en même temps que 35 autres personnes. Il a demandé la levée du secret-défense, en assurant que Jacques Chirac était parfaitement informé de l'affaire.

Dans le procès Clearstream, qui a pris fin le 23 octobre, c'est son dernier premier ministre, Dominique de Villepin, qui s'est retrouvé au centre de l'arène judiciaire, accusé d'avoir participé à une machination visant à discréditer Nicolas Sarkozy. Le jugement sera rendu le 28 janvier.

L'actuel président français a déclaré vendredi qu'il ne pouvait «faire aucun commentaire» sur le renvoi de Jacques Chirac, avançant le «principe de la séparation des pouvoirs».

Le parquet, représentant le ministère de la Justice, avait requis un non-lieu général fin septembre dans cette affaire, ce qui suggère que le gouvernement n'était guère favorable à un procès.

Le système des «emplois fictifs», sur lequel M. Chirac va devoir s'expliquer, lui permettait de rémunérer sur le budget de la mairie de Paris des «chargés de mission» qui n'y avaient en réalité aucune activité.

Parmi les bénéficiaires, on trouvait par exemple le petit-fils du Général de Gaulle, Jean de Gaulle, mais aussi François Debré, frère de l'ancien président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré. Uniquement des proches de M. Chirac.

Dans son ordonnance, Xavière Simeoni explique que M. Chirac a «eu une action déterminante» dans «la conception et la mise en place d'agents dits chargés de mission à la mairie dès 1977», et ce pour pour «asseoir (son) influence politique» et celle de son parti «sans bénéfice pour la communauté des Parisiens».

Jacques Chirac, 76 ans, doit répondre de «21 supposés emplois fictifs sur les 481 emplois examinés par la justice, ce qui exclut toute idée de système», s'est défendu son bureau dans un communiqué.

M. Chirac «est serein et décidé à établir devant le tribunal qu'aucun des emplois qui restent en débat ne constitue un emploi fictif», a fait savoir son entourage.

Semi-retraité après plus de 40 ans de vie publique, M. Chirac est très populaire en France. Il se consacre désormais à une fondation oeuvrant au développement durable et au dialogue des cultures.

La décision de la juge a été qualifiée de «légitime» par l'opposition de gauche, alors que le parti UMP au pouvoir a regretté l'«épreuve douloureuse» infligée à l'ex-président. Selon la loi, il risque jusqu'à 10 ans de prison et 150.000 euros d'amende.

Chirac: 40 ans de paradoxes

Le renvoi devant un tribunal de Jacques Chirac, 76 ans, ternit une carrière politique d'une longévité exceptionnelle mais au bilan contrasté, ainsi qu'une semi-retraite marquée par une incroyable popularité et désormais consacrée au dialogue des cultures.

L'ancien président français, monument de la droite française pendant 40 ans, a appris son renvoi devant la justice à quelques jours de la parution du premier tome de ses mémoires. «Chaque pas doit être un but» sortira en librairie le 5 novembre, et relatera la vie de Jacques Chirac, de sa naissance à sa première élection à la présidence, en 1995.

Depuis 2007 et son départ de l'Elysée, Jacques Chirac donne l'image d'un retraité bien tranquille, à distance des affaires politiques, et s'abstient de tout commentaire sur l'action de son successeur Nicolas Sarkozy, qui fut aussi le grand rival des dernières années.

Sa démarche est plus lente, son audition plus difficile, mais il est acclamé à chacune de ses sorties. «Je crois qu'aujourd'hui, c'est un peu une figure de grand-père pour tout le monde», observait il y a quelques mois l'ex-ministre de la Culture Christine Albanel.

Le Chirac de 2009 est à l'opposé du jeune homme pressé, du grand «agité» à la réputation de «tueur» mais aussi de séducteur qui, au début de sa carrière, semblait prêt à tout pour réussir en politique.

Jacques Chirac était déjà aux affaires en 1968, en pleine révolte étudiante, secrétaire d'État à l'Emploi depuis un an. Il ne quittera plus les palais nationaux, successivement ministre de l'Agriculture, de l'Intérieur, premier ministre à deux reprises, et surtout, pendant 18 ans, tout puissant maire de Paris.

De ce bastion parisien, il construit sa machine de conquête du pouvoir, souvent accusé de mettre cette riche administration municipale au service de ses ambitions. De cette époque datent quelques unes des affaires judiciaires dans lequelles il fut cité.

Il se lancera par deux fois, sans succès, à la conquête de l'Elysée, en 1981 et 1988, avant d'être finalement élu en 1995.

Il est largement reconduit en 2002, cinq ans après avoir pourtant commis une faute politique majeure: la dissolution de l'Assemblée nationale qui bascule alors à gauche en lui imposant un long partage du pouvoir avec les socialistes.

Ses partisans voient en lui un homme chaleureux et généreux. Ses adversaires le décrivent sans vision, «plus capable de conquérir le pouvoir que de l'exercer» et se disent en peine de trouver, dans son bilan, ce qui marquera l'Histoire, même s'il fut un adversaire résolu de la guerre américaine en Irak.

Sa ligne politique a beaucoup varié. Jeune, il fut brièvement engagé à gauche, avant d'embrasser les idéaux du gaullisme. Au fil des ans, il se trouva tour à tour libéral et dirigiste, eurosceptique et pro-européen, tantôt à la droite de la droite, tantôt rempart contre les extrémismes.

Pour ses biographes, Jacques Chirac est un homme paradoxal et complexe. Adepte des bains de foule et des salons agricoles, où il aime être vu «caressant le cul des vaches», dévorant les produits du terroir et engloutissant une bière Corona, il est aussi un amoureux de l'Asie et un grand défenseur des «peuples oubliés».

En fin de mandat, il inaugure à Paris un musée consacré aux arts premiers. À son départ de l'Elysée, il crée une fondation dédiée au développement durable et au dialogue des cultures, dont il espère une montée en puissance, dans les prochains mois.

Jacques Chirac vit à Paris, avec son épouse Bernadette, dans un appartement des bords de Seine, prêté par la famille de l'ex-premier ministre libanais Rafic Hariri, l'une des amitiés tissées au fil des ans. De là, il peut contempler une popularité au zénith. Le retraité est aujourd'hui la personnalité politique préférée des Français, avec 76% d'opinions positives.

Quand les médias gobent des canulars

Vous souvenez-vous de l'histoire de la chanteuse Amy Winehouse dont les cheveux avaient pris feu lors d'une soirée? Ce canular a fait le tour du monde. Le documentariste Chris Atkins voulait démontrer le manque d'éthique et de rigueur des tabloïds. Son film, Starsuckers, expose quelque chose de pourri dans la presse britannique et internationale.

Chris Atkins ne dort pas beaucoup ces jours-ci. Le réalisateur britannique a été harcelé par des journalistes enragés. Il a aussi évité de peu le bâillon de la part des avocats de Max Clifford, relationniste tout puissant des vedettes britanniques.

«C'est la folie depuis quelques semaines», admet Chris Atkins.

Son brûlot, Starsuckers, s'attaque à la machine médiatique et son exploitation du culte de la célébrité. Il a pris l'affiche hier dans la controverse.

Pour piéger les tabloïds, le réalisateur a fabriqué des histoires de toutes pièces. L'une d'elles mettait en scène la coiffure d'Amy Winehouse qui avait pris feu à la suite de l'explosion d'un fusible. Sans aucune vérification, le Daily Mail et le Daily Star ont publié la fausse nouvelle, qui s'est retrouvée jusque dans le Times of India.

Chris Atkins est allé plus loin en prétendant connaître les détails d'opérations esthétiques de célébrités. Trois journalistes ont voulu le rencontrer. La publication d'informations médicales confidentielles est pourtant interdite par l'organisme d'autorégulation des médias, la Press Complaints Commission (PCC).

Lors de ces entretiens, les rôles étaient inversés: les journalistes étaient filmés à leur insu. Ils ont promis à Chris Atkins jusqu'à 10 000£ (18 000$ CAN) pour une histoire qui ferait la une.

La journaliste de The People, tiré à un million d'exemplaires, confie qu'une réprimande de la PCC n'est pas un problème. «Si nous nous faisons taper sur les doigts, nous n'avons qu'à publier une excuse quelque part et c'est tout. Il n'y a pas d'amende... En fait, la PCC est dirigée par les éditeurs de journaux eux-mêmes», dit-elle en riant.

Et c'est là que le bât blesse, explique Chris Atkins. «L'autorégulation ne fonctionne pas. Les banques l'ont fait, regardez le résultat! C'est une honte nationale», dit-il en entrevue.

Plusieurs tabloïds britanniques ont été poursuivis en justice ces dernières années. Les parents de la petite Maddie McCann ont obtenu des excuses et une compensation financière du Daily Star et du Daily Express en 2008. La justice britannique a aussi été saisie de l'affaire d'une vidéo sexuelle de Max Mosley, diffusée par News of the World.

«Leurs pratiques sont bien pires que je pensais», dit le réalisateur, dont un documentaire sur l'érosion des libertés civiques sous Tony Blair, Taking Liberties, l'a fait connaître en 2007.

Le film Starsuckers écorche également un intouchable de l'industrie du spectacle: Max Clifford. Le relationniste des stars explique devant une caméra cachée comment il tire les ficelles, facilitant par exemple les fréquentations de filles mineures par un acteur libidineux.

Après une discussion entre les avocats d'Atkins et de Clifford, ces derniers ont abandonné une tentative d'injonction. D'autres avocats frappent toutefois à la porte du documentariste. «Je suis nerveux mais confiant», dit-il.

Un référendum sur Obama?

«Le temps est venu pour le changement que tout le monde attend», lançait Barack Obama le 3 novembre 2008, lors du tout dernier discours de sa campagne présidentielle, devant une foule vibrante de 90 000 personnes réunie à Manassas, en Virginie.

La semaine dernière, le président américain est retourné dans cet État qui ira aux urnes demain pour élire un nouveau gouverneur. La teneur de son discours reflétait sa frustration face à certains de ses critiques, qui se plaignent de la lenteur du changement.

«Après mon inauguration, j'ai découvert qu'ils avaient laissé un beau gâchis par terre. Alors j'ai pris un balai et j'ai commencé à nettoyer. C'est OK, ça ne me gêne pas», a-t-il déclaré en soulevant rires et applaudissements dans un amphithéâtre de Norfolk. «Mais vous savez, ce qui me gêne c'est quand on commence à dire : ''Vous ne passez pas la serpillière assez vite. Vous ne tenez pas le balai comme il faut.'' Pourquoi alors ne prenez pas vous même un balai?»

La frustration de Barack Obama pourrait augmenter demain après deux des rendez-vous électoraux qui retiennent l'attention du monde politique aux États-Unis, ceux de la Virginie et du New Jersey, l'autre État où le poste de gouverneur est en jeu. Des rendez-vous considérés par certains observateurs comme un référendum sur le président et son programme.

Le verdict électoral le plus prévisible est celui de la Virginie, qui a majoritairement voté pour Barack Obama en 2008 après avoir boudé les candidats démocrates à la présidentielle pendant 44 ans. Or cet État du Sud dont les deux derniers gouverneurs étaient des démocrates s'apprête vraisemblablement à jeter son dévolu sur le républicain Bob McDonnell, qui jouit d'une avance confortable dans les sondages sur son adversaire démocrate, Creigh Deeds. Et l'intervention du président n'y changera probablement rien.

«Si l'on se fie à la plupart des sondages, le président demeure relativement populaire en Virginie, mais l'opposition à ses politiques semble plus intense chez les républicains que l'appui des démocrates à l'égard de son administration», explique Larry Sabato, politologue à l'Université de Virginie.

Cela dit, Sabato ne fait pas partie des experts qui voient les scrutins de demain comme un test électoral pour Barack Obama, contrairement à Karl Rove, ex-stratège de George W. Bush. Selon ce dernier, les électeurs enverraient un message clair au président et aux démocrates en élisant un républicain non seulement en Virginie mais également au New Jersey, un bastion démocrate où le gouverneur sortant, Jon Corzine, est talonné par le républicain Chris Christie.

«Il y a un an, les démocrates affirmaient que M. Obama avait redessiné la carte électorale à leur avantage», a écrit Rove dans une chronique du Wall Street Journal. «Les électeurs vivent depuis neuf mois sous la direction des démocrates, et plusieurs d'entre eux, particulièrement les indépendants, n'aiment pas ce qu'ils voient.»

Et Rove de conclure : «Les élections de mardi fourniront l'indication la plus concrète de la force du ressac et du niveau de danger auquel feront face les démocrates centristes en 2010.»

En novembre 2010, les élections de mi-mandat constitueront sans contredit un référendum sur Obama et ses politiques vis-à-vis de la santé, de l'emploi, du déficit et de l'énergie, entre autres.

En attendant, les scrutins de demain en Virginie et au New Jersey ne sont pas les seuls à avoir un retentissement national. C'est également le cas de l'élection qui a lieu dans une circonscription du nord de l'État de New York pour combler le siège laissé vacant à la Chambre des représentants par le républicain John McHugh, nommé secrétaire de l'Armée par Barack Obama.

Le scrutin divise les républicains, dont les plus conservateurs - Sarah Palin et Rush Limbaugh, entre autres - ont tourné le dos à la candidate de leur parti, Dede Scozzafava, afin d'apporter leur appui au candidat du Parti conservateur, Douglas Hoffman. En chute libre dans les sondages, Scozzafava a annoncé samedi son retrait de la course. Le Comité national républicain, qui avait jusque-là appuyé cette candidate jugée trop modérée par les purs et durs (elle défend notamment l'avortement et le mariage gai), a transféré son soutien à Hoffman.

S'il faut se fier aux derniers sondages, Hoffman pourrait bien vaincre le candidat du Parti démocrate, Bill Owens. Il s'agirait d'une victoire éclatante pour les Palin, Limbaugh et cie dans ce qui serait considéré comme un référendum non pas sur Barack Obama mais bien sur l'avenir du Parti républicain.

Nicolas Sarkozy et ses autres copiés-collés

POLITIQUE - Depuis que «Le Petit Journal» de Canal+ a relevé que le discours sur l'agriculture du chef de l'Etat était une reprise d'un précédent discours, d'autres répétitions ressurgissent...
Et si Nicolas Sarkozy avait déclamé plusieurs fois les mêmes discours, au nez et à la barbe de ses interlocuteurs? Après le copié-collé de son discours sur l’agriculture en octobre, repris d’un discours dit plus tôt en février, et même inspiré d’un discours de septembre 2007, le blog bienbienbien.net s’est amusé à éplucher les archives de l’Elysée... à la recherche d’autres répétitions.

Bilan des recherches: il y a bel et bien plusieurs discours copiés-collés du chef de l’Etat. Notamment lorsqu'il s'adresse aux Français à l'étranger, lors de ses déplacements officiels, en Angola, au Tchad, en Tunisie, en Grèce, ou en République tchèque. Mais aussi à l’adresse des commerçants de Rungis, lors de la cérémonie de remise du muguet, les 30 avril 2008 et 2009. Et enfin sur l’emploi des jeunes, dans un discours datant du 15 juillet, dont «la structure est strictement la même que celle du discours du 24 avril», lit-on sur le blog, même «si les phrases sont parfois retravaillées».

Normal ou pas?

Selon le linguiste Jean Véronis, interrogé par 20minutes.fr, cela pose des questions sur le président de la République: «Est-il fatigué? Dépassé? Débordé? On a l’impression qu’il lit des discours sans analyser le fond», regrette-t-il. «Quand on contrôle, on ne fait pas ce genre des bourdes». Ce à quoi l'Elysée a rétorqué: «C’est normal. Il ne change pas d’avis tout le temps», a justifié Franck Louvrier, le conseiller communication de Nicolas Sarkozy.

ET SI ? ET SI LES MEDIA NE FAISAIENT PAS DE COPIÉS COLLÉS SUR CES INFOS ? ET SI ON LUI FOUTAIT LA PAIX ? ET SI ON S'ATTACHAIT A REGARDER LES ACTES PLUTÔT QUE CE QU'IL DIT ?
ET SI LA CONNERIE N'ÉTAIT PAS DU CÔTÉ DES COMMENTATEURS ?

Nadine Morano tacle Rama Yade

La secrétaire d?Etat chargée de la Famille et de la Solidarité, Nadine Morano, a taclé dimanche sa collègue des Sports Rama Yade, en lui rappelant qu'en cas de désaccord au sein du gouvernement, "on se tait, ou on s'en va".

"Quand on n'est pas d'accord avec la politique menée par le gouvernement, c'est simple : +ou on ferme sa gueule, ou on démissionne+, vous connaissez l'adage", a-t-elle déclaré sur Canal +, en allusion à la formule popularisée par l'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement, président d'honneur du MRC.

Mme Morano réagissait au désaccord exprimé par Mme Yade à propos de l'amendement voté au Parlement sur la suppression des avantages fiscaux aux sportifs de haut niveau et défendu par sa ministre de tutelle Roselyne Bachelot (Santé).

"Lorsqu'on n'est pas d'accord, on fait un choix, soit on se tait, soit on s'en va", a-t-elle insisté.

La secrétaire d'Etat à la Famille a également critiqué l'attidue de la benjamine du gouvernement, qui a renâclé à se présenter aux régionales dans le Val d'Oise, afin de poursuivre son implantation dans les Hauts-de-Seine.

"Quand vous faites de la politique, vous le faites dans une stratégie collective, notamment d'ailleurs, en ce qui concerne les régionales", a-t-elle affirmé.

Recourant à la métaphore sportive, Mme Morano a assuré qu'il fallait mettre "le meilleur joueur là où il doit être, à sa place". Rama Yade "apportera une valeur ajoutée n'importe où", a-t-elle assuré.

Une statue Bill Clinton au Kosovo

L'ancien président des Etats-Unis, Bill Clinton, a inauguré dimanche au Kosovo une statue à son effigie, à Pristina.

"Chaque fois que vous verrez cette statue je veux que vous vous souveniez que je ne voulais qu'un avenir meilleur pour vous et que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour soutenir cet avenir meilleur pour le restant de mes jours", a déclaré M. Clinton au cours de la cérémonie.

L'ancien président américain a appelé l'administration de l'actuel président Barack Obama à continuer de consolider l'indépendance du Kosovo.

"Je tiens à vous assurer que le président Obama, la secrétaire d'Etat Hillary Clinton et le peuple américain tout entier sont avec vous aujourd'hui et qu'ils resteront avec vous dans votre marche vers un avenir meilleur", a dit M. Clinton.

Ce dernier est considéré par les Kosovars albanais comme le principal artisan de la décision d'entamer les bombardements de l'Otan sur la Serbie, qui avaient contraint les forces yougoslaves à se retirer du Kosovo, début 1999, et comme un "sauveur".

La statue, haute de trois mètres, se dresse sur une place de Pristina, ville qui dispose déjà d'un boulevard Bill Clinton. Une représentation de l'ancien président américain, haute de douze mètres, décore également la façade d'un immeuble de Pristina.

"Je suis profondément reconnaissant d'avoir eu l'occasion de faire partie des événements qui ont mis fin aux terribles choses qui se sont produites ici il y a dix ans, et d'avoir pu vous offrir l'occasion d'édifier un avenir meilleur", a encore dit M. Clinton.

Le président du Kosovo Fatmir Sejdiu a de son côté déclaré que M. Clinton avait "pris la tête des pays libres et démocratiques pour stopper la machine militaire, para-militaire et policière du régime de Slobodan Milosevic (le défunt président yougoslave, ndlr) à un moment où le peuple du Kosovo était menacé d'extermination".

Au cours de sa brève visite au Kosovo, M. Clinton a rencontré M. Sejdiu ainsi que le Premier ministre Hashim Thaçi et s'est adressé aux députés du parlement kosovar.

"Non seulement avez-vous fait mieux que ce qu'espéraient vos critiques, mais vous avez fait mieux que ce qu'espéraient vos amis", a-t-il dit aux députés.

Après une campagne de frappes de l'Otan de 78 jours, le Kosovo a été placé en juin 1999 sous l'administration de l'ONU. Les autorités albanaises à Pristina ont proclamé l'indépendance de ce territoire en février 2008.

La Serbie, soutenue par son allié traditionnel, la Russie, s'oppose farouchement à cette indépendance, considérant le Kosovo comme sa province méridionale.

Laurent Zylberberg: "Quatre suicides ont un lien avec l’entreprise"

Le Directeur des Relations Sociales de France Télécom, Laurent Zylberberg, revient sur la vague de suicide qui touche l'entreprise et explique la démarche complexe pour requalifier ces drames en accident du travail.
Les suicides liés au travail peuvent-être requalifiés en accident du travail. De telles démarches sont-elles en cours au sein de France Télécom ?
Avant tout, il faut distinguer les fonctionnaires (qui représentent 66.000 des 102.000 salariés de l’entreprise, ndlr) des contractuels. Chaque année, en moyenne une centaine de salariés de l’entreprise décèdent (111 en 2006, 125 en 2007, 110 en 2008) essentiellement de maladies et d’accidents qui ne sont pas liés au travail. Il peut arriver qu’il y ait des accidents mortels de travail, ou de trajets liés au travail, qui ne sont pas des suicides. Il n’y en a pas eu l’an dernier (un accident mortel et deux accidents de trajets en 2006, un accident mortel et trois accidents de trajet en 2007).
Ensuite, quand un événement – accident ou suicide - met en cause la sécurité d’un salarié sur son lieu de travail, l’entreprise doit le déclarer, car la sécurité est mise en cause. C’est là qu’intervient la différence entre fonctionnaires et contractuels. La procédure pour les contractuels est très simple : on fait une déclaration à la caisse primaire d’assurance maladie qui va diligenter une enquête.
Pour les accidents de service des fonctionnaires, la procédure est bien plus compliquée. La première des étapes consiste à remplir une déclaration d’accident de service dans laquelle il y a une case à cocher qui concerne l’imputabilité de cet accident au travail. C’est là que nous avons un problème : comment déterminer si c’est imputable ou pas ?
Pour répondre à cette question, France Télécom va demander à ce qu’une personne extérieure à l’entreprise, sans doute un haut fonctionnaire, soit nommée. Elle nous dira s’il faut cocher la case relative à l’imputabilité de l’entreprise. Cette demande de nomination formulée auprès du ministère est imminente.


Qu’en est-il pour les personnes qui se suicident en dehors du lieu et des horaires de travail ?
Si un salarié de France Télécom se suicide en dehors de ses heures de travail et en dehors de son lieu de travail, nous ne le savons pas nécessairement. Sauf si une lettre accompagne le suicide et que la famille en fait état auprès de l’entreprise.
Dès lors qu’il y aura une demande d’imputabilité de la part des familles – deux ont été formulées depuis janvier 2008 –, ce sera à la personne extérieure de déterminer s’il faut émettre un avis favorable ou défavorable à l’imputabilité du suicide à l’entreprise.
Cette déclaration d’accident de service passe ensuite en commission de réforme, présidée par France Télécom et dans laquelle il y a trois médecins extérieurs à l’entreprise et des représentants du personnel. A cette commission de proposer une pension pour les ayants-droit ou une rente si le salarié est en incapacité permanente. Le dossier est alors transmis au ministère des Finances, qui détermine in fine s’il y a imputabilité ou non, et fixe le montant de la rente. Bien sûr, cette décision administrative est susceptible d’être attaquée devant un tribunal administratif.


La famille d’une personne qui s’est suicidée a aussi un autre recours : celui d’engager des poursuites devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale pour que soit reconnue la faute inexcusable de l’entreprise…
Oui. Mais il n’y a actuellement aucune démarche en ce sens contre France Télécom. A ma connaissance, seul Renault a été poursuivi pour faute inexcusable.


Sur les vingt-cinq suicides de salariés de France Télécom depuis janvier 2008, combien à votre connaissance sont liés au travail ?
Tous ne sont pas revendiqués comme étant liés au travail. Mais dès lors que le salarié indique que son suicide a un lien avec le travail, qu’il laisse une lettre ou que son passage à l’acte se passe sur le lieu de travail, je ne peux pas exclure qu’il y ait un lien avec le travail. Dans ce cadre-là, depuis début 2008, quatre suicides ont un lien avec l’entreprise. Cela ne signifie pas qu’il s’agit d’un lien de causalité. On ne sait pas si ces suicides sont imputables ou non au travail. Ce n’est pas à l’entreprise de le dire. Lorsqu’elle aura été nommée, la personnalité extérieure nous indiquera si nous devons émettre un avis favorable ou défavorable au début de la procédure.


Si la personnalité extérieure dont vous demandez la nomination établit ce lien, jusqu’où France Télécom est-elle prête à reconnaitre sa responsabilité ?
L’entreprise cochera la case avis favorable à l’imputabilité de l’entreprise et la procédure suivra son cours.

La réalité abstraite d'Albert Oehlen

Le Musée d’art moderne de la ville de Paris organise jusqu’au 10 janvier une exposition Albert Oehlen. Maître de l’abstraction, il est un des peintres allemands les plus significatifs de sa génération. Conçue en collaboration avec l’artiste, elle présente « sa propre histoire de l’abstraction », en comparant une série d'oeuvres récentes à un ensemble de toiles des années 1980 et 1990.



JE NE VEUX PAS DIRE, MAIS TOUT DE MÊME , UN TRUC COMME ÇA J'EN FAIS UN TOUS LES MATINS, PAS VOUS ?

Querelles françaises

Le thème de l'identité nationale est un débat passionnant qui transcende les clivages politiques.

Le débat sur l'identité nationale est-il «glauque», comme le prétend François Chérèque, ou «fondamental», comme l'estime Ségolène Royal ? À gauche, on se divise, et il fallait s'y attendre. Mais, à droite, ce n'est pas l'unanimité non plus. Si l'UMP applaudit, certaines personnalités de la majorité prennent leurs distances : Alain Juppé s'interroge, Christine Boutin s'inquiète, Dominique de Villepin vitupère.

Après tout, tant mieux. En France, les débats les plus passionnants sont ceux qui transcendent les clivages. On se souvient du référendum sur Maastricht en 1992, comme de celui de 2005 sur la Constitution européenne. La France du oui et la France du non se sont fait la guerre avant d'épuiser leur querelle. Que reste-t-il aujourd'hui de la grande fracture hexagonale sur l'Europe ? À vrai dire, pas grand-chose, et surtout pas de quoi ranimer une nouvelle guerre de religion. Une grosse majorité de Français sont devenus europragmatiques, à équidistance des europhiles et des europhobes d'hier. Bref, chacun est devenu plus raisonnable.

Il serait bon qu'il en soit ainsi avec «l'identité nationale». Parce que, après tout, depuis des décennies, ceux qui en parlent se divisent en deux camps. D'un côté, le FN, qui a longtemps prospéré sur ce thème ; de l'autre, tous ceux qui pensaient qu'une idée défendue par Jean-Marie Le Pen était par définition une idée exécrable. Ces derniers ont donc abandonné aux lepénistes Marianne, la nation, le drapeau et La Marseillaise. On le voit, le bilan de cette confrontation n'est pas fameux et fait de la France un pays extravagant où qui parle de la patrie est au mieux un imbécile, au pire un extrémiste. C'est très regrettable parce qu'il y a beaucoup de gens raisonnables, à droite comme à gauche, qui, sans s'insulter, ont des choses intéressantes à dire et à se dire sur le sujet. Qu'ils soient responsables politiques ou non. On a même envie de dire que, sur un sujet aussi essentiel, le peuple a plus à dire que ceux qui le gouvernent.

Le PS ferait donc bien, une fois n'est pas coutume, d'accueillir favorablement les propos de Ségolène Royal, qui «souhaite que ce débat ait lieu». Qui sait, le débat sur l'identité nationale lui permettra peut-être de retrouver sa propre identité, perdue de vue depuis déjà longtemps ?

Qui a peur de l'identité nationale ?

EDITO - «Alors que l'immigration a profondément changé la physionomie de la France, que la mondialisation est un fait, s'interroger sur l'identité nationale n'est pas saugrenu». Par Paul-Henri du Limbert.

Demandez à un homme de gauche de vous parler des valeurs de la République, il sera intarissable et souvent émouvant. Dites-lui que tout cela forme l'identité d'un peuple, il commencera à vous regarder de travers. Et ajoutez que cette « identité nationale » est la grandeur de la France, il vous tournera le dos.

Nicolas Sarkozy connaît par cœur la gauche française, ses tabous et ses contradictions. Et c'est bien pourquoi il lance aujourd'hui, par l'intermédiaire d'un ancien responsable PS, Éric Besson, ce grand débat sur l'identité nationale. Le PS n'a que des coups à prendre.

Pourtant, s'ils n'avaient pas peur de leur ombre, les socialistes pourraient se saisir de ce débat d'une façon volontariste et en profiter pour remettre leurs idées au clair. Au lieu de dire, comme Vincent Peillon, que la burqa «ne menace pas» l'identité du pays alors que chacun est persuadé du contraire, ils pourraient s'interroger sur les dérives du communautarisme, qui jour après jour ronge la chère «République une et indivisible». Il est arrivé souvent à Jean-Pierre Chevènement de tempêter contre cette gauche oublieuse de son histoire et de son corps de doctrine, mais ce fut en vain. Il y a vingt-cinq ans, alors ministre de l'Éducation, il avait suggéré que l'on chante La Marseillaise à l'école. Ses camarades d'alors lui avaient conseillé de calmer ses ardeurs républicaines.

Un quart de siècle plus tard, alors que l'immigration a profondément changé la physionomie de la France, que la mondialisation est un fait, s'interroger sur l'identité nationale n'est pas saugrenu. C'est, par exemple, ce qui anime le maire PCF de Vénissieux, André Gerin, quand il lance le débat sur l'interdiction de la burqa. Il explique fréquemment que dans sa commune on parle et pratique toutes les langues et toutes les religions du monde, et que si on ne définit pas quelques valeurs communes, on court à la catastrophe. On connaît beaucoup de maires socialistes, de petites ou de grandes villes, qui en privé disent la même chose mais se taisent en public « pour ne pas faire le jeu du Front national ». Cette politique de l'autruche leur a valu le cuisant 21 avril 2002 et la défiance de la classe ouvrière.

À cinq mois des régionales, il y a bien sûr dans le lancement de ce débat une part de tactique. Quand Mitterrand, avant chaque élection, évoquait le droit de vote pour les immigrés dans le but de favoriser le vote FN et d'affaiblir la droite, on criait au génie politique. Nicolas Sarkozy n'est pas obligé d'être moins habile que son prédécesseur.

Le bisphénol A de nouveau sur la sellette

Présente dans les plastiques -dont les biberons- cette molécule fait l'objet de multiples rapports pour tenter de déterminer son degré d'innocuité.

Le bisphénol A est encore en première ligne. L'Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) vient en effet d'annoncer qu'elle reprenait ses travaux sur les effets de cette molécule. Depuis quelques années, des nuages noirs s'accumulent au-dessus de ce composé chimique largement utilisé dans la fabrication d'objets en matière plastique et notamment les biberons. Au point qu'en mars dernier les six plus gros fabricants américains ont annoncé qu'ils allaient cesser de vendre aux États-Unis des biberons contenant ce produit. Et, fin juin, le Canada a été le premier pays à interdire définitivement l'utilisation de ce type de biberons.
Une décision prise au nom du principe de précaution : «Le gouvernement a conclu que les taux d'exposition pour les nouveau-nés et les nourrissons âgés de moins de dix-huit mois ne sont pas assez importants pour causer des effets sur la santé», précise le site officiel de l'agence de santé canadienne, qui ajoute : «Toutefois, comme certaines études ont soulevé des doutes quand aux effets possibles de faibles doses de bisphénol, le gouvernement veut réduire encore plus le taux d'exposition.»

Les craintes sont notamment liées à la migration du bisphénol lorsque le plastique est chauffé. Le passage au micro-ondes ou le simple versement d'un liquide très chaud sont en cause pour les biberons.

Il y a un peu plus d'un an, l'Afssa en France avait rendu un rapport concluant à l'innocuité du micro-ondes sur les biberons. «En conditions de chauffage réalistes - inférieure à dix minutes -, les quantités de bisphénol A transférable à l'aliment restent très inférieures à la valeur maximale de 50 µg par litre retenue par l'AESA (autorité européenne de sécurité des aliments) pour son calcul d'exposition conservateur», précisait le communiqué qui conduisit Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé, à se montrer très rassurante.

L'alerte est revenue avant l'été par l'intermédiaire de Chantal Jouanno. Dans un courrier adressé à son homologue de la Santé, la secrétaire d'État à l'Écologie souligne que «des études scientifiques récentes semblent apporter des éléments nouveaux concernant les risques pour la santé». Une étude américaine publiée en janvier montre notamment que le bisphénol reste beaucoup plus longtemps dans l'organisme que ce qui était reconnu jusqu'à présent.

«Principe de précaution»

«Nous rouvrons le dossier comme on le fait chaque fois que l'on dispose d'éléments nouveaux», explique Marc Mortureux, le nouveau directeur de l'Afssa. Comme les autres agences européennes, cette dernière dispose ainsi d'une étude qui porte sur la neurotoxicité du produit, effectuée par les industriels selon un protocole précis, dans le cadre du programme européen Reach (il doit permettre d'évaluer d'ici à 2018 les effets sur la santé et l'environnement de 30 000 substances chimiques aujourd'hui sur le marché). «Ce sera également l'occasion de regarder les autres études parues ces derniers mois», ajoute Marc Mortureux.

Sans préjugé du résultat, quelques villes françaises ont d'ores et déjà choisi de supprimer dans les crèches les biberons contenant du bisphénol A. À Paris et, plus récemment, Besançon. Durant l'été, des sénateurs radicaux de droite et de gauche ont de leur côté déposé une proposition de loi demandant l'interdiction du bisphénol A dans les plastiques alimentaires au nom «du principe de précaution».

Le nouveau rapport de l'Afssa attendu pour début 2010 permettra de valider ou non ces choix.

BLOG : A Téhéran, un étudiant ose critiquer Khamenei#

Un an après, les anti-Obama relèvent la tête

Un an après l’élection du président noir, ses adversaires multiplient les slogans extrémistes. Qui sont ces opposants que l’on entend beaucoup depuis quelques semaines et qui inquiètent ?
«Barack Obama… c’est un traître. » Mike Brady sourit, embarrassé : s’il aime la provocation, il mesure malgré tout la portée de ses mots. Pourtant, son propos résume le fond de sa pensée. « Il est en train de détruire notre pays, de balayer notre Constitution pour faire des États-Unis un pays socialiste, affirme-t-il. Il a déjà nationalisé l’industrie automobile, maintenant il veut que le gouvernement s’occupe de notre santé… Ce n’est pas notre pays, ça. Nous sommes une nation capitaliste, pas socialiste. Ce qu’il fait, ce n’est pas américain. »

Mike et sa femme Maria sont en colère. Depuis un an. Ce couple de quinquas tranquilles, propriétaires d’une entreprise d’impression à Boiling Springs, petite ville de Caroline du Sud, n’a pas digéré l’élection de Barack Obama. Une colère qu’ils expriment avec l’énergie des convertis. Dans les années 1970, Mike s’était laissé porter par l’air du temps, et les paradis artificiels, jusqu’en Californie. Aujourd’hui, l’homme aux cheveux blancs et à la moustache poivre et sel n’entame plus un repas sans une prière.

Maria, elle, c’est à la politique qu’elle s’est convertie. Jusqu’à la victoire de Barack Obama, ce qui se passait à Washington la laissait indifférente. « Quand il a été élu, j’ai compris que quelque chose ne tournait pas rond », lâche-t-elle sans avoir une idée précise de la nature du problème.

Depuis, Maria rattrape le temps perdu, passe ses journées devant Fox News ou son ordinateur à dévorer les infos publiées par la droite radicale. La moindre rumeur sur Internet devient, en atterrissant dans sa boîte aux lettres virtuelle, une confirmation du traquenard qui menace le pays. Une preuve que Maria s’empresse de faire suivre aux 4 500 noms que compte sa liste de contacts.

Le « mouvement patriote », incarnation de la droite populiste
Car Mike et Maria n’entendent pas rester les bras croisés. Depuis ce printemps, ils ont rejoint le « mouvement patriote », incarnation de la droite populiste américaine la plus dure. Cette famille compte plusieurs branches, depuis la droite religieuse jusqu’aux économistes ultra-libéraux, en passant par les poujadistes opposés aux « élites ». La spécialité de Mike et Maria ? L’organisation de « tea party ». Au programme, pas plus de gâteaux secs que d’Anglaises qui lèvent le petit doigt dans un salon, mais des slogans agressifs et des Américains qui lèvent le poing dans la rue.

Sur les pancartes colorées, trois lettres rouges de colère : TEA, pour « Taxed Enough Already » (« déjà suffisamment taxés »). Mais l’expression n’est pas qu’un sigle. Elle renvoie à un épisode fondateur de la révolution américaine, la « tea party » de Boston, en 1773, quand des Américains en devenir, refusant un nouvel impôt levé par la Couronne britannique sur le thé, avaient jeté à la mer la cargaison de trois navires en provenance de Londres.

Le 15 avril dernier, rejoignant une initiative nationale, Mike et Maria ont mis sur pied leur propre « tea party » à Boiling Springs. À leur grande surprise, deux cents personnes les ont rejoints. Gonflé à bloc, le couple a poursuivi ses efforts, participant à une marche sur Washington, le 12 septembre. Depuis, ils ont organisé le départ de neuf bus pour la capitale fédérale. À chaque occasion, Mike l’ancien artiste se déguise en Américain de l’époque coloniale, façon de souligner que le patriotisme est de son côté… À ses côtés, d’autres hommes en colère portent des tee-shirts plus inquiétants, où Obama apparaît sous les traits d’un Hitler.

Dans ce magma contestataire, le racisme est présent
Neuf mois à peine après l’investiture de Barack Obama, beaucoup d’observateurs ont tendance à ne voir qu’un phénomène marginal, réunissant quelques hurluberlus en colère, mais peu nombreux et inoffensifs. Pas Chip Berlet, journaliste et activiste de gauche qui surveille depuis une trentaine d’années les activités et les différents visages de la droite radicale américaine. « Il s’agit d’un vrai mouvement de masse, estime-t-il dans son bureau de Boston.

Un mouvement difficile à mesurer : pas de QG, pas de listes de membres… C’est très diffus, et même leurs rassemblements donnent lieu à l’éternelle guerre des chiffres. Mais d’après ce que j’entends dans le pays, il s’agit d’un vrai phénomène qui gagne du terrain. » D’après les médias, la manifestation de Washington aurait réuni quelques dizaines de milliers de personnes. « Plus d’un million », répondent les organisateurs.

Dans ce magma contestataire, le racisme est présent. Mais dans quelle mesure ? Sans doute pas autant qu’on pense, vu d’Europe. Car le véritable ennemi commun de ces différentes mouvances est l’État, accusé de tous les maux par une partie de l’Amérique frustrée par la crise et les milliards accordés à Wall Street.

Ce phénomène n’est pas nouveau : le populisme a toujours été une force politique aux États-Unis. Mais les nouvelles technologies offrent aujourd’hui une vitrine formidable aux théories les plus paranoïaques… Sans parler de Fox News, qui a récemment consacré quatre heures d’antenne à des « camps d’internement » que le gouvernement américain aurait commencé à construire. Avant de conclure qu’il s’agissait d’une rumeur infondée.

Remettre en cause la légitimité du président américain
« Cette histoire est intéressante, explique Chip Berlet, car cette théorie ne date pas d’Obama : elle était déjà là dans les années 1990, propagée dans l’univers des milices, ces organismes armés antigouvernementaux présents dans certaines régions du pays et en forte expansion au début des années Clinton. Du recyclage, mais propagé au-delà de ces cercles restreints. »

Jusque chez Mike et Maria, par exemple, qui y croient et y voient une confirmation supplémentaire que Barack Obama est un « fasciste » – ou un « socialiste », c’est selon. D’ailleurs, est-il vraiment américain ? « On ne sait pas… Personne n’a vu son certificat de naissance », lâche Maria, reprenant un discours de la droite radicale qui estime que le président est en fait né en Afrique, et qu’il n’est pas un citoyen américain. Donc pas légitime.

Car ces propos ne visent pas tant à attaquer la politique de Barack Obama qu’à remettre en cause sa légitimité même. Les images de Barack Obama en Hitler ou en Staline, aussi absurdes soient-elles, créent un climat malsain. À Greenville, cœur de la région la plus conservatrice de Caroline du Sud, Frère Jay Scott Newman, de l’Église Sainte-Marie, relativise : « Des radicaux un peu toqués, nous en avons. Mais il en existe aussi en Europe. Il ne faut pas faire trop attention. Je vous rappelle que les deux derniers présidents qui ont été visés par la violence étaient des républicains – Ronald Reagan et Gerald Ford. »

Chip Berlet est plus inquiet. Non pas qu’il redoute un attentat contre le président, très bien protégé, mais plutôt un acte de violence contre un symbole de l’État, comme celui qui avait visé, en avril 1995, un bâtiment du FBI à Oklahoma City, faisant 168 morts. « Je ne dis pas que ça va arriver, explique-t-il. Je dis seulement que le climat actuel et la colère d’une minorité d’Américains actifs rappellent la situation après l’arrivée de Bill Clinton à la Maison-Blanche. »
Gilles BIASSETTE (à Greenville et Boston)

Les inégalités salariales ont explosé depuis 1995#

Une étude sur les salaires dans le monde du BIT montre que les salaires réels ont progressé bien moins vite que la productivité sur douze ans

Les salaires n’ont pas suivi la courbe de la croissance économique. C’est ce que montre une étude du Bureau de l’Organisation internationale du travail (OIT). Les chercheurs de cette agence des Nations unies, qui a vocation à promouvoir la justice sociale, ont suivi l’évolution sur douze ans (1995-2007) des salaires moyens (déduits de l’inflation), dans 85 pays, représentant 70 % de la population mondiale.

Bien que l’économie mondiale ait connu une croissance moyenne de 3,3 % par an entre 1995 et 2007, le taux d’augmentation annuel des salaires est, lui, resté inférieur, à 3 %. Après 1999, cette hausse a même subitement ralenti, avec un taux moyen tombé à 1,9 %.

Ces variations sont très disparates d’une zone géographique à l’autre. Les deux tiers des pays ont connu une croissance annuelle des salaires inférieure à 3 % sur les douze ans. C’est le cas des pays industrialisés, où la hausse moyenne a été de 1 % par an, mais aussi de l’Amérique latine (0,5 %) et de l’Afrique (– de 0,5 %). À l’inverse, la Chine voyait ses salaires augmenter de 10 % par an. Et les pays de l’Est, de + 14 %. « À l’exception de ces hausses rapides de salaires dans les économies en transition, l’Europe se caractérise par une modération générale des salaires sur l’ensemble de la décennie », note l’étude.

Records de hausse des salaires de dirigeants
En analysant la façon dont les salaires ont été distribués entre les différentes catégories de salariés, le BIT note une réduction lente de l’écart salarial entre femmes et hommes, ainsi qu’une explosion de l’écart entre le salaire le plus haut et le plus bas.

Des records de hausse des salaires de dirigeants ont notamment été observés en Asie (Thaïlande, Corée du Sud), en Argentine et en Afrique du sud, ainsi que dans les pays de l’Est. Les États-Unis ne montrent pas l’exemple. Comme le relève une autre étude du BIT, les PDG des 15 plus grosses entreprises gagnaient 500 fois plus que le salarié moyen en 2007, contre 360 en 2003.

La période 1995-2007 a enfin été marquée par le décrochage entre la courbe du salaire moyen et celle du PIB par habitant. « Les hausses de productivité ne se sont pas pleinement traduites par des salaires plus élevés » pour tous, conclut le BIT, ce qui explique l’explosion des inégalités sociales.
Aude CARASCO

Plainte des pompiers après le sauvetage d'un spéléologue

Ils dénoncent la négligence de deux hommes qui auraient «mis en danger» les sauveteurs. Et ils veulent récupérer les sommes dépensées pour ce sauvetage, la semaine dernière dans une grotte de la Drôme.

L'affaire débute le samedi 24 octobre avec le sauvetage dans la soirée, dans une grotte du département de la Drôme, à Bouvante, d'un spéléologue bloqué à plus de 200 mètres sous terre. Pierre-Yves Belette, parti cinq jours plus tôt, s'est retrouvé bloqué par une montée d'eau souterraine due à de fortes pluies. C'est un collègue, descendu dans la grotte le 19 octobre, comme son camarade, mais remonté seul en catastrophe deux jours plus tard qui donnera l'alerte.

Une semaine plus tard, on apprend que le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Drôme a déposé plainte contre le spéléologue et son camarade, leur reprochant d'avoir «mis en danger» les sauveteurs par leur imprudence. «Ces deux hommes ont pratiqué leur sport avec une témérité telle que ça a mis en oeuvre des secours énormes et mis en péril la vie d'autres personnes», explique ainsi Pascal Pertusa, président du conseil d'administration du SDIS. Dix-sept sapeurs-pompiers et 55 sauveteurs, dont quatre plongeurs, étaient intervenus pour secourir ce spéléologue expérimenté. Partis le samedi matin, ils l'avaient récupéré sain et sauf dans la soirée.

Dans sa plainte déposée vendredi, le SDIS rappelle que les bulletins météo prévoyaient de fortes pluies, et se réserve la possibilité de se porter partie civile «pour récupérer les 30.000 à 40.000 euros» qu'aurait coûté l'opération. Une somme que ne doivent pas acquitter les contribuables, juge Pascal Pertusa qui conteste également le nombre de sauveteurs mobilisés ce jour-là. «Il y a des moment, où il faut être responsable de ses actes. (...) Il faut arrêter d'être inconscient», ajoute-t-il sur France Info. «Ils avaient également conscience que cette période était favorable au phénomène de crues et à la création de siphons dans cette grotte», ajoute-t-il dans les colonnes du Dauphiné Libéré.

Une «réflexion» sur les risques

Le deuxième spéléologue, descendu dans la grotte le 19 octobre, comme son camarade, mais remonté seul en catastrophe deux jours plus tard, est quant à lui visé pour «non-assistance à personne en danger et entrave à la distribution des secours». Il lui est reproché de n'avoir prévenu les sauveteurs spéléologues que le lendemain. Ces derniers ayant eux-mêmes attendu pour prévenir les pompiers, les secours «sont partis alors que l'eau avait déjà beaucoup monté», a souligné Pascal Pertusa.

Le patron du SDIS se défend de vouloir remettre en cause le principe de la gratuité des secours, même si le sauvetage a coûté 50 fois plus cher que les «600 à 700 euros» d'une opération classique de secours à personne, mais appelle de ses voeux une «réflexion» sur les risques liés à certaines pratiques. «Lorsqu'un skieur prend un forfait de remontées mécaniques, une somme est automatiquement prélevée pour les interventions sur les pistes. Dans certains sports un peu particuliers, il y a peut-être un travail à effectuer pour inclure un système d'assurance dans la licence», a-t-il estimé. Le colonel Olivier Bolzinger, directeur du SDIS, réclame pour sa part «une mise en vigilance de ceux qui pratiquent les sports de plein air», déplorant que les pompiers de la Drôme soient «régulièrement confrontés à l'imprudence» de certains pratiquants.

Interrogé par le Dauphiné Libéré, Pierre-Yves Belette explique être depuis retourné dans la grotte en question. «Pour remonter mes notes et du matériel ... de sapeurs-pompiers !», explique-t-il. «Je suis déçu, révolté par cette attitude. C'est grave, ils veulent nous faire culpabiliser. Je me pose cette question : nous vivons dans quel monde ? »

Quand le stress favorise l'apparition de maladies

Difficile de faire le lien entre un travail stressant et l'apparition d'une maladie. Pourtant, une série d'enquêtes nationales réalisées ces dernières années, analysées et regroupées par un collége d'experts, sur demande du ministère du Travail, fait le lien de cause à effets pour certaines pathologies. Selon les auteurs de ce rapport, le stress au travail ou la dépression peuvent ainsi décupler les risques de maladies cardio-vasculaires, les problèmes de santé mentale et les troubles musculo-squelettiques "pouvant atteindre 50% à 100%".

Chargés de formuler des propositions en vue d'un suivi statistique des "risques psychosociaux au travail", le collège d'experts, regroupant notamment Philippe Askénazy (directeur de recherche au CNRS), Christian Baudelot (sociologue) ou Chantal Cases (statisticienne-économiste et directrice de l'Ined), a déterminé quarante "indicateurs provisoires" : "chacun est pertinent, mais ils ne donnent pas encore une vue exhaustive et synthétique des risques psychosociaux au travail", prévient Michel Gollac, sociologue et administrateur de l'Insee, qui préside le collège d'experts.

Se basant sur l'enquête Sumer de 2003 sur la surveillance médicale des risques professionnels, l'enquête 2005 sur les conditions de travail de la Dares (ministère du travail) et l'enquête Santé et itinéraires professionnels (SIP) 2007, le rapport classe les indicateurs en six catégories : exigences du travail, charge émotionnelle, autonomie et marges de manœuvre, rapports sociaux et relations de travail, conflits de valeur et insécurité socio-économique. La version définitive de l'étude est prévue à l'automne 2010.
Je commence à en avoir ras le bol de ces analyses à la mord moi le nœud qui comparent des choses auxquelles on ne faisait pas attention voilà dix ans.
Le stress a toujours existé, même à l'époque des pharaons, et cela ne va pas aller en s'améliorant avec le temps.
Qu'on nous lâche la grappe avec ces conneries et parlons de choses plus sérieuses, la compétitivité en Europe et dans le monde, voilà un sujet digne d'intérêt.

Tant de questions sur l'au-delà

Les Quarante Chroniques de l’au-delà qui composent Bis sont autant d’hypothèses sur ce qu’il y a après la mort.
Sur Dieu, l’éventail est ouvert: il est ici masculin, là féminin; il peut ignorer l’existence de l’homme parce qu’il a la taille d’une galaxie, ou bien celle d’un microbe; aimer l’humanité, ou la détester; rassembler autour de lui un véritable panthéon ou bien, fatigué de son rôle, démissionner. Qu’en est-il du paradis et de l’enfer? Il n’est pas toujours facile d’orienter les humains vers l’un ou l’autre: pour les victimes d’une guerre, quels sont le camp du bien et celui du mal? Mais surtout, qu’est-ce que le paradis? L’heureux élu aura-t-il à passer l’éternité avec plusieurs représentations de lui-même, à différents âges de sa vie? Ou exclusivement avec ceux qu’il a croisés pendant son existence? Devra-t-il revivre son passé à rebours, ou bien avec une redistribution temporelle des événements assemblant ce qui se ressemble, ce qui lui ferait passer successivement trente ans à dormir, sept mois à faire l’amour, deux mois à chercher une place de stationnement…?

On en vient à se demander si de tels paradis ne sont pas en réalité l’enfer. Peut-on au moins espérer être au clair avec la mort? Ce n’est pas sûr. C’est que la mort se déroule en trois étapes: quand le corps cesse de fonctionner, quand il est enterré et quand on prononce votre nom pour la dernière fois. Et les informaticiens inventeront peut-être un jour une touche "Trépas" qui permettra au défunt de se manifester par des messages préprogrammés envoyés périodiquement après sa mort. On finit par s’en convaincre: la vie est préférable à tous ces "au-delà". Chaque chronique est concise, troublante et drôle aussi. Chacune contraint à la réflexion: sur la condition humaine, sur l’évolution de la personnalité tout au long de la vie, sur la destinée, sur le bien et le mal. Le jeune Américain David Eagleman est spécialiste de neurosciences. Il écrit, nous dit-on, la nuit… Son petit livre est très brillant.

La Nef des fous, c’est un immense vaisseau peuplé de milliers d’humains qui erre dans l’espace depuis des siècles à la recherche de la Terre promise, coupé de tout par une épidémie qui l’a privé d’une partie de sa population et de ses archives. Il reçoit un signal radio qui le guide vers une planète habitable. Son équipe d’exploration n’y trouve pas âme qui vive. La population a été victime d’un effroyable génocide. Une question hante rapidement l’équipage: les coupables, des extraterrestres sans doute, n’auraient-ils pas attiré le vaisseau dans un piège mortel? Horreur et peur se conjuguent pour mettre en cause l’ordre établi dans ce monde clos, pour bousculer le fragile équilibre entre pouvoir politique et responsables religieux. Richard Paul Russo a le sens du suspense: on s’interroge jusqu’au bout sur le mystère du massacre, et aussi sur l’évolution des relations entre les personnages, complexes et attachants, qui sont confrontés à cette situation de crise.

Bis, de David Eagleman, Nil, 166 p., 16 euros. La Nef des Fous, de Richard Paul Russo, Pocket SF Le Bélial, 475 p., 22 euros.

Ces enfants qui ne vivent que devant des écrans

Les «produitsculturels» les plus vendus en France sont des jeux vidéo, les premiers «ordinateurs» s'adressent aux enfants de 3 ans et des télévisions diffusent des émissions destinées aux bébés de 6 mois… Enquête sur les véritables effets des écrans sur les jeunes.

Mon fils a tué quarante-cinq personnes aujourd'hui. » Le père qui prononce ces paroles n'est pas effondré. Juste un peu inquiet. Son fils, Adrien, ne fait pas la une des journaux pour un fait divers sanglant. C'est un adolescent sympathique, bien dans sa peau, qui, comme tous ses copains, passe beaucoup de temps sur son ordinateur, à jouer à des jeux guerriers. «Ce que je préfère, raconte Adrien, ce sont les jeux de stratégie, où il faut conquérir des mondes. Mais j'aime aussi tirer dans tous les coins, être plus rapide que l'ennemi.» Mathilde a 9 ans. On la croirait sortie d'un roman de la comtesse de Ségur, à ceci près que, contrairement à la petite Sophie du roman, Mathilde n'a pas de poupée. «C'est pour les bébés», tranche-t-elle avec une moue dédaigneuse. Mathilde a un cheval et de jolis petits animaux aux grands yeux attendrissants. Mais c'est sur sa console Nintendo DS. Mathilde, Adrien et tous les autres vivent entourés d'écrans. Ils y communiquent avec leurs amis, ils y jouent à des jeux plus ou moins violents, s'y inventent une vie rêvée, ou s'y échangent de courtes vidéos. Le reste du temps, ils le passent devant «Secret Story» ou Plus belle la vie.


Régulièrement resurgit le débat sur la violence des jeux vidéo. Aujourd'hui, c'est la notion d'addiction qui concentre l'attention. Simplement parce que le phénomène se prête aux études scientifiques : il est quantifiable. Le mois dernier, dans les allées du Festival du jeu vidéo de Paris, les «gamistes» s'agaçaient : «Ils s'imaginent quoi, réagit Vincent, 19 ans, chemise canadienne et chaussures de montagne. Quand on tue quelqu'un dans un jeu, on fait parfaitement la différence avec le réel.» Sur chaque stand s'affichait la créativité d'un secteur en pleine expansion. Trente milliards de chiffre d'affaire annuel, et des innovations permanentes. Grand Theft Auto IV, le jeu qui a défrayé la chronique par son hyperviolence, présente des plans dignes des meilleurs réalisateurs hollywoodiens. Et Assassin's Creed II, l'une des nouveautés les plus attendues de cette rentrée, promènera les joueurs dans une Venise d'un réalisme époustouflant. De plus en plus beaux, de plus en plus précis, les jeux vidéo seront au XXIe siècle ce que le cinéma fut au XXe. Ils se mêleront aux techniques de montage d'image et aux blogs pour créer un univers où les jeunes s'inventent déjà une identité sous le regard des autres.

La France est le premier pays européen de blogs adolescents. Elle est aussi un des pays où l'on trouve une partie des meilleurs créateurs de jeux vidéo. Et si chaque fait divers réveille la polémique sur leurs effets néfastes, les écrans fascinent autant qu'ils inquiètent. Les parents sont les premiers à acheter un ordinateur à leur petit dernier de 3 ans pour qu'il «ne rate pas la révolution numérique». Mais ils s'émeuvent de voir l'aîné collé à son écran. Thibault, 14 ans, avoue avoir réduit sa consommation. Il s'en réjouit même : «La télé endort un peu, c'est plus ennuyeux. Mais maintenant, j'arrive à m'ennuyer même sur ordinateur.» Il passait huit heures par jour devant son écran, ne dormant plus que quatre ou cinq heures par nuit.

Colin, 22 ans, a dépassé le stade de la dépendance. Même si aujourd'hui il se destine à la conception de jeux, il s'est un peu éloigné «depuis que World of Warcraft a supplanté Dark Age of Camelot». Entendez : deux jeux «MMORPG» ou «massivement multijoueurs», dont le premier a connu un succès foudroyant. La caractéristique des MMORPG : le joueur se crée un personnage et se connecte pour pouvoir s'allier avec les autres ou les combattre. Des batailles s'organisent, qui rassemblent parfois trois cents joueurs. Mais surtout, le joueur qui éteint son ordinateur sait que le monde continue à vivre sans lui : la temporalité du jeu lui échappe. Colin avoue avoir joué parfois de 8 heures du matin à minuit, ou les deux mois d'été. Quant à Thibault, il raconte que certains copains ont dépensé «jusqu'à 1 000 euros par mois pour obtenir des codes donnant accès aux niveaux supérieurs».

Internet aiguiserait le sens critique

De plus en plus de psychologues tentent de dédramatiser, notamment en privilégiant la théorie des usages : les écrans ne sont pas mauvais, c'est ce qu'on en fait qui pose problème. L'argument des défenseurs des écrans est aujourd'hui résumé dans un livre paru aux États-Unis, Ce qui est mauvais est bon pour vous. La thèse : les scénarios des jeux vidéo et séries que regardent les jeunes offrent une complexité croissante, qui développerait les performances cognitives. Mieux, pour le psychologue Michael Stora, tenant de la position «moderniste», «la fréquentation d'Internet apprend aux jeunes que tout est faux. Ils acquièrent un regard critique sur le monde.» Distance et refus des modèles. Pour Christian Gautellier, vice-président du Ciem (Collectif interassociatif enfance et média), voilà bien ce qui pose problème : «Ces jeux et ces séries télé sont porteurs de valeurs qui n'ont parfois rien à voir avec celles des familles ou même celles de notre civilisation. Mais les jeunes s'approprient ces valeurs par imprégnation.» Et par le fait qu'ils sont confrontés à des situations qui ne correspondent pas forcément à leur développement cognitif, ce que Liliane Lurçat (1), chercheuse au CNRS en psychologie de l'enfant, appelle la «fusion des âges à l'ère de la télévision». Un mélange entre la banalisation de la pensée magique et une sortie précoce du monde de l'enfance.

Pire, les techniques évoluent tellement vite, et l'imprégnation a lieu désormais sur des enfants tellement jeunes, qu'il est impossible d'avoir des études fiables. Venues de Grande-Bretagne, les télévisions pour bébés de 6 mois à 3 ans, qui diffusent des programmes 24 heures sur 24, se sont imposées en France malgré l'opposition du ministère de la Culture, grâce à la législation européenne. Pour Christian Gautellier, «ce n'est pas un problème de contenu. C'est pour ça que le débat sur la violence est biaisé. La violence, c'est de mettre des enfants de cet âge devant des écrans.» L'effet de sidération se manifeste dès les premiers mois de la vie, et nul n'en mesure les conséquences. Qui analysera scientifiquement l'absence totale de compréhension que les jeunes peuvent avoir du monde qui les entoure, de ses lois scientifiques et logiques, de son fonctionnement… Bref, de notre environnement naturel et culturel ?


«Bienvenue dans le désert du réel»



«Les écrans, explique Liliane Lurçat, ne sollicitent que les sens à distance, l'ouïe et la vue. Pas les sens de proximité. Or, l'odorat, le goût et le toucher sont des sens fondamentaux. Ils sont nécessaires à un développement cognitif harmonieux. C'est par les cinq sens qu'un enfant se raccorde au réel. Hannah Arendt en faisait la condition de ce qu'elle appelait le “sens commun”.» Il suffit pour s'en convaincre d'observer un bébé qui, pour comprendre les objets qui l'entourent, pour se les approprier, les manipule et les goûte. L'enfant installé devant son écran, à quelque âge que ce soit, détruit peu à peu cette conscience profonde de son existence au monde qui naît du lien entre les perceptions sensorielles et l'intelligence. Et les essais pour développer des environnements olfactifs sur ordinateur n'y changeront rien : ils ne seront aux véritables odeurs que ce que la fraise Tagada est à une vraie fraise, un artefact qui tend à modeler notre goût, à nous faire oublier le réel.

Serge Tisseron (2) est l'un des auteurs de la pétition contre les télévisions pour bébés. Il s'alarme de cette course à la précocité qui incite les parents à équiper leurs enfants de plus en plus jeunes et suggère une règle «3-6-9-12». Pas de télévision avant 3 ans, pas de console avant 6 ans, pas d'Internet accompagné avant 9 ans, et pas d'Internet seul avant 12 ans. Une proposition franchement minimaliste, quand d'autres experts demandent instamment que soit retardée au maximum l'exposition des enfants aux écrans. C'est selon eux le seul moyen de préserver leur développement sensoriel et de lutter contre la «désertification sans précédent de l'espace réel et de tout ce qui nous entoure» qu'analysait le philosophe Jean Baudrillard. «Bienvenue dans le désert du réel», déclarait un des personnages de Matrix, film culte des amateurs de mondes virtuels. Pour eux, d'ores et déjà, «la vraie vie est ailleurs» ; ailleurs que dans la civilisation et les références qui ont jusqu'à présent structuré les sociétés humaines.

(1) «La Manipulation des enfants par la télévision et par l'ordinateur», Liliane Lurçat, Éditions François-Xavier de Guibert. (2) «Qui a peur des jeux vidéo ?», Serge Tisseron, Albin Michel.

Les séropositifs à nouveau bienvenus aux États-Unis

Barack Obama a annoncé qu'il finaliserait lundi l'ordre levant l'interdiction d'entrer sur le territoire qui les visait depuis 22 ans, bouclant un processus entamé par George W. Bush. Leur liberté de voyager sera aussi restaurée.

C'est une interdiction vieille de 22 ans qui va prendre fin. Les Etats-Unis prendront en effet lundi les dernières dispositions pour lever l'interdiction faite aux porteurs du virus du sida d'entrer sur leur territoire et la liberté de voyager sera restaurée tout début 2010, a annoncé vendredi le président Barack Obama.

«Il y a 22 ans, par une décision fondée sur la peur plutôt que sur les faits, les Etats-Unis ont instauré une interdiction d'entrer sur le territoire pour ceux qui étaient porteurs du virus du sida. Nous parlons de faire disparaître le stigmate que représente cette maladie, mais cela ne nous a pas empêchés de traiter comme une menace ceux qui vivaient avec et qui nous rendaient visite», a déclaré Obama. Il a souligné que seuls une dizaine de pays dans le monde appliquaient une telle réglementation et que les Etats-Unis en faisaient partie. «Si nous voulons être à la pointe du combat contre le sida dans le monde, nous devons nous comporter comme tels. C'est pourquoi mon administration publiera lundi une ultime réglementation qui supprimera l'interdiction d'entrée, avec effet juste après le Nouvel an», a-t-il dit.

Le président s'exprimait à l'occasion de la promulgation d'une loi prolongeant des mesures d'aide aux malades du sida, visant à garantir un traitement notamment aux plus pauvres. Le texte a été adopté par le Congrès ce mois-ci.

Obama «finit le travail» de Bush

Des restrictions avaient été imposées aux voyageurs séropositifs depuis 1987, à une époque où les connaissances sur le mode de transmission de la maladie étaient faibles. Elles ont été levées en juillet 2008 après la signature par le président américain George W. Bush d'une loi qui triple sur cinq ans l'effort financier des Etats-Unis pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

En septembre 2008, les services américains de l'immigration avaient annoncé avoir transposé dans la réglementation sur la délivrance des visas la levée de l'interdiction de l'entrée et du séjour sur le sol américain des voyageurs séropositifs. Mais la levée de cette interdiction devait encore franchir une dernière étape procédurale: la publication d'une ultime réglementation par l'administration. «Le Congrès et le président Bush se sont engagés dans cette voie l'an dernier et ils doivent en être félicités. Nous finissons le travail», a déclaré le président. Auparavant, les personnes atteintes du sida n'avaient, sauf exception, pas le droit d'entrer aux Etats-Unis.

Barack Obama a également affirmé que la bataille contre le sida était «loin d'être terminée». «Le sida n'est peut-être plus la cause de décès numéro un chez les Américains âgés de 25 à 44 ans, comme c'était le cas autrefois. Mais 1,1 million d'Américains continuent à vivre avec le sida aux Etats-Unis», a-t-il dit. Il a noté que certains groupes, comme les hommes homosexuels et les Noirs, continuaient à afficher des taux de contamination «inacceptables».

En France, Jean-Luc Romero, président d'Elus locaux contre le Sida (ELCS), a accueilli «avec beaucoup de plaisir» l'annonce faite par Barack Obama espèrant qu'elle aura un effet «boule de neige». Il a émis le souhait que la fin de l'interdiction soit étendue aux personnes séropositives «ayant la volonté de s'installer aux Etats-Unis». Leur cas, dit-il, n'a pas été abordé. La ministre française de la Santé Roselyne Bachelot a elle salué «une décision d'une grande humanité».

Du fait de cette loi, les Etats-Unis n'ont plus accueilli de conférence internationale sur le Sida depuis 1993.

* Selon l'association américaine Immigration Equality, onze autres pays dans le monde refoulent les étudiants, touristes, voyageurs ou immigrants porteurs du virus du Sida. Il s'agit de l'Arménie, du Bruneï, de l'Irak, de la Libye, de la Moldavie, d'Oman, du Qatar, de la Russie, de l'Arabie saoudite, de la Corée du Sud et du Soudan.

"Pourquoi nous ne voterons pas la réforme de la taxe professionnelle"

Exclusif. Dans les colonnes du Journal du Dimanche à paraître, Jean-Pierre Raffarin et 24 sénateurs* expliquent pourquoi ils ne voteront pas la réforme de la taxe professionnelle. Voici leur tribune.


"Les réformes relatives aux territoires nécessitent à la fois sagesse et volontarisme pour une décentralisation juste et efficace. A la veille du Congrès des maires de France, nous entendons répondre aux préoccupations et inquiétudes des élus et exprimer nos convictions, en toute liberté et responsabilité.

Sénateurs, militants de la République décentralisée, nous souhaitons porter sur les réformes qui nous sont proposées un jugement sage, juste et réformateur. La réforme des collectivités territoriales nous paraît stratégique et moderne. Nous la soutiendrons avec conviction. Les décentralisateurs sont dans le camp des réformateurs. L’immobilisme est le pire adversaire de la décentralisation. Le débat sur les structures, leurs compétences et leurs moyens financiers est nécessaire à l’avenir de la République décentralisée. Il s’agit d’apporter à notre organisation territoriale plus de lisibilité, plus d’efficacité et un meilleur rapport coûts-avantages.

La réforme des collectivités territoriales et la recherche de plus de compétitivité pour les entreprises françaises nous conduisent à souhaiter une réforme de la taxe professionnelle. Les entreprises françaises sont pénalisées fiscalement par rapport à leurs concurrentes étrangères. Là aussi, nous sommes dans le camp des réformateurs. Cependant, la réforme de la taxe professionnelle, actuellement proposée par l’exécutif, ne peut être votée en l’état. Si le volet "allègement fiscal" pour les entreprises ne nous pose pas de problème et peut donc être voté rapidement, en revanche le travail relatif au volet territorial de la réforme n’est pas achevé.

L’actuelle proposition n’est ni claire, ni juste, ni conforme à nos convictions d’élus enracinés. Nous ne pouvons prendre à la légère l’inquiétude profonde et légitime de tous les élus qui, à la tête de leurs collectivités territoriales, sont les premiers investisseurs du pays.

Il nous apparaît peu rationnel de mener la réforme des finances avant celle des compétences. Le principe de réalité nous conduit à penser qu’il est nécessaire de voter d’abord la réforme des collectivités territoriales, puis la réforme de la taxe professionnelle. La seconde doit trouver ses fondations dans les choix et principes de la première.

Définissons les compétences de chaque échelon territorial puis, sereinement, logiquement et équitablement, répartissons les recettes fiscales en fonction des missions des différents échelons. Afin d’être informés en toute clarté et connaissance de cause, les élus ont besoin des simulations financières et fiscales que Bercy est dans l’impossibilité de fournir dans les délais impartis.

Puisque la réforme proposée n’impactera pas les budgets territoriaux de 2010, il est possible de voter la réforme des collectivités territoriales et leurs compétences avant 2011, année au cours de laquelle s’appliquera la réforme de la taxe professionnelle.

Pour toutes ces raisons nous proposons un amendement visant à donner le temps nécessaire au bon ordre des réformes. Nous voulons des simulations avant les décisions. Il s’agit de nous donner le temps pour une réforme plus juste et plus efficace. Le bloc communal qui doit être renforcé par la réforme des collectivités territoriales, l’acte III de la décentralisation, ne peut être fragilisé par la réforme de la taxe professionnelle.

Représentants de la Haute Assemblée, nous voulons promouvoir la sagesse réformatrice."

*René Beaumont (Saône-et-Loire), Michel Bécot (Deux-Sèvres), Pierre Bernard-Reymond (Hautes-Alpes) , Joël Billard (Eure-et-Loir), Jacques Blanc (Lozère), Paul Blanc (Pyrénées-Orientales), Pierre Bordier (Yonne), Christian Cambon (Val-de-Marne), Jean-Claude Carle (Haute-Savoie), Alain Chatillon (Haute-Garonne), Philippe Dallier (Seine-Saint-Denis), Béatrice Descamps (Nord), Alain Fouché (Vienne), René Garrec (Calvados), Françoise Henneron (Pas-de-Calais), Michel Houel (Seine-et-Marne), Alain Houpert (Côte-d’Or), Jean-Marc Juilhard (Puy-de-Dôme), Jean-René Lecerf (Nord), Antoine Lefèvre (Aisne), Philippe Paul (Finistère), Jean-Pierre Raffarin (Vienne), Charles Revet (Seine-Maritime), Bernard Saugey (Isère).

L'avocat de Chirac revient sur les "naufrages judiciaires"

L’avocat de Jacques Chirac, Me Jean Veil, rappelle, exemples à l’appui, que les juges d’instruction peuvent aussi être désavoués par les tribunaux.
"Pour moi, la défense du président Jacques Chirac commence véritablement aujourd’hui. Elle s’achèvera par un procès à l’occasion duquel il établira son innocence. Rappelons d’abord des faits, du droit et de l’histoire. Etre renvoyé devant un tribunal correctionnel n’est ni un signe de culpabilité ni l’annonce d’une condamnation. Pour un juriste, cela va sans dire. Pour l’opinion publique, nos concitoyens, à bon droit interloqués et inquiets, cela mérite d’être rappelé.

Citons donc quelques affaires. Celle de la Mnef d’abord. Dominique Strauss-Kahn, forcé de démissionner du poste le plus important du gouvernement après avoir été mis en examen par un juge d’instruction, finalement blanchi par le tribunal de grande instance de Paris, avec des commentaires très critiques sur l’instruction. L’affaire dite du 'Sentier 2': huit années d’instruction, sept ans de mise en examen pour blanchiment contre la Société générale, son président Daniel Bouton et cinq dirigeants de la banque, un renvoi devant le tribunal malgré les réquisitions de non-lieu du Parquet ; et, pour finir, une relaxe générale. Dans cette dernière affaire, la dernière juge d’instruction était Xavière Simeoni, celle-là même qui vient de renvoyer Jacques Chirac devant le tribunal, également contre des réquisitions de non-lieu.

On pourrait citer mille autres naufrages judiciaires: la FNSEA, Ciments français, etc., conclus par des relaxes prononcées par un tribunal saisi par un juge qui statutairement doit transmettre son dossier dès lors que des charges apparaissent, sans avoir à apprécier les chances de condamnation ou de relaxe.

Pour être précis, et juste, cela ne remet pas en cause l’honnêteté ou la diligence des juges d’instruction, et certainement pas Mme Simeoni: elle a été, dans l’affaire de la Mairie de Paris, d’une courtoisie et d’une discrétion remarquables ; aucune des fuites qui ont pollué ce dossier n’est venue d’elle. Mais elle, comme tous ses collègues de l’instruction sont placés par la loi dans une situation intenable. On leur demande d’instruire à charge et à décharge, comme s’ils n’avaient pas, au fond, d’opinion ou de conviction sur les dossiers qu’ils instruisent.

Comme de nombreux juristes, je suis partisan depuis des décennies d’une réforme de l’instruction. On ne peut pas instruire contre sa propre conviction. En l’occurrence, celle de Mme Simeoni était faite, et dès avant le 21 novembre 2007, jour de la mise en examen de Jacques Chirac. Pendant deux ans, malgré la réalité des faits, je n’ai pu la faire changer d’avis. Je le regrette, tout en me réjouissant de pouvoir faire la preuve publique de l’innocence de mon client devant le tribunal correctionnel, face à des juges qui diront simplement le droit sans convictions préconçues, simplement comme des arbitres."