vendredi 27 janvier 2012
Hollande, on le savait, est l'homme d'un réformisme tranquille. Il s'est posé hier en candidat du changement raisonnable. Tel qu'en lui-même, sérieux mais recentré par rapport au Hollande allégorique du Bourget. Il l'avait démontré au PS, il a le sens de la synthèse. Le projet dévoilé à la Maison des métallos - temple du syndicalisme, tout un symbole même si celui-ci ne saurait suffire à réenchanter la classe ouvrière - est marqué par un souci d'équilibre, pour ne pas écrire qu'il constitue un habile numéro d'équilibriste. N'épiloguons pas sur l'effet catalogue auquel il n'échappe pas, et évitons les mauvais procès : les Français ne vont pas élire des présidents de syndicats intercommunaux, ils ont besoin d'être éclairés ! Hollande entend incarner une alternative de gauche classique, plus proche de Mitterrand, l'idéologie de mai 1981 en moins, que de l'empathie échevelée de Royal. Il ne lâche certes pas une bombe politique. Il s'inscrit dans la veine sociale-démocrate : redistributif, il demande un effort de solidarité aux plus aisés au profit des classes moyennes. Les hausses d'impôts sont assumées pour financer la « justice sociale », encore faudra-t-il relever le pari qu'il tente en tablant sur une croissance optimiste. La droite en fera ses choux gras. La gauche modérée puisera dans son programme plus de satisfaction que l'aile gauche du PS qui déplorera le manque d'ambition au regard du projet du parti, vaguement détricoté, tandis que le centre appréciera son orthodoxie budgétaire. Bref, du grain à moudre pour tout le monde si bien qu'on est embarrassé pour le caractériser. Disons qu'il ratisse large .
"The Times" s'effraie de l'impact du programme Hollande sur la City
Le quotidien conservateur britannique consacre une double page vendredi à la présidentielle française.
Le quotidien conservateur britannique The Times consacre une double page vendredi à la présidentielle française et s'inquiète de l'impact d'une possible élection du candidat socialiste François Hollande sur la City de Londres.
"Les sondages français mettent la City en ligne de mire", titre le Times en "une" vendredi, relevant : "Le favori dans l'élection cible les services financiers dans son programme." Selon le journal, le Premier ministre David Cameron, le maire de Londres - tous deux présents jeudi à Davos - et les hommes d'affaires britanniques ont été "interloqués par les projets de François Hollande, faisant valoir qu'ils porteraient atteinte aux places financières".
"Erreur" (maire de Londres)
Le maire de Londres, le conservateur Boris Johnson, a accusé François Hollande d'être "vindicatif". François Hollande avait défini "le monde de la finance" comme "son véritable adversaire", lors de son premier grand meeting dimanche. "Je ne veux pas m'ingérer dans la politique intérieure française, mais je veux éviter que les Français fassent une erreur qui porte atteinte à l'économie britannique", indique le maire de Londres, cité par le quotidien.The Times observe que le retour au pouvoir d'un "gouvernement de centre gauche en France changerait l'équilibre d'une Europe dominée par des gouvernements de centre droit". François Hollande prévoit une séparation des activités de banque de détail et de banque d'investissement, également programmée par le gouvernement au Royaume-Uni. Les banques françaises seront également bannies des paradis fiscaux tandis que les "produits financiers toxiques" seront "purement et simplement interdits", selon son discours dimanche au Bourget, près de Paris.
Le candidat socialiste a également promis une "véritable" taxe sur les transactions financières et a appelé à la création d'une "agence publique de notation" européenne. Le Premier ministre britannique a vivement critiqué, jeudi à Davos, le projet franco-allemand de taxe sur les transactions financières, qualifié de "folie", et a fustigé le retard de productivité de l'Union européenne, appelée à faire preuve d'"audace".
Retraites - Les dépenses sous le tapis de Hollande
Le candidat du PS à la présidentielle confirme une réforme des retraites, tout en sous-estimant son coût.
Les mesures sur les retraites présentées par le candidat du PS François Hollande vont sérieusement grever les comptes de la Sécurité sociale. Selon l'évaluation de l'association Sauvegarde retraites, elles coûteront au moins 6,3 milliards d'euros par an à partir de 2020, année où elles exerceront tous leurs effets.
Ces mesures consistent à ramener à 60 ans l'âge auquel on peut prendre sa retraite à taux plein à condition d'avoir cotisé 41 années. Elles concernent les personnes qui ont commencé à travailler à 18 ans ou avant. Cette perspective signifie qu'à l'horizon 2020 les régimes de retraite ne pourront pas être équilibrés. Alors même que la réforme, si controversée dans l'opinion, de Nicolas Sarkozy repoussant de 60 à 62 ans l'âge de la retraite devait justement permettre le retour à l'équilibre en 2020 en faisant gagner à l'ensemble des régimes de retraite 20 milliards. Du moins en théorie. Car, afin de parvenir à ce bouclage "parfait", l'État mettait au bout 15 milliards d'euros pour financer les retraites des fonctionnaires.
C'est cet équilibre déjà précaire et théorique qui est balayé par les propositions de François Hollande. 6,3 milliards de déficit est une hypothèse basse. Explication : toutes les personnes qui ont commencé à travailler à 18 ans ou avant n'ont pas forcément validé tous leurs trimestres (interruption temporaire d'activité, période de travail non rémunérée...). Selon Sauvegarde retraites, on peut estimer à 30 % leur proportion... Sans cela, le déficit Hollande s'élèverait à 9 milliards d'euros.
Ce chiffre n'est cependant pas si farfelu, car on ne connaît pas le coût des dispositions sur la pénibilité que le candidat s'est engagé à négocier dès 2012 s'il est élu... "À noter que pour plus d'un million d'agents, de la SNCF, d'EDF... ou de la fonction publique d'État opérant dans les services actifs (policiers, gendarmes...), la mesure de Hollande ne signifie rien pour eux, car leur âge légal de retraite oscille toujours entre 50 et 57 ans...", explique Pierre-Édouard du Cray, économiste de Sauvegarde retraites.
Un aspect (une même retraite pour tous ?) que le candidat de la justice sociale ignore totalement, celui-là. Surtout, ces 6-9 milliards de dépenses ne sont pas comptabilisés dans les 20 milliards de dépenses sur cinq ans annoncés par le candidat socialiste. Le déficit dû aux mesures Hollande sur les retraites n'apparaîtra qu'en 2020. Or, s'il est élu, son mandat s'achève en 2017. Alors, on met tout ça sous le tapis. À moins d'augmenter les charges des entreprises ou des salariés. Et n'aiderait pas à renforcer la compétitivité du pays. Ce qui n'est pas (encore) à l'ordre du jour...
Hollande se voit déjà à l’Elysée
« Vous verrez cette photo la prochaine fois »
La main tendue à Mélenchon
« M. Hollande, la Chine va vous envoyer sur les roses ! »
Ce n’est pas rien, de vouloir être notre Président. Alain Duhamel, qui les a tous bien connus, affirment qu’il y faut un grain de folie. Il a sans doute raison : pas de place dans cette compétition d’une brutalité sans nom pour un homme normal. François Hollande, on s’en souvient, avait prétendu l’être - c’est fini : il suffisait de l’observer hier soir à la télévision pour comprendre qu’il a basculé dans un autre monde. Encore modeste, revendiquant même la normalité comme une qualité, mais déjà candidat. Solennel, parlant avec des majuscules, commençant d’adopter cette raideur républicaine qui va si bien aux lustres de l’Elysée, et qui fait tant rire nos voisins démocrates. Notre Président d’aujourd’hui, Nicolas Sarkozy, avait connu en son temps semblable métamorphose. D’autres candidats se révèleront peut-être, ces prochaines semaines. Dans tous les cas, si l’on peut dire : que le plus fou gagne !
Dans quelques mois, quand on se retournera sur cette campagne présidentielle, cette dernière semaine de janvier apparaîtra comme un moment décisif. Les jours, peut-être, où l’élection a basculé.
Ce matin, peut-on écrire que François Hollande a fait le plus difficile? Il a résisté au petit trou d’air qu’il a connu et à nouveau creusé l’écart dans les sondages, il a manifestement convaincu à la tribune du Bourget, et hier soir, il s’est plutôt bien sorti du piège des Paroles et des Actes, la grande émission politique dont il était l’invité sur France 2. Il était favori, et le voilà installé dans la posture de futur président, à commencer par la majorité de droite qui l’attaque comme s’il était déjà au pouvoir.
Cette position enviable est en vérité très inconfortable et lui laisse fort peu de marge de manœuvre. Étrange campagne, en vérité, où son intérêt est d’être le plus lisse possible. Son programme en 60 mesures ressemble à l’horloge de son éventuel mandat. Lent et discret, comme un tic-tac tranquille qui rythmera son mandat en fond sonore. La retenue comptable qui a caractérisé la présentation de ses grandes priorités a singulièrement contrasté avec la geste flamboyante de dimanche dernier. A travers ce plan de vol plutôt modeste, le candidat des socialistes a mis cartes sur table toute la distance qu’il voulait prendre avec le programme du PS. Rien de très spectaculaire, rien qui puisse vraiment donner prise à une polémique embarrassante. Rien qui choque. Rien qui chagrine. Rien qui provoque. Une classique perspective sociale-démocrate qui trace un chemin modeste à travers une réorientation de la fiscalité. D’une certaine façon, il a réduit les angles de sa caricature. Évitant de prêter le flanc, il oblige ses adversaires de droite à le prendre d’assaut, et dans ce type de séquence, sa placidité est un atout.
Le duel avec Alain Juppé a, sur ce point, été révélateur. Le ministre des Affaires étrangères a été brillant, comme à son habitude, mais il n’a pas eu d’autre choix que de jouer le rôle du professeur jusqu’à commettre l’erreur de moquer assez grossièrement la témérité supposée de son adversaire face aux Chinois. Il n’est pas sûr que la méthode soit efficace, tant cette éternelle condescendance n’a jamais vraiment réussi à la droite.
François Hollande a préféré esquiver comme si tout cela était de peu d’importance. A-t-il voulu signifier que sa pratique du pouvoir serait, en définitive, plus importante que ses réformes?
Analyse du programme de François Hollande par OuestFranceFR
Encore trois mois à tirer et déjà un sentiment de lassitude. Je rêve d’une semaine sans voir apparaître sur écran ou papier la tronche des candidats, qu’ils soient déclarés, éventuels ou improbables. Juste une semaine sans ces trouvailles lourdingues de communicants, distillées jour après jour aux seules fins de “reprise”.
Juste une semaine sans cette grêle de sondages et ces commentaires répétitifs sur les chances de Bayrou et de Marine Le Pen d’atteindre le second tour. On sait tout sur les ficelles des positionnements, la fabrication des “images”, les combines tactiques, les goûts et couleurs, les épouses ou compagnes, les “entourages” et même les chevaux. Presque tout sur les programmes, dont on se fiche, sachant que grâce au ciel ils ne seront pas appliqués. Les promesses d’argent, quel naïf peut y croire ? L’État est fauché comme les blés en été, les collectivités locales sont dans le rouge et les vrais gros contribuables – entreprises ou particuliers – ont déjà pris leurs précautions. Que Mélenchon traite Marine Le Pen de « semi-démente », est-ce important ? Que Hollande se décrète ennemi juré du « monde de la finance », ce diable à mille fourches, est-ce bien nouveau dans le pathos d’un socialiste ?
On a tous compris depuis belle lurette que Mélenchon drague le prolo lepéniste et que Hollande a besoin de réveiller le fantôme d’un « peuple de gauche ». On sait tous que Bayrou se veut transfrontalier puisqu’il n’a pas de troupes, et que Joly nous vend du moralisme en gros, c’est son négoce. On sait aussi que comme ses prédécesseurs, Sarkozy sera le plus longtemps possible candidat sans l’être. Jamais une campagne présidentielle ne m’a donné à ce point une impression de trucages grossiers : on croit voir des acteurs répéter en off des tours de magie auxquels plus personne ne se laisse prendre,hors l’engeance militante. Pourtant, nous abordons un moment historique assez crucial, qui promet des chambardements et mériterait qu’on s’y appesantisse. Justement, il semble que ce moment, les politiques le prennent par les bouts les plus usés des lorgnettes de la démagogie. Le monde à venir nous plonge dans une perplexité qu’aggrave leur cécité. Ce qu’ils ressassent en boucle, chacun dans son patois partisan, nous écœure jusqu’à la nausée, c’est du racolage au ras des pâquerettes alimenté par un souteneur sans vertu : le système médiatique.
Après l’hiver, le printemps – et je m’enfièvre toujours à l’approche des fins de championnats, foot et rugby. Quand on connaîtra les candidats, quand adviendra l’équivalent des demi-finales, je renouerai sans doute avec la passion sportive. Pour l’heure, qu’il s’agisse de ballons ou de bateleurs, il y a saturation, une cure de désintoxication s’impose. Relisons à l’abri du bruitage les historiens majeurs, ils nous déniaiseront, ils éclaireront nos lanternes. Car aucune rupture mentale, morale, économique et géopolitique n’est comparable à celle que nous vivons hic et nunc, sinon le passage de la cueillette à l’agriculture, autant dire l’entrée de l’homme dans l’Histoire par la porte des premiers alphabets, des premières cités, des premières sépultures. À cette aune, les considérants de ce début de campagne ne pèsent vraiment pas lourd.
Anne Sinclair fait savoir qu’elle a repris un job. C’est son droit. Des médias relayent urbi et orbi cette “information” des plus anodines. C’est leur conception du journalisme. Il n’y aurait pas lieu d’y prêter attention si la même Anne Sinclair ne se déclarait victime de la « violence » des mêmes médias. Que le battage consécutif aux tracas parajudiciaires de son mari l’ait incommodée, on le conçoit volontiers. Mais la mise en scène à l’artillerie médiatique lourde de sa précandidature jusque dans sa cuisine ne l’avait pas offusquée en son temps. Anne Sinclair s’est sciemment construite en star au long de son ascension professionnelle, puis mondaine et somme toute politique. C’était son droit. La gent journalistique se prêtait à cette entreprise avec une certaine complaisance. Anne Sinclair est assez “pro” pour ne pas ignorer qu’une star en déclin ou en déroute affriole forcément ses anciens confrères. Nulle « violence » donc, juste une histoire de miroirs brisés à l’intérieur d’un cercle où les rôles s’échangent au gré des caprices du sort.
Ne jamais dire à l’adversaire non pas ce que l’on fera, conseillait Richard Nixon, le président des États-Unis, mais ce que l’on ne fera pas. Nicolas Sarkozy a le plus grand intérêt à maintenir aussi longtemps que possible le suspense et l’incertitude sur ce que sera sa stratégie dans le débat final.
Les médias, parce qu’ils ont hâte de voir le rideau se lever, les commentateurs politiques, pour le plaisir de le voir s’exposer, l’engagent tous à se déclarer au plus tôt. Ses concurrents savent bien qu’il sera candidat, ils ne cessent de le répéter comme s’ils avaient besoin de s’en convaincre, mais ils ne savent ni dans quelles circonstances ni comment il va se présenter. Voilà ce qui les embarrasse.
Du jour où Nicolas Sarkozy dévoilera non pas ce qu’il entend faire (gouverner jusqu’au bout) mais le jeu qu’il a – ses bonnes et ses mauvaises cartes – , le suspense prendra fin : ils se jetteront tous sur lui. Il y a déjà cinq ans qu’il subit les critiques et les sarcasmes, pourquoi en rajouter ? François Hollande est le favori de cette élection – les médias l’ont déjà élu deux fois président de la République, le soir de son succès à la primaire socialiste, le 16 octobre, et ce dimanche 22 janvier après son meeting du Bourget – mais, s’il est le favori, il n’est pas non plus à l’abri des coups. Pendant ce temps, au moins, Sarkozy est aux commandes.
Il y a vingt-quatre ans, en 1988, François Mitterrand arrivait au terme de son septennat. Mitterrand le modèle, Mitterrand l’artiste, pour reprendre le mot d’Alain Duhamel. Arrivé au pouvoir en 1981, il avait gouverné cinq ans, avait perdu toutes les élections partielles et intermédiaires ; il avait même changé le mode de scrutin pour ne pas perdre les élections législatives et les avait quand même perdues en 1986. Il avait dû confier le pouvoir à ses adversaires les plus déterminés, Jacques Chirac et les siens. En 1988, il ne gouvernait donc pas, il n’avait rien à perdre à se présenter contre eux à l’avance, à se déclarer très tôt pour les attaquer – tout en clouant le bec à ceux qui lui conseillaient de se retirer. Il fit le contraire. Il se déclara très exactement un mois avant le premier tour de la présidentielle, le 22 mars. Deux jours avant, Chirac avait rassemblé cent mille sympathisants à l’hippodrome de Vincennes quand les socialistes n’étaient que vingt mille au Bourget (déjà) en attente de leur candidat.
Que fait donc l’artiste en se déclarant si tard ? Il attaque méchamment Chirac et les gaullistes : « Je me dresse contre les partis, les groupes, les factions dont l’intolérance éclate tous les soirs », dit-il, et sur ce sectarisme et cette agressivité, il renonce au socialisme sur lequel il a été élu et se bâtit une statue de rassembleur de la “France unie” ! Grâce à quoi, il gagne. Chapeau. Quelle est la morale, si l’on peut dire, de cette histoire ? En politique, on peut tout oser, à condition de ne jamais perdre ses nerfs durant les épisodes de la bataille. Un événement chasse l’autre à une vitesse ahurissante, et c’est là qu’une stratégie arrêtée à laquelle on se tient est toujours supérieure à la course derrière l’actualité, changeante et contradictoire.
Nicolas Sarkozy bénéficie d’une situation unique : il est le président de la République et il l’est encore pour cent jours au moins – pourquoi en ferait-il le sacrifice au profit de Hollande, Bayrou, Marine Le Pen ? Ceux-ci vont tous expliquer à leurs électeurs ce qu’ils comptent faire durant les cent premiers jours de leur présidence, les décisions qu’ils prendront, les projets de loi qu’ils présenteront, les traités qu’ils renégocieront, etc. Si, si, si : s’ils sont élus, s’ils ont une majorité pour les soutenir. Sarkozy, lui, ces cent jours, il les a, et la majorité aussi : plutôt que d’en faire cadeau à la concurrence, il les utilise non pas à promettre mais à décider. Le Parlement siège encore pendant six semaines, eh bien, chaque jour de cette fin de session sera bien rempli. La suite, ce sera l’enjeu des élections.
C’était le sens du sommet “social” du 18 janvier entre le gouvernement, le patronat et les syndicats. Si Sarkozy avait été candidat déclaré, qui serait allé à l’Élysée pour une réunion soumise à l’incertitude du scrutin ? Tout le monde s’y est retrouvé, sans se lamenter, parce que chacun savait que la machine gouvernementale continuait à fonctionner et que le chef de l’État allait prendre ses responsabilités. C’est François Hollande qui est obligé de dire ce qu’il ferait – et ce qu’il ne ferait pas. Nixon donnait un autre conseil : « Agissez toujours comme si vous aviez un million de voix de retard. Ainsi, vous gagnerez peut-être avec un seul bulletin d’avance. »
François Hollande n’a pas raté son entrée en campagne. Les militants étaient venus en masse au Bourget (20 000 selon les organisateurs). « Mais il n’y avait pas le peuple », a relevé Ségolène Royal, meurtrie d’être zappée dans le film qui retraçait les grandes heures du Parti socialiste. Il est vrai qu’elle suscitait en 2007 une ferveur quasi mystique que l’on ne retrouvait pas dimanche.
Il y avait une brochette de people (Biolay, Darmon, Noah…). Tout le PS rassemblé. Et au premier rang, les plus belles fraises du panier : les anciens premiers ministres Mauroy, Fabius, Cresson, Jospin (il manquait Rocard). Les candidats à la primaire avec Martine Aubry en majesté. Et Mazarine Pingeot aux côtés de Valérie Trierweiler, la compagne du candidat. Le test de sa réussite ? C’était de regarder la tête qu’ils faisaient en écoutant le discours. Ils affichaient l’air béat de qui avale une gourmandise. Y compris ceux qui, hier encore, confiaient en privé leurs doutes sur son caractère et ses capacités de leadership. Ils semblaient rassurés.
François Hollande, dont le talent d’orateur est indéniable, leur a servi ce qu’ils aimaient. La gauche a le culte des totems. Il a fait son “Mitterrand”. Moins que d’habitude dans la gestuelle et le ton. Le mimétisme était devenu si caricatural qu’il tournait au numéro d’imitateur. Comique !
Ses conseillers lui ont dit d’en faire moins. Mais il a sacrifié à la liturgie qui avait fait le succès du seul socialiste élu à la présidentielle – tirer à boulets rouges sur la finance : « Mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, et pourtant il a pris le contrôle de nos vies, c’est le monde de la finance, qu’il faudra affronter dans un long combat. »
C’était quasiment un copier-coller du discours de Mitterrand à Épinay en 1971 : « Le véritable ennemi, j’allais dire le seul, parce que tout passe par chez lui, c’est lui qui tient les clés, c’est le monopole de l’argent qui corrompt, qui achète, l’argent qui écrase, l’argent roi qui pourrit jusqu’à la conscience des hommes. » Avec ces mots-là, il s’était installé à la tête du PS dont il n’avait pas la carte deux heures plus tôt.
Un mois avant d’entrer à l’Élysée, Mitterrand cultivait encore le filon : « Le système capitaliste est à l’origine du mal, la loi suprême du profit élimine l’inspiration individuelle ou collective vers des valeurs telles que la beauté, la fête, l’amour, le dialogue. »
Trois ans plus tard, il reniait le programme qui l’avait fait élire. L’économie n’a pas de cœur. Les déficits lui avaient imposé deux plans de rigueur. Il proclamait : « Il faut d’abord gagner de l’argent, seuls ceux qui peuvent dégager des profits sont en mesure d’investir. » Et il faisait l’apologie d’un certain Steve Jobs : « Il est le fondateur d’Apple qui représente des centaines de millions de dollars, ce qui est le témoignage de sa réussite. » (4 avril 1984.)
François Hollande devrait se méfier. Une fois le pouvoir conquis, les proclamations simples se révèlent compliquées à mettre en oeuvre. La France ne sortira pas de la crise en déclarant la guerre aux banques qui financent l’économie et contribuent à la croissance. Elles ne peuvent pas être les boucs émissaires de tous nos maux.