TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mardi 27 août 2013

Ayrault contre le front anti-fiscal

Le premier ministre a paraît-il repris la main. Le Monde nous l'explique dans une longue et grande page, samedi dernier. Pour preuve, ces petits symboles que seuls les spécialistes repèrent et qui, il faut l'avouer, n'intéressent personne: Ayrault s'est donc réservé quelques annonces récentes plutôt que de les laisser à ses ministres (renforts à Marseille, réforme des rétraites, titularisation de 28.000 auxiliaires de santé Handicap); il est "plus à l'écoute" d'après Benoît Hamon et, last but least, il a assuré le discours de clôture des Universités d'Eté du Parti socialiste à la Rochelle ! Quelle affaire !
Dimanche soir, l'incroyable suspense d'une séquence présentée à coup de roulement de tambour médiatique se clôturait au journal télévisé de France 2: non, Ayrault n'avait rien à dire de définitif sur la réforme des retraites puisque les rencontres avec les partenaires sociaux débutaient cette semaine.

Plus grave, plus sérieux, plus inquiétant, Ayrault dût réagir tout-de-go au front anti-fiscal. Ce front, pour l'instant composite, comprend sans surprise la droite politique, mais déborde jusqu'à la "droite de la gauche" et quelques ministres, sans compter les innombrables journalistes et éditocrates qui s'auto-commentent. En cause, le poids des "prélèvements obligatoires". Le sujet tombe dans cette actualité de rentrée pour une raison simple: les Français vont recevoir leurs avis d'imposition 2013: impôt sur le revenu, taxe d'habitation, taxe foncière. 

Marie Drucker: "Quand allez-vous mettre un coup d'arrêt aux augmentations d'impôts ?"
Jean-Marc Ayrault: "D'abord je voudrais vous dire que je suis le premier ministre de la détermination à redresser  notre pays et nous allons réussir (...)."
Certes, il y avait donc les retraites à l'agenda de cette si dure rentrée. D'ailleurs, là aussi, on craignait encore davantage de taxes. Taxe, cotisations, impôts, les termes honnis. En quelques jours, quelques semaines tout au plus, le poids de la fiscalité semblait être l'obsession de la rentrée. Même quelques ministres finissaient par s'en inquiéter... 

Pourtant, pouvait-on se rappeler quelques faits ?

1. Depuis quelques années, l'inquiétude était, à juste titre, ailleurs: dans l'effondrement de nos recettes fiscales pour cause de libéralisme incongru qui ne profita qu'à certains. En 2000, le gouvernement Jospin avait, certes, réduit le taux de TVA normal précédemment augmenté par le gouvernement Juppé. Dix-huit milliards de francs, près de 3 milliards d'euros de baisse d'impôt... pour tous. Mais le vrai traumatisme fiscal, dénoncé depuis jusque dans les rangs de la droite, était ailleurs. Depuis cette fichue année 2000, les impôts sur les revenus - travail et capital - rentrent moins puisqu'on les a baissé. "On" les a baissé pour le plus grand bénéfice des plus fortunés, des cadres sup' et autres bénéficiaires de ces tranches supérieurs.

2. Malgré un large réajustement l'an passé, le compte n'y est pas. La plus forte des mesures du gouvernement Ayrault, peu commenté, fut le plafonnement en valeur absolue (sic!) du bénéfice fiscal qu'un foyer fiscal pouvait retirer des niches fiscal. A quelques exceptions près - allez donc vous acheter quelque bien immobilier en Martinique -, il n'y a plus que 10.000 euros de réduction d'impôt par an... Mesurez l'écart, déjà mentionné dans ces colonnes

3. Il est utile de rappeler, à ce stade, que quelques sarkozystes vous expliqueront que leur ancien mentor avait aussi prévu un plafond au bénéfice de ces niches fiscales. C'est vrai, il était de 18.000 euros par an plus 4% des revenus annuels... Plus vous gagniez, plus le plafond était élevé... Sans commentaires.

4. Le gouvernement Ayrault, donc, a assommé quelques-uns de ces drogués du revenu défiscalisé par un coup de massue incroyable: abaissement drastique du plafond, création d'une nouvelle tranche supérieure (45%), intégration des revenus du capital dans le barème de l'iR, le choc fut rude... pour les plus fortunés: car qui paye plus de 10.000 euros d'impôts sur le revenu par an ? Bref, en ces temps de stress fiscal à l'approche de la réception de nos fameux avis d'imposition sur les revenus, celles et ceux concernés par la chose ne sont pas tous logés à la même enseigne: comme l'expliquait notre confrère Melclalex, en octobre dernier, "7,4 millions de contribuables sont concernés par cette décote, dont 4 millions de contribuables les plus modestes verront leur impôt sur le revenu diminuer, 3,4 millions bénéficieront quant à eux d'une neutralisation du gel du barême."

5. Ce front anti-fiscal qui s'organise, et intoxique quelques-uns de nos plus brillants  mais impatients journalistes (sic!), mélange tout et tout de suite. Il y a bien sûr quelques UMPistes. Nous avons entendu Jean-François Copé réclamé 130 milliards d'euros de baisse de dépenses et autant d'impôts. Son collègue Gilles Carrez, longtemps rapporteur du budget au Parlement, dénonçait la stratégie du "tout-impôt". Le même, il y a trois ans, une éternité, accusait ses propres confrères de la droite au pouvoir: "Entre 2000 et 2009, le budget général de l'État aurait perdu entre 101,2 milliards d'euros (5,3 % de PIB) et 119,3 milliards d'euros (6,2 % de PIB) de recettes fiscales". Le gouvernement Ayrault n'a même pas récupéré ces fameux 100 milliards...

De quoi parle-t-on ?

Faut-il interdire le port du voile à l'université?


"C'est par les robes décolletées que s'évapore peu à peu la pudeur des femmes"
Alexandre Dumas fils
Faut-il interdire le port du voile à l'université?
Pour répondre à cette question, il faut selon moi répondre en préalable à une autre question: le voile est-il islamique ou islamiste? Autrement dit, le voile est-il un symbole religieux de l'islam ou est-il le symbole d'une pratique radicale (islamisme) de l'islam?

Si le voile est seulement un symbole religieux de l'islam, il n'y a aucune raison d'interdire le voile islamique à l'université, sauf à interdire tout symboles religieux, ce qui risque de poser un problème de liberté d'expression religieuse (on parle bien entendu là des étudiants, car le personnel enseignant est, lui, soumis à une stricte neutralité religieuse).

Si le voile est le symbole d'une pratique radicale de l'islam, la France peut en revanche interdire dans l'université publique le port du voile islamiste si ce vêtement contrevient dans sa signification aux principes et valeurs de la République.

Or, quelle est la signification du voile? Il s'agit selon ses promoteurs de préserver à la fois la chasteté des hommes et la pudeur des femmes, prescription vestimentaire fondée sur une inégalité entre les hommes et les femmes puisqu'elle ne s'adresse qu'aux femmes et non aux hommes (1). Rien à voir, donc, avec le port - discret ou ostentatoire - d'un signe religieux: croix, étoile de David, main de Fatma ou croissant et étoile.
Partant de là, la France serait tout à fait en droit d'interdire dans l'université publique un symbole d'inégalité entre les citoyens de sexe féminin et ceux de sexe masculin. Et le plus grand mal que l'on ferait à nos compatriotes de confession musulmane serait précisément de confondre l'islam (religion) avec l'islamisme (pratique radicale de cette religion). Car c'est cet amalgame qui ouvre la voie à l'islamophobie(2), dont la progression est inquiétante.


Je note d'ailleurs que la majorité des Françaises de confession musulmane ne porte pas le voile, et que certains États musulmans ont adopté une législation restrictive (exemple: à l'université en Turquie). De fait, rien n'interdit en lisant le Coran de considérer qu'il ne s'agit pas pour les femmes de porter un voile sur la tête mais juste de cacher leurs seins en raison de la spécificité de l'anatomie féminine, hommes et femmes devant cacher leurs parties intimes:
"Ô enfants d'Adam! Nous avons fait descendre sur vous un vêtement pour cacher vos nudités, ainsi que des parures (...) Ô enfants d'Adam! Que le Diable ne vous tente point, comme il a fait sortir du Paradis vos père et mère, leur arrachant leur vêtement pour leur rendre visibles leurs nudités (Sourate 7 - Al-A'raf/Le mur d'A'raf, versets 26 et 27)
"Dis aux croyants de baisser leurs regards et de garder leur chasteté (...)
Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu'elles rabattent leur voile sur leurs poitrines (...)" (Sourate 24 - An-Nur/La Lumière, versets 30 et 31)
"Ô Prophète! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs grands voiles: elles en seront plus vite reconnues et éviteront d'être offensées (...)" (Sourate 33 - Al-Ahzab/Les Coalisés, verset 59)
[Ajout 10/08/2013] Le verset suivant est le plus difficile à interprêter:
"Ô Prophète! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs grands voiles: elles en seront plus vite reconnues et éviteront d'être offensées (...)" (Sourate 33 - Al-Ahzab/Les Coalisés, verset 59)
Il pourrait en effet bien s'agir cette fois d'un voile sur la tête afin de ne pas être confondue à l'époque avec une esclave ou une prostituée tête nue (mais aussi seins nus?). Rien toutefois d'explicite.
Bref, si le voile est islamiste et non islamique, j'attends que mes compatriotes de confession musulmane le condamnent, tout comme mes compatriotes de confession catholique ne peuvent pas être confondus de bonne foi avec les intégristes qui refusent toujours l'encyclique Au milieu des sollicitudes (Inter Sollicitudines, 1892) (3).

La vraie question n'est donc pas celle de la pratique ou de la manifestation en France de l'islam, bien entendu libres comme pour toute religion dans la limite des justes exigences de l'ordre public, mais celle du port du voile en soi, s'il marque une inégalité entre les femmes et les hommes, dans une République qui garantit l'égalité entre tous ses citoyens sans distinction d'origine, de couleur de peau, de religion ou de sexe.

Avertissement: il ne s'agit là que d'interrogations personnelles, sincères, sans aucune prétention journalistique, universitaire ou théologique.

(1) Historiquement, le voile a sans conteste pour fondement l'inégalité des sexes (il était chez les Assyriens l'attribut des femmes de haut rang cloîtrées chez elles), y compris chez le chrétien Saint Paul (première épitre de Saint Paul apôtre aux Corinthiens, chapitre 11):
... 3 Je veux cependant que vous sachiez que le chef de tout homme c'est le Christ, que le chef de la femme, c'est l'homme, et que le chef du Christ, c'est Dieu.
4 Tout homme qui prie ou qui prophétise la tête couverte, déshonore sa tête.
5 Toute femme qui prie ou qui prophétise la tête non voilée, déshonore sa tête: elle est comme celle qui est rasée.
6 Si une femme ne se voile pas la tête, qu'elle se coupe aussi les cheveux. Or, s'il est honteux à une femme d'avoir les cheveux coupés ou la tête rasée, qu'elle se voile.
7 L'homme ne doit pas se couvrir la tête, parce qu'il est l'image de la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l'homme.
8 En effet, l'homme n'a pas été tiré de la femme, mais la femme de l'homme;
9 et l'homme n'a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l'homme.
10 C'est pourquoi la femme doit, à cause des anges, avoir sur la tête un signe de sujétion.
11 Toutefois, ni la femme n'est sans l'homme, ni l'homme sans la femme, dans le Seigneur.
12 Car, si la femme a été tirée de l'homme, l'homme aussi naît de la femme, et tout vient de Dieu.
13 Jugez-en vous-mêmes: est-il bienséant qu'une femme prie Dieu sans être voilée?
14 La nature elle-même ne nous enseigne-t-elle pas que c'est une honte à un homme de porter de longs cheveux,
15 tandis que c'est une gloire pour la femme qu'une longue chevelure, parce que la chevelure lui a été donnée en guise de voile?
(2) Comme le dit fort justement Jean-Yves Camus: "Le fait que des organisations islamistes mettent en avant le terme d'«islamophobie» dans un objectif de victimisation de l'islam et des musulmans n'est pas suffisant pour en délégitimer l'emploi (...)".
(3) La comparaison ne vaut que ce qu'elle vaut en raison de la particularité de la hiérarchie catholique, mais l'islam a certainement l'équivalent d'un Luther ou d'un Calvin...

Ça ira mieux demain…

En cette rentrée, droite et gauche ne sont pas en grande forme. Mais les deux voient des raisons d’espérer.

Les socialistes sortent d’une Université d’été, à La Rochelle, marquée par un climat de confiance raisonnable sur lequel on n’aurait pas parié il y a deux mois. Malgré des sondages toujours mauvais, une image du PS dégradée, un chômage et un pessimisme record, ils estiment avoir touché le fond.
Ils considèrent que les réformes sociales vont donner à plein ; que les indicateurs économiques sont porteurs de promesses inespérées ; et qu’ajoutés au retour, spectaculaire, de la confiance dans la zone euro, ils peuvent permettre à François Hollande de concilier croissance et redressement. De passer par le chas de l’aiguille.
La majorité désespère d’autant moins que les écologistes, s’estimant entendus, prolongent la solidarité gouvernementale. Et elle parie que Jean-Luc Mélenchon va s’enliser alors que ses partenaires communistes commencent à comprendre qu’ils n’ont pas d’avenir électoral sans alliance avec le PS.
Pourtant, les socialistes font tout ce qu’il faut pour se tirer des balles dans le pied. Alors que la révolte fiscale menace, il y avait sans doute une autre manière d’annoncer une taxe verte, tout à fait fondée dans son principe, en garantissant que ce serait à prélèvement constant.
Il y avait, pour Manuel Valls et Christiane Taubira, une autre méthode pour débattre de la politique pénale que de se chamailler en public pour peser sur les arbitrages. Jean-Marc Ayrault a prévenu : les enjeux personnels sont des fautes qui peuvent mettre à mal l’effort collectif.
À droite, les choses sont encore plus compliquées. D’abord les centristes, membres d’une UDI toujours en chantier, sont inaudibles tant que Jean-Louis Borloo, ce qui est souvent son cas, est aux abonnés absents.
L’UMP, qui annonce repartir à l’offensive, est en dérangement pour cause d’inventaire. Les rivalités Copé-Fillon font que l’on ne sait toujours pas – et pour un moment – qui parle au nom de quel projet. La droite, pour moitié responsable, n’est qu’en partie crédible quand elle déplore les déficits ou le niveau des impôts.
L’automne va pourtant être dominé par le débat fiscal. Les prélèvements – impôts, taxes et cotisations – ont atteint un niveau à la limite du supportable. Alors que la réforme des retraites nécessitera de nouvelles contributions et que la hausse, déjà prévue, de la TVA rognera le pouvoir d’achat.
Il y a un risque considérable de casser le peu de croissance. Le chiffon rouge fiscal pousse à réduire la consommation ou à reporter ses projets. C’est pour cela que Jean-François Copé prône une baisse des impôts, compensée par… 130 milliards d’économies publiques.
Il y aurait, estime au contraire le gouvernement, le même risque à réduire brutalement la dépense de l’État et des collectivités. Tout est donc affaire de dosage et de choix entre les emprunts pour investir – qui font la richesse de demain – et ceux pour boucler les fins de mois, qui coûtent plus qu’ils ne rapportent.
C’est le vrai débat. Car tant que l’État n’aura pas retrouvé de marge, d’autorité, de souveraineté, le Front National, hantise des prochaines élections et cible privilégiée des socialistes à La Rochelle, se nourrira des impatiences.

Réforme ou replâtrage ?


En cette rentrée déjà plombée par le chômage de masse et le choc fiscal, le gouvernement s'attaque, avec la réforme des retraites, au dossier le plus explosif de tous. Jean-Marc Ayrault termine aujourd'hui son tour de table avec les partenaires sociaux avant de dévoiler ses arbitrages d'ici la fin de la semaine.
À quoi faut-il s'attendre avant la présentation du projet de loi à la mi-septembre ? Pas au grand soir, ni au big-bang. À une réforme de plus, la quatrième en vingt ans. Un replâtrage homéopathique qui, selon le gouvernement, se veut plus juste que les précédents. Un bricolage inopportun selon l'aile gauche du PS mais destiné, toutefois, à combler les 7 milliards d'euros de déficit du régime général attendus en 2020.
Pour y parvenir, pas question, avait sommé le chef de l'État, de toucher à nouveau à l'âge légal de départ, reporté à 62 ans par la droite en 2010. Pas question non plus de s'attaquer aux régimes spéciaux, ni d'aligner le régime du public sur le privé. Les fâcheux calculs politiciens à l'approche des échéances électorales (municipales en mars, européennes en mai 2014) ont tué dans l'oeuf toute réforme d'envergure.
On l'a vu par le passé : coller des rustines à la va-vite sur les flotteurs d'un pédalo à la dérive ne suffit pas dans la durée à le maintenir au-dessus de la ligne de flottaison. Faute de courage politique et d'une indispensable réflexion globale sur l'État providence, on retient qu'il faudra bien un jour remettre le couvert.
Le coût du travail entre en jeu
En attendant, la réforme se dessine sur la base d'une hausse de la durée de cotisation, mais pas avant 2020. Estampillée à gauche avec la prise en compte de la pénibilité, des droits pour les femmes et les jeunes, déclenchera-t-elle l'onde de choc promise le 10 septembre par les syndicats les plus contestataires ? Pas sûr, car la CGT et FO sont loin d'afficher un front uni avec les centrales réformatrices à l'image d'une CFDT plutôt satisfaite. Une certitude : actifs, retraités et entreprises seront mis à contribution pour « sauver » ce système par répartition auquel les Français restent très attachés. Un dispositif qui pèse 13 % de la richesse produite chaque année par le pays.
Maintenant, comment passer à la caisse ? Via une hausse de la CSG, un brin controversée ces dernières heures ? Une hausse des cotisations patronales et salariales ? Un peu des deux ? Le suspense sur le financement demeure.
En recourant à la fiscalité, cet instrument usé par la gauche jusqu'à la corde, l'exécutif prendra-t-il le risque de freiner la consommation des ménages en mal de pouvoir d'achat, de gripper le moteur de la croissance, de mettre à mal la compétitivité de la France qu'il cherche par ailleurs à restaurer ?
(Sur) taxer n'est pas réformer. Pour contrer l'exaspération du patronat, vent debout lui aussi face au ras-le-bol fiscal, le Premier ministre a cherché, hier, à désamorcer la bombe en proposant au Medef une réflexion sur la baisse du coût du travail pour compenser une hausse des cotisations. Manoeuvre politique ou vraie main tendue ? L'avenir va vite nous le dire.

L’Iran, la Russie, la Syrie, les Etats-Unis et les armes chimiques


Beyrouth, le 26 août 2013, minuit. Depuis les premières vidéos et les premières révélations quant à une attaque à l’arme chimique dans la Ghouta de Damas, les informations se font de plus en plus précises. Et, pour l’instant, tout semble prouver que nous ne sommes absolument pas dans le cadre d’un plan à l’américaine faisant état d’armes de destructions massives en Irak pour se donner un prétexte justifiant la guerre dans ce pays.
Médecins sans frontières (MSF), qui est l’une des rares organisations à être sur place, affirme dans un communiqué : « 355 patients présentant des symptômes neurotoxiques sont morts en Syrie dans des hôpitaux, aidés par MSF, et environ près de 3 600 personnes y sont traitées depuis le 21 août… Les symptômes qui nous ont été rapportés, le schéma épidémiologique de cet événement – caractérisé par l’afflux massif de patients dans un laps de temps très court, la provenance des patients et la contamination des secouristes et du personnel ayant fourni les premiers soins – suggèrent fortement l’exposition massive à un agent neurotoxique. »
Pour ma part, je ne doute pas un instant de la véracité de ce communiqué. Mais je peux comprendre qu’on le mette en doute. C’est pour cela que nous allons chercher dans les plis des déclarations officielles un fil d’Ariane qui nous mènera au plus près de la réalité du terrain.
Si, pour la France, l’usage des armes chimiques par le régime ne fait aucun doute, pour la Russie « les soupçons d’utilisation par les autorités syriennes d’armes chimiques sont une provocation planifiée à l’avance ».
Là, chacun est dans son rôle. La Russie en soutien indéfectible du régime, la France dans le camp adverse. Il faut donc aller chercher ailleurs. En particulier du côté de Washington et de Téhéran.
Dès les premières informations, les Américains se sont montrés d’une extrême prudence. Une prudence qui frisait le scepticisme. Disons plutôt que le syndrome « guerre du Golfe » paralysait leur réflexion et leur pouvoir de décision. L’administration Obama ne pouvait en aucun cas se permettre d’affirmer une telle énormité sans l’avoir fait vérifier et revérifier aux meilleures sources. Pourtant on a assisté – et l’on assiste encore, parce que le bras de fer entre Damas et Washington semble avoir commencé – à une sérieuse évolution de l’opinion américaine.
Après une extrême prudence – « Nous ne savons pas si cela s’est vraiment passé comme cela… Nous ne savons pas qui est la partie responsable » – les Etats-Unis accusent, certes encore avec ces formules que l’on peut encore retourner, le régime de Damas d’avoir perpétré ce crime. Mais les faits sont venus nous dire que, pour Washington, les lignes rouges ont bel et bien été franchies.
Il y a eu d’abord l’inhabituel coup de téléphone du secrétaire d’Etat Kerry à son homologue syrien, Walid Mouallem. Ce dernier annonce, dans la foulée, que le régime accepte l’envoi d’observateurs et d’enquêteurs pour étudier, faire les prélèvements nécessaires sur les lieux de l’attaque. Qu’a dit Kerry à Mouallem ? L’une de mes sources – que je qualifierais de très fiable et avec qui nous prenions un verre ce soir – m’a affirmé que Kerry aurait expliqué à Mouallem qu’il n’était pas nécessaire pour les Etats-Unis d’intervenir directement en Syrie mais que des actions ponctuelles, très douloureuses, pouvaient être ordonnées, sans aller jusqu’au modèle Kosovo comme cela se chuchote dans les rédactions. Simultanément, la flotte militaire américaine croisant en Méditerranée faisait route vers la Syrie et le Liban. D’où le changement d’attitude de Mouallem.
Nul n’a entendu les Iraniens pendant les premières heures de l’arrivée et de la diffusion des images. Après 24 heures de silence radio – je dirais même plus de 24 heures – le président iranien Hassan Rohani déclare : « La situation qui domine aujourd’hui en Syrie et la mort d’un certain nombre d’innocents provoquée par des agents chimiques sont très douloureuses… De nombreux innocents ont été blessés et ont souffert le martyre par des agents chimiques, et c’est malheureux. Nous condamnons totalement et fermement l’utilisation des armes chimiques. La République islamique conseille à la communauté internationale d’exercer toute sa puissance pour empêcher l’utilisation de ces armes où que ce soit dans le monde, et notamment en Syrie. »
Rohani ne désignera pas de coupable et c’est cela que nous devons retenir. Je n’omettrai pas de signaler que, porte-parole de la diplomatie iranienne, Abbas Araghchi avait déclaré jeudi que « si l’information sur l’utilisation d’armes chimiques était confirmée, les rebelles en seraient responsables ». Cela ne compte pas. Ce qui est à retenir pour l’avenir sont les propos de Rohani.
Des propos que nous devons mettre en regard avec d’autres propos que l’on peut relever chez de nombreux responsables iraniens ces dernières semaines, voire ces derniers mois : la relation privilégiée de l’Iran avec la Syrie ne mourra pas avec la chute du régime. A plus d’un signe, nous sentons que Téhéran prépare son après-Assad et ménage ses arrières…
Afin de clore mon propos, il faudrait ajouter que, depuis la révélation du massacre, la Ghouta a été sauvagement bombardée par l’aviation militaire. Est-ce pour effacer les traces et les preuves ? Mais est-ce que des bombardements, même puissants comme ceux d’hier, peuvent détruire ces preuves ? Espérons que les échantillons prélevés sur place pourront être analysés.
Et puis… Eh bien, et puis il y a eu le double attentat à la voiture piégée à Tripoli au Nord-Liban, le lendemain de la diffusion des vidéos. Qui parlait donc encore des massacres de la Ghouta à ce moment-là ? Plus personne.

Ça ira mieux demain...

Ça ira mieux demain...


En cette rentrée, droite et gauche ne sont pas en grande forme. Mais les deux voient des raisons d'espérer.
Les socialistes sortent d'une Université d'été, à La Rochelle, marquée par un climat de confiance raisonnable sur lequel on n'aurait pas parié il y a deux mois. Malgré des sondages toujours mauvais, une image du PS dégradée, un chômage et un pessimisme record, ils estiment avoir touché le fond.
Ils considèrent que les réformes sociales vont donner à plein ; que les indicateurs économiques sont porteurs de promesses inespérées ; et qu'ajoutés au retour, spectaculaire, de la confiance dans la zone euro, ils peuvent permettre à François Hollande de concilier croissance et redressement. De passer par le chas de l'aiguille.
La majorité désespère d'autant moins que les écologistes, s'estimant entendus, prolongent la solidarité gouvernementale. Et elle parie que Jean-Luc Mélenchon va s'enliser alors que ses partenaires communistes commencent à comprendre qu'ils n'ont pas d'avenir électoral sans alliance avec le PS.
Pourtant, les socialistes font tout ce qu'il faut pour se tirer des balles dans le pied. Alors que la révolte fiscale menace, il y avait sans doute une autre manière d'annoncer une taxe verte, tout à fait fondée dans son principe, en garantissant que ce serait à prélèvement constant.
Il y avait, pour Manuel Valls et Christiane Taubira, une autre méthode pour débattre de la politique pénale que de se chamailler en public pour peser sur les arbitrages. Jean-Marc Ayrault a prévenu : les enjeux personnels sont des fautes qui peuvent mettre à mal l'effort collectif.
À droite, les choses sont encore plus compliquées. D'abord les centristes, membres d'une UDI toujours en chantier, sont inaudibles tant que Jean-Louis Borloo, ce qui est souvent son cas, est aux abonnés absents.
L'UMP, qui annonce repartir à l'offensive, est en dérangement pour cause d'inventaire. Les rivalités Copé-Fillon font que l'on ne sait toujours pas - et pour un moment - qui parle au nom de quel projet. La droite, pour moitié responsable, n'est qu'en partie crédible quand elle déplore les déficits ou le niveau des impôts.
L'automne va pourtant être dominé par le débat fiscal. Les prélèvements - impôts, taxes et cotisations - ont atteint un niveau à la limite du supportable. Alors que la réforme des retraites nécessitera de nouvelles contributions et que la hausse, déjà prévue, de la TVA rognera le pouvoir d'achat.
Il y a un risque considérable de casser le peu de croissance. Le chiffon rouge fiscal pousse à réduire la consommation ou à reporter ses projets. C'est pour cela que Jean-François Copé prône une baisse des impôts, compensée par... 130 milliards d'économies publiques.
Il y aurait, estime au contraire le gouvernement, le même risque à réduire brutalement la dépense de l'État et des collectivités. Tout est donc affaire de dosage et de choix entre les emprunts pour investir - qui font la richesse de demain - et ceux pour boucler les fins de mois, qui coûtent plus qu'ils ne rapportent.
C'est le vrai débat. Car tant que l'État n'aura pas retrouvé de marge, d'autorité, de souveraineté, le Front National, hantise des prochaines élections et cible privilégiée des socialistes à La Rochelle, se nourrira des impatiences.

Peines de probation : L’indécence d’Etat

Taubira entend donner ses lettres de noblesse au laxisme


Le président de la République, certes, ne fait pas honte à ceux qui l’ont élu à cause de son comportement personnel et de sa pratique du pouvoir. Le fond de sa politique, c’est autre chose !Le Premier ministre ne cesse de rappeler, tant l’inverse est éclatant, que la seule ligne du gouvernement est de vouloir instaurer une justice à la fois ferme et efficace (France 2).
Mais, quand on a pris acte de cette dignité présidentielle et de cet affichage de rigueur, il y a le reste. Tout le reste.
Ce rapprochement ne regarde que moi mais je n’ai pu m’empêcher de relier ces derniers jours les reniements à répétition faussement habiles de Manuel Valls, le délire des jeunes socialistes éperdus devant Christiane Taubira, le triomphe de celle-ci à La Rochelle, l’annonce de la peine de probation et la mort héroïque, à 61 ans, de Jacques Blondel à la suite d’un vol à main armée à Marignane, dans un bar-tabac, par deux jeunes malfaiteurs dont l’un a tué celui qui avait eu le courage d’intervenir (Le JDDLe ParisienLe Figaro).
Une indécence déchirante et scandaleuse entre la réalité d’une société et ses tragédies au quotidien d’une part et de l’autre les jeux politiciens, le laxisme auquel l’idéologie de Christiane Taubira prétend donner ses lettres de noblesse et les applaudissements frénétiques de militants aveuglés.
Il est évident que le garde des Sceaux n’est pas coupable de chaque transgression délictuelle et /ou criminelle. Elle n’est pas embusquée derrière chaque acte odieux, chaque sauvagerie, chaque dysfonctionnement judiciaire mais le climat qu’elle crée par sa politique ou plutôt son absence oralement somptueuse de politique – attendons le 30 août – ne manque pas d’avoir une incidence sur l’inventivité sombre de notre société et de certains de ses membres, tant la faiblesse proclamée, théorisée et approuvée au plus haut niveau facilite la libération des pulsions délétères de citoyens qui s’accommodent fort bien d’une France qui se laisse aller, qui laisse aller.
Comment en effet ne pas s’émouvoir de l’unique préoccupation de la ministre qui est de réduire la surpopulation carcérale au risque, démontré chaque jour, d’amplifier l’insécurité ? Comment les transgresseurs d’aujourd’hui ou de demain, qui ne sont pas tous obtus et engendrés par la désinsertion sociale, seraient-ils retenus d’accomplir le pire quand seule la prison est dénoncée, et ses conséquences néfastes réelles ou fantasmées, mais jamais son utilité et sa triste nécessité affirmées ?
Le problème crucial, en ces temps où, quoi qu’on pense des statistiques, la délinquance et la criminalité ne baissent pas impose non pas d’éviter coûte que coûte l’enfermement à ceux qui le méritent mais au contraire de mettre fin à la scandaleuse inexécution d’au moins 100 000 peines. Si on tient à s’apitoyer avec efficacité, il s’agit au moins en même temps de composer avec cette surpopulation – qui est une donnée incontestable – en tentant par diverses modalités d’y remédier, tout en assurant la sauvegarde des personnes et des biens. La surpopulation ne démontre pas qu’il y a trop de condamnés mais qu’il n’y a pas assez de prisons. Et qu’on me fasse la grâce de ne pas prendre une telle pensée pour une sévérité maladive mais pour un constat lucide.
Ce qui me semble vicier fondamentalement la mansuétude doctrinaire de la garde des Sceaux est le soupçon absurde, implicitement ou explicitement exprimé, qu’une pluralité de possibles, en face des infractions de toutes sortes, est à la disposition des magistrats qui pourraient choisir à tout coup les solutions non carcérales sans offenser l’intérêt social ni sous-estimer la dangerosité de certains parcours de rupture et de violence.
Cette approche si peu fondée est d’autant plus aberrante que notre système judiciaire, gauche et droite confondues, a poussé jusqu’à ses extrêmes limites, voire ses limites insupportables, l’exigence de la répression, notamment avec le recours carcéral, et sa négation immédiate avec les aménagements. Christiane Taubira n’est pas l’initiatrice de cette contradiction entre la fermeté de la décision pénale et, sans attendre, l’indulgence de son exécution. Rachida Dati, le 28 juillet 2008, avait déjà évoqué la prison hors les murs avant de faire voter la loi pénitentiaire, par certains côtés burlesque, du 24 novembre 2009 qui permettait de désavouer sur-le-champ les jugements des tribunaux correctionnels.
La différence considérable entre l’une et l’autre de ces gardes des Sceaux est que la première agissait avec un empirisme dévastateur et sans souci de logique tandis que la seconde se pique de doctrine, de philosophie et de dogmatisme. Dati improvisait avec désinvolture tandis que Taubira prend sans cesse l’air important pour faire illusion. Le flou désordonné puis le flou pédant maintenant.
Maintenant – quelle gloire d’annoncer cela à La Rochelle devant des militants en manque de vraie gauche compassionnelle, abstraite et absolument pas opératoire ! -, Christiane Taubira sort de l’imagination de ses services influencés et de sa Commission du consensus gouvernée, la peine de probation. Comme si elle faisait un cadeau à la société.
Pour les infractions punies par 5 ans d’emprisonnement au maximum, le tribunal correctionnel pourra ajouter à sa panoplie la peine de probation excluant la prison et prévoyant un encadrement et un soutien pour le prévenu laissé en liberté parmi nous.
Cette sanction, outre qu’elle va encombrer une palette répressive déjà fournie et largement suffisante pour des juges capables d’appréhender la complexité des situations et des mis en cause, la nature de leur profil judiciaire – notamment le sursis avec mise à l’épreuve du même registre -, va obérer encore davantage, sur le plan des moyens humains et matériels, la pénurie des services de l’application des peines.
Celle de probation doit être vraiment inadaptée et impraticable puisque la gauche judiciaire, représentée médiatiquement par Le Monde, en dépit de son inconditionnalité pour la ministre et de son hostilité pour son collègue de l’Intérieur, n’a pas hésité à l’apprécier déjà négativement. C’est dire !
Pour finir, penchons-nous sur le jeune destin – 18 ans – de l’un des deux malfaiteurs, l’autre étant toujours recherché, impliqué dans le vol à main armée et directement ou indirectement dans le meurtre de Jacques Blondel. On a appris qu’il avait été condamné pour une douzaine de délits, notamment pour des vols avec dégradation ou effraction, et à trois reprises par des juges pour enfants. Lors de la perpétration du “braquage”, il exécutait une sanction de quatre mois avec sursis probatoire (quasiment la peine de probation !) et avait répondu à la plupart des convocations. Ce contrôle et cette surveillance avaient été aisément compatibles, pour lui, avec l’acte criminel commis avec un jeune inconnu dans l’intervalle de son apparente normalité (nouvelobs.com).
La peine de probation, si elle est adoptée, aura-t-elle cet effet nul et lamentable sur la sécurité de tous et la sauvegarde des commerces ? A force de vouloir éviter la prison même quand elle est nécessaire, va-t-on laisser les citoyens à la discrétion de la seule bonne volonté de tel ou tel, penchant du bon côté ou acharné à récidiver gravement ?
Je ne veux pas voir se multiplier les victimes, les héros comme Jacques Blondel. Dans une démocratie exemplaire, les caractères d’élite et de courage, les civismes admirables renforcent l’action persévérante et efficace de l’État.
Ils ne s’y substituent pas.