Le premier ministre a paraît-il repris la main. Le Monde nous l'explique dans une longue et grande page, samedi dernier. Pour preuve, ces petits symboles que seuls les spécialistes repèrent et qui, il faut l'avouer, n'intéressent personne: Ayrault s'est donc réservé quelques annonces récentes plutôt que de les laisser à ses ministres (renforts à Marseille, réforme des rétraites, titularisation de 28.000 auxiliaires de santé Handicap); il est "plus à l'écoute" d'après Benoît Hamon et, last but least, il a assuré le discours de clôture des Universités d'Eté du Parti socialiste à la Rochelle ! Quelle affaire !
Dimanche soir, l'incroyable suspense d'une séquence présentée à coup de roulement de tambour médiatique se clôturait au journal télévisé de France 2: non, Ayrault n'avait rien à dire de définitif sur la réforme des retraites puisque les rencontres avec les partenaires sociaux débutaient cette semaine.
Plus grave, plus sérieux, plus inquiétant, Ayrault dût réagir tout-de-go au front anti-fiscal. Ce front, pour l'instant composite, comprend sans surprise la droite politique, mais déborde jusqu'à la "droite de la gauche" et quelques ministres, sans compter les innombrables journalistes et éditocrates qui s'auto-commentent. En cause, le poids des "prélèvements obligatoires". Le sujet tombe dans cette actualité de rentrée pour une raison simple: les Français vont recevoir leurs avis d'imposition 2013: impôt sur le revenu, taxe d'habitation, taxe foncière.
Marie Drucker: "Quand allez-vous mettre un coup d'arrêt aux augmentations d'impôts ?"Certes, il y avait donc les retraites à l'agenda de cette si dure rentrée. D'ailleurs, là aussi, on craignait encore davantage de taxes. Taxe, cotisations, impôts, les termes honnis. En quelques jours, quelques semaines tout au plus, le poids de la fiscalité semblait être l'obsession de la rentrée. Même quelques ministres finissaient par s'en inquiéter...
Jean-Marc Ayrault: "D'abord je voudrais vous dire que je suis le premier ministre de la détermination à redresser notre pays et nous allons réussir (...)."
Pourtant, pouvait-on se rappeler quelques faits ?
1. Depuis quelques années, l'inquiétude était, à juste titre, ailleurs: dans l'effondrement de nos recettes fiscales pour cause de libéralisme incongru qui ne profita qu'à certains. En 2000, le gouvernement Jospin avait, certes, réduit le taux de TVA normal précédemment augmenté par le gouvernement Juppé. Dix-huit milliards de francs, près de 3 milliards d'euros de baisse d'impôt... pour tous. Mais le vrai traumatisme fiscal, dénoncé depuis jusque dans les rangs de la droite, était ailleurs. Depuis cette fichue année 2000, les impôts sur les revenus - travail et capital - rentrent moins puisqu'on les a baissé. "On" les a baissé pour le plus grand bénéfice des plus fortunés, des cadres sup' et autres bénéficiaires de ces tranches supérieurs.
2. Malgré un large réajustement l'an passé, le compte n'y est pas. La plus forte des mesures du gouvernement Ayrault, peu commenté, fut le plafonnement en valeur absolue (sic!) du bénéfice fiscal qu'un foyer fiscal pouvait retirer des niches fiscal. A quelques exceptions près - allez donc vous acheter quelque bien immobilier en Martinique -, il n'y a plus que 10.000 euros de réduction d'impôt par an... Mesurez l'écart, déjà mentionné dans ces colonnes
3. Il est utile de rappeler, à ce stade, que quelques sarkozystes vous expliqueront que leur ancien mentor avait aussi prévu un plafond au bénéfice de ces niches fiscales. C'est vrai, il était de 18.000 euros par an plus 4% des revenus annuels... Plus vous gagniez, plus le plafond était élevé... Sans commentaires.
5. Ce front anti-fiscal qui s'organise, et intoxique quelques-uns de nos plus brillants mais impatients journalistes (sic!), mélange tout et tout de suite. Il y a bien sûr quelques UMPistes. Nous avons entendu Jean-François Copé réclamé 130 milliards d'euros de baisse de dépenses et autant d'impôts. Son collègue Gilles Carrez, longtemps rapporteur du budget au Parlement, dénonçait la stratégie du "tout-impôt". Le même, il y a trois ans, une éternité, accusait ses propres confrères de la droite au pouvoir: "Entre 2000 et 2009, le budget général de l'État aurait perdu entre 101,2 milliards d'euros (5,3 % de PIB) et 119,3 milliards d'euros (6,2 % de PIB) de recettes fiscales". Le gouvernement Ayrault n'a même pas récupéré ces fameux 100 milliards...