La France a peur
Car aucune des mesures prises par le gouvernement ne peut la rassurer. Car nous vivons au-dessus de nos moyens. Car François Hollande crée des fractures inutiles.
Il y a tout juste quarante-cinq ans, un éditorialiste de renom commençait son article par cette phrase : « La France s’ennuie. » Quelques jours plus tard, alors que notre pays était plongé dans l’ivresse des Trente Glorieuses, qu’il rayonnait sur le plan international et qu’il se hissait au troisième rang des puissances économiques mondiales, quelques agités décidaient de rompre avec cette curieuse langueur en déclenchant les événements de Mai 68.
Aujourd’hui la France a peur. C’est ce qui ressort d’un sondage réalisé par Ipsos pour le compte du Cevipof, de la Fondation Jean-Jaurès et du journal le Monde, trois “institutions” plutôt classées à gauche. Selon cette étude, 90 % des Français estiment que l’économie française a décliné au cours des dix dernières années. Comment pourrait-il en être autrement alors que la Grande-Bretagne vient de dépasser la France, désormais reléguée au sixième rang mondial ? Comment pourrait-il en être autrement avec une richesse nationale qui sera inférieure cette année à ce qu’elle était il y a cinq ans ? Comment pourrait-il en être autrement alors que 500 000 emplois auront disparu entre 2012 et 2013 ?
La France a peur. Et les Français sont inquiets pour eux-mêmes. Une autre étude d’opinion a montré que trois quarts de nos concitoyens craignent aujourd’hui de basculer dans la précarité. C’est sans doute ce que François Hollande appelle « le progrès social ». Mais le plus pathétique, c’est qu’ils ne font plus confiance à l’État ou à notre si chère protection sociale pour les tirer d’un accident de la vie. Deux tiers des Français préfèrent en appeler à leur famille ou à leurs amis, alors qu’un tiers se repose encore sur notre coûteux modèle social.
La France a peur. C’est aussi pour cette raison qu’elle en appelle au retour de l’autorité, l’une des trois valeurs cardinales avec l’ordre et le mérite que Valeurs actuelles défend depuis des décennies. 86 % des Français (ils sont 76 % à gauche !) regrettent que l’autorité soit systématiquement battue en brèche. En conséquence, ils sont le même nombre (87 %) à affirmer que la France a besoin d’un vrai chef afin de remettre de l’ordre.
Huit mois après l’arrivée à l’Élysée de François Hollande quel cinglant désaveu ! Le président “normal” incapable d’asseoir son autorité au sein de son propre camp, de son propre gouvernement, et dont les textes les plus emblématiques sont retoqués par le Conseil constitutionnel, ne ressemble en rien à ce “chef” que les Français réclament pour rétablir l’ordre dans le pays et enrayer son déclin économique et culturel. La France a peur. Car aucune des mesures prises par ce gouvernement depuis deux cent soixante-dix jours ne peut la rassurer. L’assommoir fiscal mis en place cet été a cassé la croissance. L’exil des personnes les plus aptes à investir, à soutenir de jeunes entreprises, voire à créer des emplois, s’amplifie mois après mois au point de dépasser le millier depuis le 6 mai. Autant de talents qui ne reviendront pas dans un pays qui change ses règles fiscales tous les ans.
La France a peur. Car chacun sait bien que notre pays continue de vivre largement au-dessus de ses moyens. Que la dette poursuit sa progression infernale. Que notre système d’allocation chômage, dénoncé à juste titre la semaine passée par la Cour des comptes, est à bout de souffle. Que les retraites complémentaires sont asphyxiées, au point d’envisager une désindexation du pouvoir d’achat des retraités par rapport à l’inflation. Les Français ont tellement peur que jamais ils n’ont autant épargné et réduit leur consommation.
La France a peur, enfin, car ce président “mou” et “flou” qui a été élu au printemps dernier au nom du “rassemblement” et de “l’apaisement” ne cesse de créer des fractures inutiles et dangereuses dans le pays. Fracture sociétale pour donner de prétendus droits à une minorité d’homosexuels qui veut imposer son mode de vie. Fracture sociale en dénonçant ceux qui essaient de s’en sortir, travaillent, épargnent et gagnent de l’argent. Ce qui est devenu une faute, un forfait, voire une tache indélébile. Fracture démocratique enfin, en multipliant les commissions d’experts aux dépens des droits du Parlement. Si bien que 72 % des Français jugent que la vie politique fonctionne plutôt mal et ont le sentiment légitime que leurs idées ne sont pas représentées.
La France a peur. Comme au cours des années 1930, avec le Front populaire. Mais à l’instar de Léon Blum, François Hollande a décidé de ne pas en tenir compte. En dépit du fameux avertissement de Shakespeare, dans Roméo et Juliette, avec cette sentence qui devrait résonner en écho dans l’oreille de tous les hommes politiques : « C’est de ta peur que j’ai peur ! »