Trop, c'est trop. La petite musique jouée ces derniers jours par Chantal Jouanno suite au report sine die de la taxe carbone annoncé par Nicolas Sarkozy a fini par ulcérer l'Élysée. À tel point que Claude Guéant a discrètement convoqué la secrétaire d'État à l'Écologie, jeudi soir, au Palais.
Une rencontre qui a pris la forme d'un violent recadrage : "Arrêtez ça tout de suite, vous faites beaucoup de mal au Président !", a lancé le secrétaire général de l'Élysée à son interlocutrice. Sonnée, Chantal Jouanno a présenté ses excuses et promis de rester plus discrète à l'avenir.
Claude Guéant n'avait pas digéré l'attaque frontale de Chantal Jouanno qui, quelques heures plus tôt, face à des associations écologistes, avait clairement répondu à Nicolas Sarkozy - sans jamais le nommer - en déclarant : "Je ne céderai pas à la petite musique qui vient dire que l'écologie, ça commence à bien faire".
Une allusion aux propos présidentiels lors du Salon de l'agriculture, le 6 mars, lorsque le chef de l'État, en lutte avec la colère du monde rural, avait préparé les esprits à un abandon de la taxe carbone en affirmant : "Ces questions d'environnement (...), ça commence à bien faire !"
vendredi 26 mars 2010
Claude Guéant à Chantal Jouanno : "Arrêtez, vous faites beaucoup de mal au Président !"
Quel roman !
On ne sait jusqu'où ira la rivalité entre le président de la République et Dominique de Villepin. L'histoire aura sans doute une issue politiquement tragique pour celui des deux hommes qui perdra le long bras de fer engagé dès... 1993. Mais avec l'épisode d'hier, l'ancien Premier ministre a relancé encore une interminable saga qui ne cesse de rebondir.
Qui, avant le procès Clearstream, lui accordait la moindre chance de refaire surface sur la scène du pouvoir ? Personne. A tel point que la détermination du chef de l'État à obtenir sa condamnation pour le mettre définitivement hors jeu passa pour de l'acharnement tant l'adversaire semblait désarmé. Et le voilà, quelques mois plus tard, en pleine lumière, narguant un pouvoir qui l'avait méprisé. Décidément, on n'est jamais mort, en politique, tant qu'on respire encore.
Ressuscité, M. Villepin a donc minutieusement pilonné l'Élysée. Au bout d'une demi-heure de déclaration, il ne restait plus grand-chose debout de la politique et de la pratique présidentielles. Notre assaillant combat à l'ancienne, à coup d'effets de manche, de formules solennelles et de lyrisme. Une séquence épique où la théâtralité un peu trop surjouée et un peu trop crispée finit par affaiblir la spontanéité du propos. Mais l'acteur a su user de l'émotion pour rattraper son public...
Si Dominique de Villepin manque manifestement d'entraînement à la tribune, il sait taper efficace. Les valeurs d'un gaullisme social, telles qu'il les a décrites, prennent l'exact contre-pied des méthodes de son rival de l'Élysée. Ça tombe bien : elles permettent de structurer l'espace de centre-droit délaissé depuis longtemps par l'UMP et devenu (provisoirement) trop grand pour un François Bayrou parti en vrille électorale. En un mot, l'ancien Premier ministre comble un vide.
La faible popularité dont il bénéficiait encore à l'automne a laissé place à une curiosité intéressée de toute une partie de la droite classique lassée par les foucades de son imprévisible chef. Il est regardé, désormais, comme un champion de secours, plus facilement gérable que ce président énigmatique qui aime à réserver des surprises aux Français. D'une certaine manière, après tant d'agitation, il... rassure.
Tiendra-t-il au-delà de ce retour tonitruant ? Cela ne dépendra que de son talent et... de son argent. En préconisant implicitement la suppression du bouclier fiscal et le relèvement des impôts de la tranche la plus élevée, il ne va pas se faire que des amis au Medef... Mais, pour l'heure, il ne veut compter que sur ses propres réseaux -autrement dit une construction amateur bien légère dans la compétition de poids lourds de 2012. Cet homme qui -dans ses voeux de Matignon- avait réclamé « un peu plus de tendresse » dans la vie publique se prépare déjà comme un guerrier.
On ne sait jusqu'où ira la rivalité entre le président de la République et Dominique de Villepin. L'histoire aura sans doute une issue politiquement tragique pour celui des deux hommes qui perdra le long bras de fer engagé dès... 1993. Mais avec l'épisode d'hier, l'ancien Premier ministre a relancé encore une interminable saga qui ne cesse de rebondir.
Qui, avant le procès Clearstream, lui accordait la moindre chance de refaire surface sur la scène du pouvoir ? Personne. A tel point que la détermination du chef de l'État à obtenir sa condamnation pour le mettre définitivement hors jeu passa pour de l'acharnement tant l'adversaire semblait désarmé. Et le voilà, quelques mois plus tard, en pleine lumière, narguant un pouvoir qui l'avait méprisé. Décidément, on n'est jamais mort, en politique, tant qu'on respire encore.
Ressuscité, M. Villepin a donc minutieusement pilonné l'Élysée. Au bout d'une demi-heure de déclaration, il ne restait plus grand-chose debout de la politique et de la pratique présidentielles. Notre assaillant combat à l'ancienne, à coup d'effets de manche, de formules solennelles et de lyrisme. Une séquence épique où la théâtralité un peu trop surjouée et un peu trop crispée finit par affaiblir la spontanéité du propos. Mais l'acteur a su user de l'émotion pour rattraper son public...
Si Dominique de Villepin manque manifestement d'entraînement à la tribune, il sait taper efficace. Les valeurs d'un gaullisme social, telles qu'il les a décrites, prennent l'exact contre-pied des méthodes de son rival de l'Élysée. Ça tombe bien : elles permettent de structurer l'espace de centre-droit délaissé depuis longtemps par l'UMP et devenu (provisoirement) trop grand pour un François Bayrou parti en vrille électorale. En un mot, l'ancien Premier ministre comble un vide.
La faible popularité dont il bénéficiait encore à l'automne a laissé place à une curiosité intéressée de toute une partie de la droite classique lassée par les foucades de son imprévisible chef. Il est regardé, désormais, comme un champion de secours, plus facilement gérable que ce président énigmatique qui aime à réserver des surprises aux Français. D'une certaine manière, après tant d'agitation, il... rassure.
Tiendra-t-il au-delà de ce retour tonitruant ? Cela ne dépendra que de son talent et... de son argent. En préconisant implicitement la suppression du bouclier fiscal et le relèvement des impôts de la tranche la plus élevée, il ne va pas se faire que des amis au Medef... Mais, pour l'heure, il ne veut compter que sur ses propres réseaux -autrement dit une construction amateur bien légère dans la compétition de poids lourds de 2012. Cet homme qui -dans ses voeux de Matignon- avait réclamé « un peu plus de tendresse » dans la vie publique se prépare déjà comme un guerrier.
Olivier Picard
Sauver Athènes, c'est sauver l'euro
Beaucoup d'efforts grecs. Un peu d'Europe. Un zeste de FMI (Fonds monétaire international). Depuis des semaines, les Européens cherchent la formule magique censée sauver la Grèce et rassurer les marchés sans pour autant effrayer les électeurs allemands. Tout le monde est d'accord au moins sur un point. Sauver Athènes, c'est sauver l'euro. Sur la manière, en revanche, on vient d'assister à un authentique bras de fer, imposé essentiellement par une Allemagne qui cède de plus en plus à la tentation du repli sur soi.
Ce repli, on peut le mesurer à l'humeur qui règne outre-Rhin depuis que le cas grec a explosé sur la scène internationale. Le mois dernier, la presse allemande a donné libre cours aux pires amalgames nationalistes. Dénoncer les opérations frauduleuses répétées de la classe dirigeante grecque en matière de comptes publics est une chose ; en faire l'atavisme de tout un peuple en est une autre. On parle beaucoup de l'échec des politiques de convergence économique dans la zone euro. Sur le plan culturel aussi, le travail reste à faire.
Dans la rue, dans la presse, dans les palais du pouvoir, un même refrain parcourt l'Allemagne tout entière. Le pays a effectué d'énormes efforts en matière salariale pour maintenir ses exportations. Les promesses de baisses des impôts avancées par les libéraux sont renvoyées à plus tard pour faire sortir les comptes du rouge. Dans ce contexte, nul ne veut voir l'argent allemand renflouer les poches de l'État grec.
Certes, tous les indicateurs économiques l'attestent, l'Allemagne a de bonnes raisons de se sentir plus vertueuse que certains de ses partenaires. Le raisonnement n'en est pas moins simpliste. De nombreux économistes s'alarment du risque d'étouffement de la relance qu'une cure trop brutale peut faire courir aux économies les plus fragiles. Surtout, la chancelière semble davantage guidée par ses propres soucis intérieurs, à la veille d'une élection délicate dans le land le plus peuplé, que par une vision de ce que devrait être la gouvernance économique de l'Union.
On aurait tort, cependant, de se focaliser sur ce repli allemand, annoncé par plusieurs signes depuis au moins un an. Les autres pays européens ne sont pas en reste. Lorsqu'il se dit prêt à une « crise en Europe », plutôt que d'accepter le démantèlement de la politique agricole commune, Nicolas Sarkozy n'actionne-t-il pas le même levier ? Lorsque, aux Pays-Bas ou en Hongrie, les formations populistes d'extrême droite gagnent du terrain, n'est-ce pas, là aussi, au nom d'un rejet de tous les travers de la mondialisation ?
L'effet était amplement prévisible, mais c'est maintenant qu'il se manifeste. La crise provoque d'énormes tensions et menace plus directement toute structure qui présente la moindre faiblesse. Après Athènes, Lisbonne se sent déjà dans le viseur des spéculateurs. Plus généralement, la maison européenne étant, il faut bien le dire, un ovni institutionnel, elle fait tout naturellement partie des cibles du « marché ».
En voulant imposer le recours au FMI, malgré l'opposition de la Banque centrale européenne, Berlin entend contraindre ses partenaires à déléguer en partie la gestion de la crise. À commencer par Paris, initialement hostile. Politiquement, c'est un point marqué par l'Allemagne, mais un aveu de faiblesse pour l'Europe. On a souvent dit que le traité de Lisbonne consacrait une Europe des nations, à l'heure anglaise. Et si c'était l'heure allemande ?
Beaucoup d'efforts grecs. Un peu d'Europe. Un zeste de FMI (Fonds monétaire international). Depuis des semaines, les Européens cherchent la formule magique censée sauver la Grèce et rassurer les marchés sans pour autant effrayer les électeurs allemands. Tout le monde est d'accord au moins sur un point. Sauver Athènes, c'est sauver l'euro. Sur la manière, en revanche, on vient d'assister à un authentique bras de fer, imposé essentiellement par une Allemagne qui cède de plus en plus à la tentation du repli sur soi.
Ce repli, on peut le mesurer à l'humeur qui règne outre-Rhin depuis que le cas grec a explosé sur la scène internationale. Le mois dernier, la presse allemande a donné libre cours aux pires amalgames nationalistes. Dénoncer les opérations frauduleuses répétées de la classe dirigeante grecque en matière de comptes publics est une chose ; en faire l'atavisme de tout un peuple en est une autre. On parle beaucoup de l'échec des politiques de convergence économique dans la zone euro. Sur le plan culturel aussi, le travail reste à faire.
Dans la rue, dans la presse, dans les palais du pouvoir, un même refrain parcourt l'Allemagne tout entière. Le pays a effectué d'énormes efforts en matière salariale pour maintenir ses exportations. Les promesses de baisses des impôts avancées par les libéraux sont renvoyées à plus tard pour faire sortir les comptes du rouge. Dans ce contexte, nul ne veut voir l'argent allemand renflouer les poches de l'État grec.
Certes, tous les indicateurs économiques l'attestent, l'Allemagne a de bonnes raisons de se sentir plus vertueuse que certains de ses partenaires. Le raisonnement n'en est pas moins simpliste. De nombreux économistes s'alarment du risque d'étouffement de la relance qu'une cure trop brutale peut faire courir aux économies les plus fragiles. Surtout, la chancelière semble davantage guidée par ses propres soucis intérieurs, à la veille d'une élection délicate dans le land le plus peuplé, que par une vision de ce que devrait être la gouvernance économique de l'Union.
On aurait tort, cependant, de se focaliser sur ce repli allemand, annoncé par plusieurs signes depuis au moins un an. Les autres pays européens ne sont pas en reste. Lorsqu'il se dit prêt à une « crise en Europe », plutôt que d'accepter le démantèlement de la politique agricole commune, Nicolas Sarkozy n'actionne-t-il pas le même levier ? Lorsque, aux Pays-Bas ou en Hongrie, les formations populistes d'extrême droite gagnent du terrain, n'est-ce pas, là aussi, au nom d'un rejet de tous les travers de la mondialisation ?
L'effet était amplement prévisible, mais c'est maintenant qu'il se manifeste. La crise provoque d'énormes tensions et menace plus directement toute structure qui présente la moindre faiblesse. Après Athènes, Lisbonne se sent déjà dans le viseur des spéculateurs. Plus généralement, la maison européenne étant, il faut bien le dire, un ovni institutionnel, elle fait tout naturellement partie des cibles du « marché ».
En voulant imposer le recours au FMI, malgré l'opposition de la Banque centrale européenne, Berlin entend contraindre ses partenaires à déléguer en partie la gestion de la crise. À commencer par Paris, initialement hostile. Politiquement, c'est un point marqué par l'Allemagne, mais un aveu de faiblesse pour l'Europe. On a souvent dit que le traité de Lisbonne consacrait une Europe des nations, à l'heure anglaise. Et si c'était l'heure allemande ?
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