TOUT EST DIT

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mercredi 10 octobre 2012

Valérie Trierweiler, dame de coeur, dame de fer

Son rôle à l'Elysée, son influence sur le président, ses rapports avec Nicolas Sarkozy: un livre d'Alix Bouilhaguet et de Christophe Jakubyszyn détaille la vie de la "frondeuse" compagne de François Hollande.
Il y eut la cinglante adresse de Laurent Greilsamer (La Favorite, Fayard), il y eut le passionnant récit d'Anna Cabana et d'Anne Rosencher (Entre deux feux, Grasset) ; voici une enquête fouillée signée Alix Bouilhaguet et Christophe Jakubyszyn. Valérie Trierweiler l'inconnue est devenue la mystérieuse, puis la détestée... Au centre de tous les regards et, aussi, au coeur d'une problématique politique - comment rompre avec certaines dérives du quinquennat précédent?

EXTRAITS DU LIVRE "LA FRONDEUSE" (EDITIONS DU MOMENT)

Scène de campagne

Parfois, cette volonté de Valérie Trierweiler de faire rentrer son compagnon au fond de leur bulle a donné des sueurs froides à l'équipe de campagne. Dimanche 25 mars, après trente-six heures de visite électorale en Corse, la caravane fait une dernière halte en Balagne. Pour ces premiers jours de printemps, à Calvi, le temps est magnifique, l'air doux, la lumière apaisante. Valérie Trierweiler est subjuguée par la beauté de cette ville entre mer et montagne. Elle se saisit de l'agenda officiel du candidat et se tourne vers un des membres de l'équipe: "Il faut nous laisser deux heures tous les deux. Trouvez-moi deux heures."
Au moment de déjeuner, Valérie embarque François pour une destination inconnue. Dix minutes plus tard, les voilà au bord de l'eau, à Calvi. Elle a choisi, sur les conseils d'un élu local, la terrasse ensoleillée du restaurant les Palmiers. Accueilli sur place par le maître des lieux, Théo Luciani, le couple déguste les spécialités locales.
"Tout va bien, ils sont au bord de l'eau chez Théo", rapporte un élu au staff de campagne. "Tout va bien?" s'étrangle un des proches de Hollande, devenu depuis ministre. Il vient de réaliser que Valérie Trierweiler prend le risque de provoquer le faux pas de la campagne: la plage, la mer, le soleil, le vin rosé et les spécialités locales pour un couple enamouré... Une seule photo provoquerait l'incident médiatique. Nous sommes le 25 mars, trois jours après l'hommage solennel de la Nation aux soldats tués par Mohamed Merah.
[...] Très vite, à la demande de l'équipe du candidat, Hyacinthe Mattei, le maire de Monticello, et d'autres élus de Balagne activent leurs réseaux pour "sécuriser" les abords du restaurant. Pas un appareil photo, pas un téléphone portable ne doit être dégainé pendant toute la durée du repas. Les paires d'yeux se démultiplient sur le vieux port de Calvi, prêts à intercepter les possibles paparazzis amateurs. Il n'y aura pas de dérapage. François Hollande et Valérie Trierweiler ne sauront pas tout de suite que leur escapade a déclenché un véritable plan Orsec à l'échelle de l'île. Il a fallu toute l'habileté et la discrétion des élus locaux pour éviter un incident. La compagne du candidat a emporté, elle, un merveilleux souvenir du déjeuner...

Quelle influence?

Si elle s'impose en conseillère "image", elle nie farouchement tout rôle politique. Lorsque son compagnon devient président de la République, de mauvaises langues lui attribuent un rôle dans la composition du gouvernement Ayrault. Elle balaie l'accusation d'un trait d'humour : "Quand je lis que j'ai composé le gouvernement... La vérité, c'est que si je l'avais composé, il y a des gens qui n'y seraient pas !" [...] "Dans les faits, je crois que Valérie n'a pas de rôle sur le plan politique. Mais François et elle en parlent beaucoup entre eux. Ils font des commentaires sur les uns et les autres, analyse Manuel Valls, le ministre de l'Intérieur. Avec Valérie, il a une relation politique plus dense qu'il n'avait avec Ségolène. Mais elle ne l'influence pas et notamment pas sur la constitution des équipes."

Un couple arrive à l'Elysée

Le portable de Valérie Trierweiler sonne. Elle se trouve à l'Elysée en ce jeudi 17 mai. A l'autre bout du fil, François Hollande. Pour le président, une nouvelle journée marathon commence. Il doit présider à 15 heures son premier Conseil des ministres. "Valérie, s'il te plaît, pour la photo du gouvernement, est-ce que tu peux me sortir un costume ?" Valérie Trierweiler, surprise, marque une pause et lui répond : "Oui, je vais le faire... Mais, tu sais, ne compte pas sur moi pour faire ça et que ça !"
[...] "Et pourquoi tu n'irais pas travailler dans l'édition ?" La question brûlait les lèvres de François Hollande depuis des semaines. Elle est désormais posée à Valérie Trierweiler. Il le pensait déjà pendant la campagne mais, depuis son élection, le chef de l'Etat mesure combien il sera compliqué pour elle de continuer à exercer sa profession de journaliste. Il en appelle depuis des années à une "République irréprochable". Et cette obstination de sa compagne à rester journaliste lui fait craindre un mélange des genres préjudiciable à sa présidence. Valérie Trierweiler le fusille du regard. Et décoche aussitôt : "Mais je n'ai aucune envie d'aller travailler dans l'édition!"
Certains patrons lui tendent pourtant les bras, comme Arnaud Lagardère. Le PDG du groupe du même nom, propriétaire de plusieurs maisons d'édition, lui a proposé de l'accueillir au sein de l'une d'elles. "Ça ne règle pas le problème, poursuit-elle avec fermeté. On m'attaquera sur autre chose et, notamment, sur mon employeur." François Hollande en convient.
[...] Quelques jours plus tard, nouvelle offensive élyséenne. Cette fois, elle émane d'un membre du cabinet du président. "Pour vous, ça va être compliqué de continuer à travailler", glisse le haut fonctionnaire au détour d'une réunion. Piquée au vif, Valérie Trierweiler se fige et décoche : "Si vous voulez, je peux aussi aller m'inscrire à Pôle emploi et demander des bourses pour mes enfants !" Brisant le silence consterné de l'assemblée, elle assène en guise de conclusion : "Je reste journaliste, ou j'arrête tout !"
Même Manuel Valls, pragmatique, ose : "Valérie pourrait mettre sa carrière entre parenthèses et espérer la retrouver demain. Mais elle vit ça comme un déchirement. Je ne dis pas qu'elle va renoncer. Je dis que ça va être très difficile."

Le bras de fer avec Nicolas Sarkozy

La scène se déroule lors d'une garden-party, au milieu des années 2000. Jacques Chirac est encore président et Nicolas Sarkozy, son ministre de l'Intérieur. Il déambule dans le jardin du Palais, noir de monde, comme chaque année le jour du 14 Juillet. Il tient sa femme Cécilia par la main. Le couple croise Valérie Trierweiler. Discrètement, Nicolas Sarkozy, sans lâcher la main de sa femme, se penche vers la journaliste de Paris Match et lui murmure à l'oreille: "Qu'est-ce que t'es belle!" Cela fait quelque temps déjà que Nicolas Sarkozy a repéré la splendide trentenaire.
[...] C'est lors d'un déjeuner avec un groupe de journalistes féminines que Nicolas Sarkozy décide de jeter son dévolu sur Valérie Trierweiler. Autour de la table, dans la salle à manger du ministère de l'Intérieur, place Beauvau, il y a ce jour-là Isabelle Torre de TF 1, Ruth Elkrief de RTL, et Valérie Trierweiler de Match. Nicolas Sarkozy semble particulièrement heureux d'être entouré de femmes. Il connaît moins Valérie Trierweiler, qui suit principalement la gauche et le président Chirac. Il en profite donc pour mieux faire connaissance avec la reporter. D'apparence froide et réservée, elle intrigue le ministre de l'Intérieur, qui la pousse dans ses retranchements. Comme à son habitude, il tutoie tout le monde. Il aime instaurer une forme de familiarité avec les journalistes, espérant la transformer en connivence. Profitant d'une remarque de Valérie Trierweiler sur l'une de ses récentes déclarations, il répond : "Oui mais toi, tu es une petite-bourgeoise! Tu habites dans le XVIe, donc tu ne peux pas comprendre ce qui se passe dans les quartiers. Comme tous les journalistes, tu as un avis sur tout."
Piquée au vif, elle réplique: "Je ne vous permets pas. Et, d'ailleurs, je n'habite pas le XVIe arrondissement." Si Nicolas Sarkozy n'est pas gêné qu'on lui tienne tête, il aime aussi montrer sa puissance: "Ah bon, tu n'habites pas le XVIe? Mais, tu sais, je suis ministre de l'Intérieur. Si je veux savoir où tu habites, je demande et on me donne l'information dans les dix minutes... Tu veux voir?" Valérie Trierweiler lui lance un regard de défi. Le même qu'elle adressera quelque temps plus tard dans les jardins de l'Elysée au goujat qui lui glisse un compliment à l'oreille, tout en tenant sa femme par la main.
Amorcée par ces deux épisodes, la relation entre Nicolas Sarkozy et Valérie Trierweiler demeure conflictuelle. Il disait parfois à des proches: "Mais pour qui elle se prend, celle-là? Je ne suis pas assez bien pour elle? [...] Lorsqu'il apprend la liaison de Valérie Trierweiler avec François Hollande, la première remarque de Nicolas Sarkozy ne manque pas d'intérêt, si l'on se projette en 2012: "Comment a-t-il fait pour séduire un canon pareil?"
[Le 8 mars, Louis Sarkozy a jeté des billes et des tomates sur une policière en faction à l'Elysée, et l'information a fuité. Nicolas Sarkozy réagit.]
Il demande donc aux services de police d'éplucher les incidents éventuels ayant pu concerner François Hollande et sa compagne. Les services tombent sur une affaire mineure mais qui apparaît très vite aux yeux du candidat Sarkozy comme une pépite: un procès-verbal de police citant l'un des fils de Valérie Trierweiler interpellé dans la rue en possession d'un pétard, quelques semaines plus tôt!
Dès le samedi après-midi, quelques heures après la révélation de RTL, les équipes du candidat font savoir à plusieurs journalistes que l'un des fils de Valérie Trierweiler a fait l'objet d'un contrôle, il détenait de la drogue. Interrogée par les journalistes "alertés" par l'Elysée, l'équipe de François Hollande s'efforce de donner la version précise de l'incident. Billes et tomates contre pétard... La plupart des rédactions, jugeant que la campagne électorale mérite mieux et, surtout, que les enfants ne doivent pas être placés sur le champ de bataille, feront l'impasse sur ces "informations".
Mais Nicolas Sarkozy n'est pas homme à lâcher l'affaire. Dès le lundi, il fulmine contre les rédactions qu'il visite dans le cadre de ses interviews quasi quotidiennes en cette période électorale : "Cette affaire est beaucoup plus grave que celle de mon fils! Or personne n'en parle. L'histoire de mon fils a fait une dépêche AFP et, là, pas une ligne." [...]
Valérie Trierweiler, elle, est ulcérée. Nicolas Sarkozy a touché à ses enfants et donc a commis un manquement grave à ses yeux. Elle compte bien le lui dire en face. Peu importe où, mais le plus vite possible. Voilà pourquoi elle décide, entre autres raisons, d'accompagner François Hollande aux obsèques des militaires tués par Mohamed Merah. Cet homme de 23 ans a aussi exécuté froidement, quelques jours après, des enfants et un père de famille à la sortie d'une école juive. Il est abattu, le lendemain de ces funérailles nationales, lors de l'intervention du GIGN pour le déloger de son appartement.
Ce 21 mars, dans la caserne de Montauban, Valérie Trierweiler est donc présente au côté de François Hollande, avec les autres candidats à la présidentielle. Après la cérémonie, alors que Nicolas Sarkozy salue son adversaire socialiste, il croise le regard de Valérie Trierweiler. Des yeux noirs, foudroyants. Les caméras de télévision captent cette expression accusatrice, sans que nul ne se doute à l'époque qu'elle est celle d'une mère outragée. "Je voulais qu'il le voie, ce regard. J'aurais voulu même lui parler, trouver l'occasion de lui dire ce que je pensais de ce qu'il disait de mon fils dans les rédactions, confie le lendemain Valérie Trierweiler à un ami. Après tout cela, je suis blindée. Ils ne me font pas peur."

Pasqua admire Valls et affirme que Sarkozy reviendra

Manuel Valls a la cote. Le ministre de l'Intérieur, en hausse dans les sondages contrairement à Jean-Marc Ayrault et , trouve même grâce aux yeux d'un de ses prédécesseurs place Beauvau, Charles Pasqua. L'ancien premier flic de ne tarit pas d'éloges pour le jeune ministre socialiste. Il salue la «force de caractère» de Valls qu'il estime représenter une «exception à gauche».



Dans un entretien accordé au Point de cette semaine, Charles Pasqua déclare: «Manuel Valls est un cas intéressant». Invité à répondre si Valls est à «la hauteur» pour mener la lutte contre les réseaux salafistes, qui se déroule en ce moment, l'ancien ministre de l'Intérieur et figure emblématique de la droite explique: «il est issu de l'immigration et, en tant qu'ancien maire de ville de banlieue, il a été confronté aux difficultés quotidiennes de la délinquance, du et du repli identitaire».

«Sarkozy reviendra en politique»

Par ailleurs, Charles Pasqua juge «évident» que Nicolas Sarkozy reviendra en politique. «Je ne l'imagine pas vivre autrement. C'est sa vie depuis qu'il a 15 ans. Il faudrait qu'il subisse une cure de désintoxication pour tout arrêter. Je crois qu'il souhaitera revenir», dit-il. Et il explique que son ancien poulain des Hauts-de-Seine «a gardé du gaullisme une qualité essentielle: devant la tempête, la caractère permet de faire face».

Revenant ensuite sur la dernière campagne présidentielle, Charles Pasqua estime que l'ancien président a eu raison de la mener à droite mais qu'il aurait du compléter sa démarche par «un rappel de notre engagement social». L'ancien soutien d'Edouard Balladur à la présidentielle de 1995 révèle à ce propos que Nicolas Sarkozy avait à l'époque plaidé contre lui pour une alliance avec l'UDF, convaincu alors que la victoire se gagnerait au centre.

Quant à la compétition Copé-Fillon pour la présidence de l'UMP, l'ancien ministre, sollicité par les deux candidats, botte en touche. Il ne soutiendra personne: «pour une raison simple: je ne suis pas membre de l'UMP. Dès lors, ne me demandez pas de prendre position. La bataille de l'UMP n'est pas mon truc».

Ingérable ? La génération Y demande un droit de réponse

Adultes rois, égos surdimensionnés, refus de se remettre en cause, rois de la procrastination, de la mauvaise foi et des stratégies d'évitement, le psychologue clinicien Didier Pleux n'est pas tendre avec la génération Y. Si ce constat pousse à l'humilité, la génération Y demande à répondre à certaines allégations, notamment par quelques arguments de contexte. Remontée, la Génération Y (née après 1978-1980), souhaite réagir au portrait critique que dresse d'elle le psychologue clinicien Didier Pleux, auteur de "De l'adulte roi au tyran roi". Si chacun se retrouvera dans des bribes de propos du psychologue, ceux qu'il définit comme étant des d'adultes rois aux égos surdimensionnés veulent prouver qu'ils savent se remettre en cause et ne pratiquent pas à coup sûr la mauvaise foi et les stratégies d'évitement.
Pour Baptiste, 27 ans, jeune cadre fraîchement diplômé et chef de projet dans l'Edition, le malentendu qui divise aujourd'hui les générations est patent : « notre génération qui « court après le milieu idéal, un environnement où ils pourront faire ce qu'ils veulent dans un travail tout le temps motivant », selon Didier Pleux, a en vérité été trompée. Le sacro-saint papy-boom (départ à la retraite des nés après 1945) qui allait permettre à toute cette génération de jouir du plein emploi, lui avait en effet été promis. Il était dit que les Y profiteraient de rémunérations confortables et prospéreraient dans la passion de leur métier. Le papy-boom devait en théorie s'enclencher dès 2005. Crise oblige, il n'en a rien été. Et il faut le dire, la génération Y n'en profitera jamais, elle qui doit faire face à un taux de chômage au plus haut. D'autant que l'âge de la retraite a été repoussé. Du coup, les Y s'adaptent. Au regard de la situation macro-éconmique, ils sont aujourd'hui davantage dans une optique de trouver un logement et un métier que dans « une quête d'une solution miracle pour trouver une réalité confortable », comme le dit Didier Pleux. Désormais, ils travaillent en fait plus pour bénéficier d'un pouvoir d'achat inférieur aux générations précédentes ».
Certes ils admettent être frustrés et avoir du mal à composer avec cette réalité truquée par leurs soixante-huitards de parents un brin exaltés. « Alors que certains ont été bercés dans un idéal libertaire véhiculé par leurs parents, bénéficiaires des avancées post mai 68 et qui ont pu profiter d'une liberté de choix total dans leur vie professionnelle, force est de constater qu'ils n'ont pu ni jouir des mêmes « privilèges » que leurs aînés, ni envisager de faire mieux ou au moins aussi bien qu'eux. Alors oui, les Y sont déçus voire frustrés. D'où cette relative « allergie à toute frustration » pointée du doigt par Didier Pleux » reconnaît Baptiste.
Dure réalité, en effet
Mais il rappelle qu'une bonne partie de la génération Y a, en parallèle, vu ses parents maltraités par des entreprises qui n'hésitent plus à se séparer d'eux quand les temps sont durs. Egalement influencés par la surmédiatisation des plans sociaux de grande envergure, les Y se sont endurcis, et, depuis le plus jeune âge, voient la réalité de l'entreprise avec le plus froid pragmatisme. « Ils sont en conséquence plus opportunistes, plus entreprenants et plus individualistes, mais pour des raisons réalistes, contrairement à ce qu'argue Didier Pleux. De là ne peut aussi découler qu'une conception différente du « sens de l'effort », de l'« engagement », et de la « fiabilité » dans l'entreprise, demandés aux Y par les générations précédentes », analyse le jeune Baptiste.
Cécile, 28 ans, exerçant dans le pôle RSE d'une grande entreprise du CAC 40, la tête sur les épaules, épingle fougueusement cette « réalité » en apostrophant les redresseurs de torts : « peut-être ne voulons nous pas accepter la réalité par ce que c'est la vôtre dans laquelle nous vivons, et que nous la trouvons bien contradictoire. Puisque posséder tout ce qui est imaginable a été une réalité pour vous et que cela n'a pas suffit à votre bonheur, pourquoi devrions-nous nous en contenter ? Vous nous avez voulu indépendants puisque vous désiriez vous-même jouir de votre vie, nous voici armés pour changer les règles du jeu ».
Alors s'agissant de « désinvestissement quotidien dans l'entreprise », les Y l'explique comme « un mal-être dû à la difficulté de trouver sa place parmi les plus âgés. Cette génération souhaite qu'on lui explique concrètement quelle est son utilité dans l'entreprise et n'aime pas les efforts vains, car contrairement à ce que dit Didier Pleux, elle se remet constamment en question. La génération Y a, il faut le dire, forgé en grande partie ses raisonnements sur Internet, temple de la remise en question permanente de toutes les idées reçues ». D'où le besoin impérieux de trouver un sens à leur action, ce qui, selon Cécile, « est impossible avec la verticalité et l'immobilisme qui en découle ».
En quête de sens
De fait le divorce menace : « nous refusons de vivre pour travailler, pour gagner de l'argent et consommer en suivant votre modèle, quand nous voyons où il nous a mené. Nous ne voulons pas nous restreindre, réduire nos idéaux à cause de vos erreurs. Alors comment procéder en entreprise ? Crise économique, écologique, sociale.... Votre besoin de hiérarchie, de garder le contrôle, n'a pas réussi à gérer la complexification intense de la société. N'a pas laissé de place adéquate à la créativité, et n'est pas adapté au monde en devenir. Nous n'avons pas vraiment envie de rentrer dans le moule que vous avez créé, car il tue toute perspective d'évolution sensée de la société ».
Résultat : pour Cécile ce n'est pas l'autorité qui est contestée par des « enfants rois trop gâtés » mais plutôt la confusion des genres que nourrit constamment la société d'aujourd'hui et dans laquelle les jeunes Y aimeraient qu'on leur organise quelques repères sensés...c'est-à-dire porteur de sens. « On ne supporte pas qu'on nous impose des choix qu'on juge incohérents, non l'autorité en général. Ce n'est pas « vérifier et contrôler l'avancée des travaux », qu'il nous faut, mais c'est de nous guider. Pour nous aider à déployer notre énergie dans le bon sens. Dans ce monde qui part un peu dans tous les sens et nous laisse parfois perplexe, nous avons besoin de votre expérience, mais non de contrôle abusif. Vous nous dîtes narcissiques, mais vos modèles verticaux n'incitent pas à la collaboration », dénonce la jeune femme.
D'où une sorte de revendication en forme de cri du cœur poussé à l'intention de leurs aînés pour plus de dialogue et de compréhension mutuelle. « Il faut absolument mêler les générations, afin de créer des synergies et que chacun soit apte à prendre le meilleur dans ce que l'autre a à lui offrir : nous avons énormément à apprendre des autres, mais il ne faut pas croire qu'il n'y a rien à apprendre de nous. Nous n'avons jamais été aussi ouverts sur les autres et sur le monde, friands de découvertes, voyageurs invétérés...Nous ne sommes donc pas réfractaires au savoir des générations précédentes, mais à la forme qu'elle prend, c'est-à-dire un sens unique », argumente Cécile, admettant que peut-être, elle et ses congénères manquent « un peu de tact pour faire accepter cette idée ».
Acteurs de leur vie
C'est qu'ils sont à vifs ces Y, stigmatisés de tous côtés car dotés d'une personnalité beaucoup plus affirmée que les générations précédentes, moins dans le « moule », et dont l'idéalisme n'est que la traduction de leur volonté de s'impliquer dans la transformation du monde. Pour preuve, le coup de gueule de Cécile, en guise de conclusion. « Nous voulons être acteur de nos vies, de nos sociétés et non nous conformer docilement aux codes sociaux qui prévalent actuellement. Nous souhaitons contribuer à changer la société dans laquelle nous vivons. Beaucoup d'entres nous ne demandent qu'à se réaliser dans notre travail et à relever des défis, à se donner à fond pour une mission qui nous motive ; nous mettre à un poste adapté, crée de la richesse pour l'entreprise. C'est l'ennui et le manque de responsabilités, de reconnaissance qui nous enferment dans une procrastination et un désengagement, ennui provoqué par des modes de management figés et à sens unique. Nous sommes des moteurs pour les entreprises, à condition d'écouter ce que nous avons à vous dire». A bon entendeur....

Quand les diplomates anticipent une sortie de la Grèce de l'euro

Des consignes ont été données en juin par l'ambassade des Pays-Bas à Athènes aux grandes entreprises néerlandaises opérant en Grèce, en vue d'une éventuelle sortie de ce pays de la zone euro.
Le mot d'ordre: sauver les meubles avant une catastrophe nommée "Grexit", désignant l'éventuelle expulsion de la Grèce de la zone euro. Ces révélations ont été faites le 8 octobre par le quotidien de gauche De Volkskrant. Selon une source diplomatique citée par ce journal, des consignes précises ont été données par des diplomates aux représentants de Heineken, Philips, Unilever et des agences de tourisme néerlandaises, pour rapatrier aux Pays-Bas leurs fonds et ne laisser que le minimum d'argent dans les caisses des banques grecques.
Réunion confidentielle ?
Une réunion qui devait rester strictement confidentielle a été organisée à Athènes à ce sujet, en juin, alors que La Haye, officiellement, plaide pour le maintien de la Grèce au sein de l'Union européenne (UE). Depuis, des élections legislatives se sont déroulées en Grèce, le 17 juin marquées par la victoire des conservateurs, défenseurs de l'austérité et du plan de sauvetage élaboré par Bruxelles. Il n'est donc pas question de voir la Grèce revenir à son ancienne devise, le drachme, mais le ministère néerlandais des Affaires étrangères n'a voulu faire aucun commentaire après les révélations du Volkskrant. Le plan Grexit pourrait rester présent à l'esprit des diplomates néerlandais, pour deux raisons.
Culture de l'anticipation

La première tient à une culture de l'anticipation courante aux Pays-Bas, où l'on anticipe, à cause du combat contre l'eau, sur les catastrophes naturelles. Par extension, on essaie autant que possible de prévoir les cataclysmes politiques ou financiers. Seconde raison: le coût, les avantages et les inconvénients d'une sortie de la Grèce de la zone euro ont été l'un des grands thèmes de la campagne électorale, avant les législatives néerlandaises du 12 septembre.
"Dette intenable"

Ces élections ont vu deux partis pro-européens, les libéraux et les travaillistes, l'emporter. Mais la fuite publiée par De Volkskrant a coïncidé, le 8 octobre, avec le lancement du Mécanisme européen de stabilité (MES), élaboré pour gérer la crise de la dette des pays de la zone euro. Un fonds auquel les Pays-Bas ont largement contribué. Pour le gouvernement néerlandais, il n'est pas question de nouvelle restructuration de la dette grecque. Une dette qui paraît pourtant "intenable" à Menno Snel, membre néerlandais du conseil exécutif du Fonds monétaire international (FMI), interrogé le 9 octobre par le quotidien économique Het Financieele Dagblad. Alors que les bailleurs de fonds de la Grèce, UE, Banque centrale européenne (BCE) et FMI ont donné à Athènes jusqu'au 18 octobre pour mettre en place des mesures d'austérité, La Haye continue de faire pression pour que la Grèce rembourse le prêt d'urgence qui lui a été accordé, avec les intérêts.

Toujours aussi sales les Français ?

Alors que l'automne arrive avec son cortège d'épidémies, le lavage des mains n'est vraiment pas un réflexe national !
Même si une majorité de Français estime que les barres et les poignées des transports en commun sont les objets "les plus sales" de la vie quotidienne, seuls 45 % d'entre eux (mais 57 % des habitants de la région Ile-de-France) se lavent systématiquement les mains après avoir emprunté le métro ou le bus. C'est l'un des enseignements de la dernière enquête BVA réalisée en septembre (sur un échantillon représentatif de 1 000 personnes) à la demande de Tork, un spécialiste des produits d'hygiène pour le milieu professionnel. Viennent ensuite, par ordre de saleté estimée, le clavier de l'ordinateur et la poignée des toilettes. La cuvette des toilettes, elle, arrive après, mais il est parfois possible d'éviter tout contact avec elle.
Selon cette enquête, un Français sur quatre se savonne les mains dix fois par jour. Mais, dans certaines situations qui nécessitent pourtant une bonne hygiène, ce simple geste reste subsidiaire. À titre d'exemple, plus d'une personne interrogée sur cinq ne se lave pas systématiquement les mains avant de commencer à manger. Cette tendance est beaucoup plus forte chez les individus âgés de 18 à 34 ans, puisque 43 % d'entre eux ne se lavent pas les mains automatiquement au moment de passer à table. En revanche, 86 % de ceux qui ont répondu aux questions disent le faire avant de cuisiner.
Enfin, ce qui devrait apparaître comme le B.A.-BA en matière de lavage des mains ne l'est finalement pas pour la totalité de la population : 12,5 % des Français ne se lavent pas toujours les mains en sortant des toilettes ! On peut ajouter à ces résultats ceux d'un autre travail antérieur ayant démontré que les Français consomment deux fois moins de savon que les Allemands ou les Anglais.

Les femmes plus sensibles à la propreté

Autre enseignement de l'étude BVA, les Hexagonaux ne sont pas très friands de bains, que ce soit par conviction écologique ou par économie d'argent : 61 % d'entre eux ne plongent pas souvent dans leur baignoire. Plus précisément, seuls 18 % - le plus fréquemment des femmes - prennent un bain une fois par semaine. Cela ne veut pas dire pour autant qu'ils se ruent sous la douche. Si 11,5 % des Français se lavent "à grande eau" plusieurs fois par jour, 20 % ne le font qu'un jour sur deux ou moins et 3,5 % seulement une fois par semaine... Là encore, statistiquement, les femmes sont plus sensibles à la propreté que les hommes et les adultes jeunes que les personnes âgées de 65 ans et plus.
Enfin, concernant l'entretien des toilettes, un Français sur trois les nettoie quotidiennement, près d'un sur quatre tous les deux jours et plus d'un sur quatre une fois par semaine (ce qui laisse un nombre relativement important d'individus qui n'ont pas répondu à la question). Et paradoxalement, ce sont les personnes âgées qui sont les plus méticuleuses dans ce domaine : alors que ce n'est pas une habitude quotidienne chez les jeunes de 18 à 34 ans (18,9 %), ça l'est davantage pour les personnes âgées de 50 à 64 ans (44,9 %) et encore plus chez les plus de 65 ans (58,7 %). Les auteurs de ce sondage ne fournissent aucune explication à ce sujet.

Les syndicats ont-ils toujours le pouvoir de mettre les gens dans la rue ?

Taux de syndicalisation très bas, mots d’ordres trop vagues et généraux, guerres de succession, les syndicats ont-ils toujours autant les moyens de mobiliser la population ?

La CGT décide de faire cavalier seul pour une journée d’action pour la « défense de l’emploi et l’industrie ». Cette journée est finalement peu suivie. Les syndicats aujourd’hui ont-ils encore le pouvoir de faire descendre les citoyens dans les rues ?

Stéphane Sirot : Le passé récent tendrait à prouver que oui, car en 2009 du fait de la crise puis en 2010 sur le sujet des retraites, les organisations syndicales ont réussi à mobiliser, à la fois sur le nombre et la durée, plusieurs millions de salariés. Cela prouve qu’il reste encore – dans notre pays où il y a une vieille tradition de manifestation et de conflictualité - une capacité de mobilisation assez forte. En revanche on peut tout de même y opposer plusieurs observations. Dans un premier temps, les mots d’ordres qui paraissent un peu trop vagues et généraux, sans véritable prise immédiate avec la situation des salariés ont toujours du mal à mobiliser.
Lancer des mots d’ordre qui ont comme principaux sujets, tels que celui de ce mardi, la sauvegarde de l’industrie ne séduit pas car ils ne sont pas couplés à des initiatives de réformes. Ils sont généralistes voire incompréhensibles. D’autre part, la journée d’action dont on parle, a du mal à offrir des résultats aux organisations syndicales et paraissent davantage à des moments de médiatisation, de revendication ou d’alerte de l’opinion plutôt que des mouvements de rapports de force capables de changer des orientations gouvernementales ou patronales. De plus la conjoncture immédiate n’est pas du tout favorable aux grandes mobilisations. Celles de 2009 et 2010 se sont d’ailleurs conclues par des échecs à répétition et c’est une constante depuis environ 2003. Cela a tendance à décourager les syndiqués.  
Les tarés de l'éducation nationale
De toute façon, un syndicat tout seul aujourd’hui a beaucoup de mal à réunir ses salariés. Je pense que même si c’est vague, il y a une demande de démarche unitaire de la part des organisations syndicales plutôt et il semble de plus en plus que cela réponde à des nécessités qui ne sont pas seulement celles de la société mais qui tiennent aux enjeux internes du syndicat qui lance les mobilisations. Je parle bien entendu de la CGT. Ce mardi, pour elle, les enjeux sont peut-être autant identitaires que sociaux.

Les syndicats doivent-ils être unis pour avoir une chance de mobiliser la population ?

En tout cas, s’ils ne parviennent pas à faire une démonstration minimale de leur capacité d’action individuelle sur des revendications bien identifiées. On est de toute façon dans un contexte de relative faiblesse du mouvement syndical avec des taux de syndicalisation très bas et un doute des salariés sur leurs capacités à peser sur le réel. Ces éléments sont complexes à dépasser et le sont d’autant moins quand le syndicat paraît s’engager en solitaire dans une forme d’action qui en plus paraît discutable.  

Le charisme d’un leader fait-il la force d’un syndicat ?

Cela ne suffit pas bien entendu, toutefois l’épaisseur d’un leader syndical compte. C’est tout de même un facteur incontournable, de la même manière que dans un parti politique même si ce sont deux types d'organisation très différents. Dans toute forme d’organisation massive il y a une nécessité d’imprimer un rythme, un sens à l’action syndicale, de nourrir une réflexion et encore plus dans une période comme la nôtre qui est incertaine et qui amène les syndicats à s’interroger sur leur parole et leur capacité à la faire porter par une voix assez assurée pour qu’elle puisse être entendue. Je pense d’ailleurs que l’actuelle querelle de succession au sein de la CGT pose un véritable problème à cette confédérati
Dans cette série de concertations ouvertes faisant suite à la conférence sociale ouverte par François Hollande, si la CGT veut être en capacité de se faire entendre, de peser, et créer une dynamique syndicale notamment avec la CFDT, les circonstances sont particulièrement contre-productives. Le manque de représentants qui aient une légitimité suffisamment forte dans cette période de transition c’est évidemment un flottement mal venu dans une période où s’ouvrent des discussions autour de la question de l’emploi et une batterie de sujets de fond qui sont sensibles pour les salariés et les syndicats.

Quel est l’avenir du syndicalisme en France aujourd’hui ?

Il y a un impératif – même si les solutions à trouver sont compliquées et multiples - qui est évidemment de faire face à ce désert syndical qui s’est constitué en France avec des taux de syndicalisation qui sont entre 6 et 7 % globalement et qui atteignent à peine 5 % dans le secteur privé. Ce sont des chiffres qui sont ceux de la fin du 19ème siècle. C’est une menace pour les syndicats et la négociation. D’une part, les syndicats ont du mal à faire valoir leur légitimité avec des taux aussi faibles et de l’autre la négociation a aussi du mal à faire valoir sa propre légitimité  dans la mesure où des négociations et des accords sont légitimes à partir du moment où leurs acteurs ont eux-mêmes une légitimité. C’est contre-productif. Et au-delà de cela on a un problème de renouvellement du syndicalisme car il vieillit rapidement avec des moyennes d’âge autour de 45 ans, des jeunes qui adhèrent peu. Ainsi à l’horizon de 10 ou 20 ans, c’est une menace importante.

Pourquoi les jeunes n’adhèrent pas aux syndicats ?

On peut l’expliquer par plusieurs facteurs. Dans un premier temps, c’est en raison de la précarité du travail qui touche en particulier les jeunes. Or, l’acte de syndicalisation est plus volontiers fait par des salariés bien intégrés et assis dans leur poste – en bref qui disposent d’un CDI. Les salariés qui passent d’un secteur à un autre et qui sont menacés par la précarité ont plus de mal à être suivis par les syndicats car ils sont structurés de telle façon que quand on change de secteur on échappe au syndicat où éventuellement on était syndiqué premièrement. D’ailleurs c’est l’une des réflexions que les syndicats doivent produire sur l’évolution de leur structuration.
Les jeunes d’autre part ont plus de difficulté à se reconnaître dans des organisations collectives qui portent des valeurs collectives. Ils sont beaucoup moins sensibles que leurs ainés à cette démarche.
Il y a donc des chantiers à mener sur l’évolution du salariat, mais aussi sur le décalage énorme entre la sociologie des syndicats et la sociologie du monde du travail qui s’il a toujours plus ou moins existé a atteint des proportions énormes. Ils ont aussi besoin de démontrer leur efficience, quoi qu’il arrive des salariés précaires ou pas auront d’autant de difficulté à adhérer à un syndicat qu’ils auront l’impression que celui-ci ne parvient pas à obtenir des résultats ou à changer quoi que ce soit à leur situation. 
on dans les négociations sociales qui se sont ouvertes au mois de septembre.


Nicolas Vadot : “Il faut faire le saut fédéraliste maintenant”

Militant européen convaincu, le dessinateur de presse franco-britannique est un des plus prolifiques sur les sujets européens – et l'un des préférés de Presseurop. Lors de son passage au Festival d'Internazionale à Ferrare (Italie), il nous a livré sa vision de son métier et de l'Europe.
Peut-on rire et faire rire de l’Europe ?
Nicolas Vadot : Il faut arriver à en rire soi-même, car le sujet peut paraître un tantinet rébarbatif, mais oui, on peut rire de l’Europe. Ça permet de désamorcer des choses. Donc, c’est tout à fait faisable.
Qu’est-ce qui vous a le plus inspiré dans l’actualité européenne ces derniers temps ?
J’essaye de ne pas réagir par rapport à l’Europe, car j’ai une position militante : je suis un ultra-fédéraliste, je l’ai toujours été. Alors, quand [l’ancien Premier ministre belge] Guy Verhofstadt et [l’euro-député vert] Daniel Cohn-Bendit présentent leur livre, je ne le descend pas. Même si c’est un catalogue de bonnes intention, j’essaye d’avoir une approche on va dire “positiviste” de l’Europe, même si je peux être critique. Il ne faut jamais oublier que l’UE a été créé au départ pour qu’on arrête de se taper dessus entre Européens et que, si on n’a pas connu de guerres sur le continent –  hormis l’ex-Yougoslavie, qui ne faisait pas partie de l’UE –  c’est quand même une super-réussite, l’UE.
Et si j’ai une mission vis-à-vis de mes lecteurs, surtout les plus jeunes, c’est de leur rappeler : “Les gars, vous vivez en paix, mais la paix, ça se construit tous les jours, entre démocrates, et ce n’est pas là pour toujours, parce-que ça peut s’arrêter.”
Je travaille également pour la presse financière, pour L’Echo. Ici, il s’agit de sujets beacoup plus pointus, comme les taux directeurs de la BCE, l’harmonisation fiscale…et là, il est possible d’être très didactiques. Et ça, ça m’intéresse.
Peut-on trouver dans l’actualité de l’UE de quoi faire un dessin chaque jour ?
Chaque jour, peut-être pas. D’ailleurs je n’en pond pas un par jour sur ce sujet : disons qu’en moyenne, je dois en faire un sur cinq, ce qui est tout à fait correct.
Y a-t-il des dessinateurs auxquels vous vous inspirez en particulier ?
J’ai une spécificité par rapport à d’autres dessinateurs : je ne suis pas autodidacte. J’ai appris à dessiner dans un académie, et je suis partisan de la ligne claire [le style de l’école belge]. Quand les Américains voyent mes dessins ils disent : “C’est du dessin de presse façon Hergé” et je le prend comme un compliment, parce que je trouve que la ligne claire est extrêmement efficace. Mon inspirateur est également Plantu, parce qu’il a été le premier à éditorialiser les dessins et je pense que le dessin politique ne doit pas seulement décrire l’actualité, mais il doit aussi la commenter. J’ai étudié un peu tous les dessinateurs français –  Cabu, Luz, Faizant, Jean Eiffel, Dubout –  puis les anglais –  Searle, Scarfe, Steadman. Ce que j’ai voulu apporter, c’est une approche ligne claire, avec en plus de la couleur. On a trop négligé la couleur dans le dessin politique, or, dans l’actualité européenne, on joue beaucoup sur les drapeaux et leurs couleurs.


Qu’est ce que vous aimez et qu’est-ce que vous n'aimez pas dans l’UE ?
Ce qu’ j’aime, c’est la tour de Babel, c’est à dire le fait qu’on ne voit pas les choses d’un point de vue ethnocentriste. Et pour moi, c’est très important, car non seulement je suis à moité britannique, mais en plus, j’ai une femme australienne. J’ai vécu six ans en Australie et, là-bas, l’Europe tout le monde s’en fout. Et à la limite, ils sont plus européens que nous, parce qu’ils ne disent pas “Je vais en France, en Italie ou en Allemagne”, ils disent “Je vais en Europe”. Quant à l’europhobie des britanniques, elle m’exaspère profondément : la grande erreur de Tony Blair, ça a été de ne pas utiliser son second mandat pour forcer la Grande-Bretagne à entrer dans l’euro. J’aime ce côté supra-national, le fait de pouvoir traverser les frontières.
Ce que je n’aime pas, c’est la bureaucratie ; ce sont tous ces gens qui sont dans les bureaux de l’UE et qui ne savent même plus ce qu’ils font et le fait qu’on ait fait d’un grand idéal qu’était l’idée européenne une baudruche bureaucratique dont on ne sait pas où elle va et comment elle va s’en sortir.
Peut-on représenter l’Europe et comment avez-vous choisi de la représenter ?
Oui. Je la représente comme Miss Europe : c’est une très jolie femme. Elle était blonde aux yeux bleus au départ, puis elle est devenue brune –  j’ai épousé une brune et je voulais la paix dans le couple. Elle est très jolie et élancée, voire sexy –  parce que c’est comme ça que je vois l’Europe. Pour moi, l’Europe a un côté très féminin, donc positif.
Il m’arrive de représenter la bureaucratie européenne comme un homme en gris, avec son attaché-case : c’est la technocratie. L’homme en gris et Miss Europe ne s’entendent pas très bien, et c’est là probablement la limite du dessin politique, au sens où je dois forcément caricaturer, donc forcer le trait, utiliser des stéréotypes.
Pensez-vous que l’Europe a un avenir, ou qu'on est arrivés à la fin ?
J’espère franchement qu’on n’est pas arrivés à la fin, parce que si c’était le cas, je craindrais que mes enfants ne connaissent une guerre sur le continent. Je pense qu’il y a des dangers et c’est pour cela que je pense qu’il faut faire le saut fédéraliste maintenant.

La visite d'Angela Merkel en Grèce est un échec, estime la presse allemande

L'objectif d'appaiser les tensions entre les deux pays n'a pas été atteint. Seul un petit cadeau, par exemple l'annonce d'une aide de quelques milliards d'euros, aurait pu changer quelque chose.
La presse allemande était sceptique mercredi sur l'impact de la visite de la chancelière Angela Merkel à Athènes, estimant qu'elle n'avait pas eu d'effet positif sur l'image de l'Allemagne, ni sur la résolution de la crise. Les images des manifestations d'opposants à la venue de la chancelière mardi en Grèce, avec force symboles nazis et slogans de rejet, s'étalaient dans presque tous les journaux.

"L'Allemagne n'a pas mérité ça: des protestations nauséabondes contre Merkel à Athènes ! Et nous payons encore plus", s'exclamait en Une le quotidien populaire Bild, qui qualifie la visite d'"erreur politique", "en dépit des bonnes intentions" qui ont présidé à son organisation. "On ne peut pas être plus ingrat. Ca suffit!", écrit encore le journal.
Cette visite avait d'abord pour but d'apaiser les tensions entre les deux pays mais le résultat, pour la majeure partie de la presse, n'a pas été atteint. "Ce n'est pas le IVe Reich", écrivait ainsi le Frankfurter Allgemeine Zeitung qui rappelle que jamais la chancelière n'a été ainsi reçue avec à la fois les honneurs militaires et des croix gammées arborées par des manifestants, dans la capitale grecque. "On peut ouvertement se demander si les témoignages de sympathie à mots couverts de la chancelière (à la population grecque) ont atteint les oreilles des manifestants", écrit le journal, qui estime que seul "un petit cadeau" (chiffrable) en milliards d'euros aurait pu changer quelque chose".
Sous le titre "travail relationnel" et illustré d'une photo d'une manifestante tenant une banderole "Frau Merkel, get out" (Madame Merkel, dégage!), le journal berlinois Tagesspiegel décrit la visite de la chancelière comme une opération de relations publiques. "Sa visite signifiait qu'elle allait tout faire pour maintenir la Grèce dans la zone euro. Et c'est ce qu'elle a montré. Avec son entrée en scène au côté d'Antonis Samaras devant la presse, elle a attesté que les Grecs avaient accompli une grande part du chemin", soulignait le journal, tout en constatant que "pour beaucoup de Grecs, la chancelière reste un chiffon rouge, une figure haïe".
Le Süddeutsche Zeitung préférait parler d'une visite "thérapeutique" pour aider l'homme malade de l'Europe. "Sur le chemin de la connaissance de soi, la Grèce a fait des progrès. Mais comme un homme en pleine crise existentielle, le pays a besoin d'encouragement et d'accompagnement. Merkel a abondamment montré son empathie", souligne le titre.

Traité budgétaire européen : les raisons techniques pour lesquelles il pourrait bien ne jamais être appliqué, ni en France ni ailleurs

Le gouvernement par la règle, telle est la voie choisie par l’Europe depuis la mise en œuvre du traité de Maastricht.  
Le pacte de stabilité en était l’expression aboutie et les marchés financiers, les juges pénitents du dispositif, prêts aux attaques spéculatives en cas de comportement déviant. Nous connaissons tous le destin de cet attelage. Le pacte n’a pas su prévenir la crise, et n’a pas favorisé la croissance. Le pacte était aveugle à l’endettement privé, et a stimulé la création comptable comme l’a montré le cas grec en matière de déficits publics. Faut il souligner pour ceux qui l’ont oublié qu’en 2007, la dette publique de l’Irlande était égale à 25% de son PIB, celle de l’Espagne de 36% de son PIB et que la Grèce a bénéficié jusqu’en 2007 d’une croissance deux fois supérieure à celle de ses partenaires. La crise a amplifié la dette publique près de 30 points de PIB dans les pays du G7 de 2007 à 2010, franchissant la barre des 100% en 2009. Au regard de l’endettement public, il n’y avait donc rien à dire avant la crise, mais le pacte confondait endettement public et endettement global. Ce sont les malheurs de l’idéologie.
Les marchés financiers quant à eux imposent étrangement des politiques d’austérité, tout en les redoutant en raison de leur potentiel destructeur en matière de croissance. Mais comme Ubu a pris le pouvoir en Europe, les membres de la zone euro ont décidé de poursuivre dans l’erreur en donnant naissance à un traite dit TSCG, qui connaîtra le même destin que le pacte, c'est-à-dire de finir avec raison dans les poubelles de l’histoire. A notre sens, il participe du diagnostic erroné, et des réponses inappropriées de l’Union européenne. Les trois sources de l’échec de l’Union économique et monétaire pour empêcher la diffusion de la crise c’est d’avoir pensé la crise comme crise de liquidité et non de solvabilité, d’avoir exclu la coresponsabilité en matière de dette souveraine, et d’avoir rendu impossible le financement monétaire de la dette. Il ne restait plus alors que l’ajustement budgétaire et le relèvement des impôts comme stratégie. La déflation devenait l’horizon européen. Il est nécessaire de lire la dernière note de conjoncture de l’INSEE pour mesurer l’ampleur du ralentissement. Le TSCG serait donc la réponse pour une gouvernance satisfaisante.
Ce mot de gouvernance, mot valise devrait parfois être abandonné tant il dit tout et rien à la fois. L’Union n’a pas besoin d’une gouvernance mais d’un gouvernement, d’un souverain. Alors le TSCG que contient-il ? Une série de règles de surveillance et de contraintes imposées aux Etats en matière de dette publique et de déficit budgétaire. Sa disposition centrale qualifiée de « règle d’or » limite à 0,5 % du PIB, le montant autorisé du déficit structurel annuel, ce terme désigne le déficit corrigé des variations conjoncturelles de l’activité, la convergence des soldes budgétaires depuis leurs niveaux présents vers l’équilibre doit s’effectuer selon un calendrier fixé par la commission européenne. En cas de dérapage, des déficits, des sanctions automatiques égales à 0,1% du PIB, seront imposées aux Etats par la cour de justice européenne.
Mais comme souvent le diable se cache dans les détails, et les critères d’appréciation du déficit rapportés à la conjoncture risquent d être périlleux et donner lieu à des problèmes d’évaluation. D’autre part, les efforts budgétaires seront tels qu’ils seront impraticables. Il faudra bien un jour comprendre que l’austérité budgétaire n’est possible que lorsque l’activité du secteur privé est dynamique. En ce qui concerne le premier point, c’est la notion de croissance potentielle qui va servir de base pour calculer le déficit admissible. De manière simple, elle correspond à la pleine utilisation des facteurs de production sans tension inflationniste. Autrement dit Le niveau de production potentielle étant conçu comme un indicateur d’offre, l’écart de production représente l’excès (ou l’insuffisance) de la demande. Il permet de juger de la situation dans le cycle économique. Mais la croissance potentielle n’est pas une donnée observable. Elle repose sur des hypothèses statistiques et théoriques sujettes à débat. Selon les méthodes retenues, on peut considérer que les fluctuations relèvent d’un problème de potentiel ou bien d’un problème de demande. Alors comment sur une notion aussi friable dont nous présentons un modeste aperçu peut servir de base à un calcul de déficit. D’aucuns diront qu’il faut des réformes structurelles pour renforcer le potentiel, d’autres affirmeront que la demande doit être renforcée. Nous avons conscience que cette notion et l’ensemble des problèmes qui lui sont attachés nécessiteraient de longs développements qui dépasseraient de loin le présent article. En somme la notion de croissance potentielle ne fait pas consensus suscite des débats complexes. Il en va de même pour le solde structurel qui représente le déficit que l’on pourrait calculer lorsque l’économie tournerait à plein régime, notion qui rejoint la précédente dans l’imprécision et pouvoir mesurer l’écart conjoncturel entre déficit courant et déficit structurel est bien complexe. Les Etats-Unis l’estiment à 5,3 % et la commission européenne à 0,5%. Donc pour la commission, la majorité du déficit serait structurel.
Par ailleurs, les ajustements réclamés sont économiquement insoutenables. En effet A titre d’exemple, selon la Cour des comptes, en 2010, le déficit structurel de la France était de 5 % du produit intérieur brut (PIB), soit 96,55 milliards d’euros. Le ramener à 0,5 % supposerait de procéder à 87 milliards d’économies. Lorsque la dette publique dépasse 60 % du PIB, les Etats doivent procéder à sa résorption, en trois ans, au rythme d’un vingtième par an. Dans le cas de la France, dont la dette atteint 87 % du PIB, cela signifie qu’elle devrait réduire la différence entre 87 % et 60 % d’un vingtième par an, soit 1,35 % du PIB, ce qui représente, en dehors de toute croissance, 26 milliards. Pire, en 2006, la France avait un déficit budgétaire courant, effectivement constaté, de 2,3% du PIB, la commission avait calculé que son déficit structurel était, cette année-là, de 3,6% ; si la règle d’or avait été appliquée, la France aurait dû faire quelque 60 milliards d’euros d’économies, alors même qu’elle respectait le critère des 3 % du pacte de stabilité. On le voit les effets économiques seraient désastreux, l’outil budgétaire ne pourra plus être appliqué alors que des besoins en recherche et développement, en formation, déterminent la croissance de demain.
Très vite, des circonstances exceptionnelles seront réclamées comme avec le pacte de stabilité et le TSCG quittera peu à peu notre horizon mais laissant derrière lui une situation économique dégradée. Le rôle de la cour de justice de l’Union comme juge des politiques économiques sera considéré dans un délai assez court comme insupportable et comme dans le pacte aucune sanction sera prononcée. Les membres les plus puissants de la zone s’en affranchiront. L’Europe invente par là un fédéralisme autoritaire et doctrinaire. Si l’Europe veut un avenir qu’elle cesse de se définir par la négative ; pas de déficits, pas de dette, pas de concurrence non faussée.
Que l’Europe dise ce qu’elle veut et ce qu’elle a dire au monde et si son modèle c’est un pâle traité économiquement absurde et destructeur alors qu’elle se taise. Le traité Lisbonne devait faire entendre la voix dans le monde et donner les moyens à l’Europe d’exister, son silence est assourdissant. D’autre part il faudra aussi garder une fois pour toute en tête que nos économies sont malades de leur finance.  
Et comme le souligne l’économiste J Adda « le prix de cette capitulation des Etats face aux marchés tient en deux chiffres : 17000 milliards de dollars ajoutés en quatre ans à la dette publique des pays développés ; 13 millions de chômeurs en plus selon les chiffres officiels dans ces mêmes pays ».


L'islam radical a-t-il un projet politique pour l’Occident ?

La police a procédé vendredi matin à un vaste coup de filet dans les milieux islamistes radicaux en France. Hier, Marine Le Pen, la présidente du Front national, a demandé aux musulmans de "combattre" l'islam politique. Le débat sur la stratégie politique de l'islam radical en Occident est lancé.

La police a procédé vendredi matin à un vaste coup de filet dans les milieux islamistes radicaux en France. Hier, Marine Le Pen, la présidente du Front national, a demandé aux musulmans de "combattre" l'islam politique. Existe-t-il un projet politique de l’islam radical en occident ?

Mathieu Guidère : Il n’existe pas un projet unifié qui concerne l’islamisme radical car il y a différentes tendances et courants au sein même de l’islamisme radical. On peut dire néanmoins qu’il existe des projets islamistes radicaux qui s’articulent de la façon suivante : un projet intracommunautaire, extra communautaire, national et enfin international.
Dominique Thomas : Le terme « radical » peut être interprété différemment selon le pays dans lequel on se trouve. Ce qui est considéré comme un mouvement radical en France, ne l’est pas forcément en Angleterre par exemple. Il peut y avoir des mouvements qui se réclament de l’idéologie des Frères musulmans qui en Grande-Bretagne sont parfaitement acceptés et qui en France posent problème. A part les institutions du type du Conseil Français du culte musulman et de l’Union des organisations islamiques de France, en France aucun parti politique, aucun mouvement à caractère religieux ne pourrait se créer sous prétexte de déroger à la règle de la laïcité. Nous sommes dans un contexte différent en France, où le projet politique de l’islam radical est de créer les conditions pour que la communauté musulmane puisse disposer de lieux de culte, vivre sa foi le plus librement possible et essayer de créer un espace strictement musulman, une bulle musulmane licite. Une sorte d’espace limité, réservé uniquement aux musulmans. C’est une approche communautaire, on ne peut pas vraiment parler de projet politique. Le projet n’est pas d’instaurer un Califat en France.
Ce projet rejette certaines valeurs de l’occident, de la France. La Laïcité est un concept surtout présent en France et qui est rejeté par ceux qui se revendiquent d’un islam fondamentaliste.
Haoues Seniguer : D’une part, il est à mon avis dangereux d’associer "islam" et "radical" côte-à-côte. Parce que, à tort ou à raison, on laisse germer l’idée, dans l’imaginaire collectif, qu’il y aurait un continuum entre l’appartenance à l’islam et le passage à l’acte violent. Bon gré mal gré, le croyant musulman, fût-il parfaitement respectable, devient alors, le cas échéant, suspect. S’il est contrefactuel de parler "d’islam radical", il est en revanche beaucoup plus opérant, au plan analytique, de dire qu’il existe effectivement des musulmans qui versent dans la violence au nom d’une religion dont ils se réclament : l’islam. Pour autant, il n’y pas d’islam démocratique, pas plus qu’il n’est d’islam totalitaire. L’islam est d’abord ce qu’en font des acteurs situés.
D’autre part, parler de projet, c’est accorder beaucoup trop d’importance aux tenants du radicalisme. Les islamistes (qui utilisent les ressources symboliques de l’islam dans l’espace politique et public) radicaux n’ont pas à proprement parler de projet politique, planifié, clair ou rationnel, quant à la construction prospective d’une contre-société ou d’un Califat en Occident. Cela relève, me semble-t-il, du fantasme. En revanche, les activistes musulmans violents se sentent souvent étrangers à une société (occidentale) qu’ils estiment trop permissive, dépravée et immorale. En ce sens, oui, les islamistes radicalisés peuvent avoir maille à partir avec la liberté de conscience, la liberté d’expression, qui sont les valeurs de l’extrême majorité des Occidentaux, musulmans comme non-musulmans.  

Idéologiquement, existe-t-il différents courants ? 

Mathieu Guidère : Le projet islamiste radical intracommunautaire est articulé autour de la notion de domination des autres courants de l’islamisme politique. Il existe une compétition entre les différents courants et notamment les trois plus importants, le courant des Frères Musulmans, le courant salafiste et le courant djihadiste. Cette compétition fait que le projet islamiste radical intracommunautaire est un projet d’hégémonie sur les autres courants. L’objectif étant d’unifier la communauté musulmane autour de sa doctrine avant d’envisager autre chose à l’extérieur.
Le projet islamiste radical extracommunautaire (toujours dans le cadre du territoire national) se positionne par rapport aux autres communautés qui se définissent à partir d’un référent religieux. Les islamistes radicaux vont regarder toute communauté qui se définit avec un référent religieux et ils tombent systématiquement sur la communauté juive. L’objectif sera d’attaquer, ou de dominer, cette autre communauté. Cela explique les manifestations d’antisémitisme et même les attaques contre la communauté juive.
Le projet islamiste radical au niveau national vise à se positionner au niveau national comme des représentants dans l’imaginaire collectif, et dans les faits, de la communauté musulmane. Le but est d’assimiler la communauté musulmane à la forme d’islam qui est représentée par ces islamistes radicaux.
Le projet islamiste radical au niveau international a une double orientation. La première est la défense des musulmans partout dans le monde. Les islamistes radicaux parlent de la défense de la Oumma partout où elle se trouve, notamment par le biais du Djihad. La tendance djihadiste va revendiquer la défense des musulmans et de l’islam par la lutte armée. Mais il existe une autre tendance dont le projet à l’international est de diffuser au maximum l’islam. C’est une visée offensive de la propagation de l’islam. Il faut mettre au centre des débats les problématiques islamistes et la vision islamiste radicale du monde.
Dominique Thomas : En France, des organisations institutionnelles comme le Conseil français du culte musulman représentent les musulmans de France qui ont des affinités par pays d’origines plutôt que par idéologie. Sauf l’UOIF, souvent présentée comme une organisation proche des Frères musulmans, mais cela ne signifie pas grand-chose. Mais dans le contexte français, ce n’est pas significatif. Il est vrai que cette organisation aura tendance à défendre et à s’approprier certaines revendications, notamment celles qui concernent le voile, le halal, la finance islamique, et qui peuvent être en confrontation avec la société occidentale française. C’est pour cette raison que l’on estime que l’UOIF est proche des Frères musulmans, mais il n’est pas question de créer un parti politique d’obédience des Frères musulmans. C’est impossible en France. L’UOIF est le courant majoritaire de l’islam politique, à côté de cela il existe des mouvances dans un projet de réislamisation, notamment de la mouvance du tabligh et la mouvance salafiste qui sont dans un projet de réislamisation, de réappropriation des fondements de l’islam, un peu missionnaire. Mais le courant djihadiste n’est pas présent en France, hormis dans la clandestinité. Il peut y avoir en France des personnes appartement à ce courant mais elles ne peuvent se revendiquer ouvertement djihadiste. Ni dans l’espace public, ni dans les mosquées, ce courant est totalement clandestin. En revanche, les salafistes peuvent s’exprimer car jusqu’à preuve du contraire exprimer sa foi à travers le salafisme n’est pas interdit par la loi française.
En France, on peut parler d’une approche sociocommunautaire, mais pas d’une approche politique. L’approche politique est forcément rejetée du fait de la législation en France et de la constitution qui interdit les partis à mouvance religieuse. En Angleterre il existe un parti musulman britannique (Islamic Party of Britain). Certes pas très important, mais ils ont le droit d’exister.
Haoues Seniguer Si vous parlez des islamistes, en effet, il en existe une multiplicité : cela va des acteurs d’AQMI à ceux de l’AKP turc, ou encore des islamistes tunisiens d’Ennahda ou du Parti de la Justice et du Développement marocain qui respectent pour leur part les règles du pluralisme politique dans leurs pays. 

Quels sont les moyens de mettre en œuvre ces projets politiques ? Un jihad est-il le seul moyen d’y parvenir ? Ou n’y a-t-il pas une guerre idéologique plus subtile menée par certains intellectuels ?

Mathieu Guidère : Comme je l’ai démontré, cela fonctionne par cercles concentriques : intracommunautaire, extra communautaire, national et enfin international. A l’intérieur de chacun de ces cercles, vous pouvez avoir des proximités idéologiques et politiques, des intérêts communs, entre différentes personnes qui concourent au même objectif mais qui n’ont pas les mêmes méthodes. Par exemple, défendre les musulmans dans le cadre national fait aussi partie, mais avec des méthodes complètement différentes,  du projet des Frères Musulmans dont se revendique un certain nombre d’intellectuels comme Tarik Ramadam.
La guerre idéologique a toujours existé, notamment entre le capitalisme et le communisme, c’est de « bonne guerre ». Le danger réside dans la violence et la violence nait de l’ambigüité générée par un discours qui ne clarifie ni un postulat ni un objectif.
Dominique Thomas : La mise en œuvre du projet politique de l’islam radical se fait essentiellement par la conviction, la prédication, en essayant de faire un travail de sensibilisation auprès des musulmans pour leur expliquer qu’ils constituent une force social et une communauté à part entière qui a le droit de revendiquer des espaces. Il y a un équilibre à trouver par rapport à la législation française qui est très restrictive dans ce domaine. Ce sont essentiellement des réseaux de prédicateurs, des responsable, des congrès, il y a également un travail associatif important. L’associatif est un biais qui permet de contourner la laïcité.
Encore une fois les djihadistes en France, et je pense qu’il n’y en a pas énormément, y compris chez les personnes radicalisées de manière très rapide. Je pense qu’ils n’ont pas de projet politique. Ils considèrent que la France est l’ennemie de l’islam en raison de sa politique restrictive sur la laïcité, sa politique anti-foulard et pour les polémiques récurrentes de la place des musulmans dans la société française. Et que la réponse appropriée est la violence mais c’est dans une optique défensive.
Haoues Seniguer Pour ce qui de l’islamisme légaliste, dans les pays majoritairement musulmans, il s’agit d’arriver au pouvoir par les urnes, et une fois le pouvoir acquis, entre autres choses, de ramener les musulmans à une pratique de l’islam plus scrupuleuse. Pour ce qui est des militants de l’action armée, il s’agit de proclamer le jihad pour justifier un rejet absolu de ce qu’ils voient comme les indices d’un hégémonisme occidental en terre d’islam : présence militaire en Irak ou en Afghanistan, etc. Il arrive aussi aux djihadistes de s’en prendre aux gouvernements arabes qu’ils estiment inféodés aux intérêts occidentaux. Ce qui est certain, et ce qui saute aux yeux, c’est la grande pauvreté théologique (et intellectuelle) des éléments de doctrine mobilisés par les candidats au jihad. 

La société française renie-t-elle l’aspect politique de l’islam, favorisant ainsi l’émergence d’un potentiel projet politique ?

Mathieu Guidère : Le cœur du problème est aujourd’hui la banalisation des thématiques islamistes générée par l’ambigüité dont je parle dans ma précédente réponse. En effet, cette ambigüité a provoqué la banalisation des thèses islamistes dans le champ politique et social. Jusqu’en 2011, les choses étaient assez claires. Il y avait d’un côté les séculiers qui militaient pour la séparation du la religion et de la politique et de l’autres les radicaux.
Mais le Printemps arabe a provoqué une ouverture totale du champ politique et donc des thématiques et discussions. Cette libération a conduit à la banalisation de thématiques qui étaient à la marge. Des choses tout à fait inimaginables auparavant sont devenues tout à fait banales. L’exemple type de ce renversement est la burqa. Du jour au lendemain, avec la chute de Ben Ali, Moubarak et Kadhafi, la burqa devient autorisée et même revendiquée. Etant toujours interdite dans l’hexagone, la France change alors subitement de statut  et devient liberticide. C’est le problème aujourd’hui. Il existe des citoyens français musulmans qui ne comprennent pas comment la France, pays de la liberté, interdit ce qu’ils peuvent faire de l’autre côté de la méditerranée. Ce bouleversement politique a entrainé une ambigüité de discours et une impression de double langage.
Dominique Thomas : L’aspect structurant de la laïcité dans la politique française ne permet pas d’intégrer le fait que les communautés en France puissent avoir un projet un politique. Il y a un dialogue de sourd. Mais encore une fois, l’objectif des musulmans dans un positionnement d’Islam politique n’est pas d’entrer dans la sphère politique mais plutôt de reformater une sphère communautaire aujourd’hui en construction et considérée comme étant trop limitée par les restrictions juridiques. Le projet politique n’est pas le même en France que dans les pays à majorité musulmane. 
Haoues Seniguer Toute religion a forcément un volet politique et social, parce qu’elle est en prise avec et sur le monde. Le religieux ou le croyant, musulman ou non, porte forcément un regard sur l’état de la société ou des politiques publiques qui sont menées, dans la mesure où il est tout à la fois citoyen (quand il l’est effectivement) et croyant. À ce titre, de la même manière qu’il est des chrétiens démocrates, il est aussi, sur l’échiquier politique, musulman ou non, des musulmans démocrates. Seule la sémantique change.

De Norma Jeane au mythe du cinéma, deux nouveaux livres sur Marilyn Monroe

Plus de cinquante ans après sa , suscite toujours les passions, celles de deux journalistes-écrivains, Henry-Jean Servat, auteur de "Marilyn, la légende", et Annick Halimi, qui raconte "les secrets" de la star d'Hollywood dans "Marilyn Monroe à 20 ans".
"Marilyn, la légende", aux éditions Hors Collection, est un ouvrage grand format, préfacé par un autre mythe du , Brigitte Bardot.


L'actrice française raconte n'avoir rencontré Marilyn qu'une seule fois, (en octobre 1956, à Londres, selon Henry-Jean Servat). Mais "elle m'a séduite en 30 secondes. Il émanait d'elle une fragilité gracieuse, une douceur espiègle, je ne l'oublierai jamais", écrit Brigitte Bardot.
Henry-Jean Servat, qui fit de la star américaine son sujet de thèse universitaire, a écrit son livre d'une plume passionnée.
L'ouvrage,
abondamment illustré de photos de l'actrice, se présente sous forme de cent questions-réponses: "Marilyn a-t-elle subi des opérations de chirurgie esthétique?" (seulement "une légère opération du nez et du menton"), "Marilyn portait-elle des soutiens-gorges?" (non), "Marilyn a-t-elle rencontré la reine d'Angleterre? (oui)...
L'auteur a également recueilli les confidences de Carole Amiel, la dernière compagne d'Yves Montand, qui fut l'amant de Marilyn. Même après leur aventure et le retour de Montand en France auprès de Simone Signoret, lui et Marilyn se sont revus, affirme Carole Amiel.
"Marilyn lui a écrit des lettres que je garde et qui se terminaient par +je t'aime" et "lorsqu'il est parti tourner au Japon (...) Montand s'est arrêté à Los Angeles. Marilyn l'attendait dans une limousine avec du caviar (...) mais pour lui, il n'était pas question de repartir. Il avait retrouvé Simone", poursuit-elle.
Jannick Alimi, journaliste au Parisien/Aujourd'hui en France, s'est elle penchée sur "les secrets" des débuts de Marilyn. "Marilyn Monroe à 20 ans" (éditions Au Diable Vauvert), raconte les débuts très difficiles d'une starlette prénommée Norma Jeane, sans père, violée par un voisin à 13 ans, violentée par sa grand-mère, abandonnée par sa mère enfermée dans un hôpital psychiatrique, mariée à 16 ans pour échapper à l'orphelinat.
Mais la jeune Norma "ne renonce pas" et continue, malgré les vicissitudes, à afficher "le sourire et l'optimisme de la jeunesse", écrit Jannick Alimi.
Fondé sur des confessions intimes, des fragments d'oeuvres peu connues et de grandes interviews de l'actrice, ce portrait montre une personnalité complexe, loin de la caricature qui en est souvent faite.
- "Marilyn, la légende", Henry-Jean Servat, éditions Hors Collection, 176 pages, 35 euros
- "Marilyn Monroe à 20 ans, les secrets de ses débuts", Jannick Alimi, Editions Au Diable Vauvert, 168 pages, 12,50 euros.

Peut mieux faire

Peut mieux faire


François Hollande ne pouvait espérer meilleure promotion pour son projet de refondation de l'école que l'annonce, pendant son discours, de l'attribution du prix Nobel de physique à un chercheur français. Illustration parfaite de l'ambition présidentielle, cette haute distinction n'a pourtant pas compensé le côté trop classique des orientations proposées pour redonner du lustre à école. La concertation et la consultation des experts, toujours les mêmes, ne suffisent à affirmer que ce projet engagera notre système éducatif dans la modernité. Lesdits experts n'ont d'ailleurs pas donné de véritable contenu à François Hollande et on avait du mal à entendre comment le changement sera conduit. À comprendre aussi en quoi le mot magique de formation des maîtres réglera les problèmes de l'Éducation nationale.
Dans une école malmenée par les précédents budgets et dans le contexte des restrictions budgétaires, la volonté de François Hollande d'en faire sa priorité est ressentie, c'est vrai, comme un progrès. Pourtant à y regarder de près ce sont là les mêmes propositions que celles que l'on entend depuis vingt-cinq ans. Quatre jours et demi, scolarisation des enfants de deux ans, lutte contre l'échec, savoirs fondamentaux… C'est bien, mais il s'agit là des objectifs de base de l'école, pas des axes pour sa refondation.
On attendait plus innovant que ce catalogue finalement semblable à ce que nous répètent les ministres de l'Éducation successifs de droite comme de gauche. Quand, comme cela a été le cas tout au long de la campagne, on en a fait l'alpha et l'oméga du renouveau politique, la refondation de l'école aurait mérité plus solide charpente. Une réflexion sur le recalibrage du métier d'enseignant, sur la pédagogie, sur le temps périscolaire, la violence… On ne change pas la machine aussi facilement.
Sur ces orientations, plus que sur tout autre dossier, la méthode Hollande sera mise à l'épreuve. La tâche de Vincent Peillon pourrait ne pas être simple quand viendra le temps de la mise en musique et de la mise en 'uvre des principes d'organisation. Personne bien sûr ne sera contre les intentions. Mais c'est un peu comme quand on dit que ce serait mieux s'il faisait beau.

La chancelière de fer

La chancelière de fer 

Des dizaines de milliers de manifestants conspuant Angela Merkel et l’Allemagne, des drapeaux à croix gammée, la chancelière caricaturée sous les traits d’Hitler… Ce qui s’est passé à Athènes est scandaleux mais témoigne en même temps du désarroi jusqu’à l’excès chez nombre d’Européens, et pas seulement chez les Grecs. Comme si l’Europe et son euro étaient devenus synonymes d’austérité estampillée par le « made in Germany » qui dicterait à tous la politique de rigueur pour sortir de la crise.
Voilà, bien sûr, un filon rêvé par les populistes d’extrême droite et d’extrême gauche, toujours prompts à accuser l’« autre » et dénonçant au passage leurs propres gouvernants ! En les ravalant au rang d’incapables comme cette oligarchie conservatrice et socialiste qui, depuis des lustres, se partage le pouvoir à Athènes. Elle court de scandale en scandale, ne sait ou ne veut pas appliquer les réformes les plus élémentaires, en commençant par rentrer les impôts. Tout en tendant la sébile.
Nulle part en Europe (pas en Espagne !) la situation n’est aussi dramatique qu’en Grèce. Mais partout le mécontentement grandit devant les coupes sociales, les tours de vis fiscaux, les pertes d’emplois et la paralysie des pouvoirs en place minés par la récession ajoutée à la crise des dettes souveraines.
Certes, la conjoncture dicte ses lois. Cependant, elle n’interdit pas aux Européens de balayer devant leur porte. En commençant enfin par changer de politique monétaire, en arrêtant aussi la désastreuse habitude du « un pas en avant suivi d’un pas en arrière ». On l’a vu lundi avec l’adoption « définitive » du Mécanisme européen de solidarité (MES)… dont Berlin conteste déjà certaines modalités, du moins pour l’un ou l’autre pays.
Toute promesse électorale oubliée, la France « de gauche » vient d’adopter le fameux « traité budgétaire Merkel-Sarkozy ». Permettra-t-il à Paris, au diapason avec Rome et Madrid, de davantage peser sur Berlin ? Il faut l’espérer. Cependant, la question reste ouverte. L’Allemagne, bien qu’à un an des législatives, est déjà en campagne électorale. Tout en liant dans ses discours les intérêts allemands aux intérêts européens, Angela Merkel sait cultiver sa popularité de « chancelière de fer ». Face aux « cigales »…

Or

Or 
Monsieur de Fontenelle nous a conté jadis le tumulte causé par l’apparition d’une dent d’or dans la bouche d’un enfant. Elle provoqua moult querelles et excommunications, avant que l’on s’avisât d’aller voir de plus près la dite dent d’or – qui n’en était point. Et l’on se dit qu’il en ira peut-être ainsi de la règle d’or, votée hier dans un tumulte semblable. Notre Président l’a dénoncée, puis défendue : elle tuait l’économie, elle sauve l’Europe. M. Mélenchon parle d’un crime, M. Dupont-Aignan évoque Vichy, l’Allemagne nous félicite, et Harlem Désir sort de son silence. L’affaire doit être d’importance… Et puis l’on se souvient que cette règle d’or recouvre une vieille règle de Maastricht, vingt ans déjà, et déjà redorée à Amsterdam quelques années plus tard, avant de nous être représentée aujourd’hui. Elle le sera encore, n’en doutons pas – pour le plaisir de la querelle, dirait M. de Fontenelle.

L'école conjuguée au futur

L'école conjuguée au futur 


Dans un pays comme le nôtre, républicain et jacobin, aucun Président n'échappe à un grand discours rassembleur sur l'école. C'est elle qui a façonné le pays. C'est elle, pense-t-on généralement, qui sortira la France de ses ornières ou, à l'inverse, en cas d'échec, accélérera son délitement social, sa déchéance économique, sa sortie de route de la grande compétition mondiale.
François Hollande avait d'autant moins l'intention d'y échapper, à ce discours, qu'il aime parler de l'école. Ce fut l'un des grands thèmes de sa campagne victorieuse. « Ma priorité », disait-il. Les enseignants sont un auditoire tout ouïe, quasiment conquis d'avance. De surcroît, il n'évoque pas une réforme de plus ¯ ils n'en peuvent plus, les « profs », des réformettes  ¯ mais une refondation. Le grand mot est lâché.
Dans un ciel présidentiel plombé par les difficultés sociales, économiques, budgétaires, et par les sondages, l'école est une éclaircie bénéfique. Encore faut-il tenir ses promesses. Hier, le président de la République a fait le plus facile. La voie était ouverte à des décisions quasi plébiscitées par deux mois d'une concertation savamment orchestrée par Vincent Peillon. Sur les rythmes scolaires. La semaine de quatre jours et demi. La priorité à l'école primaire. La lutte contre le décrochage scolaire avec ces 20 % d'élèves privés de diplômes et de formation, promis aux difficultés sociales et, pour quelques-uns, aux pires dérives.
Jules Ferry disait que pour bien parler de l'école, « il y faut de la philosophie ». Depuis vingt ans, depuis les premiers signes d'un certain malaise scolaire, les tenants de l'instruction ferraillaient contre les partisans de l'éducation. On s'étripait entre « disciplinaires » et «  pédagogues  ». Hollande tranche dans ces débats stériles. Il impose l'enseignement de la morale laïque. Professionnalise les futures écoles de professorat : il ne suffit pas de maîtriser sa discipline, il faut aussi apprendre à faire apprendre. Enseigner est un métier, pas seulement une vocation.
Débarrassée de ces vieilles reliques et de son élitisme suranné, l'école peut se tourner vers le futur. Mais cela ne suffit toujours pas à la refonder. François Hollande s'est bien gardé, hier, de toucher aux sujets qui fâchent. Si les invectives contre le « Mammouth » d'un certain Claude Allègre, désormais honni à gauche, sont aux oubliettes de l'histoire, Hollande n'a pas eu un mot sur la nécessaire déconcentration de l'Éducation nationale.
La refondation va se jouer dans les semaines qui viennent. Des négociations s'engagent avec les enseignants. Ils ont retrouvé des postes, ils ont perdu des primes. La « fluidité » promise entre le primaire et les collèges suppose des réorganisations. Idem dans les établissements d'éducation prioritaire, qui ne seront plus stigmatisés par le sigle « ZEP ». Et rien ne se fera sans les régions, sans les maires, sans les associations, si l'on veut créer de véritables services régionaux d'orientation, et convenablement accueillir, après les cours, les élèves dans toutes les écoles. Dans les communes riches comme dans les plus pauvres.
Cette refondation est un grand défi qui peut s'éperonner sur les détails, là où se cache le diable. Vincent Peillon est désormais à la manoeuvre. Il devra être tenace et habile. Les précédents ne manquent pas, rue de Grenelle, de ces jeunes ministres tout feu tout flamme, qui finissent en torche, dévorés par leurs réformes.

DSK s'insurge pour ne pas pleurer !


Ce matin, Anna, vous voulez nous parler de Dominique Strauss-Kahn. Depuis son arrestation à New York, il n'avait parlé qu'une fois, sur TF1, le 18 septembre 2011. Et voilà qu'il se confie dans Le Point d'aujourd'hui...
Il a même posé. L'homme le plus traqué de France a accepté de recevoir un photographe du Point chez lui, dans son nouveau chez-lui, celui qu'il ne partage plus avec Anne Sinclair... On le voit allongé dans son canapé en daim chocolat, avec, sur le tapis, un paquet de Marlboro et un numéro de Géo. Et comme il habite un triplex, l'image a été prise d'en haut, en plongée. Il est pris de haut, DSK. Sur la photo de une, il a la gueule de Scorsese. Sourcilleux comme jamais.
Ça, c'est pour le décor... Mais il dit quoi, Dominique Strauss-Kahn ?
Il dénonce la "traque médiatique" dont il est l'objet ; il parle de "chasse à l'homme", de sa vie privée bafouée "au prétexte, dit-il, de je ne sais quelle transparence moralisatrice". Non, il n'était pas dans une boîte de nuit de Cadaquès avec une jeune femme, mais avec sa soeur, son frère et leurs conjoints ; non, il n'était pas à Athènes avec une dame blonde, il dînait avec un couple d'amis français. "Le jugement moral que certains portent sur ma vie privée n'autorise pas tous les abus, s'encolère-t-il. Qu'on me laisse tranquille !" Bref, c'est d'abord son indignation que DSK a confiée à mon confrère Hervé Gattegno, l'auteur de cet article-scoop. Qu'on se le dise : DSK s'insurge contre le fait d'être devenu une surface de projections de fantasmes...
Dit comme ça, on a l'impression que vous vous moquez, Anna...
Non ! Pas du tout. Je m'inquiète. Je m'inquiète pour cet homme qui a du mal à livrer ses émotions et sa douleur, et qui se réfugie dans l'indignation. Oh, il ne se contente pas de s'indigner, il s'excuse, aussi : il "regrette", dit-il, d'avoir "causé une double déception aux Français". "À ceux qui ont été choqués d'apprendre des choses qu'ils ne soupçonnaient pas sur ma vie privée ; et à ceux qui ont été déçus qu'à cause de mon comportement je n'aie pas été en situation de faire mon devoir." Jolie coquetterie, de parler de "devoir" plutôt que d'ambition, vous ne trouvez pas ? "J'ai longtemps pensé, poursuit-il, que je pouvais mener ma vie personnelle comme je l'entends sans incidence sur l'exercice de mes responsabilités. Y compris des comportements libres entre adultes consentants - il existe de nombreuses soirées à Paris pour cela, vous seriez surpris d'y rencontrer certaines personnes..." Vous avez bien entendu : DSK balance sans balancer, car, bien sûr, il ne donne pas de noms... Mais il continue : "Ce qui est peut-être valable pour un chef d'entreprise, un sportif ou un artiste ne l'est pas pour un politique. J'étais trop en décalage avec la société française sur ce point pour un responsable politique. Je me suis trompé. J'ai été naïf, pour ne pas dire plus." Plaider la bêtise, quand on s'appelle DSK, c'est l'ultime mea culpa. Ça pourrait s'appeler "la confession d'un enfant du siècle". Sauf que Musset avait 26 ans quand il a publié ce texte. À 63 ans, DSK est un vieil enfant.