jeudi 9 septembre 2010
Autodafé
Un petit groupe fondamentaliste installé en Floride envisage de brûler publiquement des exemplaires du Coran à l’occasion du 9e anniversaire des attentats du 11-Septembre. Cette initiative provoque des réactions venant du monde entier. Les mises en garde de dignitaires musulmans ne se sont pas fait attendre. L’Iran a prévenu que la réalisation de ce projet provoquerait des réactions « incontrôlables ». Refusant d’entrer dans le jeu des surenchères, le secrétaire général de la Ligue arabe a dénoncé le projet d’un « fanatique ». De son côté, la Maison-Blanche a exprimé son « inquiétude » pour un geste qui ne peut que nourrir le sentiment antiaméricain dans le monde musulman et faire peser des menaces supplémentaires sur les militaires engagés en Afghanistan. Dans le même sens, le secrétaire général de l’Otan a condamné un geste qui « risque d’avoir des conséquences néfastes sur la sécurité de nos troupes.
Il n’est pas sûr que ces arguments feront entendre raison à la cinquantaine de membres du si mal nommé « Dove World Outreach Center » (« Centre colombe pour aider le monde »). Pourtant, même s’il ne mettait en péril la vie d’aucun soldat, l’autodafé d’un Coran serait tout aussi insupportable. C’est pourquoi au Vatican, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux a exprimé sa « préoccupation » au nom de la liberté religieuse. Hillary Clinton, chef de la diplomatie américaine, et Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne, ont chacune condamné l’intention en se situant dans un registre proche : celui du respect dû aux croyances religieuses. Ce n’est pas sans raison. Les démocraties occidentales sont fondées sur la liberté de conscience – et de toutes les consciences : le manque de respect à l’égard de toute confession religieuse ou croyance est déjà une remise en question de ce droit fondamental. Respecter et faire respecter les textes et les symboles religieux, s’opposer à la destruction d’un Coran comme d’une Bible, c’est refuser de voir les fanatiques, qui sont parfois proches de nous, voire parmi nous, fouler au pied la liberté fondamentale de croire et de pratiquer son culte, liberté qui fonde toutes les autres.
Un petit groupe fondamentaliste installé en Floride envisage de brûler publiquement des exemplaires du Coran à l’occasion du 9e anniversaire des attentats du 11-Septembre. Cette initiative provoque des réactions venant du monde entier. Les mises en garde de dignitaires musulmans ne se sont pas fait attendre. L’Iran a prévenu que la réalisation de ce projet provoquerait des réactions « incontrôlables ». Refusant d’entrer dans le jeu des surenchères, le secrétaire général de la Ligue arabe a dénoncé le projet d’un « fanatique ». De son côté, la Maison-Blanche a exprimé son « inquiétude » pour un geste qui ne peut que nourrir le sentiment antiaméricain dans le monde musulman et faire peser des menaces supplémentaires sur les militaires engagés en Afghanistan. Dans le même sens, le secrétaire général de l’Otan a condamné un geste qui « risque d’avoir des conséquences néfastes sur la sécurité de nos troupes.
Il n’est pas sûr que ces arguments feront entendre raison à la cinquantaine de membres du si mal nommé « Dove World Outreach Center » (« Centre colombe pour aider le monde »). Pourtant, même s’il ne mettait en péril la vie d’aucun soldat, l’autodafé d’un Coran serait tout aussi insupportable. C’est pourquoi au Vatican, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux a exprimé sa « préoccupation » au nom de la liberté religieuse. Hillary Clinton, chef de la diplomatie américaine, et Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne, ont chacune condamné l’intention en se situant dans un registre proche : celui du respect dû aux croyances religieuses. Ce n’est pas sans raison. Les démocraties occidentales sont fondées sur la liberté de conscience – et de toutes les consciences : le manque de respect à l’égard de toute confession religieuse ou croyance est déjà une remise en question de ce droit fondamental. Respecter et faire respecter les textes et les symboles religieux, s’opposer à la destruction d’un Coran comme d’une Bible, c’est refuser de voir les fanatiques, qui sont parfois proches de nous, voire parmi nous, fouler au pied la liberté fondamentale de croire et de pratiquer son culte, liberté qui fonde toutes les autres.
Dominique Greiner
Magot
Il ne nous dit pas tout, notre Président. Il nous vend ses dernières mesures sur les retraites comme un geste en faveur des plus modestes… C'est faux, ou incomplet, car le premier bénéficiaire de la réforme se nomme Bernard Tapie. La preuve ? Il est le champion des polypensionnés, avec une carrière partagée entre business, politique, théâtre et télévision. Il peut également prétendre au bénéfice des carrières longues, lui qui devait déjà vendre le sable du bac à ses copains de maternelle. Et la pénibilité ? Évidente, si l'on prend en compte les mois de prison. Il y a enfin ce dont n'ose pas nous parler notre Président : la volonté d'encourager la retraite par capitalisation, qui se traduit par les 210 millions d'euros versés à Bernard Tapie. Et si c'était ça, la réforme des retraites : Bernard Tapie, 67 ans, retraité sans décote et avec magot ?
Il ne nous dit pas tout, notre Président. Il nous vend ses dernières mesures sur les retraites comme un geste en faveur des plus modestes… C'est faux, ou incomplet, car le premier bénéficiaire de la réforme se nomme Bernard Tapie. La preuve ? Il est le champion des polypensionnés, avec une carrière partagée entre business, politique, théâtre et télévision. Il peut également prétendre au bénéfice des carrières longues, lui qui devait déjà vendre le sable du bac à ses copains de maternelle. Et la pénibilité ? Évidente, si l'on prend en compte les mois de prison. Il y a enfin ce dont n'ose pas nous parler notre Président : la volonté d'encourager la retraite par capitalisation, qui se traduit par les 210 millions d'euros versés à Bernard Tapie. Et si c'était ça, la réforme des retraites : Bernard Tapie, 67 ans, retraité sans décote et avec magot ?
Course de vitesse
Coutumier des déplacements sur le terrain, à la moindre occasion, l'hyperprésident hyperréactif s'est quasiment jeté en queue de cortège syndical avec son plateau de mesures présentées comme des concessions nouvelles alors qu'il les avait sous le coude depuis le début. Il cherchait à convaincre l'opinion qu'il l'écoute et lui répond, et les syndicats qu'il leur offrait du grain à moudre. On ne mange pas de ce pain-là, lui ont-ils répondu aussitôt avec une nouvelle journée d'actions, dans la désunion et sans aller jusqu'à une grève générale. Le président mise aussi là dessus.
Au passage, il prend une fois de plus, la main sur François Fillon, histoire de garder sa marge de manoeuvre pour le prochain remaniement. Il espère désamorcer la contestation, boucler au plus vite ce dossier et lancer, en jouant d'une image de réformateur courageux, la dernière phase du quinquennat pour sa réélection. Lui qui se réfère sans cesse aux voisins européens pour justifier le recul de l'âge de la retraite, fait l'impasse sur les années de dialogue social qui ont permis un consensus dans ces pays où il y a moins de chômeurs et où les salariés sont moins dégoûtés du travail.
Cette stratégie de reconquête, dans l'urgence de son calendrier et des marchés, ne garantit pas contre toute mauvaise surprise. La réforme elle-même n'est pas à l'abri de quelques couacs, moins à l'Assemblée, malgré la bataille projet contre projet que livre le PS en quête de crédibilité, qu'au Sénat. Le rejet hier d'amendements sur la loi sécurité montre qu'il peut jouer les frondeurs. Les syndicats qui comptent sur lui pour enrayer la logique inégalitaire de cette réforme n'ont pas d'autre choix que de maintenir la pression dans la rue.
Le sentiment d'injustice constitue le principal défi pour Nicolas Sarkozy empêtré dans l'emblématique affaire Woerth-Bettencourt. Au moment où les Français sentent que le compte ne va pas y être et sont donc inquiets pour l'avenir, le président passe pour celui des privilégiés et fait grincer des dents, y compris dans son camp. Dans la dernière ligne droite et à droite, il y aura de la friture.
Coutumier des déplacements sur le terrain, à la moindre occasion, l'hyperprésident hyperréactif s'est quasiment jeté en queue de cortège syndical avec son plateau de mesures présentées comme des concessions nouvelles alors qu'il les avait sous le coude depuis le début. Il cherchait à convaincre l'opinion qu'il l'écoute et lui répond, et les syndicats qu'il leur offrait du grain à moudre. On ne mange pas de ce pain-là, lui ont-ils répondu aussitôt avec une nouvelle journée d'actions, dans la désunion et sans aller jusqu'à une grève générale. Le président mise aussi là dessus.
Au passage, il prend une fois de plus, la main sur François Fillon, histoire de garder sa marge de manoeuvre pour le prochain remaniement. Il espère désamorcer la contestation, boucler au plus vite ce dossier et lancer, en jouant d'une image de réformateur courageux, la dernière phase du quinquennat pour sa réélection. Lui qui se réfère sans cesse aux voisins européens pour justifier le recul de l'âge de la retraite, fait l'impasse sur les années de dialogue social qui ont permis un consensus dans ces pays où il y a moins de chômeurs et où les salariés sont moins dégoûtés du travail.
Cette stratégie de reconquête, dans l'urgence de son calendrier et des marchés, ne garantit pas contre toute mauvaise surprise. La réforme elle-même n'est pas à l'abri de quelques couacs, moins à l'Assemblée, malgré la bataille projet contre projet que livre le PS en quête de crédibilité, qu'au Sénat. Le rejet hier d'amendements sur la loi sécurité montre qu'il peut jouer les frondeurs. Les syndicats qui comptent sur lui pour enrayer la logique inégalitaire de cette réforme n'ont pas d'autre choix que de maintenir la pression dans la rue.
Le sentiment d'injustice constitue le principal défi pour Nicolas Sarkozy empêtré dans l'emblématique affaire Woerth-Bettencourt. Au moment où les Français sentent que le compte ne va pas y être et sont donc inquiets pour l'avenir, le président passe pour celui des privilégiés et fait grincer des dents, y compris dans son camp. Dans la dernière ligne droite et à droite, il y aura de la friture.
XAVIER PANON
Mi-temps
A chacun sa mi-temps. Mardi, les syndicats ont largement dominé la première. Mercredi, le gouvernement s'en est plutôt bien tiré dans la seconde. Si le chef de l'Etat a poliment pris acte du message de la rue, il n'a pas reculé d'un pouce sur le cœur de sa réforme : les mesures d'âge. Ce sera 62 ans et 67 pour une pension sans décote.
Nicolas Sarkozy use donc de la carte de la fermeté en jouant avec les limites de sa propre élasticité. Si les concessions qu'il a annoncées ne sont pas négligeables, elles ne constituent pas non plus des « avancées substantielles » qui changent la donne. Les propositions sur la pénibilité se contentent de mettre un peu d'huile dans les rouages compliqués de l'usine à gaz des taux d'incapacité. Quant aux aménagements pour les longues carrières, ils ne sont pas secondaires puisqu'ils multiplient par deux ou par trois le nombre de bénéficiaires, mais la reconnaissance d'un statut particulier pour les salariés ayant commencé à travailler très jeunes n'est pas clairement à l'ordre du jour.
En définitive, la grande journée d'hier n'a obtenu que des assouplissements, pas la remodélisation complète que réclamaient les cortèges. Le président de la République bétonne, donc. Il n'a pas d'autre système de jeu possible, et il ne veut pas prendre le risque de lancer une offensive originale qui l'éloignerait trop de ses buts : rien donc, sur les femmes, premières victimes de la réforme. Rien non plus sur le départ sans décote, où un petit geste commercial aurait eu une portée symbolique importante.
Logiquement, les syndicats ne sont pas contents. Et continuent leur pressing. Mais avec des doutes : les Français sont-ils suffisamment attachés à l'emblème de la retraite à 60 ans pour résister aux arguments efficaces de la promotion de la politique gouvernementale ? La journée du 23, c'est dans deux semaines... C'est loin. Peut être trop loin pour espérer capitaliser sur la grève du 7.
Il y aura donc prolongation avant d'entamer la discussion au Sénat. Nul ne sait si, cette fois, elle profitera aux attaquants. Il y a bien les précédents conflits qui donnent une prime à l'usure, mais rien ne dit qu'elle fonctionnera. Les règles non écrites du jeu social changent tellement vite. 2003, la précédente réforme ? C'était il y a mille ans. L'éternel duel sur le terrain, désormais décalé, n'a plus le pouvoir d'exaspérer les antagonismes. Ni de dénouer le match dans le temps additionnel. Il est tout simplement dépassé.
A chacun sa mi-temps. Mardi, les syndicats ont largement dominé la première. Mercredi, le gouvernement s'en est plutôt bien tiré dans la seconde. Si le chef de l'Etat a poliment pris acte du message de la rue, il n'a pas reculé d'un pouce sur le cœur de sa réforme : les mesures d'âge. Ce sera 62 ans et 67 pour une pension sans décote.
Nicolas Sarkozy use donc de la carte de la fermeté en jouant avec les limites de sa propre élasticité. Si les concessions qu'il a annoncées ne sont pas négligeables, elles ne constituent pas non plus des « avancées substantielles » qui changent la donne. Les propositions sur la pénibilité se contentent de mettre un peu d'huile dans les rouages compliqués de l'usine à gaz des taux d'incapacité. Quant aux aménagements pour les longues carrières, ils ne sont pas secondaires puisqu'ils multiplient par deux ou par trois le nombre de bénéficiaires, mais la reconnaissance d'un statut particulier pour les salariés ayant commencé à travailler très jeunes n'est pas clairement à l'ordre du jour.
En définitive, la grande journée d'hier n'a obtenu que des assouplissements, pas la remodélisation complète que réclamaient les cortèges. Le président de la République bétonne, donc. Il n'a pas d'autre système de jeu possible, et il ne veut pas prendre le risque de lancer une offensive originale qui l'éloignerait trop de ses buts : rien donc, sur les femmes, premières victimes de la réforme. Rien non plus sur le départ sans décote, où un petit geste commercial aurait eu une portée symbolique importante.
Logiquement, les syndicats ne sont pas contents. Et continuent leur pressing. Mais avec des doutes : les Français sont-ils suffisamment attachés à l'emblème de la retraite à 60 ans pour résister aux arguments efficaces de la promotion de la politique gouvernementale ? La journée du 23, c'est dans deux semaines... C'est loin. Peut être trop loin pour espérer capitaliser sur la grève du 7.
Il y aura donc prolongation avant d'entamer la discussion au Sénat. Nul ne sait si, cette fois, elle profitera aux attaquants. Il y a bien les précédents conflits qui donnent une prime à l'usure, mais rien ne dit qu'elle fonctionnera. Les règles non écrites du jeu social changent tellement vite. 2003, la précédente réforme ? C'était il y a mille ans. L'éternel duel sur le terrain, désormais décalé, n'a plus le pouvoir d'exaspérer les antagonismes. Ni de dénouer le match dans le temps additionnel. Il est tout simplement dépassé.
Olivier Picard
Un pari osé
Pour la majorité, les annonces d'hier confirment la réactivité d'un Président qui écoute l'opinion. Pour l'opposition, la rue, pour la première fois du quinquennat, l'aura contraint à faire quelques concessions. En réalité, l'Élysée pressentait une forte mobilisation et avait anticipé qu'il faudrait réserver du grain à moudre.
Cet épisode des retraites souligne les forces et les faiblesses du pouvoir en cet automne à hauts risques où se joue la fin du quinquennat. Nicolas Sarkozy accumule les handicaps. Au plus bas dans les sondages, il donne parfois l'impression de cultiver son impopularité. Et de jouer avec le feu en attendant un remaniement gouvernemental dont la date est sans cesse repoussée.
Sur le dossier hyperdélicat des retraites, le Président est le seul à concentrer les mécontentements. Outre qu'il est dans sa nature de s'exposer, il ne peut plus en être autrement, à partir du moment où il maintient en poste un ministre du Travail très affaibli. À partir du moment où il se dispense des services d'un François Fillon, pourtant de plus en plus offensif. À partir du moment où il travaille avec un gouvernement en fin de CDD.
Il cultive les oppositions en se comportant, hier encore devant les députés UMP invités à l'Élysée, en chef de la majorité, ce qui a le don de braquer des parlementaires. Et de rendre la vie impossible à ceux qui ont la charge d'animer un parti présidentiel, souvent réduit à répéter le discours d'en haut.
Il maintient des dispositions, supportables avant la crise ¯ bouclier fiscal, TVA réduite, droits de succession... ¯ mais jugées inopportunes jusqu'au sein de sa propre famille, en période de rigueur. L'incompréhension monte d'autant plus que le débat budgétaire de l'automne va valoir ses milliards de sacrifices.
Il poursuit sa politique d'annonces instantanées et hétéroclites qui en brouillent la lisibilité, au moment où la peur de l'avenir nécessite plus de repères quejamais. Les surenchères sécuritaires de l'été, parfaite illustration de cette gouvernance, n'ontpas suffi à ressouder la majorité. Elles ont plutôt donné des arguments à Dominique de Villepin, Christine Boutin, Hervé Morin et à nombre de parlementaires de droite de prendre leurs distances.
Instruit par les ravages de l'affaire Bettencourt, il devra pourtant trouver des signaux annonciateurs d'équité lorsqu'il s'agira de raboter les niches fiscales, de ramener la Sécu vers l'équilibre, ou de financer la dépendance. Sans argent dans les caisses.
Pour autant, Nicolas Sarkozy, qui aime l'adversité, n'a pas posé le genou à terre. L'opposition, plus forte des faiblesses de la majorité que de ses propres propositions, lui a, pour l'instant, rendu service. Pour l'instant. Mais parce que le vent semble tourner, l'Élysée veut prendre la contestation de vitesse. Craignant la réaction d'une jeunesse très opposée au projet, il a décidé de réformer les retraites avant la rentrée universitaire. Le maintien du cumul entre l'aide au logement étudiant et la demi-part fiscale n'était pas innocent pour éviter un remake du CPE (Contrat première embauche) de 2006.
Nicolas Sarkozy prend ainsi le pari osé qu'il sortira renforcé s'il réussit à faire voter cette réforme emblématique sans mettre la France dans la rue.
Pour la majorité, les annonces d'hier confirment la réactivité d'un Président qui écoute l'opinion. Pour l'opposition, la rue, pour la première fois du quinquennat, l'aura contraint à faire quelques concessions. En réalité, l'Élysée pressentait une forte mobilisation et avait anticipé qu'il faudrait réserver du grain à moudre.
Cet épisode des retraites souligne les forces et les faiblesses du pouvoir en cet automne à hauts risques où se joue la fin du quinquennat. Nicolas Sarkozy accumule les handicaps. Au plus bas dans les sondages, il donne parfois l'impression de cultiver son impopularité. Et de jouer avec le feu en attendant un remaniement gouvernemental dont la date est sans cesse repoussée.
Sur le dossier hyperdélicat des retraites, le Président est le seul à concentrer les mécontentements. Outre qu'il est dans sa nature de s'exposer, il ne peut plus en être autrement, à partir du moment où il maintient en poste un ministre du Travail très affaibli. À partir du moment où il se dispense des services d'un François Fillon, pourtant de plus en plus offensif. À partir du moment où il travaille avec un gouvernement en fin de CDD.
Il cultive les oppositions en se comportant, hier encore devant les députés UMP invités à l'Élysée, en chef de la majorité, ce qui a le don de braquer des parlementaires. Et de rendre la vie impossible à ceux qui ont la charge d'animer un parti présidentiel, souvent réduit à répéter le discours d'en haut.
Il maintient des dispositions, supportables avant la crise ¯ bouclier fiscal, TVA réduite, droits de succession... ¯ mais jugées inopportunes jusqu'au sein de sa propre famille, en période de rigueur. L'incompréhension monte d'autant plus que le débat budgétaire de l'automne va valoir ses milliards de sacrifices.
Il poursuit sa politique d'annonces instantanées et hétéroclites qui en brouillent la lisibilité, au moment où la peur de l'avenir nécessite plus de repères quejamais. Les surenchères sécuritaires de l'été, parfaite illustration de cette gouvernance, n'ontpas suffi à ressouder la majorité. Elles ont plutôt donné des arguments à Dominique de Villepin, Christine Boutin, Hervé Morin et à nombre de parlementaires de droite de prendre leurs distances.
Instruit par les ravages de l'affaire Bettencourt, il devra pourtant trouver des signaux annonciateurs d'équité lorsqu'il s'agira de raboter les niches fiscales, de ramener la Sécu vers l'équilibre, ou de financer la dépendance. Sans argent dans les caisses.
Pour autant, Nicolas Sarkozy, qui aime l'adversité, n'a pas posé le genou à terre. L'opposition, plus forte des faiblesses de la majorité que de ses propres propositions, lui a, pour l'instant, rendu service. Pour l'instant. Mais parce que le vent semble tourner, l'Élysée veut prendre la contestation de vitesse. Craignant la réaction d'une jeunesse très opposée au projet, il a décidé de réformer les retraites avant la rentrée universitaire. Le maintien du cumul entre l'aide au logement étudiant et la demi-part fiscale n'était pas innocent pour éviter un remake du CPE (Contrat première embauche) de 2006.
Nicolas Sarkozy prend ainsi le pari osé qu'il sortira renforcé s'il réussit à faire voter cette réforme emblématique sans mettre la France dans la rue.
La mort de l'euro n'aura pas lieu
Le printemps 2010 s'est achevé en Europe sous le poids des lourdes menaces auxquelles faisait face l'euro, dont l'avenir était sérieusement mis en doute par beaucoup. Certes, le pessimisme entretenu par la presse financière et sur les marchés a eu quelques justifications tant le processus ayant abouti à un accord a été chaotique et la communication calamiteuse. Mais ces réactions ont été disproportionnées, elles ont abouti à une sorte d'aveuglement sur la portée des décisions qui ont été finalement prises et dont on verra les effets ce trimestre.
Cette crise a obligé les gouvernements à reconnaître les défauts de conception de la gouvernance de l'union monétaire et ils ont répondu à ce défi. Oui, une nouvelle architecture est en train de se mettre en place pour la zone euro. Elle reposera sur une application plus stricte des disciplines budgétaires surveillées de plus près par les marchés et par des dispositifs européens de prévention et de gestion de crise.
Le premier point sur lequel progresser, c'est la qualité de l'information statistique et du « reporting » financier. Si la Grèce a pu cheminer jusqu'à une situation financière aussi dégradée, c'est d'abord dû à l'opacité et au mensonge. Il faut savoir que les pouvoirs de contrôle d'Eurostat en matière de comptes nationaux des administrations publiques ont été atrophiés parce que les grands pays, notamment la France, ont refusé d'augmenter ces pouvoirs, de crainte de renforcer ainsi celui des institutions européennes. Le nouveau règlement améliore les choses en accroissant sensiblement le pouvoir d'investigation d'Eurostat, c'est la crise qui a permis d'avancer dans cette direction et il faudra veiller à ne pas s'arrêter en chemin.
En matière de « reporting », la Commission a pour le moins fait preuve de négligence. Il pourrait être utile de créer un organe indépendant de surveillance multilatérale. On peut penser dans cet esprit à un Comité des sages, comme en Allemagne, ou à un Parliamentary Budget Office bi-partisan prenant modèle sur le CBO américain avec un mandat plus fort. Cette dernière solution aurait pour mérite d'inclure le Parlement dans ces débats de politique économique. C'est en tout cas un thème sur lequel il est important que la Commission Van Rompuy fasse des propositions au Conseil.
Fondée sur une information financière sûre, l'application des règles et procédures aura de meilleures chances de tester de manière crédible les trajectoires budgétaires et de corriger le tir par anticipation. Les perspectives budgétaires pourraient, comme cela a été proposé, faire face à des feux tricolores, vert, orange ou rouge. Correctement informés par une convergence d'avis et de notations publiques et privées, les marchés financiers feront leur travail. Les « spreads » observés à chaque émission - qui ont été beaucoup trop inertes dans le passé -peuvent, comme on le sait maintenant, atteindre des niveaux décourageant les politiques budgétaires par trop aventureuses. Ce sera le moyen d'internaliser, par chaque parlement national, les engagements financiers auxquels le pays souscrit vis-à-vis de ses partenaires.
Allant très au-delà, plusieurs responsables allemands ont fait circuler l'idée de « sanction » pour les contrevenants mais c'est une impasse politique. Le mot n'appartient même pas au vocabulaire du FMI pourtant expert en matière de discipline budgétaire. Dans un pays démocratique, un citoyen en faillite ne perd pas ses droits politiques. Ce serait s'égarer que d'aller dans cette voie. En revanche, on peut imaginer, à l'instar des programmes du FMI, une sorte de conditionnalité qui restreigne le déboursement de fonds de l'Union pour les pays gravement défaillants.
La crise n'est pas finie et les autorités européennes doivent simultanément créer cette architecture financière plus stable et consolider la reprise. Les décisions déjà prises et celles que la commission Van Rompuy présentera au Conseil sont un pas en avant très positif pour la zone euro, dont on pourrait bien découvrir dans quelques mois, contrairement aux jérémiades du printemps, que c'est la zone « la mieux gérée au monde ».
Le printemps 2010 s'est achevé en Europe sous le poids des lourdes menaces auxquelles faisait face l'euro, dont l'avenir était sérieusement mis en doute par beaucoup. Certes, le pessimisme entretenu par la presse financière et sur les marchés a eu quelques justifications tant le processus ayant abouti à un accord a été chaotique et la communication calamiteuse. Mais ces réactions ont été disproportionnées, elles ont abouti à une sorte d'aveuglement sur la portée des décisions qui ont été finalement prises et dont on verra les effets ce trimestre.
Cette crise a obligé les gouvernements à reconnaître les défauts de conception de la gouvernance de l'union monétaire et ils ont répondu à ce défi. Oui, une nouvelle architecture est en train de se mettre en place pour la zone euro. Elle reposera sur une application plus stricte des disciplines budgétaires surveillées de plus près par les marchés et par des dispositifs européens de prévention et de gestion de crise.
Le premier point sur lequel progresser, c'est la qualité de l'information statistique et du « reporting » financier. Si la Grèce a pu cheminer jusqu'à une situation financière aussi dégradée, c'est d'abord dû à l'opacité et au mensonge. Il faut savoir que les pouvoirs de contrôle d'Eurostat en matière de comptes nationaux des administrations publiques ont été atrophiés parce que les grands pays, notamment la France, ont refusé d'augmenter ces pouvoirs, de crainte de renforcer ainsi celui des institutions européennes. Le nouveau règlement améliore les choses en accroissant sensiblement le pouvoir d'investigation d'Eurostat, c'est la crise qui a permis d'avancer dans cette direction et il faudra veiller à ne pas s'arrêter en chemin.
En matière de « reporting », la Commission a pour le moins fait preuve de négligence. Il pourrait être utile de créer un organe indépendant de surveillance multilatérale. On peut penser dans cet esprit à un Comité des sages, comme en Allemagne, ou à un Parliamentary Budget Office bi-partisan prenant modèle sur le CBO américain avec un mandat plus fort. Cette dernière solution aurait pour mérite d'inclure le Parlement dans ces débats de politique économique. C'est en tout cas un thème sur lequel il est important que la Commission Van Rompuy fasse des propositions au Conseil.
Fondée sur une information financière sûre, l'application des règles et procédures aura de meilleures chances de tester de manière crédible les trajectoires budgétaires et de corriger le tir par anticipation. Les perspectives budgétaires pourraient, comme cela a été proposé, faire face à des feux tricolores, vert, orange ou rouge. Correctement informés par une convergence d'avis et de notations publiques et privées, les marchés financiers feront leur travail. Les « spreads » observés à chaque émission - qui ont été beaucoup trop inertes dans le passé -peuvent, comme on le sait maintenant, atteindre des niveaux décourageant les politiques budgétaires par trop aventureuses. Ce sera le moyen d'internaliser, par chaque parlement national, les engagements financiers auxquels le pays souscrit vis-à-vis de ses partenaires.
Allant très au-delà, plusieurs responsables allemands ont fait circuler l'idée de « sanction » pour les contrevenants mais c'est une impasse politique. Le mot n'appartient même pas au vocabulaire du FMI pourtant expert en matière de discipline budgétaire. Dans un pays démocratique, un citoyen en faillite ne perd pas ses droits politiques. Ce serait s'égarer que d'aller dans cette voie. En revanche, on peut imaginer, à l'instar des programmes du FMI, une sorte de conditionnalité qui restreigne le déboursement de fonds de l'Union pour les pays gravement défaillants.
La crise n'est pas finie et les autorités européennes doivent simultanément créer cette architecture financière plus stable et consolider la reprise. Les décisions déjà prises et celles que la commission Van Rompuy présentera au Conseil sont un pas en avant très positif pour la zone euro, dont on pourrait bien découvrir dans quelques mois, contrairement aux jérémiades du printemps, que c'est la zone « la mieux gérée au monde ».
Jacques Mistral
Utile sacrifice
A voir l'accueil dédaigneux réservé par les syndicats et les partis de gauche aux concessions apportées hier par Nicolas Sarkozy à sa réforme des retraites, il est permis de s'interroger sur l'impérieuse nécessité qu'il y avait à répondre si vite et si fort aux expressions formulées, la veille, par un gros million de Français. Plus rapide, le chef de l'Etat pouvait difficilement l'être. A faire mouvement avant même que les adversaires de la réforme n'aient fixé la date de la prochaine bataille, le risque était de transformer ce seul choix du 23 septembre en fin de non-recevoir. C'est bien ce qui s'est produit. L'urgence, cependant, n'a pas été un choix, mais une contrainte : il fallait aller vite car l'examen parlementaire du projet est déjà très engagé.
L'ampleur des correctifs apportés à la réforme peut surprendre, aussi, puisque celle-ci est loin de couvrir l'intégralité des besoins de financement à venir. A raison d'un demi-milliard d'euros de dépenses annuelles de retraites supplémentaires, la facture des concessions présidentielles est élevée. A fortiori pour des mesures aussi techniques, donc peu lisibles par le grand public, que l'est l'abaissement, de 20 % à 10 %, du taux d'incapacité pour la prise en compte de la pénibilité du travail. Au moins, ces amendements préservent-ils le coeur symbolique et financier de la réforme : le recul des âges de la retraite, celui du droit légal au départ - de 60 à 62 ans -et celui du droit à une retraite sans décote - de 65 à 67 ans.
Le sacrifice opéré par Nicolas Sarkozy n'est pas inutile cependant. Car il ne s'adresse pas aux syndicats, dont l'exécutif n'attend, sur ce dossier, rien d'autre qu'une opposition responsable. Devant une contestation qui, bien plus qu'une simple angoisse face aux années de la vie après soixante ans ou que le douloureux et lancinant refus d'une société vieillissante et sous contrainte, exprime aussi le rejet d'un mode de gouvernance, le chef de l'Etat se devait d'envoyer un signal d'attention, d'écoute et de considération. C'est un message politique adressé à une partie de l'opinion, avec l'espoir qu'elle s'en contentera.
Il le faudra bien car, désormais, toute autre retouche apportée à cette réforme des retraites risquerait, au lieu de les éteindre, de raviver les revendications des opposants, nourrissant, de fil en aiguille, l'espoir d'un détricotage. En 2006, le contrat première embauche avait connu pareil sort. Mais le CPE et Dominique de Villepin qui le portait n'étaient alors guère soutenus par la majorité. Il en va cette fois très différemment.
Raison de plus pour ne plus rien céder.
A voir l'accueil dédaigneux réservé par les syndicats et les partis de gauche aux concessions apportées hier par Nicolas Sarkozy à sa réforme des retraites, il est permis de s'interroger sur l'impérieuse nécessité qu'il y avait à répondre si vite et si fort aux expressions formulées, la veille, par un gros million de Français. Plus rapide, le chef de l'Etat pouvait difficilement l'être. A faire mouvement avant même que les adversaires de la réforme n'aient fixé la date de la prochaine bataille, le risque était de transformer ce seul choix du 23 septembre en fin de non-recevoir. C'est bien ce qui s'est produit. L'urgence, cependant, n'a pas été un choix, mais une contrainte : il fallait aller vite car l'examen parlementaire du projet est déjà très engagé.
L'ampleur des correctifs apportés à la réforme peut surprendre, aussi, puisque celle-ci est loin de couvrir l'intégralité des besoins de financement à venir. A raison d'un demi-milliard d'euros de dépenses annuelles de retraites supplémentaires, la facture des concessions présidentielles est élevée. A fortiori pour des mesures aussi techniques, donc peu lisibles par le grand public, que l'est l'abaissement, de 20 % à 10 %, du taux d'incapacité pour la prise en compte de la pénibilité du travail. Au moins, ces amendements préservent-ils le coeur symbolique et financier de la réforme : le recul des âges de la retraite, celui du droit légal au départ - de 60 à 62 ans -et celui du droit à une retraite sans décote - de 65 à 67 ans.
Le sacrifice opéré par Nicolas Sarkozy n'est pas inutile cependant. Car il ne s'adresse pas aux syndicats, dont l'exécutif n'attend, sur ce dossier, rien d'autre qu'une opposition responsable. Devant une contestation qui, bien plus qu'une simple angoisse face aux années de la vie après soixante ans ou que le douloureux et lancinant refus d'une société vieillissante et sous contrainte, exprime aussi le rejet d'un mode de gouvernance, le chef de l'Etat se devait d'envoyer un signal d'attention, d'écoute et de considération. C'est un message politique adressé à une partie de l'opinion, avec l'espoir qu'elle s'en contentera.
Il le faudra bien car, désormais, toute autre retouche apportée à cette réforme des retraites risquerait, au lieu de les éteindre, de raviver les revendications des opposants, nourrissant, de fil en aiguille, l'espoir d'un détricotage. En 2006, le contrat première embauche avait connu pareil sort. Mais le CPE et Dominique de Villepin qui le portait n'étaient alors guère soutenus par la majorité. Il en va cette fois très différemment.
Raison de plus pour ne plus rien céder.
JFP
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