TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

vendredi 17 janvier 2014

Que notre joie revienne


D’ou vient que la joie est si absente de notre vie publique ? Comment tant d’élus peuvent-ils oublier que la volonté, celle qui sauve et invente des ruptures, est un dérivé de la joie. Seule la joie fiévreuse, jaillissant du cœur profond, rameute les courages hésitants, dynamite les conservatismes, flétrit les pisse-vinaigres et rabat le caquet à la grande peuplade des cyniques.
François Hollande, je l’ai vu mardi sur un écran. Martial comme un énarque sait l’être. Pour se donner un air volontaire, l’astucieux scandait des locutions (« La France, c’est », « Qu’est-ce que c’est une politique progressiste ? », « La finance… », etc.). Lyrisme de rond de cuir. Quel bègue lui a donc suggéré d’abuser ainsi de l’anaphore ? Mais allons au fond : c’était un authentique sans joie qui s’exprimait, un expurgé de tout feu sacré, l’appariteur en chef d’une France Potemkine, énarchisée jusqu’à la moelle, qui n’en finit pas de s’abuser elle-même. L’esprit de ce magistrat de la Cour des comptes était alors sec, sciencepotard au possible, conseildétateux. L’amant de Julie n’a décidément pas l’âme visible. Sa pensée ne s’étend jamais au-delà de ses propos. Toute joie communicative s’était évaporée de ce monsieur. L’amour fou aurait pu lui greffer une part de naïveté, augmenter ses capacités de jubilation, et bien non, c’est encore râpé. L’élu de Corrèze est bien mort de son vivant, inapte à la fièvre fécondante. Même l’étincelante comédienne de la rue du Cirque ne l’aura pas ravigoté.
Pourquoi une telle défaite de la joie ? Au-delà du cas de ce bureaucrate malin, pourquoi la tribu de nos politiques est-elle si incapable d’enthousiasme naïf, au sens le plus requinquant du terme ? Pourquoi ne leur voit-on pas l’âme ? Pourquoi aucun ne jaillit d’un roman fougueux d’Alexandre Dumas ou d’une strophe de Cyrano de Bergerac ? Pourquoi un tel creux à l’emplacement du cœur et si peu de pont d’Arcole dans leurs propos ?
Faire semblant est anxiogène, surtout à trop haute dose. Feindre de résoudre les problèmes d’une nation liquide l’enthousiasme et suscite une perte fatale de confiance collective. Le rusé de l’Elysée sait bien, comme les clones qui le servent, que promettre dix milliards d’allègements supplémentaires des charges des entreprises (étalés jusqu’en 2017 et gagés sur aucune économie identifiée !), ne peut en aucun cas refabriquer une puissance économique dominante. Le cancer est hélas généralisé : c’est l’ensemble de notre système normativo-juridico-administrativo-fiscal qui pense nos vies à notre place qui déclasse la nation et lamine les classes populaires. Cette sommette, même rondelette (aucunement garantie ; n’a-t-il pas lâché « tout dépendra de l’effort d’économies » ?) ne permettra que de repeindre sa façade de social-démocrate autoproclamé. Tenons les, ces dix milliards promis, pour ce qu’ils sont : des frais de peinture. A peine sont-ils suffisants pour qu’une portion de la classe caquetante s’auto-persuade sur les ondes que la France connaît « un tournant gigantesque », « une révolution de l’offre » et que de graves éditorialistes écrivent, sans rire, que ce pays infiniment étatiste bascule tout à coup dans « une politique de l’offre » spectaculaire. Une telle mesure — de simple survie pour nos entreprises anémiées, licenciantes — ne peut évidemment pas suffire à faire revenir l’avenir en France ; cet avenir parti ailleurs depuis longtemps. La manie de faire semblant a repris ses droits mardi. La machine à délirer collectivement est repartie à plein régime, comme au temps où chacun s’interrogeait — souvenez-vous ! — pour savoir si Nicolas Sarkozy en faisait trop ; alors que cet habile prestidigitateur réforma bruyamment mais… à la marge en vérité ! Soutenus par des rédactions en mal d’espérance (on les comprend), nos énarques et leur boss récidivent sur le chemin effrayant de l’illusion. Ce qui assèche la joie ! Quand on ment, surtout à soi-même, l’élan vital se tarit. Se payer de mots a un effrayant coût psychique. La joie réelle, contagieuse, est fille de l’honnêteté sans le moindre calcul, de la foi candide assumée, pas du coup d’échec.
Et puis disons-le avec désespoir : le métier de nos chers élus reste de promettre. Leur logiciel est tout entier contenu dans ce verbe qui n’indique pas une action : promettre. Or le marché (jadis juteux) de la promesse politique s’est littéralement effondré à l’automne 2013 pour connaître un véritable krach début 2014. Cette semaine, le Cevipof nous a révélé — je n’en ai pas cru mes yeux — que « 87 % des Français considèrent que les responsables politiques se préoccupent peu ou pas des gens comme eux ». 87 % ! Aucun de nos leaders de rencontre ne semble avoir bien saisi que, pour le peuple de France, toute promesse est désormais ressentie comme l’aveu d’une impuissance présente. Promettre, même quelque chose d’intelligent, c’est désormais accroître la défiance populaire. Un garçon qui jure à une fille qu’il lui sera fidèle alors qu’il l’a trompée douze fois ne fera qu’aggraver son cas. Qu’il se taise ! Que ses actes parlent à la place de sa bouche ! Si François Hollande avait annoncé des mesures sociale-démocrates effectives, immédiatement exécutables et gagées sur des économies dûment répertoriées, au lieu de se décréter social-démocrate en inventant à nouveau des comités Théodule (tout en affirmant son désir de simplification), la joie serait revenue. Une bonne part de la presse n’aurait pas eu besoin de s’auto-convaincre d’un « énorme changement » qu’elle sait largement sémantique. Si notre Vert galant avait commencé par faire au lieu de dire, tout aurait été différent. Les politiques doivent se désintoxiquer de l’habitude désastreuse de promettre. Qu’ils deviennent des faiseurs pas des diseux ! D’authentiques entreprenants !
La vraie joie est l’ennemie du flou. Elle abhorre les promesses. La joie crève quand prospère la parole séductrice, le verbe apaisant que l’on voulait entendre. Elle ne naît que d’un rapport puissant avec le réel. Or sans joie folle, éperdue, courageuse, comment révoquer les barons du mille-feuille arc-boutés sur leurs postes ? Comment affronter l’immense inertie française ?
Mais que se passe-t-il donc dans nos cerveaux avides d’illusions ? Faut-il que le franc délire reste la forme normale de notre vie publique ?

Une solution salutaire pour le président français

Une solution salutaire pour le président français 

Mais qu’est-ce qu’on lui veut donc, en fin de compte, à ce malheureux président français qui est tombé victime de la curiosité malsaine de la presse à scandale ? Bon, d’accord, il a trompé sa concubine qui, d’ailleurs, se déclare déjà prête à le pardonner, mais on ne peut même pas l’accuser d’avoir donné un coup de canif dans le contrat étant donné que le contrat n’existe pas. Trêve d’hypocrisie, tout ce qu’il a fait c’est d’avoir confirmé la vocation aussi naturelle que banale de tout homme – excepté les homosexuels, bien entendu – qui a toujours été et reste un polygame plus ou moins refoulé.
Cela sans parler du fait que son aventure amoureuse s’inscrit dans la tradition grivoise qui a tant contribué à la gloire de la France, gloire couronnée par l’exploit galant du président Félix Faure qui était mort « d’avoir trop sacrifié à Vénus », selon la formule combien élégante du Journal du Peuple. Cependant, je suis heureux de constater que François Hollande a réussi à réaffirmer cette tradition sans toutefois mettre ses jours en danger, et cela en partie grâce à l’indulgence de Valérie Trierweiler. Je n’en suis pas moins conscient du fait que le scandale provoqué par les supposées frasques du président français avec l’actrice Julie Gayet continue de causer un grave préjudice à l’équilibre psychologique et moral de François Hollande, et cela sans doute au point de nuire à l’exercice de ses fonctions officielles.
Or, comme il est logique de supposer que certaines personnalités parmi les futurs présidents de la France ne seront pas nécessairement immunisées contre la tentation de la chair, et que leurs éventuelles fredaines risqueraient une fois de plus de perturber inutilement la quiétude politique de l’hexagone, je trouve que M. Hollande a une excellente chance de neutraliser une fois pour toutes les conséquences indésirables de tels écarts afin de les rendre incapables d’éveiller le moindre intérêt des médias et de l’opinion. Il a tout le temps avant la fin de son mandat présidentiel pour faire voter une loi autorisant la polygamie en France, et cela au nom des droits des hommes, des vrais, je veux dire.
Pardi, il a quand même bien réussi à imposer aux Français le mariage pour tous !

Économie : le grand décrochage


Faillite. Combien de temps encore la France restera-t-elle la cinquième puissance mondiale ? Le Royaume-Uni et la Russie la talonnent. Faute de se réformer en profondeur, notre pays s’enfonce dans les classements internationaux.
Richesse nationale, commerce extérieur, revenu des ménages, part de la France à l’export, taux de marge des entreprises… La France décroche, contrairement à ce que François Hollande et Jean-Marc Ayrault tentent de nous faire croire depuis un an et demi. Déjà en 2007, François Fillon, alors premier ministre, reconnaissait être « à la tête d’un État qui est en situation de faillite » ! Il n’avait pas vraiment tort : les statistiques montrent un ralentissement de la plupart de nos indicateurs économiques, tandis que la France s’enfonce inexorablement dans les classements internationaux.
Friche industrielle. Entre 2009 et 2011, 880 sites ont fermé, représentant une perte nette de 100 000 emplois. Photo © MaxPPP
Dégradée par les agences de notation (Standard & Poor’s et Moody’s), la France a perdu son triple A et court derrière les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Finlande, le Canada, le Danemark, Singapour et la Suisse. Encore cinquième puissance mondiale — mais pour combien de temps ? —, la France vient d’être épinglée par une étude publiée par le Centre for Economics and Business Research (CEBR) britannique, qui prédit un bouleversement des économies mondiales. En 2028, la France pourrait se situer au 13e rang. « Elle s’affirmera comme le pays dont l’économie sera la plus compliquée d’Europe et deviendra le principal obstacle à la réussite de la zone euro », prédit Douglas McWilliams, du CEBR.
Notre croissance en berne
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis le début des années 1970 et la fin des Trente Glorieuses, la croissance de la richesse nationale française ne fait que ralentir. À 3,7 % en moyenne pour la décennie 1970-1980, elle devrait être tout au plus de 0,2 % en 2013. En cause, notamment, une contribution négative et persistante du commerce extérieur, et l’ampleur des déficits. « La reprise sera poussive », prédit aujourd’hui l’Insee, qui anticipe une croissance de 0,2 % pour les six premiers mois de 2014 et de 0,9 % pour l’année. Le gouvernement est quant à lui un peu plus optimiste, tablant sur une hausse de 1 % de la richesse nationale. Principales raisons de cette atonie, une stagnation du climat des affaires, notamment dans les PME, et de la consommation des ménages en raison d’un manque de visibilité sur l’avenir et surtout de la hausse de la fiscalité.
Que le PIB progresse de 0,2 %, de 0,9 % ou de 1 %, l’évolution sera dans tous les cas bien inférieure à celle enregistrée chez la plupart de nos voisins européens et aux États-Unis, qui devraient afficher une hausse de 3 % de la croissance, grâce notamment au gaz de schiste. Elle sera de toute manière insuffisante pour permettre une progression sensible du niveau de vie des Français, pour garantir le financement du système social et pour soutenir durablement l’emploi : au-dessous de 1 % il n’y a pas de création d’emploi, et au-dessous de 1,5 % il n’y a pas d’inversion de la courbe du chômage.
Le plongeon dans la zone euro
Les chiffres sont décidément têtus… et cruels. Particulièrement lorsque l’on se penche sur une comparaison des parts de marché à l’export de la France avec le reste de la zone euro. En dix ans, de 2000 à 2010, la part de marché française a littéralement décroché, perdant 3,5 points et enregistrant le plus fort recul des pays de la zone euro. Chaque point (1 % du total des exportations européennes) représente 38 milliards d’euros.
Pour la même période, les parts de marché à l’export de l’Espagne et de l’Autriche augmentaient légèrement et celles de l’Allemagne s’envolaient, de 3,6 points. C’est-à-dire que l’écart de part de marché entre la France et l’Allemagne s’est creusé de 250 milliards en dix ans, soit l’équivalent de 13 % de notre PIB !
De 2000 à 2012, la part de la France dans les exportations de biens et de services de la zone euro est passée de 17 à 13 %. Si elle avait maintenu sa place au sein de la zone à son niveau de l’année 2000, ses exportations de biens et de services seraient supérieures de 155 milliards d’euros. Soit 7,6 points de PIB…
Des résultats calamiteux dans une zone qui a la même monnaie, doit faire face aux mêmes pays émergents, aux mêmes conditions de délocalisation, aux mêmes fluctuations des prix des matières premières et de l’énergie…
Le commerce extérieur en chute libre
Le dernier excédent de notre balance commerciale remonte à 2002 : il était de 3,5 milliards d’euros. Déjà peu brillant avant la crise de 2008, notre déficit commercial s’est fortement dégradé depuis : plus de 51 milliards en 2010, 74 en 2011, record absolu dans l’histoire des échanges commerciaux. La petite amélioration constatée en 2012 (67 milliards de déficit) reste la deuxième plus mauvaise performance de notre balance commerciale. L’apparente amélioration ne résulte pas d’une accélération de nos exportations mais d’un net ralentissement des importations, parce que les Français consomment moins. Les chiffres bénéficient aussi de la signature de quelques gros contrats de nos derniers leaders industriels, comme Airbus. En 2012, les importations n’ont progressé que de 1,3 % comparé aux 12,3 % de 2011. Cette tendance se poursuit en 2013, avec un déficit de 60 milliards, également en baisse grâce à la chute des importations. La machine à exporter des entreprises françaises est en panne et perd du terrain.
Notre industrie en voie de disparition
La dégradation de notre appareil productif va s’accélérant. Les chiffres font frémir : de 1980 à 2007, la France a perdu 36 % de ses effectifs industriels, soit 1,9 million d’emplois, pendant que le poids de l’industrie dans le PIB passait de 32 à 20 %. Une tendance tellement lourde qu’elle n’est même pas stoppée pendant les périodes de croissance, où le rythme des pertes d’emplois est tout juste ralenti. Selon l’observatoire Trendeo, 880 annonces de fermeture de site industriel ont été enregistrées de 2009 à 2011, représentant une perte nette de 100 000 emplois. En 2012, 20 000 emplois ont été supprimés dans l’industrie manufacturière, 266 usines ont mis la clé sous la porte. Les premières tendances indiquent que le mouvement s’est encore amplifié en 2013. Tous les secteurs sont touchés, à part le luxe et l’aéronautique. Aux premiers rangs, l’industrie automobile, la pharmacie, le high-tech, la chimie et la métallurgie.
De nombreux économistes français ont justifié cette tendance en soutenant, ces dernières années, que l’industrie n’avait plus d’avenir dans les pays développés. Faux ! En Allemagne, en Autriche, en Suède, mais aussi en Finlande, l’industrie continue à prospérer, ces pays enregistrant une amélioration de leur potentiel industriel depuis 2000. En 2011, la production industrielle en France était inférieure de 7 % à celle de 2005 alors que, pour la même période, elle a progressé de 11 % en Allemagne.
La chute continue : l’activité industrielle en décembre, selon le cabinet Markit, a progressé dans tous les pays de la zone euro — sauf en France, où elle a reculé, atteignant son plus bas niveau depuis sept mois.
L’agriculture dépassée
Depuis 1980, la part de l’agriculture et des industries alimentaires dans l’activité économique française a diminué de plus de moitié. La part française dans la production agricole de l’Union européenne (18,1 %) n’a cessé de se réduire. La France est désormais dépassée par l’Allemagne et les Pays-Bas en tant qu’exportateur agricole et agroalimentaire.
Les élevages bovins sont les plus touchés par le déclin agricole. Depuis 1983, année précédant l’instauration des quotas laitiers, le nombre de vaches laitières a quasiment été divisé par deux, à 3,6 millions de têtes. Entre 2000 et 2010, le nombre d’exploitations laitières a baissé de 37 %. Dans certaines régions de France, comme dans le Sud-Ouest, on compte une installation d’un jeune éleveur pour sept départs à la retraite : la baisse du nombre d’exploitations laitières approche les 50 % entre 2000 et 2010. En trente ans, le nombre de fermes à détenir des bovins a chuté de 67 %.
En 2013, le revenu annuel moyen des agriculteurs s’est établi à 29 400 euros, en baisse de 19 % sur un an. Les disparités par types de production sont extrêmement fortes. Les viticulteurs s’en sortent bien (52 600 euros en moyenne) tandis que le revenu des éleveurs de bovins pour la viande s’établit sous la barre des 20 000 euros par an. Dans les exploitations ov nes et caprines, elles aussi en chute libre, le revenu a reculé l’an dernier pour la troisième année consécutive pour s’établir à 17 600 euros.
Dans l’aviculture, la baisse de la production est inouïe : le nombre de poules élevées en France a chuté de 34 % en trente ans. Les importations d’oeufs sont passées de 31 milliers de tonnes en 1980 à 138 millions en 2012 ! Preuve que la France a perdu, en matière agricole, sa poule aux oeufs d’or.
Des innovations insuffisantes
Continuer à investir en recherche et développement pour rester compétitif et ainsi faire face à la concurrence, c’est le défi auquel sont confrontées les entreprises françaises. Ce n’est pas chose aisée car les mutations technologiques s’enchaînent, ce qui se traduit par une obsolescence plus rapide des équipements. Les besoins d’innovation deviennent donc de plus en plus fréquents. Or, comme le montre le graphe sur les brevets déposés en France, leur nombre diminue régulièrement depuis quelques années (— 0,7 % en 2012), contrairement à ce qui s’observe dans le monde (+ 9,2 % pour la même période). En Europe, la progression a été de 3,2 % en l’Allemagne et de 4,4 % en Grande-Bretagne ; et dans les pays émergents, la hausse a été de 5 % au Brésil, de 3,9 % en Inde et de 2,9 % en Afrique du Sud.
Si la proportion des montants investis en R&D par les entreprises françaises reste stable par rapport à la valeur ajoutée qu’elles dégagent (environ 19 %), celles-ci font davantage appel au crédit pour financer leur recherche et leur innovation : leur endettement a crû de 33 % en à peine quatre ans… et pèse sur leurs marges. C’est le serpent qui se mord la queue : « Si les entreprises voient leurs marges baisser, elles diminueront leurs investissements », considère la CGPME. Or, comme le relève le Medef, les budgets de recherche des entreprises françaises sont déjà inférieurs de moitié à ceux de leurs homologues allemandes (23 milliards d’euros en 2010). Aussi faiblement armées — l’innovation prépare le chiffre d’affaires de demain —, comment résister ?
Les marges des entreprises au plus bas
Au troisième trimestre de l’année dernière, les marges des entreprises françaises ont battu un nouveau record à la baisse, atteignant 27,7 %, leur plus bas niveau depuis… vingt-huit ans (quatrième trimestre 1985). Dans l’industrie manufacturière, les marges sont descendues à 21 % en 2012....la suite sur Valeurs Actuelles.

Vie privée, faute publique

Vie privée, faute publique


La vie privée du président de la République est une fiction. Toutes ses déclarations, tous ses engagements se heurtent au mur du doute et de la défiance.
Le président de la République est un citoyen comme les autres. En prononçant cette phrase le matin de la publication des escapades de François Hollande, le premier ministre a révélé qu’il n’avait pas la moindre notion de ce que peut, de ce que doit être le chef de l’État. De ce que lui confère l’élection au suffrage universel de la nation. De la signification de la cérémonie d’investiture à l’Élysée. Sans doute l’ancien maire de Nantes continue-t-il de voir le président de la République comme un premier secrétaire amusant et blagueur présider un Conseil des ministres comme un bureau national de son parti. Mais M. Hollande, le camarade de M. Ayrault, est-il lui aussi convaincu d’être « un citoyen comme les autres », d’avoir un « droit » à la vie privée et de pouvoir se conduire comme un collégien s’il en a envie ?
La question même de la fonction présidentielle est publiquement posée. Le septième président de la Ve République ne devrait pas ignorer ce qu’en disait son fondateur. Le général de Gaulle le fit au cours d’une conférence de presse identique à celle qui s’est tenue mardi, dans la même salle des fêtes de l’Élysée, en ce même mois de janvier, il y a très exactement cinquante ans. Par son mode d’élection et les pouvoirs qu’il tient de la Constitution, « il doit être évidemment entendu que l’autorité indivisible de l’État, disait le Général, est confiée tout entière au président par le peuple qui l’a élu, qu’il n’en existe aucune autre, ni ministérielle, ni civile, ni militaire, ni judiciaire, qui ne soit conférée et maintenue par lui ». Ainsi, tout procède de lui.
M. Hollande peut toujours prétendre qu’il n’en demande pas tant ; avec sa majorité parlementaire, et nous l’avons vu, il a tous les pouvoirs pour la durée de son mandat. La contrepartie est qu’il ne peut pas être “un citoyen comme les autres”. Le statut judiciaire qui est le sien, la protection dont il jouit vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le chef des armées qu’il est font de lui autre chose qu’un élu corrézien. François Mitterrand, dont il se dit l’élève, proclamait : « La dissuasion, c’est moi », et personne ne l’aurait discuté. L’actuel chef de l’État peut-il en même temps déclencher deux opérations de guerre en moins d’un an (au Mali et en Centrafrique) et même trois s’il avait pu (en Syrie) et se livrer à des échappées nocturnes, coiffé d’un casque de scooter ? Peut-il envoyer des soldats au combat, être l’ultime autorité de la chaîne du commandement nucléaire en portant sur lui le téléphone sécurisé permettant de le joindre à tout moment et prétendre en même temps disposer de sa liberté ? La vie privée du président de la République est une fiction.
Lui-même le savait. Car c’est bien lui qui lança, à la fin de son duel télévisé avec Nicolas Sarkozy, à la veille du second tour de la présidentielle, ce : « Moi, président de la République, je ferai en sorte que mon comportement soit en chaque instant exemplaire. » Simple propos de campagne ? Mais c’est encore lui qui déclare, l’été dernier, après plus d’un an d’exercice du pouvoir, dans un entretien donné à Denis Pingaud (pour son livre l’Homme sans com’, Seuil), qu’avec les médias actuels, les chaînes d’information, les réseaux sociaux, « maintenant, la moindre anomalie, le moindre incident sont immédiatement détectés ». Il est même plus précis encore : « Cette pression [des médias] impose un contrôle permanent de soi-même ; aucun relâchement n’est possible… »
Pensait-il y échapper ? Il s’est par avance accablé, se livrant, pathétique, à une opinion qui en fait ses gorges chaudes, humiliant la compagne qu’il a installée, sans titre, dans une aile du palais, s’offrant aux manchettes sans indulgence d’une presse étrangère trop heureuse de ramener la France aux frasques clandestines de son président.
Les dégâts sont là. Quoi qu’il en soit du « tournant » qu’il a pris, du « pacte de responsabilité » qu’il propose aux chefs d’entreprise, des engagements qu’il annonce, il se heurte au mur du doute et de la défiance. Si 84 % des Français (enquête Ifop-le Journal du dimanche) répondent que l’“affaire Gayet” ne change rien à leur jugement sur le chef de l’État, c’est qu’il est déjà si négatif ! 87 % d’entre eux indiquent qu’ils n’ont plus confiance (baromètre Cevipof publié par le Monde du 14 janvier). « Dépression collective »« méfiance générale »,« inquiétude vertigineuse à l’égard de l’homme », commente Pascal Perrineau, responsable de l’étude. La conséquence, Jean-Louis Borloo, le président de l’UDI, l’a tirée : pour avoir une chance d’être pris au sérieux, le président de la République devrait adresser par écrit ses nouveaux engagements aux Français. C’est dire ce qu’il reste de crédit à la parole présidentielle.

Indignation à géométrie variable

Indignation à géométrie variable


Ça suffit ! a lancé Arnaud Montebourg, le 13 janvier, au fabricant de pneumatiques Goodyear et à la CGT d’Amiens, les exhortant à négocier. On aurait aimé que lui et les autres membres du gouvernement aient eu un peu plus de fermeté, une semaine plus tôt, lorsque deux cadres de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord ont été pris en otages par la CGT. Ce qui démontre, soit dit en passant, que la centrale syndicale n’a (presque) plus de prise localement. Il a fallu attendre un peu plus de 24 heures pour que les cégétistes d’Amiens libèrent les deux hommes (uniquement parce que Goodyear menaçait de rompre toute négociation) et presque une semaine pour que le gouvernement réagisse (mollement). Montebourg s’est montré plus pressant dans le dossier Alcatel-Lucent, où 900 emplois sont en jeu en France sur les 10 000 supprimés dans le monde. Bercy jugeant le plan de licenciements inacceptable en l’état, le ministre du Redressement productif a rencontré Michel Combes, le patron de l’équipementier de télécommunications, pour « réaffirmer avec force l’exigence portée par le gouvernement du maintien en France d’un maximum d’emplois et d’une base industrielle performante ».
Bercy a donc exigé des propositions concrètes tant sur le nombre de postes à supprimer que sur le devenir des sites. La direction régionale du travail d’Île-de-France a, de son côté, demandé à Natixis de revoir son plan social qui porte sur 537 postes.
En revanche, silence radio du gouvernement dans le dossier de La Redoute, encore propriété de Kering (ex-PPR) — seule Martine Aubry, édile local, a logiquement réagi. Cette attitude est d’autant plus incompréhensible que le plan présenté au comité d’entreprise par la future équipe de direction, emmenée par Nathalie Balla et Éric Courteille, prévoit la suppression de 1 350 postes (1 178 dans la société même et 172 chez Relais Colis), soit près de la moitié des effectifs. Les syndicats s’attendaient à un plan d’une ampleur identique à celui de 2008, qui avait vu la disparition de 672 postes. Peut-être Arnaud Montebourg juge-t-il, compte tenu de la personnalité des protagonistes, que ce n’est pas la peine d’en faire tout un cirque… C’est ce que l’on appelle l’indignation sélective !

Deux poids, deux mesures

Deux poids, deux mesures


Le pouvoir s’attaque à Dieudonné plutôt qu’aux Femen, qui profanent des églises, ou à la CGT, qui séquestre des patrons. Manière de faire diversion face au fiasco socialiste.
Maintenant, cela commence à bien faire. Pendant que le pays s’enfonce dans les difficultés(lire notre dossier accablant sur le déclin français, page 12), le président — normal et irréprochable — s’ébroue dans une garçonnière avec une nouvelle madame du Barry. Bien entendu, la plupart des médias audiovisuels ne s’étonnent de rien. Bien sûr, l’omerta qui entoure les affaires de la “Hollandie” depuis vingt mois devient une chape de plomb. Naturellement, ce qui serait ailleurs une affaire d’État doit être enterré vite fait bien fait.
Il est temps d’en finir avec cette hypocrisie et cette “gauche forcément morale” qui ne cesse, aujourd’hui encore, de dénoncer le quinquennat précédent, qui utilise un cabinet noir à dessein avec des fonds publics et qui ne veut pas qu’on lui reproche ses turpitudes fiscales ou extraconjugales. Que n’aurait-on dit si Nicolas Sarkozy s’était promené à Disneyland avec Carla Bruni coiffé d’un casque de livreur de pizzas en compagnie d’un garde du corps portant des croissants ? Que n’aurait-on dit si l’ancien chef de l’État s’était livré à des escapades nocturnes au moment même où la crise financière battait son plein ? Toutes les bonnes consciences auraient immédiatement appelé à la démission du président, là où aujourd’hui elles réclament le respect de la vie privée.
Ce “deux poids, deux mesures” permanent est devenu insupportable aux Français. Parce qu’il ne concerne pas seulement la manière dont il faudrait parler de François Hollande, qui avait promis « un comportement exemplaire ». Mais parce qu’il se traduit à tous les étages de la société. Pendant des jours, alors que des plans sociaux frappaient des milliers de familles, le seul sujet important traité par les pouvoirs publics — et par les médias à leur botte — était celui de Dieudonné, personnage à l’humour plus que douteux, mais qui n’a jamais mis la République en danger. C’est tout juste si le ministre de l’Intérieur n’en a pas appelé aux mânes de Jean Moulin pour faire interdire son spectacle.
Curieusement, lorsque des Femen — subventionnées indirectement par la Ville de Paris — s’attaquent à l’église de la Madeleine pour y faire, à la veille de Noël, un simulacre d’avortement devant le maître-autel, quelques jours avant que l’église Sainte-Odile soit profanée, pas une voix ne s’élève. Et le ministre de l’Intérieur, si prompt à jouer les matamores face à Dieudonné, ne semble voir dans l'action de ces jeunes femmes, entrées en France dans des conditions suspectes, aucun trouble à l’ordre public. Jusqu’au jour où des chrétiens, atteints dans leur foi, feront justice eux-mêmes, faute de voir leurs lieux de culte protégés comme le sont les mosquées ou les synagogues.
Mais ce n’est pas tout : la semaine passée, deux dirigeants de l’usine Amiens-Nord de Goodyear ont été séquestrés dans des conditions humiliantes sans qu’à aucun moment les forces de l’ordre n’interviennent. Et à l’heure qu’il est, ce site de production est encore occupé en toute impunité par la CGT et ses preneurs d’otages, qui ont mis la main sur le stock de 240 000 pneus prêts à partir. Tout cela laisse Manuel Valls de marbre. Il faut dire que Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de Force ouvrière, a affirmé qu’« il n’y a rien de grave » à séquestrer des patrons. En revanche, les plans sociaux, qui tombent comme les feuilles mortes de Jacques Prévert, sont systématiquement retoqués, parce qu’ils menacent les promesses présidentielles d’inversion de la courbe du chômage.
Le ministre de l’Intérieur est devenu le ministre de la Diversion. Il semble plus occupé à régler des comptes avec les défenseurs des valeurs traditionnelles, comme l’a montré la violence avec laquelle il a traité les manifestants pacifiques contre le mariage homosexuel, et à jouer les gros bras face à des tigres de papier pour éviter que l’on parle des aventures du président, du chômage qui enfle ou de la dette qui est entrée dans une zone dangereuse. Alors qu’en matière de délinquance, toute sa politique est un échec, comme l’ont encore montré les tristes assassinats de trois jeunes Français pendant la nuit de la Saint-Sylvestre. Trois meurtres commis par des personnes de couleur. Mais ce n’est évidemment qu’un pur hasard dont personne n’a le droit de parler dans cette France bien-pensante où la ministre de la Culture demande la fermeture d’un théâtre et où d’autres réclament la censure d’Internet comme dans les pays totalitaires.
Voilà pourquoi ceux qui croient que Manuel Valls est une solution doivent bien prendre conscience qu’il est aujourd’hui un problème dans cette République, dont tous les piliers de la sagesse s’effondrent en même temps. À force de n’avoir d’yeux que pour le Capitole, le “premier flic de France” pourrait finir par découvrir la roche Tarpéienne.

Hollande-Gayet : mystères d’un scandale d’État

Closer. L’appartement situé 20 rue du Cirque, dans le VIIIe arrondissement de Paris, où François Hollande et Julie Gayet avaient pour habitude de se retrouver, n’a pas fini de livrer ses secrets.
Si l’on se réfère à la version fournie par l’Élysée, et relayée aussitôt par plusieurs organes de presse, les choses sont simples : le propriétaire de la “garçonnière” du 20 rue du Cirque, où Hollande s’est rendu au moins une dizaine de fois pour retrouver l’actrice Julie Gayet (de 18 ans sa cadette), est un retraité de 71 ans habitant Biarritz, Jean-Pierre Discazeaux, qui le loue depuis le 15 octobre 2011 à la comédienne Emmanuelle Hauck.
Comme la loi le permet, tout contribuable a la possibilité de consulter les registres de la taxe foncière et de la taxe d’habitation afin de s’informer. C’est ce que Valeurs actuelles a fait lundi et mardi en se rendant d’abord au 5 rue de Londres, au centre des impôts du VIIIe arrondissement, où l’accueil a été très sympathique jusqu’à ce que l’adresse du 20 rue du Cirque soit mentionnée. À ce moment-là, la fonctionnaire nous a contraints — de manière exceptionnelle — à nous rendre au centre gérant les taxes foncières de la Ville de Paris, situé 38 rue de la République, à Montreuil. Dans ce second local, c’est un fonctionnaire qui a répondu à toutes nos questions.
Mais lorsque la même adresse a été évoquée, il nous a été expliqué qu’il fallait une autorisation particulière pour avoir droit aux informations demandées. Pourquoi une procédure spéciale alors qu’il s’agit d’un immeuble privé comme n’importe quel autre ? Pourquoi tant de cachotteries quand l’Élysée fournit spontanément un bail à des journalistes ? Mais les secrets de cet immeuble ne s’arrêtent pas là. Car Emmanuelle Hauck, la locataire, a vécu pendant quelques années avec l’acteur Michel Ferracci, plus connu pour sa condamnation dans l’affaire du cercle de jeu Wagram que pour ses prestations artistiques. Depuis six ans, elle est séparée de celui-ci… même si son nom figure toujours dans l’annuaire, et elle est devenue la compagne d’un certain François Masini, assassiné en Corse en mai dernier.
D’aucuns s’inquiètent des liens de la locataire de cet appartement avec le grand banditisme corse. Et du fait que le président de la cinquième puissance mondiale ait pu être filmé ou enregistré pendant ses ébats !

Les signaux (silencieux) qui ne trompent pas : l’Europe fait face à la catastrophe de la déflation


Pour la BCE, il n’y a pas de déflation en zone euro, il n’y en a jamais eu (pas même à l’hiver 2008-2009) et dans aucun des 18 pays de la zone (pas même en Irlande ou en Grèce). Le 18 novembre 2008, Trichet, en plein dans la pire spirale depuis 1937, déclarait : "We are not in a situation that characterises deflation. If I look at some facts and figures, I don't see yet any trace of deflation or negative inflation" (Nous ne sommes pas dans une situation caractéristique de déflation. Si nous regardons les faits et les chiffres, je ne vois pas encore la moindre trace de déflation ou d'inflation négative, NDLR).
Pour être un peu plus perspicace que nos autorités monétaires qui répliquent traits pour traits les discours de la FED de 1932 ou de la Banque du Japon des années 1990, voici quels sont les 12 indices sûrs d’un processus déflationniste significatif ; il me semble qu’ils sont tous à l’œuvre depuis fin 2007 en zone euro, raison pour laquelle je ne parlerai pas de « risque de déflation » comme madame Lagarde mais de déflation objective depuis 6 ans (et pour encore longtemps tant qu’une détente monétaire puissante n’aura été engagée par la BCE, ou contre la BCE) :
1er indice : la baisse marquée et durable du prix des actifs (en gros, immobilier + actions) :
Il ne faut pas se concentrer sur les seuls indices de prix à la consommation, surtout dans des économies financiarisées. Friedman nous incitait déjà à cette vision large des prix (“monetary policy is easy only when the prices of assets are rising faster than the prices of the goods they produce”). Or, le CAC n’est plus à 6500 points, l’immobilier US n’est pas encore dans un nouveau « boom » et si dans un pays comme la France sur un an (2013) les actions font +15% c’est plus qu’annulé par une baisse des prix immobiliers de 4%... En fait chez nous l’immobilier résidentiel est tel que le meilleur de la déflation est sans doute devant nous si la BCE ne capitule pas :
2e indice : une cible d’inflation qui n’est plus respectée par les banquiers centraux
Même aux USA, après 3 opérations de QE (quantitative easing), l’objectif de la FED des 2% par an (elle regarde le core PCE deflator) n’est pas respecté : ils serpent plutôt à 1,5% par an et encore :
Alors je ne vous parle même pas de la zone euro. La BCE le sait, qui prévoit une inflation à environ 1,3% en 2014 comme en 2015, donc comme en 2013. Mais elle ne fera rien pour revenir à 2%, ah ça non. Une injure sur le plan de la responsabilité démocratique, une nouvelle crispation indépendantiste.
3e indice : le chômage qui monte, qui monte :
Logique. Aucune inversion de courbe sans stabilisation préalable du PIB nominal à des rythmes moins dépressifs. A noter qu’en Europe c’est une spécificité de la zone euro. Perfide Albion, perfide Suède, perfide Pologne : ils ne jouent pas le jeu de la déflation, leurs taux de chômage sont stables ou baissent !
4e indice : les dettes qui (prises globalement) ne se réduisent pas :
C’est presque la définition de la déflation : en dépit des efforts pour se désendetter, les dettes subsistent et même progressent. Ou alors le secteur privé se désendette, mais sur le dos du secteur public (Japon), ou réciproquement. La déflation agit comme une bombe à neutrons dans les comptes, on ne la voit pas mais comme elle ruine les possibilités d’activité et de remboursement des dettes elle provoque des défauts ou du moins des destins à la Sisyphe, une longue servitude fiscalo-sociale. Ceux qui prétendent que la situation s’améliore en Espagne depuis 2 ans oublient de citer les NPLs (Non-performing loans, NDLR), la répression financière et la dérive boule de neige de la dette publique, par exemple. 
5e indice : une baisse du prix des matières premières et de l’or :
Tous ceux qui depuis l’été 2011 (la rechute de la zone euro, à la suite de la frappe BCE sur les taux) ont investis sur le pétrole ou sur le blé ou plus bêtement encore sur l’or, savent de quoi je parle.
6e indice : une monnaie trop chère :
Quand on ne crée pas assez de monnaie, cette monnaie tend à s’apprécier face aux autres (ces autres pays qui nous regardent comme des imbéciles). C’est l’histoire du Yen. C’est désormais aussi l’histoire de l’euro. Le problème ce n’est pas pour nos exportateurs, mais pour toute la collectivité : je ne résiste pas à citer Jacques Rueff, qui écrivait ceci dans les années dans les années 1950 :
«…la stabilisation de 1928 conduit à plusieurs conclusions de portée générale et de valeur permanente. La première, c’est qu’une opération d’assainissement financier ne peut se faire qu’à un niveau approprié de la monnaie (…) dans le cas où le niveau du change est tel que les prix intérieurs sont sensiblement supérieurs aux prix étrangers en monnaie nationale, ces forces [qui tendent à rétablir l’équilibre] sont celles qu’engendrent la dépression et le chômage. Elles tendent à provoquer la baisse des prix intérieurs et, notamment, celle des salaires nominaux. Mais dans le monde (tel qu’il est) les baisses de salaires, même si du fait d’une baisse concomitante des prix elles ne s’accompagnent d’aucune dégradation des niveaux de vie, éveillent de profondes résistances et suscitent d’âpres rancunes. En tout cas, elles ne sont consenties que sous la pression prolongée des nécessités. Elles ne peuvent donc intervenir qu’après une longue période de troubles économiques et de désordre sociaux. Qui veut faire une politique réaliste de prospérité et de paix sociale doit reconnaître le niveau existant des salaires comme le plancher immuable de toute politique financière constructive (…) En tout cas, à partir du moment où les hausses de salaires sont intervenues, la hausse correspondante des prix doit être considérée comme consolidée. Maintenir, après pareilles hausses, le change au niveau ancien, c’est organiser la dépression et s’obliger, soit à exclure par voie d’autorité tous achats à l’étranger, soit à accepter l’épuisement progressif des réserves de devises. En laissant subsister un déséquilibre qui ne peut s’atténuer que par des baisses de salaires, on suscite le malaise social et on prépare, pour le lendemain, d’inévitables « fronts populaires ». Tant qu’un tel déséquilibre existe, la dévaluation de la monnaie ne crée pas une situation nouvelle ; elle se borne à reconnaître la situation existante. Ce n’est donc jamais le jour où elle s’accomplit qu’une dévaluation est décidée, mais le jour où on laisse s’établir l’état de fait qui la rend indispensable (…) le devoir, pour un gouvernement qui veut rétablir la stabilité en sauvegardant la prospérité et la paix sociale, n’est pas de chanter des hymnes à une stabilité monétaire illusoire et en tout cas condamnée mais de reconnaître, par un changement de niveau monétaire, les erreurs passées, et de créer, sur la base ainsi établie, une situation dans laquelle on puisse assurer, à l’avenir, la stabilité de la monnaie ».
7e indice : le goût (trop) prononcé pour le cash :
Bien entendu, dans un monde d’inflation, rester cash est idiot, vos liquidités perdent de la valeur (à moins que les taux courts ne soient vraiment très hauts), vos billets fondent comme neige au soleil. Dans un monde de déflation, c’est l’inverse. Et puis dans un monde de déflation, que faire d’autre ? Où sont les opportunités ? Mieux vaux rester cash, ce qui est stérile pour l’économie, mortifère pour l’investissement. C’est bien notre situation actuelle, l'affaire des 346 milliards de trésorerie des entreprises et au passage la raison de l’échec programmé des initiatives françaises actuelles (si du moins on arrive à les financer) : les entreprises pleines de cash n’ont pas tant besoin d’une réduction des charges mais d’une hausse des perspectives d’activité (PIB nominal). Ce problème pourrait peut-être se traiter avec des taux négatifs (Suède 2009…), mais depuis plusieurs trimestres la BCE répond que c’est « à l’étude » et en fait peu probable et assez dangereux (ce qui, dans la langue de nos banquiers centraux, signifie : « nous vivants, c’est non »).
8e indice : la crispation indépendantiste des banquiers centraux :
A la fois la cause et la conséquence de la plupart des cycles déflationnistes contemporains. Je fabrique 3 livres numériques sur ce thème, alors je compte sur vous chers lecteurs !!
9e indice : des taux d’intérêt à 0% mais qui restent trop hauts :
Paradoxe bien documenté depuis Wicksell, mais piège redoutable toujours oublié. Le raisonnement dominant reste nominal, seuls quelques économistes archi-minoritaires connaissent les implications de taux trop hauts à 0% (zone euro) ou trop bas à 10,5% (Brésil). Même s’ils sont très imparfaits, les agrégats monétaires larges (M3) permettent en cas de crise d’éviter ce piège des taux, mais qui les regarde ? En zone euro, M3 est à 1,4% sur 12 mois, contre une norme indicative BCE de 4,5%/an qui n’est plus respectée depuis des années… Logique : la BCE refuse d’augmenter sa base monétaire comme les autres banques centrales, et quant au crédit il est logiquement au point mort (pour emprunter pour dépenser ou investir quand votre banquier central vous dit de rester cash et massacre vos consommateurs potentiels ?). Notre niveau de création monétaire depuis 2008 est digne d’une vaste déflation :
10e indice : « budgétarisation », « financiarisation » et « structuralisation » des débats :
Toujours dans la diffraction du blâme opérée par les banquiers centraux indépendants : comme le généralissime Gamelin et comme Valmont, leur devise est « ce n’est pas ma faute ». C’est donc la faute des politiques (qui font des méchants déficits contracycliques, qui ne font pas assez de réformes, comme si tout cela avait le moindre rapport avec le mouvement général des prix), la faute des spéculateurs (de préférence anglo-saxons) vendus au grand capital, ou alors (en phase ultime, après une bonne décennie déflationniste) la faute de la démographie (imparable, au café du commerce). Regardez la presse des années 1930 : ce n’est jamais une affaire monétaire sous la responsabilité pleine et entière de la FED. C’est la rançon de nos « pêchés » des années 1920. C’est la faute de la « cupidité » des banquiers. C’est la faute du progrès technique, car comme chacun le sait « tout a déjà été inventé ». C’est la faute des juifs. Jolie transition pour l’indice suivant... 
11e indice : au bout de quelques années, la montée des partis extrémistes :
Après les « chocs de productivité » et autres politiques de l’offre en pleine crise déflationniste de la demande agrégée (Brüning 1931 et Hollande 2014, même combat), les gens finissent pas s’énerver (je les trouve très calmes en Italie, où le coup d’Etat de la BCE en 2011 contre des dirigeants certes critiquables mais élus reste un modèle du genre). Comme ils ne comprennent pas bien pourquoi ils sont devenus plus pauvres ou chômeurs (la déflation c’est sournois, et ne comptez pas sur les politiques pour vous expliquer du Fisher ou du Friedman ou du Rueff), ils ont tendance à défier les élites comme ils peuvent, dans les urnes d’abord (on verra en juillet avec les européennes) puis dans la rue. Les aristocraties monétaires finissent le plus souvent comme chez Pareto : au cimetière. Au mieux, l’agitation politique bloque les réformes et c’est le pourrissement, jusqu’à ce que les banquiers centraux cèdent (le plus souvent, quand on sacrifie leur indépendance), jusqu’à la dévaluation tant retardée. C’est le schéma anglais (1925-1931), américain (1929-1945), japonais (1989-2012). Au pire, ça donne des choses moins sympathiques (Allemagne 1933).   
12e indice : quand l’ordre allemand règne (la stratégie mercantiliste et non-coopérative étendue à tout un continent en dépit du bon sens et via la contraction des importations) : c’est bien le cas :
Nous allons tous crever de la déflation mais à notre mort les comptes extérieurs seront très positifs. Voilà une nouvelle rassurante pour bien commencer la 6e année de déflation en zone euro.  

Pitié pour Valérie Trierweiler !

Trompée par le président, humiliée au regard de tous, critiquée sur les réseaux sociaux, la première dame de France attend d'être fixée sur son sort. N'en jetez plus !


À quoi ressemble cette République où l'on voit une première dame hospitalisée pour crise nerveuse et humiliée publiquement ? A-t-on pensé à ce que cette femme pouvait endurer, broyée par un univers politique, dont elle connaît la violence, certes, mais qui lui fait payer au centuple son délicat statut de concubine officielle ? Au moment où elle commençait à trouver sa place et ses marques comme première dame, elle endosse soudainement le rôle ingrat de bouc émissaire. 
Il faut lire ce qui se dit sur elle sur les réseaux sociaux, ce qu'on lui fait payer, sa supposée arrogance, son caractère entier, le fameux tweet contre Ségolène Royal... On aurait pu imaginer que son hospitalisation aurait calmé les esprits et suscité une certaine compassion, rien n'y fait : elle doit boire le calice jusqu'à la lie, on se moque, on ricane, on la traite de "fausse victime"... Depuis une semaine, Valérie Trierweiler est l'un des sujets les plus scrutés d'Internet. Pas un jour sans une nouvelle information ou rumeur : on scrute sa tension, on raconte qu'elle n'a jamais été aimée par les Français, qu'elle préparerait déjà sa vengeance, à moins qu'elle ne soit prête à pardonner, elle aurait même tenté un rapprochement avec Ségolène Royal, démenti par l'intéressée... Pendant ce temps, sa rivale est déjà en couverture de Gala et du magazine Elle, consécration quasi officielle pour l'une, disgrâce annoncée pour l'autre, l'étalage d'une trahison aux yeux des Français et du monde. Mais qui peut résister à tout cela ?

Le bal des favorites

L'absence de toute communication officielle depuis plus d'une semaine sur cette affaire laisse une place importante (déraisonnable ?) aux supputations et aux rumeurs. Aux États-Unis, l'affaire aurait été réglée dans les 24 heures avec un communiqué officiel, sans commentaire. Chez nous, le pouvoir alimente un roman feuilleton, un vaudeville qui tourne à la farce, dont la principale victime sera, au bout du compte, une femme, Valérie ou Julie. Et tout le monde semble trouver cela normal...
Ils sont en effet bien rares à oser s'offusquer d'un pareil traitement. Du côté des ministres, le silence est assourdissant. Pourquoi agacer le prince, ou risquer sa place, tant que l'épineuse question n'est pas tranchée... Les réactions viennent d'ailleurs. L'éphémère première dame Cécilia Attias, qui n'avait pas loupé sa sortie à l'époque, a reconnu qu'elle avait une pensée en ce moment pour Valérie Trierweiler. Même solidarité pour Bernard Pivot, le nouveau président de l'académie Goncourt : "Je pense à cette femme, vous imaginez ce qu'elle vit, son infortune, qui est dans tous les journaux, la radio, les télévisions de France et du monde entier ? C'est terrible ce qu'elle vit, c'est épouvantable !" Enfin deux gardiennes des valeurs sont également montées au créneau, chacune à leur manière, critiquant le machisme et l'indélicatesse de François Hollande : Christine Boutin estime que le président traite "sa concubine comme un kleenex", tandis que Geneviève de Fontenay enfonce le clou : "Il n'est plus digne de diriger la France avec un comportement pareil, elle est bafouée publiquement ! estime-t-elle. Elle a quand même été reçue par des chefs d'État et il lui dit maintenant : dégage !"
À force d'attendre, le président joue gros. Les Français n'aiment guère ce flou intime autour de la fonction présidentielle, surtout en temps de crise. Le roman-photo Sarkozy-Carla, entre les pyramides d'Égypte et les ruines de Jordanie, au début de l'année 2008, avait fini par coûter cher à l'ancien chef d'État en termes d'image. L'idylle avait rapidement débouché sur un mariage express à l'Élysée, juste avant un très glamour voyage officiel à Londres. Cinq ans plus tard, l'histoire semble se répéter au plus haut sommet de l'État, sans que personne n'en ait tiré des leçons. Ils font quoi, les conseillers en com ?

La haine de l'argent : une passion française

L'écrivain et philosophe Pascal Bruckner* fustige notre hypocrisie à l'égard de la richesse. Selon lui, la France pratique un "bolchevisme mou".

À la messe du dimanche à Lyon, dans les années 1960, les familles catholiques aisées venaient en 2 CV, modestement vêtues, soucieuses de se fondre dans la masse des paroissiens. À peine l'office terminé, elles rejoignaient leurs belles propriétés, retrouvaient leurs voitures de luxe, leurs amis, leur domesticité. La fortune se devait d'être discrète et de ne pas susciter l'envie. EnFrance, les hautes classes se calfeutrent derrière de hauts murs, quand aux États-Unis la réussite sociale doit être visible et admirée du plus grand nombre. Nous sommes en effet les doubles héritiers du catholicisme et de la République : l'Église, s'inspirant des évangiles, ne cessera de dénoncer l'usure et le "tabernacle impur des banquiers" (Huysmans). De Bossuet à Léon Bloy, les clercs n'auront pas de mots assez durs pour fustiger l'aberration de l'argent qui devient un but en soi, "processus aussi monstrueux, dira Péguy, que si l'horloge se mettait à être le temps". 
Ils sont beaux  ces cocos-munistes
À rebours, le protestantisme, récusant le clergé romain parasite, remplace la prière par le travail, faisant de ce dernier un acte quasi religieux. Bref, en terre réformée, à l'inverse de chez nous, Dieu aime les riches et punit les indigents. Pour les luthériens, vouloir être pauvre est aussi aberrant que vouloir être malade. C'est choisir la malédiction.

Mettre le monde à l'envers

Quant à la République, elle redouble son éthos égalitaire par un éloge des grandeurs spirituelles : il est d'autres richesses culturelles, littéraires, artistiques que les biens matériels. "Derrière chaque grande fortune, il y a un grand crime", écrivait déjà Balzac. Les diatribes contre le numéraire font partie du trésor culturel national : "Mon seul adversaire, celui de la France, n'a aucunement cessé d'être l'argent", disait le général de Gaulle en 1969. Mitterrand lui-même dénoncera en 1971 "l'argent roi qui ruine et pourrit jusqu'à la conscience des hommes". 
Ces proclamations vertueuses méritent toutefois d'être nuancées : ce que les Français récusent, c'est moins l'opulence que son inégale répartition, c'est l'injustice qui ne récompense pas le mérite mais dévolue les plus gros revenus à ceux qui sont bien nés ou bien placés. L'indécence de l'argent ne réside pas dans son existence mais dans sa rareté, lorsqu'il est confisqué par une poignée. Il reste, c'est son avantage incomparable, un moyen de préserver la liberté individuelle ; il corrompt peut-être, mais il nous affranchit aussi de la nécessité, nous permet d'incarner nos projets, de n'être pas réduits à nos besoins élémentaires. 
Reste que cette rhétorique du soupçon n'est pas sans effet sur notre vision de la réussite. En période de crise, les diatribes contre le veau d'or remplissent une fonction de dérivatif. De toutes parts, des voix s'élèvent pour condamner l'argent fou, l'argent roi, alors que collectivement nous vivons l'argent rare, l'endettement généralisé. On peut pousser le raisonnement plus loin : la condamnation de l'argent va s'accentuer à mesure que la pauvreté va s'accroître. C'est la définition même de l'idéologie : mettre le monde à l'envers. Puisqu'une masse croissante de nos compatriotes n'a plus les moyens de vivre décemment, on va lui expliquer que la prospérité est honteuse, dégradante.

Une industrie de l'indignation

À quoi les riches servent-ils chez nous ? À nous scandaliser qu'ils existent. Dans l'Hexagone fleurit ainsi toute une industrie de l'indignation lucrative : témoin le couple de sociologues Michel et Monique Pinçon-Charlot qui depuis quinze ans, livre après livre, passent au crible la vie de la haute bourgeoisie pour mieux la fustiger. Ils auscultent ses moeurs, la maudissent et... recommencent, dans une belle alliance d'hypocrisie et de fascination. Comme si on mettait un archevêque, soir après soir, dans une maison close pour mieux en décrire les turpitudes et s'en offusquer. 
Test infaillible : quiconque claironne son mépris à l'égard du vil métal le chérit dans son coeur et ne rêve que d'en priver les autres. Les nantis canalisent sur leur personne toute la rage sociale : s'ils n'étaient pas là, il faudrait les inventer. Qu'ils partent ou s'expatrient - la France est passée maître en Europe dans l'art d'exporter ses riches à l'étranger et d'importer les pauvres du monde entier -, on montrera du doigt les catégories moyennes en décrivant leurs salaires, un peu supérieurs à ceux de leurs concitoyens, comme d'intolérables privilèges (voyez la querelle autour des professeurs de classes préparatoires). 
La France est le seul pays dont le président a pu dire à la télévision qu'il haïssait les riches, sans provoquer un tollé ! Un vrai progressiste aurait dit à la place : "Je hais la pauvreté et ferai tout pour vous en sortir." Mais ce bolchevisme mou a pour seul but de délégitimer toute espèce de succès. Il vise moins à punir les huppés qu'à faire honte aux démunis de vouloir améliorer leur sort. Il n'est qu'une machine à légitimer la misère et l'échec. Il est plus facile de maudire les nababs que d'enrichir les défavorisés.