TOUT EST DIT

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mardi 11 août 2009

À Téhéran, Ahmadinejad noyaute le QG des espions

Le président iranien serait en train de régler ses comptes avec tous ceux qui s'opposent à sa politique, y compris dans son propre camp conservateur.

Une bataille de l'ombre se livre, à couteaux tirés, dans les coulisses du pouvoir iranien, et plus précisément au sein du puissant appareil des services secrets. Une série de révélations, récemment apparues sur Internet et dans la presse iranienne, font état d'un véritable nettoyage au sein du ministère des Renseignements, initié par Mahmoud Ahmadinejad depuis sa réélection contestée au scrutin du 12 juin dernier.

«Ahmadinejad a quasiment imposé son contrôle sur l'organe le plus important en matière de sécurité dans le pays», s'inquiète sur son blog Hassan Younessi, en faisant référence au limogeage d'au moins quatre hauts fonctionnaires des services iraniens. Ce député iranien n'est autre que le fils d'Ali Younessi, un ex-ministre des Renseignements. Selon lui, «le ministère des Renseignements n'a jamais connu, depuis sa création, une telle purge, motivée par des intérêts politiques».

L'actuel ministre des Renseignements, Gholam Hossein Mohseni Ejehi, a été remercié le mois dernier par Ahmadinejad pour s'être, entre autres, vivement opposé à la diffusion télévisée d'aveux extorqués sous la torture aux prisonniers arrêtés pendant les manifestations. Depuis, le président s'efforce de placer ses propres pions, issus principalement du corps des gardiens de la révolution. Ces membres de l'armée idéologique du régime sont connus pour leurs méthodes plus radicales. Ce sont eux qui auraient orchestré les deux derniers procès collectifs, où la jeune Française Clotilde Reiss est apparue dans le box des accusés.

La purge en cours est une nouvelle illustration des fissures qui traversent le sommet de l'État iranien. D'après un autre député, Ahmad Avai, Mahmoud Ahmadinejad est en train de «régler ses comptes» avec tous ceux qui s'opposent à sa politique, y compris dans son propre clan conservateur. «Le nettoyage qui a lieu au sein du ministère des Renseignements est très inquiétant», confie-t-il au site d'information fararu.ir, d'autant plus qu'il vise des officiels connus pour «leur piété, leur expérience et leur respect de la loi».

Ce coup de balai est inédit dans l'histoire de la République islamique. À la prise du pouvoir par les religieux en 1979, l'ayatollah Khomeyni préféra, lui, coopter une partie des anciens indics de la Savak, les services secrets du Chah, plutôt que de tout redémarrer de zéro. Ces dernières années, les fonctionnaires du ministère des Renseignements, connus pour leur fidèle allégeance au régime actuel, ont évolué au gré des réformes, amorcées par l'ex-président Mohammad Khatami. En 1998, la révélation de l'implication des services secrets dans la série d'assassinats d'intellectuels poussa même à la démission du ministre de l'époque. En fin de compte, l'affaire força les services iraniens à mettre un frein à leurs pratiques les plus violentes.

L'obstacle du Parlement

Au dernier scrutin présidentiel, nombreux sont les fonctionnaires du ministère à avoir prêté allégeance au réformiste, Mir Hossein Moussavi, rival principal d'Ahmadinejad. De sources bien informées, Mohseni Ejehi aurait même encouragé une de ses équipes à faire remettre un rapport au guide suprême, Ali Khamenei, qui dressait une liste de fraudes massives en faveur d'Ahmadinejad. Cette initiative aurait fortement déplu au vainqueur controversé de l'élection.

D'après Hassan Younessi, le numéro deux du ministère et le chef du contre-espionnage feraient également partie des personnalités remerciées. Raisons invoquées : ils n'adhéraient pas à la ligne officielle selon laquelle les réformateurs complotaient en vue d'une «révolution de velours». Le site Internet alef.ir, proche du député conservateur Ahmad Tavakoli, évoque aussi le départ imminent du responsable du département technologique du ministère, après vingt-cinq ans de bons et loyaux services. Le chef de la sécurité du ministère, connu pour être un proche du guide suprême, serait lui aussi sur la sellette.

Selon ces différents sites d'information, Ahmadinejad se serait donc imposé, de facto, comme le nouveau responsable des services secrets iraniens. Il serait, d'après Younessi, épaulé par deux éminences religieuses ultraconservatrices, Hossein Taeb et Ahmad Salek, proches des gardiens de la révolution. Son jusqu'au-boutisme pourrait néanmoins lui jouer des tours dans quelques jours. Pour être opérationnel, son futur cabinet, qui comprendra son prochain ministre des Renseignements, devra en effet être accepté par le Parlement iranien, plus divisé que jamais.