TOUT EST DIT

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jeudi 13 février 2014

L’AMÉRIQUE

L’AMÉRIQUE


Ce n’est pas la parenthèse américaine de François Hollande et cette Silicone Valley destinée à faire rêver les entrepreneurs français qui nous contrediront. En matière d’avenir, il faut souvent porter le regard vers les États-Unis. Ainsi, à la manière des gigantesques « malls » made in US, les commerces désertent les centres-villes pour s’offrir à la voiture et aux consommateurs dans des zones commerciales qui clignotent de toute part. Et nous avons également cédé à la mode des classements, des enquêtes. Les meilleurs hôpitaux, les agglomérations où il fait bon vivre… Pas un jour sans qu’une étude ne révèle sous forme calibrée les us et coutumes de la France d’aujourd’hui. D’après deux d’entre elles, Nancy serait la deuxième ville de France comptant le plus de célibataires (parce qu’il y a beaucoup d’étudiants) et la troisième plus gourmande en matière de sextoys (toujours les étudiants ?). Plus sérieusement, et à l’échelon national, Ipsos mettait hier en avant un étonnant retour à la terre. Après les soubresauts des crises alimentaires, près d’un Français sur deux avoue « ne plus trop savoir de quoi se composent les produits qu’il consomme ». Près de sept sur dix privilégiant du coup les producteurs de proximité. Comme quoi, l’Amérique…

La République à poil

La République à poil


Notre République mérite beaucoup mieux que ces querelles insanes, entre majorité et opposition, dont elle risque vraiment de sortir à poil, s'exposant du même coup aux convoitises malsaines des extrémistes. De l'affaire Dieudonné à la polémique sur l'ABCD de l'égalité ou la « théorie » du genre, en passant par les divergences sur l'intégration des étrangers, ce ne sont que désolantes querelles entre partis de gouvernement qui se réclament pourtant des mêmes valeurs. À qui la faute ? À une incapacité à débattre sereinement des grands sujets autrement qu'à travers le prisme politicien et électoraliste. Comme si toute action politique se résumait à la tentative de séduction d'une « clientèle ».
Comment, par exemple, expliquer autrement la réaction épidermique de Jean-François Copé contre un livre de jeunesse anodin (« Tous à poil ») publié depuis trois ans et très indirectement recommandé aux enseignants ? Le patron de l'UMP, sans doute soucieux de compenser un insuffisant soutien à la protestation récente des familles, a choisi un mauvais exemple pour défendre une cause respectable.
Cette bévue, associée à sa précédente sortie sur le « pain au chocolat », désignait évidemment Copé à la vindicte d'un PS drapé dans l'indignation républicaine. La solidarité obligée de l'UMP envers son président ne saurait cependant l'empêcher d'afficher plus de pertinence dans son légitime travail d'opposition pour éviter les amalgames aussitôt exploités.
Parce que, bien entendu, le PS n'en finit pas d'accuser l'UMP de singer le FN. Ce qui revient pour lui à s'exonérer un peu vite de toute responsabilité. La multiplication des projets sociétaux clivants ne serait-elle pas source de désunion nationale en un moment de crise ? Au-delà de la polémique inutile sur « Tous à poil », demeure en tout cas la question essentielle des rôles respectifs des parents et des enseignants dans l'éducation citoyenne et sexuelle des enfants. Pour la trancher, il n'appartient pas au seul Vincent Peillon de s'ériger en impérieux ministre de la « rééducation nationale ».

Dans les Yvelines avec Marine Le Pen


Assister à une conférence de presse de Marine Le Pen au Chesnay (78), c’est un peu comme assister à un concert de Johnny à La Cigale.
On est entre nous, il y a cinq journalistes, on peut poser ses questions. L’ambiance est décontractée et provinciale. Mercredi soir dans la Salle des Fêtes du Chesnay, Marine Le Pen, écharpe printanière rose autour du cou, forte du sondage du jour qui donne 35 % des Français en adhésion avec ses idées, « c’est une dynamique : plus il y a de gens qui adhèrent à nos idées, plus il y a de gens susceptibles d’adhérer à nos idées », est venue au cœur des Yvelines soutenir ses candidats (23 listes) rassemblés pour l’occasion.
Avec actuellement aucune municipalité et seulement 60 conseillers municipaux, le Front national va forcément, sauf grosse surprise, faire un énorme saut quantitatif brusque : « Si demain nous réussissons à gagner des villes et à faire élire 1 000 conseillers municipaux, je ne sais pas quel parti serait capable d’une telle progression d’une élection à l’autre. »
Marine Le Pen aspire à ce challenge : « Les municipales vont nous permettre de faire nos preuves. Un tiers des Français partagent nos idées. Mais les Français attendent de nous que nous fassions nos preuves une fois élus. C’est légitime. Et moi aussi j’attends ça. Je n’ai pas peur de ce challenge. Nous analysons je crois les préoccupations des Français de la façon la plus fine qui soit car nous les ressentons nous-mêmes, nous les éprouvons, nous les avons au cœur. »
La présidente du Front national a salué « la lucidité du peuple suisse » après la victoire du oui à la votation organisée contre « l’immigration de masse ».
« Il s’agit d’une victoire nette du peuple suisse contre ses élites, la technostructure de l’Union européenne et la bien-pensance qui n’épargne aucun pays d’Europe. Elle doit renforcer les Français dans leur volonté d’arrêter l’immigration de masse et de reprendre la maîtrise de leurs frontières face à l’Union européenne. On ne peut pas gouverner indéfiniment contre son peuple. »
Marine Le Pen s’est dite choquée par la réaction de l’Union européenne : « C’est l’Union soviétique européenne. Ils ne peuvent pas envoyer les chars, il n’y a pas encore d’armée européenne. Mais ils pratiquent la menace et le chantage. »
C.P.

Présent  Les bibliothèques municipales de Versailles, Saint-Germain-en-Laye, Viroflay et Le Chesnay auraient subi ces derniers jours des pressions pour qu’elles retirent des rayonnages des livres ayant trait à la théorie du genre. Ici au Chesnay, le maire UMP Philippe Brillault a du coup fait mettre ces livres hors de portée des enfants. Quelle est votre position sur cette question ?
MLP — Moi je ne suis pas pour que l’on retire des livres des bibliothèques. Je suis plutôt pour qu’on en ajoute. Je pense que c’est aux parents de surveiller ce que leurs enfants lisent. Et pas à la bibliothécaire. Il faut être un peu cohérent. On ne peut pas en même temps reprocher aux professeurs, comme je suis assez d’accord pour le faire, de vouloir éduquer les enfants à la place des parents et en même temps faire porter à la bibliothécaire ou au maire la responsabilité du fait qu’il y a des livres qui ne doivent pas être mis entre les mains des enfants. Le mieux c’est quand même d’être derrière eux pour voir quels sont les livres qu’ils empruntent. C’est le rôle des parents, ça. Je ne trouve pas que ce soit une bonne méthode d’effectuer ce genre de réclamations. Je la trouve un peu contradictoire.
Le Parisien — François Siméoni candidat RBM de Versailles, a été interdit de monter à la tribune de la Manif Pour Tous de Versailles en décembre, alors qu’il a signé la charte LMPT. Qu’en pensez-vous ?
MLP— Je pense que c’est regrettable parce que c’est soit personne à la tribune, soit tout le monde. Moi je n’avais pas participé à cette manifestation parce que je considérais qu’il s’agissait là d’un mouvement citoyen et que je trouvais les tentatives de récupération politique extrêmement condamnables. L’arrivée de Copé à la Manif pour Tous avec son bulletin d’adhésion collé au front, j’ai trouvé ça tellement énorme et tellement chaussé de gros sabots que ça m’a paru critiquable. Mais à partir du moment où des élus prennent la parole à la tribune de la Manif pour Tous, il n’y a absolument aucune raison pour que le seul mouvement qui s’est engagé à revenir sur le « mariage » homosexuel soit le seul à ne pas être autorisé à parler. Cela prouve que si instrumentalisation il y a, elle a déjà eu lieu. Et que la captation a peut-être déjà eu lieu. Mais ceux qui participent à ces manifestations ne sont pas dupes de cette situation. Et ils votent selon leur conscience et selon les engagements des uns et des autres. J’ai entendu l’UMP faire beaucoup de bruit contre le « mariage » homosexuel et puis finalement dire « Ah ben ! maintenant c’est voté, on ne pourra rien faire. » Nous, nous ne sommes pas comme ça. Je l’ai dit très clairement. Je ne suis pas allée défiler, je ne suis pas arrivée avec mon bulletin d’adhésion sur le front, mais moi je reviendrai sur cette loi.
Présent — Vous lancez aujourd’hui même une pétition nationale pour l’organisation en France d’un référendum sur la politique d’immigration après le résultat en Suisse. Vous êtes sûre du résultat ?
MLP — Je suis absolument sûre du résultat. Sûre de l’organisation du référendum, non. Puisque ce référendum présenté comme étant d’initiative populaire par Nicolas Sarkozy est un mensonge éhonté. Non seulement il faut 4 millions de signatures alors qu’il en faut 400 000 en Italie qui est un pays à peu près similaire en nombre d’habitants, mais de surcroît il faut l’onction de près de 300 députés ou sénateurs, ce qui correspond en réalité à une incapacité à organiser un référendum de ce type chez nous. Voilà encore une promesse qui n’a pas été tenue et qui était un bel enfumage de Sarkozy. Mais si ce référendum était organisé, bien sûr que majoritairement les Français voteraient la même chose que les Suisses. Et probablement dans des proportions plus importantes.

Paman ? Mapan ? Ou papan ?


La nouvelle loi sur le mariage civil adoptée récemment dans la province canadienne de la Colombie Britannique démasque l’hypocrisie et le conservatisme rétrograde des promoteurs français de la loi sur le mariage pour tous.
En autorisant les mariages homosexuels ces derniers sont restés prisonniers des préjugés combien mesquins qui ont enfermé les familles gay dans le carcan du couple traditionnel.

Boris Toumanov
Cette couardise des socialistes français saute aux yeux quand on constate que la nouvelle législation civile de la Colombie Britannique permet à l’enfant d’un couple homosexuel d’avoir trois et même quatre parents ! La ville de Vancouver a déjà créé un précédent en inscrivant les noms de trois parents dans le certificat de naissance d’une petite fille née dans une famille lesbienne. L’une des femmes a été rendue enceinte par un ami du couple qui a été reconnu père de la petite Anne Richards qui aura donc deux mamans et un papa.
Cela ouvre devant le trio des possibilités très variées pour continuer l’expérience. Par exemple rien n’empêche le géniteur d’Anna de mettre en cloque une fois de plus sa mère biologique ou de se rabattre sur sa concubine. Dans ce dernier cas nous assisterons à une légalisation de facto de la polygynie, ce qui nous rapprocherait des traditions musulmanes. C’est vraiment une honte que les socialistes français n’aient pas pensé à une telle ouverture, sachant pourtant que la culture de l’islam est désormais bien encrée dans l’hexagone.
Il n’est pas exclu non plus qu’un autre homme vienne se joindre au père de la petite Anna pour contribuer à la naissance d’autres enfants dans cette famille, et dans ce cas leurs futures progénitures auront deux mères et deux pères légitimes. Ou de trois mamans et d’un papa s’il s’agit non d’un homme mais d’une lesbienne en plus.
Conclusion : les adeptes du politiquement correct déconnent, les enfants trinquent.

Intégration : le petit livre noir des politiques qui ont échoué avec fracas


Le gouvernement présente ce mardi sa feuille de route sur l'intégration qui, selon le premier projet qui a circulé début février, reprendrait un certain nombre de pistes d'un rapport controversé sur le sujet. Matignon a précisé que la future politique d'intégration s'appuiera sur deux piliers : «l'accueil des primo-arrivants» et la «lutte contre les discriminations».

Quels sont les principaux écueils rencontrés dans les approches de l'intégration des populations immigrées ? Quels sont les principaux obstacles générateurs de frictions que les pays rencontrent systématiquement ?

Guylain Chevrier : L’immigration relève d’une politique des flux migratoires et donc de choix politiques essentiels. On n’autorise pas sans conséquences la venue dans n’importe quel pays de dizaines de milliers voire de centaines de milliers de personnes, travailleurs, familles, sans anticipation et sans penser à leur accueil, à la capacité d’accueil aussi car tout a ses limites. C’est une erreur de penser qu’il ne s’agirait là que de choix humanitaires, alors qu’il en va de la possibilité et du bien fondé d’une politique avec son volet économique, social, et ses enjeux au regard de la citoyenneté. Ceux qui plaident pour la fin des frontières sont des démagogues dangereux qui exposent les immigrés au ressentiment et à la vindicte populaire, comme on donne des signes de victimage en en faisant des bouc-émissaires tout désignés.
Un autre écueil est d’ignorer que tout apport de population extérieure est relatif à un rapport, qu’on le veuille ou non, entre coût et bénéfice, lorsqu’il est question de se référer aux richesses créées et à la redistribution de celles-ci à l’échelle d’un pays. C’est encore plus vrai dans un pays dont l’Etat, comme c’est le cas de la France, fait de cette redistribution un aspect central de sa politique sociale. Pour autant, une immigration dite choisie ou sélective, pose aussi ses problèmes, en recentrant l’immigration uniquement sur l’aspect économique qui est trompeur on élude la question d’une intégration globale qui concerne aussi les aspects de vie commune, de vivre-ensemble, de comment on fait ou non société.
Il y aussi l’écueil d’ignorer l’importance que revêt la dimension culturelle qui peut être très éloignée des valeurs communes du pays d’accueil, y compris même les droits de l’homme qui ne sont pas aussi universels spontanément qu’on le croit. Bien des pays d’émigration ignorent ces droits et génèrent dans leurs populations des repères aux antipodes du triptyque Liberté-Egalité-Fraternité ou encore de l’égalité hommes-femmes. Sans compter encore avec la diversité des cultures, des cultures qui, si elles peuvent apporter de la richesse, peuvent aussi apporter du risque, lorsqu’elles revendiquent la remise en question des règles du pays d’accueil sous une logique communautaire qui joue de sa force pour faire pression en réclamant des adaptations de celles-ci, au nom de la religion, de la culture, de l’attachement à une origine. C’est ainsi que l’on en arrive à la discrimination positive.
C’est là d’ailleurs que la césure se fait entre deux modèles d’accueil et d’intégration. Il y a le modèle d’une organisation de la société qui part des différences ethniques, d’origine et de religion pour s’organiser. On y considère que l’immigré est prédestiné à rejoindre dans le pays d’accueil une communauté qui est la sienne où on reproduit la culture du pays d’origine en se mettant à part, en ne se mélangeant que peu ou pas. Il s’agit du multiculturalisme. Et puis il y a le modèle d’intégration considérant les étrangers d’abord comme des égaux en droit, auxquels il est question d‘appliquer les mêmes principes et exigences, devoirs qu’à tous les autres. C’est particulièrement le cas de notre modèle d’intégration républicaine à la française fondé sur le principe d’égalité. Pour autant, il est question de laisser une place aux différences dans la mesure où celle-ci ne viennent pas télescoper les principes communs.
Même dans une société dont l’organisation est fondée sur l’intégration républicaine, trop d’immigration conduit à rendre caduque cette dernière. Il faut du temps et une certaine mobilisation de moyens pour réaliser les conditions pour que chaque individu, à travers un parcours d’intégration, puisse trouver sa place non seulement comme agent économique mais comme membre à part entière de la société. Trop d’immigration conduit, en raison des difficultés d’intégration que cela implique, particulièrement dans un contexte de dépression économique avec ses conséquences sociales, à des regroupements communautaires et à la constitution de groupes rivaux. Il en découle l’effacement de la citoyenneté à la faveur d’intérêts particuliers liés à des groupes communautaires et l’éloignement de toute idée de faire peuple. 
Maxime Tandonnet : La cause fondamentale de l'échec des politiques d'intégration tient à la difficulté d'adapter la politique d'accueil à la situation économique. Dans les périodes de forte croissance et de prospérité, l'intégration s'effectue naturellement, par le travail, l'école, le climat général qui est à l'ouverture et à l'optimisme. Dans les périodes de stagnation et de chômage, au contraire, l’immigration se traduit par l'exclusion et les tensions inter-communautaires. Dans les années 1960, les Européens ont accueilli de grands mouvements d'immigration de travail sans anticiper sur la crise de 1974 et le chômage massif qui a précipité des quartiers entiers dans une situation désastreuse. Une partie des difficultés de l'intégration que nous connaissons aujourd'hui provient de cette période.
Moustafa Traoré : A cause de l’histoire et des relations différentes qu’elles ont pu avoir avec les territoires qu’elles ont colonisés, la France et la Grande-Bretagne présentent des divergences fondamentales en matière d’intégration des dites minorité ethniques. La définition sociologique du terme intégration renvoie à l’idée de « rejoignement » entre un individu (ou un groupe d’individu généralement minoritaire) et un ensemble d’individu (ou une communauté généralement majoritaire) de sorte à former un même ensemble commun.  

Le modèle français, qui s'est toujours méfié du communautarisme et a cherché une certaine assimilation a pourtant généré une large population immigrée rejetant la France et ne s'intégrant pas. Qu'est-ce qui a péché dans ce modèle ? L'idée de base était-elle mauvaise, ou est-ce sa réalisation qui a été ratée ?

Guylain Chevrier : Ce n’est pas le modèle d’intégration républicaine à la française qui a échoué mais les contradictions qu’il rencontre dans sa réalisation. On a laissé s’installer en France, parallèlement à une politique d’intégration fondée sur des principes républicains, une logique communautaire séparatrice, qui est de plus en plus dans le rejet de l’intégration. On constate dans tous les domaines des dérogations en faveur des religions, islam en tête, pour répondre à une montée des revendications communautaires (refus de femmes d’être soignées par un homme à l’hôpital, ouverture à des horaires particuliers de piscines réservées aux femmes, refus dans l’entreprise de certains hommes de serrer la main des femmes ou de se trouver sous leur autorité, demande de salles de prière dans l’entreprise, du halal à la cantine …), une réalité qui n’a cessé d’empoisonner le vivre-ensemble sous couvert de prise en compte de "la diversité".
Cette situation doit beaucoup à un clientélisme politico-religieux qui bafoue l’intérêt général en donnant de très mauvais signes aux populations en cours d’intégration ou qui ont été même intégrées sur un mode républicain un temps, et viennent à se mettre aujourd’hui à part. L’extension du voile en est un marqueur sans ambiguïté qui signifie le refus de se mélanger au-delà de la communauté de croyance, alors que le modèle républicain qui ne connait que des égaux en droits, appelle au mélange des populations et non à leur séparation.
Favoriser l’immigration aujourd’hui dans ce contexte, ne serait pas sans risque pour la France et les principes de sa République, car ce serait alors risquer de renforcer un peu plus cette logique de séparation et de jeu de pressions communautaires qui a ses conséquences politiques. On ne saurait oublier que le FN est en embuscade et attend que tombe le fruit mûr. Les Français, toutes enquêtes d’opinions confondues ne s’y trompent pas, ils rejettent la volonté de certains de vouloir imposer leurs règles au nom de leur religion à notre société.
C’est ainsi qu’une certaine défiance peut apparaitre à présent concernant l’immigration en France. Si les Français peuvent ressentir qu’il y a trop d’immigrés, c’est tout d’abord en raison de la crise de cohésion sociale, que la logique de séparation et des identités, qui semble trouver un écho dans le gouvernement, met gravement à mal. Il en va des valeurs collectives et des principes républicains auxquels les Français restent heureusement très attachés.
Maxime Tandonnet : Oui, la notion d'assimilation ou de creuset républicain est au cœur du système français. L'assimilation se fait essentiellement par l'acquisition de la langue française et des valeurs de la République. Le Code civil prévoit par exemple qu'elle est une condition de la naturalisation. La Constitution de 1958 souligne que la République française est indivisible et qu'elle ne reconnaît aucune distinction d'origine, de race ou de religion. Il n'y a aucune raison de remettre en cause ce modèle qui est le fondement de multiples réussites dans l'intégration. Nos difficultés proviennent de phénomènes de ghettoïsation de populations immigrées dans certains quartiers de banlieues dont les populations sont originaires à 50 % de l’immigration Sud-Nord, dévastés par le chômage, l'échec scolaire, la violence. Les zones de non-droit sont une réalité que tous les élus ou acteurs de terrain reconnaissent. Elles proviennent de phénomènes migratoires insuffisamment canalisés et organisés, accompagnés pendant près d'un demi siècle. Cela ne remet pas en cause le modèle d'assimilation français.
Moustafa Traoré : Approche Française. C’est ainsi que l’on parle en France de l’intégration des femmes dans les entreprises ou dans les corps professionnels dans lesquels elles sont peu représentées ; et il en va de même pour les personnes présentant le plus souvent un handicap. Cette intégration implique généralement des mesures, et une adaptation plus grande du corps intégrant afin d’accueillir ceux et celles qui ont vocation à être intégrés. Il est cependant intéressant de constater que lorsqu’il s’agit de minorités ethniques, dans le discours français, le sacrifice de transformation, et d’adaptation incombe alors plus au corps qui a vocation à être intégré, qu’au corps intégrant. Il s’agit là d’assimilation.
L’assimilation suppose l’adoption de la langue, de la culture, des codes et des valeurs du pays d’accueil au détriment de la langue, de la culture, des codes et des valeurs du pays d’origine. Il y a même le plus souvent abondons des identités d’origines. Cette conception trouve ces limites dans la mesure où toutes les communautés ou individus n’ont pas les mêmes capacités d’assimilation. De plus, l’assimilation est perçue pour beaucoup comme une continuité de la démarche civilisatrice entreprise par France depuis son engagement dans un processus colonial. Et finalement, l’expression extrême de l’assimilation s’illustre en Australie avec le peuple aborigène. Cette assimilation forcée de la "stolen generation" entre 1869 et 1973 est reconnu à partir de 1997 comme génocide, ce qui, sans doute explique depuis la réticence de certains hommes politique à utiliser le terme assimilation. On préfère utiliser en France le terme intégration là où on devrait plutôt utiliser le terme assimilation.

La Grande-Bretagne, qui s'est retrouvée à devoir accueillir de nombreuses nationalités et cultures différentes, a connu aussi de graves problèmes (émeutes en 2011, meurtre d'un soldat britannique en 2013). Ce modèle décrié de communautarisme assumé est-il nécessairement voué à l'échec ? Qu'est-ce qui n'a pas marché dans le modèle britannique ?

Guylain Chevrier : Ce qui ne marche pas, c’est qu’à un moment donné, les intérêts entre les communautés et le pays qui les accueille risquent de diverger, comme c’est le cas par exemple avec la communauté musulmane en Grande-Bretagne alors que cette dernière a été engagée aux côtés des Etats-Unis dans la guerre du Golfe par exemple, et plusieurs conflits opposant islam politique, voire terroriste, et Occident. Une société où il y a une prédestination à se séparer selon sa différence peut mettre même en danger ainsi les relations entre population du cru et immigration, en reproduisant dans le pays d’accueil des conflits internationaux. De plus, cela peut poser un problème de vivre-ensemble, lorsqu’il n’y a que peu ou pas d’accord sur un mode de vie commun en dehors de son aspect consumériste. Encore une fois, une addition de différences ne fait pas un pays.
La Grande-Bretagne l’a d’ailleurs appris à ses dépends en ayant été frappée par des attentats commis par des terroristes, non pas venus de l’extérieur mais soi-disant bien intégrés, ce qui a été un choc pour les Britanniques. En réalité, "bien intégrés" ici veut dire que sur le plan économique et dans leur communauté, ils avaient trouvé leur place. Ce qui à l’évidence ne suffit pas pour se penser comme faisant partie du peuple du pays d’accueil. Il manque toute une politique d’intégration citoyenne qu’en France on a pris au sérieux au plus haut point jusqu’alors. C’est David Cameron, l’actuel Premier ministre, qui a vu dans le modèle multiculturel anglais un échec. Il était question au départ, dans ce modèle multiculturel anglais, de mettre en œuvre un projet multiethnique censé pallier les répercutions de la décolonisation dans la métropole. C’est la reproduction de cet ordre de division sur le modèle de l’ex-Empire Britannique qui est un échec. 
Maxime Tandonnet : La Grande-Bretagne n'a pas échappé aux phénomènes de concentrations urbaines de populations d'origine étrangère. Son modèle communautariste a amplifié les désordres en favorisant le séparatisme et la radicalisation de populations qui se sont organisées entre elles, créant leurs propres associations, écoles, lieux de culte. Depuis une dizaine d'années, les Britanniques remettent en cause le communautarisme, mais il constitue une régle fondamentale d'organisation de la société, extrêmement difficile à réformer tant il imprègne les structures sociales et les habitudes quotidiennes. Ainsi, ils ont rendu obligatoire l'apprentissage de la langue anglaise pour s'installer au Royaume-Uni et instauré, dans les années 2000, un serment de fidélité à la Reine pour être naturalisé. 
Moustafa Traoré :  Approche Britannique. L’histoire de l’intégration à la britannique remonte à une conception séparatiste et au choix d’une existence juxtaposée des individus porteurs de traits culturels distincts. Cette conception est également favorisée par le fait que le Royaume-Uni est avant tout un composite de plusieurs pays (Angleterre, Pays de Galles, Ecosse et l’Irlande du Nord) avec des langues et des cultures différentes. Le sort réservé aux premiers esclaves Noirs affranchis en Grande-Bretagne est celui de la mise à l’écart. Il en sera de même pour la communauté juive au 19ème siècle et au début du 20ème siècle ou même avec la communauté Sud Asiatique, plus tard.  C’est cette conception qui donne naissance à la ségrégation aux Etats Unis, et plus tard à l’Apartheid en Afrique du Sud. Après la déclaration de Roy Jenkins en 1966 sur le processus d’accueil des immigrés en Grande-Bretagne, la politique d’intégration en Grande-Bretagne, connue sous le nom de Race Relations, va s’affirmer d’avantage et nous mener progressivement vers une société multiculturelle de fait mais également avec une volonté politique.
Contrairement à ce que beaucoup on voulut faire entendre, les émeutes qui ont eu lieu en 2011 en Grande-Bretagne après la mort du jeune Mark Duggan sont les premières émeutes post raciales dans la mesure où les émeutiers étaient principalement des blancs et des noirs touchés par la pauvreté et avides de biens matériels ; tandis que ceux qui, très souvent, protégeaient leurs commerces et mini entreprises étaient originaires du subcontinent Sud Asiatique. Il faudrait rappeler qu’à Birmingham, trois jeunes gens d’origine pakistanaise ont été tués lors de ces émeutes alors qu’ils tentaient de protéger leurs commerces contre des émeutiers.
Il est important de ne pas oublier que l’intégration est un processus en cours qui, en plus des paramètres historique de chaque pays, doit également être envisagé, aujourd’hui, à l’heure de la mondialisation, en prenant en considération les rapports et relations existants entre les autres nations du monde et la nation intégrante. Avec le mouvement des populations, les individus, plus qu’hier, sont dotés d’identités multiples qu’il faut également prendre en considération pour parvenir à un processus d’intégration idéal. C’est ainsi qu’une certaine opposition à la politique, perçue comme toujours impérialiste de la Grande-Bretagne, peut parfois porter atteinte au processus britannique d’intégrations des minorités ethniques. Tout comme l’affaire Merah en France, le meurtre d’un soldat britannique en 2013 en Grande-Bretagne, est une agression qui trouve sa raison et son explication dans la politique étrangère de la Grande-Bretagne. Ceux qui se sont rendu coupable de tels actes se pensent en guerre avec l’état britannique et en opposition avec sa politique menée dans des pays auxquels ces meurtriers s’identifient.

La Suède, le Danemark ou les Pays-Bas ont longtemps pensé avoir trouvé une formule d'intégration harmonieuse. Pourtant ces dernières années, émeutes urbaines et montée de l'extrême droite sont des réalités dans ces pays. Pourquoi ce qui était montré en exemple il y a dix ans est-il devenu aujourd'hui synonyme d'échec ? Qu'est-ce qui a changé dans ces pays ?

Guylain Chevrier : L’assassinat de personnalités publiques aux Pays-Bas tel que Theo van Gogh par un islamiste radical, les menaces de mort contre la députée du parti libéral VVD d’origine somalienne, Ayaan Hirsi Ali, qui a dénoncé entre autres les risques de l’islam traditionnaliste relativement à la place des femmes, a dû entrer dans la clandestinité en 2004. Des faits qui ont troublé l’image d’un pays paisible et d’une démocratie jusque-là tenue pour exemplaire. Les Pays-Bas sont, à l’image de La France, un pays d’immigration, et ils comptent une importante "communauté musulmane". Ils découvrent les problèmes que peuvent poser sur le long terme une logique de séparation qui va avec un rejet des valeurs du pays d’accueil, voire un combat contre celle-ci de la part de la « communauté musulmane ».
Le Danemark, longtemps réputé pour son ouverture à l’immigration, a changé de cap. Il se trouve confronté depuis quelques années à la montée de l’islamisme sur son territoire. En juillet 2013, Inger Støjberg, porte-parole de l’opposition, a rédigé une tribune à ce sujet, priant les musulmans mécontents de quitter le pays. Lorsqu’elle était à la tête du ministère de l’Emploi et de l’Egalité des chances de 2009 à 2011, elle s’était positionnée en faveur d’une limitation de l’accès aux étrangers sur le territoire danois, dans le contexte plus général d’une crise de l’Etat-providence. En effet, de nombreux étrangers fraichement arrivés de leur pays étaient perçus comme profitant automatiquement et largement des prestations sociales danoises et ce, sans verser de contrepartie, ce qui était notamment critiqué.
Cette fragilisation se retrouve dans d’autres pays scandinaves comme la Suède, qui a préféré adopter l’intégration par le multiculturalisme. En mai dernier, le pays s’est ainsi retrouvé confronté à d’importantes émeutes dans des banlieues pauvres de Stockholm, et ce durant plusieurs nuits. Ces banlieues, principalement habitées par des populations immigrées sont perçues comme de véritables ghettos. Dans un pays aussi paisible que la Suède, ces nuits d’affrontements entre une certaine jeunesse des banlieues et les forces de l’ordre ont eu l’effet d’un électrochoc pour la population.
En Norvège ou au Danemark, le sentiment national est très développé et semble remis en cause par une partie de l’immigration qui apparait de plus en plus réfractaire à adopter les valeurs du pays d’accueil. Les populations scandinaves semblent de plus en plus réfractaires elles, du coup, à accueillir davantage d’immigrés sur leur sol. Une situation qui favorise la montée de l’extrême-droite.
Maxime Tandonnet : Ces pays ont vu en quelques années les populations de certains quartiers urbains se diversifier. Le décalage est profond entre l'image qu'ils ont donnée, notamment la Suède, qui s'est toujours voulue un modèle, et la réalité quotidienne, le vécu des populations. Une partie de leurs habitants voit notamment dans l'immigration une source de problèmes et vit mal la montée en puissance de religions et de modes de vie différents.Le choc est d'autant plus fort pour la Suède et le Danemark qu'ils ne sont pas, comme la France, des pays à  tradition ancienne d'immigration. Les Pays-Bas se sont toujours considérés comme étant à l'avant-garde de la tolérance et de l'acceptation des communautés, opérant une distinction officielle entre les populations allogènes et autochtones, incitant les entreprises à publier des photographies de leurs cadres dirigeants pour s'assurer de leur effort en faveur de la diversité. Les Pays-Bas ont beaucoup durci leur politique ces dernières années, imposant par exemple des examens de néerlandais aux candidats à l'immigration.

L'Allemagne semble partagée entre l'acceptation des signes religieux extérieurs, et son interdiction dans plusieurs champs de la vie publique. Quelle est la situation dans un pays où les émeutes semblent moins nombreuses, bien que de nombreux naturalisés ne se réclament pas de l'identité allemande ?

Guylain Chevrier : L’Allemagne voit d’abord l’immigration comme un facteur démographique, dans un contexte où ce pays voit diminuer sa population avec un taux de natalité de 1,4 point par femme, bien en dessous des 2,02 qui représentent le seuil de la reproduction des générations. C’est aussi une immigration de travail. A ne voir que le côté utilitaire de l’immigration on en néglige la dimension citoyenne de l’intégration qui implique le partage de valeurs communes, l’idée d’appartenir au même peuple. A ce compte là, on peut croire que l’on peut laisser venir des centaines de milliers d’étrangers et les laisser s’organiser à leur guise sur le mode de la séparation communautaire selon leurs religions, origines, cultures diverses sans dommage, ce qui est totalement faux. C’est ainsi que ce pays en est arrivé à cette situation, très bien décrite par un journaliste d’un grand quotidien allemand qui expliquait, qu’il était très bien que les femmes turcs affirment leur religion, leur différence, leur culture à travers le voile, parce qu’elles ne seront selon lui, jamais considérées comme des femmes allemandes. Il est vrai que le droit du sol n’a fait son entrée que récemment dans le droit allemand qui était dominé par le droit du sang, ce qui ne pouvait que pousser à séparer Allemands du cru des autres renvoyés à leurs diverses origines. Le constat récent de la chancelière allemande a été sans appel, celui d’un échec du multiculturalisme pratiqué en Allemagne. Une séparation entretenue entre allemands d’origine et les autres, nuit à la nécessité d’une certaine cohésion. 
Maxime Tandonnet : L'Allemagne a eu conscience dès le début des années 1960 de la nécessité de favoriser un mélange des populations, une mixité de l'habitat. Les phénomènes "urbains" sont par conséquent moins marqués qu'ailleurs même s'ils existent aussi. Elle a évolué dans sa conception de la nationalité en favorisant le droit du sol, inspiré du modèle français, qui n'existait pas avant 2000. Il me semble qu'elle se heurte aussi à des difficultés et des préoccupations, même dans des formes différentes qu'en France, par exemple autour des mariages forcés ou des "crimes d'honneur". Les Allemands ont une conception du respect de l'ordre public et de la loi sans doute plus rigoureuse qu'ailleurs, en particulier les pays latins, qui évite ou atténue des phénomènes comparables aux violences urbaines.

L'Espagne aussi a connue des problèmes d'intégration avec des populations immigrées d'Amérique latine, qui avaient pourtant la même religion et parlaient la même langue. Les ressemblances culturelles ne sont donc pas un atout pour réussir une politique d'intégration ?

Guylain Chevrier : Il en a surtout été, dans les années 2000, d’une immigration économique sur le fondement du partage d’une même langue et d’une filiation historique, mais cela n’a pas suffit car, dès lors que la crise a frappé fort l’économie espagnole, on a organisé le retour en masse dans leurs pays d’origine ces immigrés qu’on avait exploités, pour un coût exorbitant. L’immigration ne saurait être qu’une variable d’ajustement, il faut qu’elle soit maitrisée et corresponde à une véritable politique publique, avec un projet global qui tienne compte de l’ensemble des aspects de l’intégration et n’hésite pas à être exigeante. Par ailleurs, concernant l’immigration extra-européenne, les attentats de Madrid de 2004 liés à des réseaux jihadistes, ont aussi laissé des traces et créé une certaine défiance.
Maxime Tandonnet : Tout ne se réduit pas à la question des cultures ; la situation économique, le rapport au travail et au logement jouent aussi considérablement. Cela dit, l'immigration d'Amérique latine ne me paraît pas poser un problème insurmontable à l'Espagne.

De l'autre côté de l'Atlantique, le débat reste vif aux Etats-Unis sur la régularisation de millions de clandestins, que refuse une bonne partie de la classe politique. Pourquoi l'Amérique, dont l'intégration des immigrés est une composante de son identité, ne semble-t-elle plus très sûre de son modèle ?

Guylain Chevrier : L’immigration commence à être fortement contestée au Etats-Unis, qui est tout de même, avec la France, la première terre d’accueil au monde. Tout atteint à un moment ses limites, d’autant plus dans un contexte de sous-emploi. Cela est à mettre en rapport, plus encore avec les problèmes que posent les communautés et une discrimination positive qui est loin de faire aujourd’hui l’unanimité dans la population dite majoritaire au regard de ses résultats médiocres pour la masse des individus. En dehors d’une middle class américaine issue de l’immigration modeste, qui est la façade du système, l’essentiel des populations immigrées reste aux marges de la réussite sociale. L’esprit de la ségrégation est encore très présent dans certains Etats et on y vit séparés.
Il y a une crise de la citoyenneté aux Etats-Unis, que l‘on n’évoque pas, qui concerne des dizaines de millions d’Américains issus de l’immigration qui sont laissés sur le carreau. Il suffit de se remettre en mémoire que depuis l’ouragan Katrina de 2005 qui s’est abattu sur la Louisiane, essentiellement habitée par des Noirs, rien n’a été fait jusqu’à aujourd’hui. Les choses sont restées en l’état, et l’élection si mythifiée d’Obama n’y a rien changé. La logique de séparation communautaire conduit aussi à ce type de cynisme par absence de solidarité collective. Une solidarité qui correspond au sens que prend pour chacun l’intérêt général lorsque l’on fait réellement peuple et non lorsqu’on ne constitue qu’une addition de différences. Un modèle de réussite relatif à la promesse que tous puissent devenir riches ne suffit pas à faire corps commun, une nation, un corps politique.
Les Etats-Unis se sont créés sur des vagues d’immigration successives mais surtout, la politique des identités avec l’affirmative action, la discrimination positive s’est traduite par un marquage des différences. Dommage, car ce pays, avec son histoire, aurait eu besoin, encore plus qu’un autre, d’une politique d’intégration fondée sur l’égalité des droits et la mixité, le mélange des populations, pour dépasser les démons de son passé. Il y a une forte crise d’identité aujourd’hui qui touche tous les pays développés du côté de l’Occident, qui les contraint à se poser des questions sur leurs modèles d’intégration et la place de l’immigration. Sans doute le modèle français devrait-il inspirer réflexion à condition qu’en France même on ne le détricote pas en cédant aux sirènes du multiculturalisme et du clientélisme politico-communautaire qui en est indissociable.
Maxime Tandonnet : Les inquiétudes outre-Atlantique me semblent porter notamment sur la place de l'anglais comme pilier de l'identité américaine, concurrencé par la montée de l'espagnol, liée à l'immigration en provenance de l'Amérique latine. C'est la raison pour laquelle les Américains ont construit ces dernières années un mur à leur frontière avec le Mexique. Il est vrai que l'immigration est une composant de l'identité américaine, mais l'afflux de migrants d'Amérique latine est aussi perçu comme une menace contre un autre aspect fondamental de cette identité : la prédominance de la langue anglaise.Cela explique les réticences face à la perspective d'une régularisation globale.


François Hollande aux Etats-Unis : petites gaffes en série à Washington

La visite d'Etat de François Hollande aux Etats-Unis, qui s'achève ce mercredi, a été émaillée des quelques bévues venues de sa délégation, mais pas que.

La visite d'Etat de François Hollande aux Etats-Unis ne s'est pas totalement déroulée sans accrocs : récit en trois temps des à-côtés de ce voyage.
Jean-Paul Huchon, qui fait partie de la délégation accompagnant François Hollande pendant son séjour aux Etats-Unis, a tout d'abord commis plusieurs impairs à en croire un article duPoint. Ce lundi, le président PS de la région Île-de-France est descendu de l’avion avec son portable vissé à l’oreille, ne prêtant visiblement pas attention aux hymnes nationaux français et américain qui étaient joués quand il a foulé le tapis rouge... Autre gaffe, le lendemain, il a tout simplement oublié de se réveiller pour l’accueil officiel à la Maison Blanche par le couple Obama. Le Point précise que cette panne d’oreiller ne l’a pas empêché d’être invité au dîner de gala le soir même.
Deuxième temps avec Pierre Gattaz, lui aussi présent dans la délégation française, qui a critiqué le pacte de responsabilité de François Hollande lors d’un point presse informel à Washington. D’après des propos rapportés par Le Figarole patron du Medef aurait lancé : "Quand j'entends parler de contreparties dans ce pacte, j'entends aussi des gens qui me disent, on va vous contraindre, on va vous obliger, si vous n'y arrivez pas vous allez être punis, on va vous mettre des pénalités. Il faut arrêter ce discours qui est insupportable. Nous ne sommes pas dans une cour d'école". Une sortie qui est mal passée dans l'hexagone : le recadrage n’a d'ailleurs pas tardé, de la part de Matignon. Jean-Marc Ayrault a souhaité à "M. Gattaz, quand il sera revenu en France, [de] rencontre[r] vite les organisations syndicales comme c'était prévu pour engager le dialogue social vraiment sur le pacte". Avant de glisser, sur un ton glacial : "Je pense que le décalage horaire peut parfois poser des problèmes."

The Colbert Report
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Pour finir : en invitant au dîner de gala, mardi 11 février, Stephen Colbert, la Maison Blanche a-t-elle commis un impair ? Assis à côté de Michelle Obama et donc à proximité immédiate du président de la République, cet humoriste a comparé dans son show, le 15 janvier dernier, François Hollande à Quasimodo. Metronews souligne que, pour le moment, personne ne s’est publiquement offusqué de sa présence.

Le billet de Michel Schifres

Coeurs brisés


La justice française vient de donner satisfaction aux fans de Michaël Jackson. Elle leur a accordé, la semaine de la Saint-Valentin, la notion de préjudice affectif. Craignons que cette première mondiale ne donne lieu à de multiples procès, y compris contre le plus haut niveau de l’Etat. Ainsi l’aile gauche des socialistes risque de démontrer combien son amour pour François Hollande a été bafoué puisque l’ennemi du chef de l’Etat ne semble plus être la finance. A l’inverse des patrons tombés raides dingues du pacte de responsabilité plaideront, le cœur brisé, le sentiment de trahison qui les étreint. Tous, drapés dans le préjudice affectif, réclameront réparation. Heureusement, le génie français, d’une grande sagesse, a prévu dans ce cas l’irresponsabilité du Président.

Au pays de la liberté d’entreprendre

Au pays de la liberté d’entreprendre


François Hollande avait déjà décroché, au nom de la France, un nombre impressionnant de records : jamais il n’y a eu autant d’impôts et de taxes, jamais les dépenses publiques n’ont été aussi élevées, jamais l’endettement n’a été aussi lourd et jamais on n’a compté autant de chômeurs. Un palmarès consistant auquel vient de s’ajouter, pour 2013, le record du nombre de faillites : jamais dans notre pays il n’y avait eu autant de disparitions d’entreprises.
Dans ces conditions, exiger des entreprises des contreparties en échange de quelques promesses de baisses de charges est au mieux saugrenu, au pire irresponsable. En tout cas, cela ne peut – ne pourrait – se produire que s’il existait un minimum de confiance entre les deux parties prenantes au deal : le patronat et les politiques. Or on en est loin, comme en témoigne le mini-clash qui s’est produit autour des déclarations de Pierre Gattaz sur le Pacte de responsabilité, il y a deux jours à Washington.
C’est d’ailleurs une vieille histoire, cette chronique de la méfiance réciproque entre deux mondes qui, dans la plupart des pays modernes, se respectent et qui chez nous se suspectent. Une tradition qui n’est pas près de s’éteindre, compte tenu du climat actuel.
En visite dans la Silicon Valley, terre nourricière des projets entrepreneuriaux les plus audacieux, lieu de liberté et de créativité, François Hollande a découvert, trente ans après François Mitterrand, qu’il existait un endroit où plus qu’ailleurs, ces deux univers se respectent et s’épaulent. Parmi toutes les images enchantées que le président de la République aura sûrement rapportées de son voyage aux Etats-Unis – dîner de gala, petit concert privé, cordialité de son « ami Barack » et voyage dans son Air Force One – espérons qu’il en est une qui restera longtemps et, sait-on jamais, l’inspirera bientôt : celle d’un pays où il fait bon entreprendre.

Face à Internet, la presse écrite a-t-elle encore un avenir ?


La Tribune publie chaque jour des extraits issus de l'émission "28 minutes", diffusée sur Arte. Aujourd'hui, l’avenir de la presse écrite se trouve-t-il sur la toile ?
300 suppressions de postes de journalistes en 20
13. Alors que les quotidiens nationaux souffrent d'une baisse moyenne de 15,35% de leur vente aux numéros (recul record de 29,53% pour Libération), les effectifs ne cessent de s'amoindrir au sein des rédactions.
De gauche ou de droite, politisés ou non, grand public ou spécialisés, sportifs ou économiques… cette décadence semble affecter tous les secteurs de la presse papier.
Pendant ce temps, les "pure players" eux se portent bien : Mediapart, Rue89 ou encore Slate… l'avenir de la presse écrite se trouve-t-il sur la toile ? 

Crise des comptes publics et trou de la Sécu : pourquoi il est temps de sauver l’Etat providence en revenant aux principes de 1945


Le rapport annuel de la Cour des comptes, qui a, cette année encore, appelé à contenir davantage les déficits publics, a notamment engagé le gouvernement à réduire les dépenses sociales. Comment y parvenir sans trahir l'esprit de l’État providence.

Dans une période de restriction budgétaire, les craintes de voir une certaine dose d'Etat-providence disparaître sont monnaie courante. Mais concrètement, quels sont les éléments qui constituent réellement le cœur du concept d'Etat-providence tel qu'il a été défini et en partie mis en place après la Seconde Guerre mondiale ?

Patrice Baubeau : L'Etat-providence est une manière d'assurer une solidarité entre les gens qui habitent sur le territoire français. Cela permet de couvrir les risques liés à la santé, les questions familiales, les accidents du travail et les retraites. C'est toujours plus ou moins le schéma dans lequel on se trouve aujourd'hui depuis 1945.
On peut lire depuis la notion de risque avec quatre éléments qui se sont d'ailleurs étalés dans l'histoire (il y eut une loi sur les accidents du travail en 1898, une autre sur les retraites ouvrières et paysannes en 1910, et des lois en 1928 et 1930 jetant les bases de la sécurité sociale) avant de retrouver réunis en 1945. On peut aussi faire une classification selon la nature du risque (travail / famille / maladie) ou même voir les choses selon un aspect soit assurantiel comme la maladie, où on dépense chaque année ce que l'on collecte pour assurer les risques globaux, soit dans une logique de prélèvements auprès d'une catégorie active de la population pour redistribuer à une catégorie inactive (comme par exemple la retraite).
Jacques Bichot : Le mot Etat-providence n'a pas été employé dès la Libération ! On parlait à l'époque de "sécurité sociale" qui a remplacé l'ancien terme des "assurances sociales".  Ce passage a représenté un pas vers l'Etat-providence, mais ce dernier correspond plus au "Welfare state" anglo-saxon, où l'Etat étant chargé du bien-être de la population prend justement les rênes de la sécurité sociale.
En France, une étape intermédiaire a été franchie au milieu des années quatre-vingt-dix lorsque le premier ministre Alain Juppé parvient à faire passer les lois de financement de la sécurité sociale, qui deviennent votées comme des lois de finances. A partir de là, on entre vraiment dans l'Etat-providence.

Parmi la masse de tous les dispositifs de protection sociale qui ont été rajoutés depuis – et qui ont fait gonfler le niveau des dépenses – quels sont les éléments qui, tout en étant avancé comme des clés de l'Etat-providence, n'en font pas vraiment partie ? De quoi pourrait-on donc se passer sans remettre en cause ce concept ?

Patrice Baubeau : On peut penser que tout ce qui relève du risque très identifié, plutôt stable, pourrait sortir du cadre de l'Etat-providence si la loi encadrait fermement l'obligation de les couvrir d'un point de vue comptable ou assurantiel. Par exemple, les accidents du travail – notamment depuis la loi 1898 qui établit que l'employeur est toujours responsable sans forcément être coupable – sont largement couverts par des systèmes d'assurance indépendants de l'Etat, mais avec la surveillance de ce dernier (via des inspecteurs du travail). Le risque étant bien défini,  l'alternative privée existant, et l'Etat exerçant son contrôle du respect de la légalité, il pourrait être possible de sortir ce domaine de l'Etat-providence sans remettre en cause le concept. Cela ne veut par contre pas dire que ça serait plus efficace. On s'aperçoit en effet que sur certains domaines, une dépense prise en charge par l'Etat a des résultats d'une efficacité supérieure à la dépense privée. C'est notamment le cas si l'on compare, par exemple, le système de soins publics en France avec celui, majoritairement privé, des Etats-Unis.  Ce qu'il est possible de sortir de l'Etat-providence, et ce qui est le plus efficace, sont deux questions bien différentes !
Un autre exemple est celui de la retraite. Quand les ordonnances de 1945 ont été adoptées, l'idée était de généraliser à l'ensemble de la population un système global. Cela n'a pas eu lieu car certains ont voulu conserver leur régime historique, avec une préférence pour un gain de court terme plutôt qu'une vision de long terme. On a donc aujourd'hui une variété des régimes de retraite en France, bien plus importante qu'à l'étranger, avec un empilement des régimes de base avec des complémentaires issu de régimes mutualistes, des assurances-vie etc. Il pourrait donc y avoir là aussi des équilibres à faire changer et qui, malgré les apparences, n'ont pas de rapport avec l'Etat-providence.
Jacques Bichot : Les questions du logement, qui fait partie de l'Etat-providence mais pas de la sécurité sociale, pourraient être revues. Raymond Barre, avant qu'il devienne Premier ministre avait proposé d'abandonner l'aide à la pierre au profit de l'aide à la personne, pour simplifier le système (puisque aujourd'hui les deux sont cumulés). Cela aurait simplifié beaucoup de choses (en modifiant par exemple le rôle des HLM) sans remettre en cause le but de l'Etat-providence. Mais cela n'a pas été fait et on a préféré empiler les dispositifs puisque quasiment chaque ministre a sa loi pour renouveler indéfiniment la législation…

Y a-t-il à l'inverse des principes majeurs du concept qui ont été volontairement passés à la trappe en France alors même que beaucoup de politiciens se réclament encore de l'idée du maintien de l'Etat-providence ?

Patrice Baubeau : Ce qui est passé à la trappe, comme je l'évoquais, c'est l'idée d'une généralisation d'un régime de base pour les retraites. Cela avait clairement été annoncé en 1945, mais on n'a jamais réussi à aller plus loin. C'est d'autant plus dommage que les contextes économiques ont beaucoup changé, et que ces régimes antérieurs fondés sur la capitalisation ont, pour faire simple, fait faillite et plongé dans une grande pauvreté après la Seconde Guerre mondiale ceux qui en dépendaient. C'est pour cela d'ailleurs que l'on a créé le minimum vieillesse. Et chaque année – il existe aujourd'hui sous d'autres formes – il concerne de moins en moins de monde face à la montée en puissance des régime de retraite particuliers, alors que c'était finalement le seul régime qui était vraiment général (même si c'était effectivement un "minimum" qui est resté d'ailleurs extrêmement bas jusque dans les années soixante-dix). 
Jacques Bichot : Si une chose a fortement diminué, c'est la politique familiale. En 1945 elle était le cœur de l'Etat-providence et absorbait 45 % des dépenses de sécurité sociale, majoritairement via les allocations familiales et l'allocation de salaire unique, qui était un complément très important donné quand la femme restait à la maison pour s'occuper des enfants. C'était à l'époque vu comme un vrai progrès social car pendant toute une partie du XIXe siècle, l'idéal ouvrier était l'embourgeoisement, qui se caractérisait par la possibilité pour l'épouse de s'arrêter de travailler (les ouvriers appelaient d'ailleurs couramment leurs femmes "ma bourgeoise"). C'était un signe de réussite sociale. Le contexte était donc basé sur un ressenti très différent.

Pourquoi selon vous les Français sont-ils si attachés à la notion d'Etat-providence, même à droite ? Ont-ils vraiment conscience du contenu d'un tel concept ? Qu'est-ce qui est si fédérateur dans ce système ?

Patrice Baubeau : C'est une assurance extraordinaire et les gens le savent bien. Il suffit de voyager pour s'en rendre compte. Il a sans doute joué en France le rôle de frein dans le contre-choc démographique dans les années soixante-dix puisque la natalité en France ne s'est pas effondrée.
C'est également un système qui permet de vérifier ce que chacun gagne au quotidien : de très nombreux Français se rendent au moins une fois par mois dans une pharmacie ou chez un médecin, et ils peuvent constater de visu les avantages. D'autant que le système français combine des avantages importants comme un remboursement presque total tout en ayant le libre choix du médecin.
Jacques Bichot : L'Etat-providence joue des rôles utiles. La protection sociale est ce que l'on appelle un "bien supérieur", c’est-à-dire que la demande augmente en même temps que la hausse du niveau de vie, et elle augmente même plus vite. Les dépenses de médecine, et donc celles de l'assurance maladie, représentaient 2 % ou 3 % du PIB en 1945, elles sont aujourd'hui à 12 %. Le progrès technique considérable dans le domaine médical a entraîné une très forte demande (qui a largement dépassé la baisse de la politique familiale), et pour être solvabilisée, cette dernière a besoin de l'assurance maladie.  Or, cette logique économique de "bien supérieur" dépasse les clivages politiques. 
Sur la question de l'emploi, outre la hausse du chômage, on a une situation où les gens supportent beaucoup moins la perspective de la précarité. Auparavant, les individus comptaient davantage sur leurs économies, y compris les ménages modestes, et une solidarité plus grande permettait de mieux encaisser le choc. La demande de prise en charge était donc moindre mais a beaucoup augmenté avec la fin de ces phénomènes.

Le système de cohésion social français reposant beaucoup sur l'aspect assurantiel et sur les transferts de richesse, l'Etat-providence, le vrai, est-il réellement en danger dans cette période budgétairement délicate ?

Patrice Baubeau : Il faut faire la différence selon les branches. Pour la maladie, il y a un choix fait par les Français que l'on voit dans le niveau élevé de consommation des médicaments et la demande de services de soins. On peut considérer qu'ils sont prêts à payer si c'est nécessaire. C'est un peu différent pour la branche famille et la branche retraite. Dans ce dernier cas, on voit que la surenchère dans le débat dépend aussi de l'absence de socle commun, et où s'opposent donc systématiquement le public et le privé. De plus, on n'imaginait pas en 1945 la forte croissance de l'espérance de vie (notamment après la cessation de l'activité), le choc démographique et les changements dans la structure de l'emploi.
Jacques Bichot : Je pense que la formule Etat-providence, au sens strict du terme, est périmée. Elle peut cependant durer encore longtemps car les Etats peuvent jouer sur certaines économies, le maintien d'un taux d'emprunt élevé… Mais à long terme le management par l'Etat des assurances sociales me semble suffisamment mauvais pour que l'on doive évoluer vers d'autres solutions. Les pays qui le feront auront un avantage comparatif et une meilleure productivité de leur secteur social.