Les Français broient du noir, mais deviennent de plus en plus lucides
La France serait-elle actuellement défrisée par un vent de pessimisme ? Le Français auraient-ils trop tendance à voir le mauvais côté de leur situation ? C’est ce que tendent à démontrer plusieurs sondages effectués dans six pays européens (Le Monde daté du 7 mai) qui donnent tous le même résultat : la France emporte haut la main la pierre noire du pessimisme. Et pourtant, nous dit Claire Gatinois, qui compile et commente ses enquêtes d’opinions, « Les Français vivent presque comme les Allemands et semblent crier avant d’avoir mal ». Ainsi, « quand seuls 26 % des Espagnols et 29 % des Italiens parviennent à épargner, 43 % des Français mettent de l’argent de côté, contre 37 % en moyenne pour les Européens. Un chiffre qui frise le record des Allemands (44 %) qui eux vivent la crise comme une abstraction ».
Justement : l’Allemagne dans les années 1990 se trouvait dans le même marasme économique et social qu’actuellement la France. Un marasme social-démocrate aggravé par une réunification qui coûta à l’Allemagne (et aux contribuables de ce pays) la bagatelle de 500 milliards de marks. Mais, dès le début des années 2000, sous l’impulsion du chancelier (pourtant social-démocrate) Gerhard Schröder, l’Allemagne engagea une série de réformes, souvent drastiques et douloureuses, qui permirent son rapide (et durable) redressement. Des réformes que la France aurait dû, elle aussi, entreprendre depuis quinze ou vingt ans, mais qui ont été reportées année après année, nos politiciens ayant eux choisi le déni mensonger et l’évitement des efforts, remplacé par un endettement continu. La crise venue, les Français se sont donc retrouvés fort démunis, sans autre réserve que nos déficits et notre monstrueux endettement.
Nous aurions dû écouter Molière
Les Français vivent peut-être encore « presque comme les Allemands » mais demain (un lendemain très proche), ils savent bien qu’ils vivront beaucoup, beaucoup moins bien… Si la crise est une « abstraction » pour le peuple allemand, elle se concrétise et se matérialise de plus en plus pour les Français. Il y a trois siècles et demi Molière avait dit tout cela bien plus joliment que n’importe quel économiste contemporain :
Les dettes aujourd’hui, quelque soin qu’on emploie,
Sont comme les enfants que l’on conçoit en joie,
Et dont avecque peine on fait l’accouchement.
L’argent dans une bourse entre agréablement ;
Mais le terme venu que nous devons le rendre,
C’est lors que les douleurs commencent à nous prendre.
Faute de s’être fait arracher une ou deux dents au bon moment, nous nous retrouvons aujourd’hui avec toute la bouche infectée. Quelle que soit la douleur à venir, il faut maintenant passer par la chirurgie d’un rééquilibrage économique que nous ne pouvons plus différer. A l’inverse des Allemands, nos jours pénibles, par l’impéritie de nos dirigeants, sont toujours devant nous. C’est d’ailleurs en espérant que les remèdes de l’hypnotiseur Hollande seraient peut-être un peu moins cuisants que ceux du chirurgien Sarkozy que beaucoup de Français, peu tentés jusque-là par les socialistes, ont néanmoins, en mai 2012, voté pour leur candidat. Pas de chance : l’hypnose du docteur Hollande n’était, comme la plupart des médecines douces, qu’infâme charlatanerie.
Ses échecs à répétitions, dont on vient cette semaine de dresser le bilan, ne dissuadent pourtant pas complètement notre vendeur d’orviétans de continuer à nous proposer ses poudres de perlimpinpin. Surtout ses épigones, qui font pression sur lui pour qu’il ne change pas le contenu de ses flacons euphorisants. Franz-Olivier Giesbert (dont nous ne partageons bien sûr nullement l’engagement européiste) écrivait fort pertinemment dans Le Point de la semaine dernière : « La stratégie de l’évitement qui nous a conduits où nous sommes est donc toujours à l’ordre du jour. Mélangez morphine, hallucinogènes, paresse intellectuelle et vous aurez le texte du PS, un copier-coller des bouffonneries involontaires que l’on peut lire dans Le Monde diplomatique ou dans Alternatives économiques, nos deux bibles du vaudouisme appliqué aux finances publiques. »
En effet, le mot d’ordre des socialistes est toujours : « Continuons comme si de rien n’était. » En stéréo socialo et à crédit… sur fond d’incantations magiques ! Qu’importe que notre dette enfle encore puisque, comme le dit Mélenchon, un rebouteux (grand pourfendeur de Solfériniens) encore pire que le médicastre Hollande, « nous ne la paierons pas ». Ce n’est plus seulement de l’endettement, mais de la banqueroute organisée et de l’abus de confiance.
Le retour du bon sens et de nation ?
Ils existent tout un tas de divisions entre les hommes (sans que celles-ci soient nécessairement conflictuelles) : les convictions religieuses ou politiques, les idées, les intérêts, les classes sociales, mais aussi bien sûr les tempéraments, dont les deux grandes catégories se partageant entre pessimistes et optimistes. Les Français, vu le contexte social, politique et économique qui les entoure, n’ont aucune raison d’être exagérément optimistes. Surtout ceux qui endurent plus que d’autres les duretés de la crise : chômeurs en fin de droits, jeunes en quête d’un premier emploi, ménages dont le pouvoir d’achat s’amenuise sans cesse, petits retraités, salariés ne parvenant plus, à cause du prix des loyers, à se loger décemment (à moins bien sûr d’être immigrés). Pour le reste de nos compatriotes, la situation dans laquelle leur pays se trouve plongé (en grande partie par la faute de dirigeants imprévoyants, on ne le répétera jamais assez) explique leur sentiment « d’inquiétude » et « d’amertume ». Un pessimisme plus proche de la lucidité que du défaitisme.
Mal en point eux aussi, les Anglais gardent malgré tout une dose d’optimisme plus grande que nous : ils préfèrent penser que « tout cela est cyclique » et que leur pays va rebondir. Les Français, avec une industrie en capilotade – fermetures d’usines, délocalisations et appareil productif vieillissant, donc moins performant, parce que l’excès de charges sociales empêche les patrons d’investir dans leur renouvellement –, se demandent eux comment ils pourront bien rebondir. Un sentiment d’impuissance qui accentue sans doute leur déprime.
Impuissance aussi contre les ravages d’une mondialisation incontrôlée qui leur donne le sentiment, malheureusement pas inexact, d’être dans le camp des perdants de l’économie planétaire. Malgré tout, comme des gens désemparés qui ne savent plus trop à quoi se raccrocher, 55 % de Français pensent encore « que l’appartenance à l’UE reste un atout ». Alors que, et c’est là peut-être l’information la plus importante de ce panel de sondages, « 57 % des Allemands pensent qu’il s’agit d’un handicap ». L’Allemagne sera peut-être, demain, la première à sortir de la zone euro, et pourquoi pas de l’UE, de concert avec les Anglais. Et la France, souhaitons-le…
Oui au protectionnisme, non à l’immigration !
Autres faits positifs de ces euro-sondages : les Français sont de plus en plus demandeurs de protectionnisme et de plus en plus hostiles à l’égard de l’immigration. « Cette hostilité se retrouve chez les Britanniques, pour qui l’immigration est le problème à résoudre en priorité. Les étrangers représentent une concurrence déloyale, alors que les Français (…) leur reprochent la charge qu’ils font peser sur les comptes sociaux, assimilant immigration et assistanat. Le remède à la crise se résume ainsi : Ne plus permettre l’arrivée massive de personne n’ayant rien à faire en France (…), Redonner le goût du travail aux gens (…) Faire respecter notre pays, nos règles et lois. Un retour au bon sens tel que l’a toujours prêché le mouvement national.
Pour redonner le moral aux Français il faut impérativement changer de politique, donc de dirigeants. Et substituer à ces derniers des gouvernants n’ayant, pour guider la France dans les eaux tumultueuses de la mondialisation, où le risque d’un tsunami financier est désormais permanent, qu’une seule boussole : celle des intérêts nationaux. Tout le reste est idéologie mortifère.