TOUT EST DIT

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lundi 11 août 2014

Expatriation : chut, la France se vide !

L’expatriation des Français vers l’étranger s’amplifie. Pourtant personne n’en parle. Pourquoi ?

Je suis démographe, je sais que les Français émigrent massivement. Je suis un ancien dirigeant d’une entreprise internationale, je comprends pourquoi ils le font. Je suis un économiste libéral, je comprends encore mieux pourquoi. Mais, en dehors de quelques journaux économiques, personne n’y croit et les propos que je tiens sur ce sujet paraissent excessifs. Qu’en est-il et pourquoi ?
Combien d’émigrants ?
On ne connait pas leur nombre, parce que l’on ne recense pas les raisons des sorties du territoire (Tourisme ? Voyage de travail ?). En particulier, un cadre supérieur travaillant à Londres ou Bruxelles et rentrant à Paris le week-end ne sera pas pris en compte bien que ce cas soit le plus grave pour l’économie nationale comme nous le verrons plus bas.
Les chiffres officiels ne donnent ni l’immigration ni l’émigration, mais le solde migratoire (immigration moins émigration) : 40 000 personnes pour 2012. L’immigration se situant entre 200 et 300 000 personnes, l’émigration serait donc cette année-là de 160 à 260 000 personnes. Or, il semble qu’elle s’est accélérée depuis pour les raisons que nous allons voir.
C’est donc un phénomène massif.
Est-ce grave ?
Tout dépend de qui part et par qui il est remplacé : si nous perdions trois bons informaticiens, mais que trois génies de la Silicon Valley venaient s’installer en France, il n’y aurait pas de problème. Mais les causes de départ dont nous allons parler maintenant vont nous montrer que justement ce qui fait partir les uns fait que les autres ne viennent pas.
Pourquoi ?
Ces causes de départ et de « non-arrivée » sont à la fois psychologiques et fiscales, les deux étant bien sûr intimement liées. Les raisons psychologiques peuvent être résumées par le terme « sentiment anti-entreprise » et sont aggravées par un sentiment d’insécurité et d’incohérence. Cette hostilité a dans un premier temps facilité leur surtaxation, et freine actuellement la correction de cette erreur : les parlementaires continuant à proposer de multiples petites mesures alourdissant les impôts et les complications.
À mon avis d’ancien responsable d’une entreprise internationale, le plus grave ce sont les incohérences, car elles brouillent les messages. On constate en effet que le gouvernement français attaque « la finance », tout en demandant aux financiers de lui prêter à bas prix pour financer son déficit. Les attaques brutales contre les patrons étrangers et maintenant contre le Medef contredisent l’appel aux entreprises françaises et étrangères d’investir et d’employer en France.
Le plus maladroit a été de faire payer aux entreprises une pénalité de 75 % des salaires des cadres les plus brillants. Résultat : elles recrutent certains grands cadres à l’étranger, ainsi que toute leur équipe. Le grand cadre en question peut d’ailleurs venir de France et y rentrer chaque week-end. Comme nous l’avons dit plus haut c’est une catastrophe, sa famille bénéficiant des avantages scolaires et sociaux français tandis qu’il paye ses impôts à l’étranger.
Les grandes banques françaises délocalisent vers l’Inde des activités haut de gamme : informatique, back-office (Les Échos du 28 avril 2014), et autorisent leurs filiales, notamment à Londres, à recruter localement. Total a installé dans cette ville son service de trésorerie et la bourse de Paris ses gros ordinateurs. Le DG de Sanofi et son comité exécutif sont à Boston (Le Monde du 4 juin, qui titre « l’exode des états-majors du CAC 40″).
Et le mouvement s’étend aux sièges sociaux dans leur ensemble : Lafarge ira à Zurich après s’être réfugié dans les bras de son collègue suisse Holcim, Rhodia ira en Belgique chez Solvay. C’est autant d’emplois de moins en France qui pèsent sur les recettes fiscales, tant directement qu’indirectement du fait de la consommation qui disparaît. Pourquoi rester en France si on y paye plus d’impôts, qu’il est plus difficile d’y gérer son personnel et qu’en plus on se fait insulter ?
Donc on « vote avec ses pieds » en émigrant. André Bercoff et Déborah Kulbach publient chez Michalon Je suis venu te dire que je m’en vais, Julien Gonzalez publie chez la Fondation pour l’innovation politique Trop d’émigrés ? Regard sur ceux qui partent de France« , où est notamment repris ce sondage de 2013 selon lequel 51 % des 25-35 ans quitteraient la France s’ils le pouvaient. Or le monde entier recherche non seulement les plus qualifiés, mais aussi tous ceux « qui en veulent ». Quand je demande des nouvelles de leurs enfants à mes amis, ils me disent qu’ils sont au bout du monde.
Cela dépasse de très loin les exilés fiscaux recensés par Bercy (3 % des départs, d’après André Bercoff) : un entrepreneur qui se lance butte sur le coût des charges et la complication de la gestion du personnel, et se verra taxer à l’ISF et sur les plus-values s’il réussit. En attendant, comme il se rémunère peu ou pas du tout, sa fuite est ignorée par Bercy.
Londres est la grande gagnante de ces maladresses et incohérences, (décompte très partiel puisqu’il ne s’agit que des « investissements directs », et non des opérations signalées ci-dessus). Cela pour des raisons fiscales, mais surtout par la considération dont bénéficient les entrepreneurs et les entreprises, et par la liberté du marché de l’emploi (liberté qui ne crée pas de chômage puisque l’Angleterre crée 100 000 emplois par mois) ! « Nation de boutiquiers » disait Napoléon, sans voir que c’était justement sa force.
En résumé, l’émigration est un phénomène très grave, en nombre comme en qualité puisqu’il s’agit soit d’employeurs actuels ou potentiels, soit de futurs employés qui auraient dépensé et cotisé. On ne peut s’empêcher de penser à l’exode des huguenots poussés à quitter la France par Louis XIV. C’était pour des raisons religieuses dira-t-on, mais à l’époque le religieux était idéologique. L’État était catholique, les catholiques étaient traditionalistes et leur élite rentière, les protestants étaient entrepreneurs ou artisans qualifiés. Le résultat a été une catastrophe pour la France, et une bénédiction surtout pour la Prusse, mais aussi pour l’Angleterre, les États-Unis et même l’Afrique du Sud !
Pourquoi ce silence sur l’émigration ?
La France se vide Le HonzecPour des raisons idéologiques : en parler serait un aveu d’échec et remettrait en cause les convictions du petit monde qui nous gouverne.
Je risque une hypothèse : la plupart de nos décideurs, de leurs inspirateurs et de leurs exécutants, y compris à des niveaux modestes, ont des postes stables et des revenus fixes. En cas de problème, on recase les « grands » à la tête de tel organisme ou à Bruxelles. Au pire, ils retournent « dans leur corps d’origine », tandis que les plus modestes sont inamovibles. Cela se répercute sur leur vision du monde.
Par exemple, ayant des revenus fixes et assurés, il leur paraît évident qu’augmenter la pression fiscale augmente les recettes de l’État. Ils s’étonnent que ça ne marche pas. On trouve dans Le Monde du 2 juin 2014, deux articles sidérants sur ce sujet, que l’on pourrait résumer par : « sur les 28 milliards d’impôts attendus du fait des majorations, seuls 12 sont rentrés, donc Bercy a fait une erreur de calcul ».
Or l’erreur n’est pas de calcul, mais d’ignorance : ils ne « réalisent » pas qu’en dehors de leur milieu, les revenus sont variables et les emplois non garantis, et qu’augmenter l’impôt aura des conséquences qui vont en réduire l’assiette : l’émigration justement, mais aussi l’assèchement faute d’argent des investissements de compétitivité, et donc la création d’emplois et bien d’autres ajustements, notamment le retour au travail au noir dans le bâtiment et les services à la personne (voir les nombreux articles des Échos sur ce sujet).
Au-delà de cet exemple fiscal, il y a l’ignorance des réactions et contreparties à toute décision économique. Et cette ignorance est parfois cultivée : un de mes interlocuteurs se félicitait récemment qu’un avocat d’affaires ne pourrait devenir ministre, pensant probablement à d’éventuels conflits d’intérêts. Alors que l’évidence, à mon avis, est que la nomination d’un familier des entreprises aurait évité bien des maladresses psychologiques et fiscales, et donc sauvé énormément d’emplois.
Il y a tout un écosystème idéologique, en France comme ailleurs, qui ignore les mécanismes basiques de l’économie que sont la table de soustraction et la contrepartie : si on produit moins que ce que l’on consomme, on s’endette et l’expérience grecque hier et argentine aujourd’hui en montre les limites ; si on augmente le coût et complique la réglementation de la construction, de la location ou du travail, on voit disparaître les logements neufs, les logements à louer et les emplois.
Cet écosystème a ses clubs, ses publications, ses enseignants, ses militants ; tous se documentent les uns chez les autres.
Il s’agit souvent d’idéalistes pleins de bonnes intentions (et de quelques cyniques jouant la comédie pour être élus), qui pensent que l’histoire est injuste et donc en nient les leçons. Mais le problème est que ce groupe est au pouvoir en France, ce qui est une exception dans les pays développés, où l’on nous regarde avec commisération, comme je le constate souvent lors de mes activités à l’étranger.
Espérons que leur échec amènera nos décideurs à se renseigner : quelques visites à des experts-comptables leur montreraient la ruine de nos PME, nos principaux créateurs d’emplois, de façon plus parlante que les rapports de l’INSEE qui les ignorent largement !
PME ruinées, grandes entreprises se redéployant à l’étranger, entrepreneurs allant créer ailleurs, étudiants qualifiés et chômeurs dynamiques allant travailler aux quatre coins du monde : la France se vide. Si nos gouvernants continuent ainsi, il ne restera à terme que des services publics tournant à vide. Par exemple, il y aura beaucoup moins d’élèves par classe. Le bonheur, vous diront les enseignants. Oui… à condition de se passer de salaire.

Les sucettes de Fabius

Fabius se démène devant les médias et se balade dans des États improbables dont les frontières ne veulent plus rien dire, avec des gouvernements incertains dont personne ne sait qui y fait quoi et qui trahit qui. J’ai découvert au passage qu’il y avait un ministre irakien des droits de l’Homme, ce qui est sans doute une forme d’humour local. On croise des combattants mal identifiés, dont personne ne sait qui ils combattent, s’ils combattent ou s’ils vendent/donnent/abandonnent leurs armes aux autres pour en réclamer de toutes neuves ensuite aux occidentaux ( et non pas, par exemple, à la ligue arabe ou à la Conférence Islamique…).
Il est vrai que si ces braves gens ne veulent pas de la démocratie-urne et lui préfèrent la démocratie-kalachnikov, qui suis-je, européen pétri de repentance pour porter un jugement ?
Donc, allons-y pour l’aide humanitaire. Avec quels avions? Hollande-va-t-en-guerre est obligé de louer à prix d’or des gros porteurs ex-soviétiques pour nos troupes disséminées dans l’Afrique profonde et bordélique. Parce qu’il faut souligner encore une fois que cette armée qu’on aime évoquer par opportunité, chez les socialistes, quand une campagne de presse subventionnée tire la larme à l’œil dans les chaumières et les banlieues » défavorisées, cette armée est sabotée et rabotée depuis deux années, encore plus que sous Sarko…Honte suprême, on pourra envisager un avion « français « pour 100 américains.

Le passé aussi appartient à l’État

La situation internationale est tendue. La situation intérieure l’est tout autant. Des manifestations, interdites, dégénèrent. Dans certaines cités, pudiquement appelées sensibles, les urgences ne se déplacent plus et, parfois, cela entraîne des conséquences fâcheuses. Heureusement, les autorités veillent, les douanes, notamment, sont sur le pont. Et un vigneron, archéologue amateur, va salement trinquer.
Oui, parce que s’il y a parfois, en France, des individus qui bénéficient d’une justice très clémente ou d’un vice de procédure commode, d’autres seront, eux, correctement pourchassés, traînés en justice et condamnés d’autant plus fermement que leurs exactions sont abominables et ne méritent aucune pitié de la part des pouvoirs publics et du peuple qu’ils représentent.
De ce point de vue, on ne peut qu’applaudir devant le fier travail de la douane française qui a permis de démanteler tout un réseau de trafiquants d’antiquités, réseau international composé de tout un dangereux viticulteur de la Marne et de l’intégralité de sa femme. Et les faits qui sont reprochés à cette bande criminelle sont particulièrement graves et répugnants : le tribunal correctionnel de Meaux a reconnu ce vigneron de 60 ans coupable d’avoir fouillé des terrains privés, certes avec l’autorisation des propriétaires, mais sans celle, impérative, officielle, indépassable et indispensable de l’État, puis d’y avoir trouvé des choses, puis d’en avoir pris possession et, pour certaines, de les avoir vendues contre de fortes sommes à deux ou trois zéros. L’amende douanière, aussi logique qu’implacable et minutieusement calculée, s’établit donc à 197.235 euros précisément pour ces abominables vols d’objets archéologiques.
Pour faire bonne mesure, cette sanction est assortie d’une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis. Quant à son épouse, au départ poursuivie pour recel, elle a droit à une amende de 3500 euros pour complicité, ce qui lui fera réfléchir à deux fois à son mariage, tiens. S’ils avaient eu un fils, un chien et un canari qui passaient par là, soyez sûrs qu’ils auraient aussi pris cher. On ne défie pas ainsi la puissance de l’État sur son patrimoine archéologique sans se retrouver, un beau matin, avec les deux rotules pétées et deux ou trois doigts sectionnés. Notez que ce n’est rien de personnel, mais business is business et si l’État laisse faire, rapidement, la pratique de la prospection va s’installer et on risque de voir 45.000 personnes la pratiquer tous les ans. Ce serait horrible, comme de voir des châteaux ou des églises tomber en ruine.
douanes boba fett
Eh oui, on ne badine pas avec le patrimoine français, d’autant qu’ici, la volonté de nuire était évidente : le viticulteur — quel salaud ! — faisait ses recherches méthodiquement, précisément là où les archéologues et autres chercheurs dûment accrédités ne vont pas. Il profitait — quel fourbe ! — de l’expérience acquise auprès de son grand-père, probablement une autre pointure mafieuse dans le blanchiment d’argent et le trafic d’antiquités, et notre horrible individu s’était constitué — quel goujat ! — avec l’aide ancestrale et au cours des années, un véritable petit musée de plusieurs milliers de pièces diverses et variées qui n’auraient jamais été découvertes s’il n’avait pas pris la peine de sombrer dans sa coupable passion archéologique.
Heureusement, et pour peu que l’appel, interjeté par ce filou, n’aboutisse pas, cet archéologue amateur est à présent ruiné. C’est bien fait ! Depuis quand la République peut-elle ainsi tolérer que des gens exhument son passé, s’en emparent, l’entretiennent et le fassent vivre ? On commence comme ça et bientôt, on en vient à parler des racines celtiques, gallo-romaines, voire, pire que tout, chrétiennes de la France et là, c’est la porte ouverte aux heures les plus sombres de notre histoire ! Il était temps d’agir et grâce au remarquable travail de la douane qui a ainsi saisi quelques poignées de pièces anciennes, la France est maintenant un pays un peu plus sûr, un peu plus policé, un peu plus régulé.
C’est vraiment trop cool.
Et puis, savoir qu’il est formellement interdit d’aller, avec la seule permission des propriétaires, fouiller un terrain privé pour y trouver, éventuellement, une poignée de débris millénaires dont la large abondance enlève toute valeur réelle autre qu’historique, c’est indispensable. Là encore, on peut se demander depuis quand la République autoriserait-elle ainsi deux adultes consentants à contracter ensemble, sans y mettre un frein et des bornes strictes ? Laisser faire une telle chose, c’est s’assurer que le patrimoine sera exhumé par des gens qui y trouvent un intérêt, qui l’entretiennent sans limite, passion oblige. Ce serait le début de musées privés qui, comme chacun sait, sont à la fois impossible et tous pourris par le capitalisme galopant !
Compte-tenu de ces éléments, de Force Reste À La Loi et du principe que l’État C’est Plus Fort Que Toi, il n’y a donc aucune disproportion entre les faits et la sanction si l’on tient compte qu’il s’agit de faire un exemple et de frapper aussi fort que possible pour terroriser les citoyens au casier vierge, aux motivations bénignes et aux occupations sans danger pour autrui.
Depuis plusieurs années, l’État a entrepris d’être fort avec les faibles, et faible avec les forts. En effet, la condamnation appliquée est une amende douanière et ceci n’est pas un hasard : comme dans d’autres cas tout aussi iniques que j’avais précédemment exposés (le cas des bingos de dangereux retraités/mafiosi est symptomatique), la douane joue ici le bras lourdement armé de l’État, et applique encore une fois une totale démesure entre les faits et la sanction (200.000 euros, tout de même). Ceci montre que plus une administration est illégitime, plus elle s’éloigne de l’intérêt des citoyens et se rapproche de celui, très étroit et bien compris, de l’État seul, plus elle sera prête à utiliser un maximum de force pour que sa violence, aussi illégitime soit-elle, ne soit jamais diminuée ni remise en question.
customs no one is above suspicion
Quel meilleur moyen que celui choisi pour frapper les esprits, les faire paniquer et oublier les questions pourtant essentielles ici : où est la victime, où sont les dégâts ? L’État, celui qui n’a à l’évidence pas les moyens d’assurer les fouilles que des milliers de chercheurs passionnés entreprennent tous les ans ? Les archéologues patentés, diplômés, officiels et autorisés, ceux qui œuvrent sur les sites déclarés, et donc précisément pas ceux concernés par les fouilles de ces passionnés ? Les douaniers, qui ont peut-être besoin, avec ces amendes ridicules, de refaire le plein de la caisse de leur association sportive, en plus de leurs bingos illégaux mais jamais interdits ? Allez savoir.
On peut raisonnablement s’interroger sur la portée des actions de l’État lorsqu’il poursuit ce couple. En effet, en terme de pillage archéologique, ou bien l’État laisse les richesses dormir ou se perdre et n’en a absolument rien à faire (et n’a, de toute façon, absolument pas les moyens pour changer d’attitude), ou bien les récupère, par la force, des mains de ceux qui les ont découvertes, qui les entretiennent, et poursuit ces derniers vigoureusement pour avoir osé imaginer pouvoir faire le travail qui lui est normalement dévolu (mais qu’il s’empresse de ne surtout pas mener à bien). Si pillage il y a eu, c’est bien du fait de l’État, qui fait tout pour mettre la main sur les richesses du pays pour, sous prétexte de les préserver, s’en assurer la jouissance exclusive. Il faut se rendre à l’évidence : le passé appartient officiellement à l’État.
Je ne suis pas sûr que ce soit bon signe.

La guerre obligée

La guerre obligée

« L'intelligence défend la paix, elle a horreur de la guerre. » Cette citation de Paul Vaillant-Couturier sied bien mal à nos temps de violence et de mort. Et pourtant, que pouvait-on faire sinon ajouter de la guerre à la guerre pour interrompre le martyre des minorités religieuses d'Irak ? Les images de l'exode, de la soif, de l'épuisement, des viols, des mutilations ne sont pas supportables indéfiniment. Sans revenir au choc des civilisations de Bush le faucon borné, il s'agit aussi de préserver des valeurs culturelles et humaines essentielles et de les opposer à l'obscurantisme impitoyable qui persécute au nom de la pureté des origines de l'islam. Malgré les hésitations et l'échec de la précédente intervention en matière de reconstruction, l'ingérence était devenue une nécessité.
C'est Obama, le prix Nobel de la paix, apôtre du désengagement militaire, qui a pris la décision de bombarder les positions des fous de dieu de l'État islamique et de devenir une fois de plus le bras armé d'une communauté internationale passive. Peut-être a-t-il pensé que le retrait américain, il y a trois ans, n'était pas pour rien dans la dérive irakienne. Si oui, il devra se poser la question aussi pour l'Afghanistan.
La France a saisi l'occasion pour s'engager à son tour dans une opération uniquement humanitaire. Pour s'être retrouvé seul en pointe à plusieurs reprises et parce que la France doit mobiliser ses moyens sur le terrain du redressement national, François Hollande s'est gardé de toute précipitation dans ce dossier. Ce qu'il a gagné de respect dans les précédentes interventions se serait cette fois retourné contre lui. Les Anglais ont, à leur tour, décidé de s'associer à l'opération humanitaire. Comme si tout d'un coup les Yazidis, les Shabaks, les Mandéens et ces chrétiens chaldéens ou syriaques tout droit sortis de la Bible devenaient déterminants pour l'équilibre de notre monde.
Une fois encore, l'Europe n'aura pas pris, face à cette urgence humanitaire, une place à la hauteur du rôle qu'elle prétend tenir. Il lui fallait agir bien plus tôt, pour que ne s'installe pas un chaos sur lequel a prospéré un jihadisme moyenâgeux et prosélyte. La paix qu'elle assure à ses peuples a aussi des exigences qu'il faut assumer.

Principes de manipulation

Principes de manipulation

Qui ne ressent pas, au jour le jour, le travail de manipulation de masse qui est à l’oeuvre? Il repose sur quelques principes aisément identifiables, dont six me viennent à l’esprit:
La sur personnalisation, ou l’idolâtrie . De quoi parle-t-on pour l’essentiel: les déboires de M. Hollande et désormais, de M. Valls, le "retour" de M. Sarkozy, ses "cartes postales", la "popularité montante" de M. Juppé, les chikaya de la famille le Pen. Le monde médiatique nous accable de ses commentaires savants – reviendra, reviendra pas – de ses duels et westerns de bas étage, de ses revanches, nous bombarde de sondages et de confidentiels. Et si nous, Français, n’en avions rien à faire? 2017 est encore loin, nous verrons d’ici là pour qui voter en fonction des hommes, de leur crédibilité et de leurs programmes.
La table rase.  Tyrannie de l’oubli, du déni de mémoire: toute information qui remonte au-delà de deux ou trois ans est effacée, considérée comme nulle et non avenue. Tel politicien a eu jadis – une quinzaine d’années auparavant – des comportements personnels scandaleux: peu importe, aujourd’hui, blanc comme neige, il incarne la vertu et la modération. Tel parti, à travers son leader, a tenu jadis des propos immondes, à vomir. Plus rien aujourd’hui, fermez les yeux, une dédiabolisation est intervenue et il ne s’est rien passé du tout. Les bilans des uns, des autres, on n’en parle jamais: toujours repartir à zéro. C’est dommage d’ailleurs car parfois, il n’est pas si mauvais. Mais silence, le passé ne compte pas.
Le bouc émissaire: Jadis, dans les périodes de grand trouble, on s’en prenait à des groupes religieux ou ethniques avec une violence criminelle. La loi l’interdit désormais. Alors, on s’acharne sur des personnes, les parias, têtes de turc de la société médiatique. Le traitement dure en général une semaine, et puis plus rien: Cahuzac, Depardieu, Buisson, Aquilino, etc… Dans ce cas là, tout le monde cogne, médias de droite, de gauche dans une logique de surenchère. Les amis, surtout les amis politiques, se volatilisent, les plaintes tombent, les plus proches se retournent contre vous et prennent part à la curée. C’est une manière implicite de dire : voici le coupable, et donc, la preuve de mon innocence…
La force de l’émotion: L’émotion est au coeur de la société médiatique. L’image de la détresse et de la souffrance l’emporte sur toute autre considération. La vision des larmes et du sang occulte les considérations de fond, géostratégiques, historiques. La compassion est bien entendu le plus respectable des sentiments. Mais l’emprise de l’émotion n’est pas forcément synonyme de solidarité quand elle se limite à une indignation stérile. Elle peut être source d’actes monstrueux dans leurs conséquences, à l’image d’interventions militaires qui vont engendrer des malheurs en cascade cent fois pires que ceux qui les ont justifiées.
La fuite devant le réel: Ignorer le monde tel qu’il est est une autre constante de la grande manipulation. Un voile pudique tombe en permanence sur la réalité, celle d’une violence quotidienne qui est occultée, de la misère de l’exclusion, des 5 millions de sans emploi, de la galère des jeunes dans leur immense majorité, la situation apocalyptique des collèges de banlieue, des cités et quartiers de non droit qui n’intéressent plus personne… Le déni de la réalité s’accompagne d’une propagande politique axée sur de grandes abstractions mensongères quand on accuse la "mondialisation" ou "le grand capital" de tous les maux par exemple, alors que les échecs et les injustices ne tiennent la plupart du temps qu’à nos renoncements, conservatismes, lâchetés et égoïsmes frileux.
La dictature du mépris : Celui-ci suinte de toutes les pores de la vie moderne, du monde politico-médiatique, repose en permanence sur l’écrasement du bon sens, de l’intelligence. Les pitres médiatiques et autres donneurs de leçons deviennent les nouveaux maîtres penseurs alors que les grands esprits – intellectuels, universitaires – sont réduits à un silence de pierre tombale. Rien n’arrête le mensonge et la perfidie. Voyez comme les politiciens archi battus, honteux, ridiculisés, parviennent à se recaser les uns les autres, avec le sourire de l’innocence en prime, et en toute fraîcheur candide. Les ministères mais surtout l’Europe, son Parlement et sa Commission, ont au moins cet avantage. "Circulez, Messieurs/Dames, y a rien à voir!"
A travers ce constat, je ne réponds pas à la question essentielle: qui tient les ficelles? Où sont les manipulateurs, les marionnettistes? J’avoue ne pas avoir de réponse claire à cette interrogation. Je ne crois pas un instant à l’hypothèse d’un complot planétaire, un lieu de concertation propice au développement d’une manipulation de masse. Il me semble que le mouvement se fait de lui-même, correspondant à une évolution naturelle du monde, de l’air du temps. Il se propage en France à travers le cercle étroit d’une dizaine de milliers de leaders des grands médias et sociétés qui en ont le contrôle, des principaux partis politiques, du monde associatif, unis dans leur manière de sentir les choses, d’imprimer leur marque et de conforter leurs misérables rentes de situation. Nos armes de résistance à l’air du temps sont de deux ordres: d’une part la réflexion, la pensée, la lecture, repères dans le brouillard quotidien; d’autre part le suffrage universel, en temps voulu…

Les inventions qui vont changer notre vie

Des Robots humanoïdes aux écrans étirables, les labos nous préparent des lendemains Décoiffants. Voici leurs prochaines trouvailles.


En mai dernier, deux jours durant, des experts de l’ONU ont planché sur le futur rôle des robots de combat autonomes, capables de sélectionner une cible et de décider de tirer sans que l’homme intervienne. Ceux-là mêmes auxquels la Marine américaine s’efforce d’inculquer des notions d’éthique (!) à coups de millions de dollars. Moins belliqueux, Google annonçait au même moment que sa voiture sans conducteur avait parcouru près de 1 million de kilomètres en milieu urbain sans accident. Plus proches de nous et de nos assiettes, les expériences de production de viande artificielle in vitro se multiplient pour tenter de résoudre les problèmes écologiques liés à l’élevage intensif et les crises alimentaires de demain. Réveillez-vous, le futur déboule ! A toute allure.
 
Il y a quinze ans, Google et Amazon balbutiaient, Facebook et Twitter n’existaient pas, les smartphones, écrans plats et tablettes n’étaient encore que des rêves d’ingénieurs tout comme la thérapie ­génique ou les nanoparticules. Quinze ans seulement et notre vie quotidienne a changé du tout au tout. Pour tenter de comprendre ce qui nous attend, ­Capital a décidé de donner un coup de projecteur sur les ­innovations en cours de développement dans les labos de ­recherche et les start-up.

Premier constat, la moisson est riche. Jamais sans doute la compétition n’a été aussi vive entre chercheurs et ingénieurs pour concevoir et développer les produits. D’ici peu, connectés en permanence grâce à une kyrielle d’objets qui vont devenir aussi communs que nos smartphones, nous serons mieux protégés, mieux soignés, mieux nourris et mieux transportés par des véhicules sobres en énergie et moins polluants. Deuxième bonne nouvelle, contrairement à ce que soutiennent les déclinistes, la France n’est pas si mal placée dans cette course au progrès technique. Il suffit de regarder les chiffres : avec au total 43 milliards d’euros injectés dans les labos publics et privés et quelque 240 000 chercheurs penchés sur leur paillasse, la recherche tricolore occupe le cinquième rang mondial. Elle représente 2,25% du PIB. C’est encore loin de l’objectif de 3% fixé au niveau européen, mais cela progresse.
Surtout, les scientifiques, qui se sont longtemps bouché le nez quand on leur parlait business, se lancent désormais avec passion dans la bataille, dopés par la mise en place d’incubateurs et de fonds publics d’amorçage. Plus d’un millier de start-up issues de recherches effectuées dans des labos publics du CNRS, du CEA, de l’Inria ou de l’Inserm ont ainsi été créées au cours de la dernière décennie. Et beaucoup d’entre elles sont très prometteuses, à l’image de Therapixel. Cette jeune pousse issue de l’Inria a mis au point un système capable de piloter à distance des appareils d’imagerie médicale, à la façon de Tom Cruise dans le film «Minority Report». D’autres, comme Genomic Vision, issue de l’Institut Pasteur et spécialisée dans le diagnostic moléculaire, sont déjà entrées en Bourse, avec succès.
Grâce à quoi les Français trônent aujourd’hui dans le peloton de tête mondial de plusieurs secteurs clés. C’est dans l’Hexagone qu’a été fabriqué, par Carmat, et implanté le premier cœur artificiel ; dans l’Hexagone que tourne la première usine de production de médicaments de thérapie cellulaire européenne, créée par CellforCure, à Saclay en région parisienne ; dans l’Hexagone encore que les ­robots humanoïdes les plus ­sophistiqués, conçus par Aldebaran, vont leur chemin cahotant, et que des ingénieurs de PSA ont mis au point le premier moteur hybride air-essence low-cost du monde.
Ces innovations ne sont pas un simple empilement de gadgets high-tech plus ou moins réservés aux geeks. Ce sont de réelles avancées, qui offrent une belle bouffée d’oxygène à notre économie et lui ouvrent les portes de marchés en plein développement, pourvoyeurs de croissance et d’emplois. Selon Bruno Bonnell, l’ancien président d’Infogrames depuis peu à la tête d’un fonds d’investissement doté de 80 millions d’euros, le seul secteur de la ­robotique «va créer plus d’emplois dans la prochaine décennie que ne l’a fait Internet au cours de ses dix premières ­années d’existence».
De fait, des assistants humanoïdes aux voitures autonomes en passant par les exosquelettes, les drones et les aspirateurs intelligents, les robots vont envahir notre quotidien. Selon les projections de la Fédération internationale de la robotique, leur poids dans l’économie planétaire devrait passer de 10 milliards de dollars aujourd’hui à 100 milliards dès 2020. Les thérapies cellulaires, qui vont peu à peu substituer aux traditionnels médicaments moléculaires des injections de cellules réparatrices, devraient peser pour leur part de 50 à 70 milliards de dollars à l’horizon 2030. Quant au marché de l’e-santé, avec ses objets connectés permettant le développement de la prévention et de la médecine à distance, il pourrait être une réponse aux défis financiers auxquels font face tous les systèmes de soins menacés par le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques.
Encore ne s’agit-il là que d’un échantillon. D’autres technologies de rupture apparaîtront sans doute, qui ne sont pas encore repérées. Et cette fois, c’est peut-être de Chine qu’elles ­débarqueront. En 2012, pour la première fois, le géant asiatique a investi davantage que l’Europe en R & D.

Patrick Chabert 

« Le Monde » accuse le libéralisme à Gaza

« Le Monde » accuse le libéralisme à Gaza. Où comment se mettre le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate.
Pour Le Monde, qui offre une tribune à François-Xavier Plasse-Couture, le conflit entre Hamas et forces armées israéliennes peut être analysé sous le prisme de « l’économie néolibérale de la violence en Israël » (sic).
À la décharge de l’auteur, malgré la bêtise de l’idée même d’une violence libérale, il satisfait ici les thèses de nombre d’ennemis du libéralisme : Naomi Klein, avec « The Schock Doctrine: The Rise of Disaster Capitalism« , considérait déjà le « néolibéralisme » comme un mélange entre capitalisme de connivence et usage de la force publique pour imposer des mesures libérales impopulaires, salissant au passage le nom d’une des figures associées au libéralisme contemporain : Milton Friedman.
Elle accusait l’économiste d’avoir fourni au régime de Pinochet un soutien et une expertise économique, et le rendait alors coupable de collaboration et complice des méfaits du dictateur. Sa méconnaissance des idées libérales la conduit à ignorer l’ouvrage majeur de Milton Friedman, Capitalism and Freedom, dans lequel il explique comment il est impossible de dissocier liberté économique et liberté politique, et comment on ne peut avoir l’une sans l’autre.
Le libéralisme n’a rien à voir avec ce que beaucoup appellent aujourd’hui « néolibéralisme« . Si une telle chose existait, elle aurait des auteurs et ouvrages de référence (comme le libéralisme et ses différents courants), des représentants, des adhérents. Il n’en est rien. Le « néolibéralisme » est un bouc émissaire, idéologiquement incohérent et inconstant, qui favorise les grandes entreprises au détriment des consommateurs et des citoyens, qu’il détrousse en collusion avec les États.
Si elle s’informait sur les idées libérales, Naomi Klein comprendrait qu’elle les partage en grande partie. Elle refuse que les citoyens soient spoliés par des grandes entreprises tirant les ficelles d’États-pantins. Que la « Guerre contre le terrorisme », qu’elle soit menée de bonne foi ou avec de plus sombres desseins, ne justifie pas la torture et la mort d’innocents par milliers.
Mais elle comprendrait aussi (c’est à espérer) que le seul moyen de garantir des droits à l’individu, c’est de lui garantir les seuls droits de l’homme qui soient et qui puissent être : libertés fondamentales de pensée et d’expression, propriété privée, sûreté ; et de lui en reconnaître un que seul lui peut garantir, le droit de résistance à l’oppression.
En assimilant le vrai libéralisme et le fantasmagorique néolibéralisme, elle fournit des arguments (erronés, qui plus est) aux étatistes, dirigistes, collectivistes ; elle offre aux corrompus protagonistes du capitalisme de connivence l’occasion d’élargir leur champ d’action. Et propage de l’idéologie la moins violente, reposant sur l’idée d’une coopération libre et volontaire entre les hommes, une vision apocalyptique : les néolibéraux aux commandes seraient responsables de la guerre, de la torture et des violations de libertés individuelles pour mieux imposer de violentes privatisations à leur profit.
Notons que Contrepoints défend systématiquement (entre autres), en cohérence avec sa ligne éditoriale libérale :
  • les libertés individuelles, contre la surveillance étatique et les multiples menaces qui pèsent sur elles ;
  • la liberté éducative et de la culture ;
  • les droits des consommateurs, contribuables et citoyens, contre le capitalisme de connivence et le collectivisme ;
  • la pluralité des opinions, notamment en donnant la parole aux climato-sceptiques et aux partisans de choix énergétiques alternatifs (et ce, malgré des divergences parmi l’équipe rédactionnelle ainsi que des auteurs) face à la censure et aux manipulations ;
  • la liberté des salariés de travailler dans des conditions choisies par eux plutôt que décidées par des syndicats notoirement corrompus et nuisibles à l’emploi, notamment dans le choix de leurs horaires de travail.
Difficile de voir là une apologie des collusions entre État et grandes entreprises. Que penserait Naomi Klein des positions d’Arnaud Montebourg sur la concurrence de Free envers les trois opérateurs en place, notoirement influents auprès du gouvernement ?
L’article du Monde commet les mêmes erreurs, en associant les doctrines libérales à des politiques d’optimisation des interventions militaires (sic), à l’influence du complexe militaro-industriel sur l’action de l’État (re-sic) et au blocus (re-re-sic).
Une telle méconnaissance du libéralisme est ahurissante, et incompréhensible de la part d’ennemis déclarés du capitalisme de connivence.
D’un point de vue sémantique, le capitalisme de connivence n’a rien du capitalisme authentique, tel qu’il devrait être compris de tous : le capitalisme de laissez-faire.
On peut s’opposer au capitalisme de laissez-faire. Mais il faut alors des arguments autrement mieux construits que l’associer au poids de l’État dans l’économie, utilisé à de sombres fins par d’influentes corporations. Qui, aux États-Unis comme en France, s’opposait au bail-out des banques ? À la guerre contre le terrorisme ? Aux violations de libertés individuelles ?
Après la chute du communisme, la liberté aurait pu triompher. Mais le sens a été détourné, et la faillite du collectivisme et du dirigisme n’est apparue que comme la faillite d’une certaine forme de collectivisme et de dirigisme. Et une voie intermédiaire a été tracée alors que les idéologues de l’économie mixte triomphaient, selon lesquels il faut encadrer une liberté naturellement chaotique. Le même pouvoir de diriger a survécu, mais a été utilisé désormais au profit non pas du peuple au détriment des entreprises, mais des entreprises au détriment du peuple.
La liberté aurait pu triompher, à condition de bien passer le message que « les entreprises » et « le peuple » ne sont pas ennemis, au contraire, et que la liberté n’est pas ennemie de l’égalité, puisqu’elle repose sur l’égalité de tous en droits.

Budget pour 2015 : pile ou face ?

Le PLF 2015 (projet de loi de finances) va être une suite de décisions qui aboutiront à un choix d'ensemble, à une couleur dominante. Celle de soutenir une activité déficiente ou celle de tenter de poursuivre des efforts relevant de l'austérité. Que décideront les pouvoirs exécutif et législatif dans cette sorte de pile ou face ?

La majorité présidentielle et le décideur public ultime ont désormais parfaitement conscience de l'erreur de diagnostic des gouvernements Ayrault. Inquiets – à juste titre –, de la montée des déficits et des attaques spéculatives sur l'euro en 2012, la France a été engagée dans une politique de réduction de la dépense publique et a ainsi été à même de réduire quelque peu son ratio de déficit public rapporté au PIB. Loin toutefois des propos d'aucuns qui promettaient mordicus les 3 % pour les années suivantes "voire avant"...
Hélas, les pilotes de la politique économique de l'époque ont accumulé des  erreurs incompatibles avec notre statut d'économie d'endettement : "overdraft economy". Ainsi, malgré une visite convaincante du premier ministre en Autriche (après ce qui restera une vraie erreur de diagnostic du gestionnaire de Bercy d'alors), il faut s'interroger sur l'avenir donc sur le choix dominant qui va caractériser le PLF 2015.
1) Un PLF 2015 sous pressions intérieure et extérieure
Le PLF 2015 ne sera pas voté sans psychodrame, car la majorité présidentielle de 2012 ne présente pas une façade unie en 2014, loin s'en faut. Le Front de gauche (lui-même lézardé entre le PCF et les tenants de Jean-Luc Mélenchon : voir impossibilité de tenir une université d'été commune) ou EELV n'ont pas totalement la même approche. De même, ceux que l'on nomme les "frondeurs" au sein du PS, apportent des axes de solution qui ne se recouvrent pas complètement.
Il y aura donc, pour l'exécutif, à donner quelques gages à cette aile gauche de la majorité, d'autant plus que la récente décision du Conseil constitutionnel (sur les allègements sélectifs de cotisations salariales) a rendu inopérante la tentative de restituer du pouvoir d'achat aux plus modestes. En visant court, mais juste, il y aura débat entre un budget qui soutient la demande (Pascal Cherki, Jérôme Guedj), ou qui soutient l'investissement (Gaëtan Gorce) ou qui reste dans les filets de l'orthodoxie budgétaire.
Cette pression intérieure – politique et parlementaire, mais aussi syndicale – ira à l'opposé de la pression extérieure notamment symbolisée par les autorités allemandes et la Commission de Bruxelles qui attendent désormais sans patience additionnelle que la France tienne ses engagements. Car, au grand dam des intérêts supérieurs de notre nation, la politique impressionnante d'endettement des années 2008 et 2009, mais aussi les années 2012 et 2013, on a vu notre dette publique continuer d'augmenter : près de 95 % du PIB, près de 2000 milliards (et 3100 d'endettement hors bilan).
Pour le PLF 2015, nous ne pourrons pas dire l'adage britannique : "right or wrong, it's my country" (à tort ou raison, c'est mon pays !), mais serons absolument obligés d'agir afin que l'on puisse clamer : "we were right for our country" (nous avons eu raison pour notre pays). Sans aucune exagération, mais à la simple lecture des faits qui contraignent notre action publique, le PLF 2015 sera historique. S'il s'inscrit dans le registre de choix erronés, notre nation se rapprochera du désespoir social et de la soumission. On comprend pourquoi ce PLF doit susciter de l'aposiopèse chez le décideur public ultime à qui mille conseils contradictoires doivent être glissés par oral ou par écrit.
2) Quel déficit prévisionnel ?
La matière budgétaire est parfois aride, mais elle demeure un exercice de rigueur intellectuelle sinon arithmétique. Ainsi, lorsque la France indique dans sa trajectoire des finances publiques qu'elle va réduire ses dépenses de 50 milliards d'ici à 2017, cela revient à exercer un effort d'un peu moins de 20 milliards par an.
- À rapprocher des 309 milliards des charges nettes du budget général.
- À rapprocher des 82 milliards de déficits primaires votés pour 2014 avec un scénario optimiste pour la croissance : les 0,5 % qui risquent finalement d'être le chiffre final auront un impact de plusieurs milliards.
L'effort de 20 milliards par an demeure modeste au regard des expériences allemande, canadienne ou suédoise. De plus, inférieur à 10 % des dépenses du seul budget général (État donc hors volet social, etc.) il ne représente qu'un quart du déficit de 2014.
La question logique et un peu glaçante est simple : à quel niveau sera situé le déficit prévisionnel pour 2015 ? Au-dessus de 20 milliards, chacun a mesuré que nous serions en poursuite de dégradation de l'endettement.
3) Quelles approches sectorielles ?
Un budget est l'occasion de soutenir tel ou tel pan de l'activité économique. Après réflexion, il nous semble que l'État serait bien inspiré d'apporter des concours additionnels au secteur du logement.
- Tout d'abord, une forte demande sociétale existe en la matière.
- Puis, en termes méso-économiques (sectoriels), c'est un secteur à intensité de main-d'œuvre et non délocalisable.
- De plus, la transition énergétique serait alors concrètement mise en marche (isolation)
- Enfin, ce serait un moyen politiquement acceptable de plafonner les effets pervers de la loi ALUR.
À défaut d'approches sectorielles, si le PLF se cantonne dans des problématiques de stricte macro-économie, il y aura un fort "ECP" (écart circulaire probable) par rapport aux cibles annoncées et escomptées.
4) Quelle dominante retenir ?
Tout d'abord, il n'est pas interdit d'être créatif. En matière fiscale, il y a eu un avant et un après-Maurice Lauré (concepteur de la TVA en 1954, il y a 60 ans). En matière budgétaire, je veux croire au résultat des intelligences collectives concernées. En guise d'attente d'innovations de Bercy, je repense à la fin du film de Claude Chabrol (Bellamy, 2009) où est citée cette opportune phrase du poète britannique W.H Auden : "Il y a toujours une autre histoire. Il y a plus que ce que l'œil peut voir".
Quittons la poésie et revenons au rapport de la Cour des comptes sur les 112 milliards de la : quelle suite tangible pour 2015 ? Quels efforts de gestion ?
À titre de dominante, le budget doit incorporer les prévisions de croissance du FMI pour 2015 et 2016 qui semblent favorables et écarter le risque déflationniste. Par référence à la déflation décennale du Japon des années 2000, l'Europe doit agir avec précaution face à cette sérieuse difficulté économique potentielle.
Dès lors, le PLF 2015 qui devrait reposer sur une politique de l'offre (et de restauration de compétitivité) risque d'être dépassé par la vitesse de propagation des foyers déflationnistes. Ainsi, il devrait intégrer un soutien à la demande. De facto.
Dans leur livre dédié à la macroéconomie, Olivier Blanchard (économiste en chef du FMI) Daniel Cohen et David Johnson écrivent (page 628) : "L'équivalence ricardienne qui affirme qu'une hausse du déficit sera compensée par une hausse égale de l'épargne, de sorte que le déficit devrait être sans effet sur la demande et la production... /... n'est pas vérifiée".
Le soutien à la demande devra donc avoir des contreparties dans la colonne des dépenses sous peine d'augmentation, in fine, stérile du déficit.
Quant à la politique de l'offre, les mécanismes complexes du CICE ne garantissent pas pleinement l'affectation finale des fonds perçus qui peuvent ainsi s'éloigner – par exemple – des investissements que le mouvement actuel d'innovations rend nécessaires.
En France, ce n'est pas l'État qui – seul – peut conduire une politique de l'offre. Il suffit de se reporter aux pages 324 et 325 du livre d'Olivier Blanchard et alii :
"Il y a une relation très forte entre la variable q de Tobin et l'investissement. Cela tient pourtant sans doute moins à ce que les entreprises suivent passivement les signaux envoyés par le marché financier qu'au fait que le prix des actifs et les décisions d'investissement sont influencés par les mêmes facteurs (profit et taux d'intérêt escomptés)."
La variable q de Tobin est déterminée ainsi : valeur de marché totale des entreprises (somme de leur valeur et des capitaux empruntés) divisée par le coût de remplacement du stock de capital.
Ainsi, il ressort de cette approche l'importance du dynamisme du marché des financements des entreprises (direct ou indirect, donc bancaire). À ce stade, la politique de l'offre voulue par le Président de la République ne peut que se heurter au phénomène du "credit-crunch" ( resserrement du crédit ).
Conclusion
La confiance est, pour l'heure évanouie, et le PLF 2015 sera donc un exercice technique, un arrangement politique, une sorte de statu quo diplomatique et l'occasion d'accélérer vers certains secteurs tout en renouant charnellement avec la nation.
Pour porter véritablement, ce PLF ne pourra donc pas être une sorte d'integumentum que Bernard Silvestris (philosophe du XIIe siècle) définit comme "une sorte de démonstration cachée sous un récit fabuleux enveloppant la compréhension de la vérité". Les comptes doivent être sincères tout autant que leur exposé des motifs et leur présentation aux citoyens.
De toutes les manières, la France est finalement face à un vieux débat et soumise à une tentation dépensière. Gardons en mémoire l'instructive phrase de Jacques Delors issue d'une interview au Monde (8 décembre 2010) : "Entendre les conseillers des banques nous intimer l'ordre de réduire les déficits publics puis, lorsque cela est en bonne voie, s'alarmer de la panne de croissance qui pourrait en résulter est une double peine insupportable".


La France est d'autant plus à la peine que certains membres du gouvernement de 2012 ont gommé certains enseignements deloristes pourtant manifestement forts à propos.