Par ailleurs, il a peu évolué en France : de 8 en 1985, il est passé à 6 en 1995. Pour l'OCDE, la raison est simple : "Entre 1990 et 2006, la part de la tranche supérieure de 1 % des revenus n'a que légèrement augmenté en France, de 8,2 % à 8,9 %. Dans le même temps, ces parts ont souvent doublé dans les pays anglophones." Selon l'OCDE, les écarts de salaires français ne se sont pas accrus, notamment en raison de la baisse parallèle du temps de travail des plus pauvres et des plus riches. "Dans la plupart des pays de l'OCDE, l'écart s'est creusé, avec les bas salaires travaillant moins et les hauts salaires travaillant plus", compare le rapport.
PENTE COMMUNE
L'OCDE estime également qu'en France la progression du travail des femmes et de leurs rémunérations a contrebalancé le creusement des écarts de salaires des hommes. Les services publics, pour lesquels la France dépense 16% de son PIB, permettent également de combler les inégalités plus fortement qu'ailleurs.
Le système de prestations sociales et d'impôt en France a aussi atténué les inégalités. Comme l'avait montré l'Insee dans son portrait social 2011, le système français a toutefois tendance à se dégrader. L'impôt sur le revenu est moins redistributif qu'en 1990 et les prestations sociales "n'ont pas suivi le rythme de la croissance des salaires réels moyens".
La France glisserait ainsi sur une pente commune à celle de tous les membres de l'OCDE sans toutefois atteindre, pour le moment, le "record" des injustices dans les pays développés remporté par Israël, la Turquie… et les Etats-Unis.
Outre-Atlantique, les 10% les plus riches gagnent en moyenne quatorze fois plus que les 10% les plus pauvres. En Italie, au Japon, en Corée du Sud et au Royaume-Uni, cet écart est de dix pour un et de six pour un en Allemagne, au Danemark et en Suède. Tandis qu'au Mexique et au Chili, le revenu des "nantis", qui reste vingt-cinq fois plus élevé que celui des plus pauvres, a "finalement commencé à reculer", observe l'OCDE.
L'origine principale de ces divergences réside dans les inégalités croissantes de rémunérations salariales, selon l'organisation.
Au fil des années, les travailleurs hautement qualifiés ont profité des progrès de la technologie quand les autres subissaient les effets de la mondialisation. "L'étude chasse ainsi l'idée selon laquelle la croissance économique profite automatiquement aux plus défavorisés", pointe l'OCDE.
UNE REDISTRIBUTION MOINS PERFORMANTE
Aux Etats-Unis, par exemple, les revenus des 10 % de travailleurs les plus riches étaient 3,8 fois supérieurs à ceux des 10 % les plus pauvres en 1980. Ce rapport est passé à près de 5 en 2008.
Les réformes entreprises dans les pays développés pour améliorer leur compétitivité et fluidifier leur marché du travail (promotion du travail, chômage partiel afin de minimiser les licenciements…), ont contribué à accroître les inégalités de revenus.
Les systèmes d'imposition et de prestations sociales, moins redistributifs, sont aussi un des facteurs d'iniquité croissante, pointe le rapport. Lequel mentionne la réduction des taxes pour les plus riches au regard d'une réduction des transferts fiscaux en faveur des plus pauvres. La redistribution, remède historiquement le plus efficace pour atténuer les inégalités, est devenue moins performante au cours des quinze dernières années, conclut l'OCDE.
L'organisation internationale appelle les gouvernements à agir pour remédier à ces injustices. Et vite. "Le contrat social commence à se fissurer dans de nombreux pays", alerte l'OCDE, recommandant aux pays de revoir leur système d'imposition et d'investirdans la formation des travailleurs. "De loin l'instrument le plus puissant pour contrer les inégalités", estime-t-elle.
Jean-Baptiste Chastand et Claire Gatinois