TOUT EST DIT

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mardi 15 mars 2011

Nucléaire : opportunismes mal placés

Pendant que le Japon panse ses plaies et tente avec des aides internationales d'éviter une catastrophe nucléaire, les intégristes de l'écologie politique préparent des rassemblements partout en France contre... le nucléaire. Il faut souffrir de cécité avancée pour ne pas voir, dans ce soulèvement, une manœuvre visant à utiliser la catastrophe nippone pour avancer une position idéologique et politique. Tout aussi malvoyant serait celui qui ne verrait pas derrière l'activisme d'Éric Besson dans les médias, pour défendre la cause d'Areva et de l'industrie nucléaire française, la plume des puissants lobbies de l'énergie atomique.
Le Japon vient, rappelons-le quand même, de subir une catastrophe naturelle sans précédent, un séisme suivi d'un tsunami jamais vu. L'Empire du Soleil levant avait gagné son indépendance énergétique grâce au nucléaire, énergie non polluante, classée comme telle par l'Europe aux côtés de l'éolien et de l'hydraulique. À la différence de ces dernières, la technologie nucléaire est extrêmement dangereuse. La catastrophe de Tchernobyl, mais aussi les séquelles des bombes atomiques d'Hiroshima ou de Nagasaki (pauvre Japon) le rappellent sans cesse. Elle mérite évidemment un débat public. Sortir du nucléaire : avec quelle alternative ? Confier la fabrication de notre électricité à l'industrie pétrolière ? A la Libye, par exemple ! Tapisser nos régions d'éoliennes ? La Picardie, première région dans ce domaine, ne pourrait pas subvenir à ses propres besoins par cette solution. Le solaire ? On n'en est qu'aux balbutiements hoquetants du photovoltaïque, mal accompagné par les pouvoirs publics. Mais alors, quoi ? Et si on allait aider les Japonais et qu'on y réfléchissait avec eux, ensuite, pour que la mondialisation soit d'abord celle de la solidarité, avant celle des concurrences économiques ?

Vents contraires

L’industrie nucléaire commençait à peine à se remettre de l’accident de Tchernobyl. Les accidents de Fukushima ont ranimé en deux jours les préventions et les peurs qui ont mis vingt ans à commencer à s’estomper. Après le tsunami maritime au Japon, le monde se prépare à un tsunami antinucléaire, et la France est triplement exposée.

• Ses centrales situées sur des failles géologiques, comme Fessenheim, sont sur la sellette. La centrale alsacienne attend pour le mois prochain le renouvellement de son autorisation de fonctionnement. Après Fukushima, la prolongation de sa vie n’est plus aussi évidente qu’avant. Or, si elle était amenée à fermer, cela pourrait faire jurisprudence pour Bugey, Saint-Alban, Tricastin et Cruas, dans la vallée du Rhône également fragile sur le plan sismique. Et cela pourrait mener à un déficit énergétique grave.

• La France est leader historique du nucléaire dans le monde. EDF et Areva ont les yeux rivés sur les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Italie, la Chine, l’Inde pour y vendre l’EPR, réacteur de troisième génération. Ils espèrent le jackpot. Si la machine à sous se grippe, ils risquent de se retrouver bredouilles.

• Les accidents de Fukushima vont accélérer la hausse du prix du gaz et du pétrole, d’abord parce que les Japonais, privés d’une part de leur électricité, vont importer beaucoup plus d’énergies fossiles, ensuite parce que d’autres pays vont freiner leurs investissements nucléaires au profit de centrales au gaz. Nous n’avons pas de pétrole, et l’idée nous est venue tardivement de développer les industries vertes : la facture s’annonce salée.

Un tremblement de terre et un raz-de-marée au Japon ne mettent décidément pas longtemps à produire des secousses en Europe. Nouvel exemple de mondialisation… dont se passerait Nicolas Sarkozy. Le chef de l’État a fait du nucléaire un point fort stratégique. Il voulait même vendre une centrale à Kadhafi… Hélas, ce qu’il prenait pour un atout maître apparaît désormais comme une carte à manier avec d’infinies précautions. La Suisse et l’Allemagne n’ont pas tardé à faire taire, dès hier, leurs récentes et timides velléités de renouer avec l’atome. Or, Paris comptait beaucoup sur un virage, même léger, de Berlin en faveur du nucléaire. Pour l’exemple… La fin du quinquennat est décidément placée sous vents contraires.

Réaction atomique

Le temps de décence est passé. Si, au lendemain du tsunami, il était prématuré, pour les Européens, de lancer à chaud une réflexion à haute voix sur leurs propres choix nucléaires, il est maintenant légitime de le faire. Quand l’inimaginable se produit sous nos yeux, comment ne pas s’interroger sur une stratégie énergétique qui engage non seulement notre pays mais aussi notre civilisation, bien au-delà des générations contemporaines ? Faudrait-il que nous soyons des autruches aveugles, ou des canards sauvages sans tête, pour ne pas vouloir regarder lucidement les risques de nos choix pour ceux à qui nous laisseront les clés de ce monde ?

Mais la peur est toujours mauvaise conseillère et le risque c’est le grand n’importe quoi intellectuel. L’émotion fait rarement de la bonne politique. Surgie de nulle part, ressuscitée d’entre les slogans morts, l’idée d’un référendum, démagogique en l’état, jette un voile obscurantiste sur la question. Dessous, pro-nucléaires béats et antinucléaires militants sont réunis, presque main dans la main, pour confisquer un cas de conscience qui dépasse largement l’alternative binaire du oui ou non. Une consultation électorale, précipitée en plus, reviendrait à jouer la planète à la roulette russe. Ce ne serait guère mieux que le quitte ou double permanent du lobby nucléaire, si sûr de lui et de ses précautions forcément infaillibles.

Nous ferions mieux de nous inspirer du sang-froid des Japonais dont nous saluons la dignité devant le danger. La décision des Suisses de suspendre leurs projets de renouvellement, les tests réclamés par les Autrichiens sur le parc nucléaire européen, le moratoire des Allemands sur le prolongement de la durée de vie de leurs installations, constituent des premiers pas concrets qui s’avéreront autrement plus efficaces – à court terme – que la relance d’un barnum politique à l’issue incertaine. Le sort réservé à l’Europe par le référendum de 2005 donne une idée de ce qu’une telle campagne peut réserver de désinformation générale, voire de bêtise tenant lieu de pensée.

En revanche, il est urgent de rendre aux citoyens la voix dont on les a privés sur la question énergétique… depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un enjeu de dignité sur des options essentielles de son destin. Avant les urnes, cela passe par un respect de son intelligence et de son discernement. Une véritable transparence sur les informations concernant ce domaine nucléaire qui reste outrageusement top secret, où la sincérité de la communication officielle est proche de zéro. La prestation de la patronne d’Areva, hier soir sur France 2, était un de ces monuments d’arrogance et de ron-ron rassurants si habiles à confiner le libre arbitre des peuples dans des discours ouatés. Pour rompre avec ces méthodes infantilisantes, les gouvernants de ce monde auront-ils le courage de l’inconfort ? Celui de la vérité ?

Bougie


C’est la question qui rend vert de rage tout écolo qui se respecte: alors, vous voulez vous éclairer à la bougie ?... Elle est absurde, bien sûr. Elle résume la mauvaise foi du lobby nucléaire, qui a longtemps prétendu éteindre ainsi les critiques. C’était: le nucléaire, ou le chaos. Le problème est qu’au Japon, c’est maintenant le nucléaire et le chaos. Mais alors, quoi d’autre que le nucléaire ? Le soleil, le vent, la terre avec la géothermie, les énergies dites renouvelables... Bien, mais tout cela ne suffira pas: il nous faudra vivre autrement. La fondation de Nicolas Hulot nous le rappelait hier, le nucléaire est l’enfant de nos envies. La condition de nos passions, l’énergie nécessaire à notre besoin de consommer toujours davantage. «Mieux», c’est forcément «plus»... Il nous faudra changer, nous le savons, pour trouver le point d’équilibre entre le nucléaire et la bougie.

Kadhafi plus rapide que le G8

Aujourd’hui, à Paris, se jouera sans doute le sort de la rébellion libyenne. La France, premier et seul pays à l’avoir officiellement reconnue, accueille ses partenaires du G8. D’abord pris au dépourvu par Nicolas Sarkozy, qui dégaine plus vite que son ombre, le quai d’Orsay accélère le mouvement.

Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, ne peut que constater l’urgence. Comme la Ligue arabe, qui réclame la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye. Dans le cas contraire, le “Guide” continuera de bombarder les villes insurgées, jusqu’au total rétablissement de sa propre dictature.

Mais l’Onu, l’Otan, et l’Union européenne peinent à réagir. La communauté internationale tergiverse. Moscou et Pékin digèrent mal le “devoir d’ingérence”, craignant peut-être un jour d’en devenir les cibles. Quant à Obama, il traîne les pieds.

En dépit des mâles déclarations de Bernard-Henri Lévy, promu conseiller élyséen, Kadhafi n’est donc pas “fini”. Pour lui, au contraire, tout semble recommencer. Ses sbires, grâce au soutien de l’aviation gouvernementale, regagnent le terrain perdu. Ils foncent maintenant sur Benghazi, fief symbolique d’une résistance en débandade.

Entre le colonel et les démocraties occidentales, une décisive “course contre la montre” s’engage. Le maître de Tripoli, hélas, risque fort de la gagner. Parce que des diplomates assis iront toujours moins loin qu’une milice qui marche…

Le commentaire politique de Christophe Barbier



La question nucléaire


On ne répond pas simplement et rapidement à une question complexe. A l'heure où le Japon compte ses morts, où la priorité est de s'occuper des survivants, de venir au secours d'un pays traumatisé, de protéger des millions de Japonais des retombées de l'explosion de Fukushima, certains exigent que les dirigeants politiques internationaux décrètent immédiatement la sortie du nucléaire. En espérant que l'effroyable scénario du pire ne vienne pas abolir toute possibilité de leur opposer quelques arguments de raison, il serait responsable de ne pas céder à la tentation de la précipitation. La question du devenir de l'énergie nucléaire ne s'est certes jamais posée autant qu'aujourd'hui. Mais la réponse, elle, doit attendre un peu.


La filière est forcée de l'admettre : qu'un acteur majeur de l'atome comme le Japon, un pays à la fois connu pour son culte de la perfection et du détail mais qui fut aussi la seule nation à subir la foudre atomique, soit victime d'un accident aussi grave met à mal les arguments rassurants des industriels. Le Japon d'aujourd'hui n'est pas l'Union soviétique au bord de l'effondrement technico-économique de l'époque de Tchernobyl. Cet accident prouve malheureusement que même dans un pays riche et en pointe, un incident provoqué par une catastrophe naturelle peut avoir des répercussions dramatiques. Même s'ils ne sont pas directement responsables, Areva ou General Electric, comme Toshiba ou Mitsubishi, devront reconnaître l'erreur collective qui a été commise et en tirer les conclusions. Le risque zéro n'existe pas mais dans cette industrie où les conséquences d'un incident peuvent être dramatiques, les responsables doivent prévoir le pire et tout faire pour l'empêcher.


Avant de condamner globalement et définitivement l'atome, il faut cependant être certain d'avoir compris les causes de cet accident. Aurait-il pu être évité ? Est-il susceptible de se reproduire ailleurs ? Peut-on surmonter tous les risques, qu'ils soient naturels ou humains ? Si les centrales peuvent résister aux tremblements de terre mais pas aux tsunamis, ne faut-il condamner que les réacteurs en bord de mer ?


Pour agir, il va falloir prendre le temps de disposer de tous les éléments. Sans oublier que l'équation nucléaire à laquelle nous sommes confrontés est complexe. Pris en tenailles entre des sources d'énergies en grande partie limitées et une nécessité de lutter contre le réchauffement climatique, notre planète, qui n'a jamais eu besoin d'autant d'électricité, sait bien que la vie n'a pas de prix. Mais une vie ne peut aussi s'imaginer sans énergie.

2012, Obama et l'introuvable candidat républicain

Si, en France le théâtre politique bat son plein avec la multiplicité des candidatures, à droite comme à gauche, les Etats-Unis, au contraire, sont dans un scénario inverse. Et on cherche, en vain pour l'instant, celui ou celle qui voudra bien se mesurer l'an prochain à Barack Obama. Dans neuf mois vont commencer les primaires de l'Iowa, première étape d'un parcours qui mènera à la présidentielle du 6 novembre 2012. A pareille époque, en 2007, pas moins de dix candidats démocrates et huit républicains s'étaient déjà déclarés. Cette année... aucun n'a encore franchi le pas.

Le président Obama devrait faire connaître son intention de solliciter sa réélection dans le courant du mois de mars et a déjà déménagé son bureau politique de Washington DC à Chicago. Mais, côté républicain c'est la débandade. Alors que le Grand Old Party (GOP) a remporté une victoire importante lors des élections parlementaires de novembre dernier - regagnant la majorité à la Chambre des représentants et prenant 11 sièges de gouverneur aux démocrates -, sa stratégie pour l'élection présidentielle est tout sauf au point. Chaque jour apporte son lot de désistements. Il y a bien quelques francs-tireurs qui seraient prêts à saisir la tribune qu'offre la campagne des primaires pour faire avancer leurs idées, comme Ron Paul, l'élu libertarien du Texas à la Chambre des représentants, ou l'homme d'affaires Donald Trump, mais sans réel espoir de victoire.

Les candidats sérieux ne sont pas du tout pressés d'entrer dans la bataille. Certains ont déjà une notoriété suffisante dans le pays pour ne pas aller prendre des coups plus tôt qu'il n'est nécessaire. Cela leur permet aussi de ménager leurs ressources, même si le financement de la campagne de 2012 promet d'être beaucoup plus facile. Depuis un arrêt de la Cour suprême de 2010 (« Citizens United »), les entreprises ont désormais le droit de participer au financement des campagnes audiovisuelles des candidats de leur choix.

Du coup, Mitt Romney, déjà candidat en 2008 et ex-gouverneur du Massachusetts, multiplie les apparitions publiques mais ne se jette pas à l'eau. Considéré aujourd'hui comme le candidat potentiel le plus sérieux du GOP, le richissime homme d'affaires partage avec Jon Huntsman, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Chine, le handicap d'être mormon. Un ex-gouverneur du Minnesota, Tim Pawlenty, serait quant à lui le représentant d'une droite socialement conservatrice. Il fait en ce moment le tour du pays pour promouvoir son dernier livre, « Courage to Stand ».

Fox News, la chaîne d'information de Rupert Murdoch, abrite en son sein toute une écurie de candidats potentiels. Elle vient de suspendre d'antenne (et de paie) Rick Santorum un ancien sénateur de Pennsylvanie, ainsi que Newt Gingrich, dans l'attente de leur décision de se présenter ou non. Ancien speaker de la Chambre des réprésentants, Newt Gingrich promet, s'il y va, d'être un « show man » formidable. Il a beaucoup oeuvré ces derniers mois pour rapprocher le Parti républicain du Tea Party. L'égérie de ce mouvement, Sarah Palin, fait quant à elle toujours mine d'hésiter. L'establishment du Parti républicain est contre l'ancienne candidate à la vice-présidence de John McCain parce qu'il voit dans sa candidature une défaite assurée face à Barack Obama. Mais beaucoup sont prêts à parier qu'elle ira quand même, histoire d'entretenir une notoriété qui l'a fait devenir millionnaire depuis la dernière campagne. D'ailleurs, à l'instar de Mike Huckabee, candidat malheureux aux primaires républicaines de 2008, elle préfère pour l'instant continuer à profiter de sa tribune sur Fox News et des émoluments de la chaîne.

Sur le terrain, les militants républicains s'impatientent. « Il se passe quelque chose de curieux, les électeurs républicains sont davantage à la recherche de candidats que les candidats d'électeurs », observait récemment le « New York Times ».

En dépit des résultats des élections de novembre dernier, le Parti républicain est très hésitant. Malgré l'épreuve du pouvoir, les difficultés économiques, l'amertume de son aile gauche et un dernier scrutin défavorable à son parti, Barack Obama sera très difficile à battre. Aujourd'hui, les sondages le donnent systématiquement gagnant, quel que soit son adversaire.

Son rétablissement lors de la session parlementaire qui a suivi les élections de novembre montre qu'il a su recentrer son discours. Le fait d'avoir reconduit les réductions d'impôt pour deux ans encore a amélioré son image chez les républicains et les indépendants - qui seront la clef de sa réélection. Selon un sondage publié la semaine dernière par l'agence Bloomberg, les Américains estiment à 51 % que Barack Obama n'a pas la bonne formule pour créer de la croissance à long terme. Mais quand on leur demande qui a la meilleure vision pour les années à venir, ils répondent à 45 % en faveur de l'actuel président contre 33 % pour les républicains.

Les nouveaux élus du GOP, qui sont partis en guerre contre les syndicats et veulent réduire les dépenses au niveau local comme au niveau fédéral, cherchent à profiter de la mobilisation du Tea Party. Mais ils risquent aussi, en supprimant emplois publics et aides gouvernementales variées, de s'aliéner l'Amérique qui souffre encore de la crise. Un récent reportage de « 60 Minutes », sur CBS, plongeant dans le quotidien du million d'enfants vivant dans des motels ou dans les voitures de leurs parents parce que leurs maisons ont été perdues, a saisi l'Amérique aux tripes. Toute une partie du pays est encore en souffrance, même si le chômage est redescendu à 8,9 %. C'est une réalité dont les prochains candidats ne pourront pas faire abstraction, pas plus que du profond rejet encore éprouvé pour Wall Street. Ce qui conduit d'ores et déjà David Plouffe, le conseiller politique de Barack Obama, à cibler la ménagère de l'Ohio, l'un des Etats que le prochain président devra absolument gagner s'il veut l'emporter, comme l'arbitre de la prochaine élection.

Europe, un chemin fédéral


L'événement a bien sûr été occulté par la catastrophe au Japon. Mais les Européens ont réussi le week-end dernier à s'entendre sur les mécanismes de solidarité financière avec les Etats en difficulté et les règles de gouvernance économique. C'était dans une certaine mesure inattendu puisque ces résultats n'étaient espérés qu'à l'occasion du sommet des 24 et 25 mars. Hier, la réaction des places financières, qui ont fait grimper les valeurs bancaires et reculer les taux d'intérêt de la Grèce ou du Portugal, montre qu'ils ont été agréablement surpris. C'est un fait : les Dix-Sept apprennent enfin à parler à l'oreille des marchés...


La surprise n'est pas le seul élément à saluer. Quatre autres décisions vont dans le bon sens. Un : Nicolas Sarkozy -qui a opté depuis des mois pour une surprenante de sa part mais efficace diplomatie de la discrétion -a réussi à convaincre Angela Merkel de relever à 440 milliards d'euros les moyens du Fonds européen de stabilité financière, ainsi que ceux du mécanisme qui lui succédera à partir de 2013, à 500 milliards d'euros. Deux : le Fonds pourra racheter directement de la dette sur le marché primaire des obligations, alors qu'il ne peut aujourd'hui que prêter aux Etats. C'était le point le plus difficile aux yeux de Berlin. Trois : les efforts de la Grèce ont été récompensés par une baisse de son taux d'emprunt, tandis que l'Irlande, qui refuse de revoir son impôt sur les sociétés, n'y a pas eu droit. Enfin, quatre : le Pacte pour l'euro fixe quant à lui quelques principes de compétitivité.


Au total s'est mis en place un véritable fédéralisme de crise inimaginable il y a un an. L'Allemagne, dont une partie de l'opinion était prête à sortir de l'euro au moment de la crise grecque -un débat qui a touché y compris l'entourage de la chancelière, affirme-t-on à Paris -, a réalisé que ce n'était pas possible. Et a confirmé son attachement à la monnaie unique, à une condition : qu'elle puisse surveiller la politique économique de ses voisins. Est-ce le début d'une politique économique fédérale ? A vrai dire, on en est encore loin. Le Pacte pour l'euro consiste pour l'essentiel à mettre en place des indicateurs et des objectifs bien allégés par rapport au projet initial de Berlin. Mais c'est un caillou de plus sur le chemin fédéral. Gérer les crises, c'est bien, les empêcher, c'est mieux.

Un équilibre encore instable

Le pacte de compétitivité s'appelle désormais pacte pour l'euro. Ce nouveau nom accompagne la mise en place d'une sorte de gouvernement économique mais n'est pas le signe d'un assouplissement de la politique d'austérité, note El País. 

Dans dix jours [lors du Conseil européen du 25 mars], les dirigeants de l'Union européenne (UE) se réuniront pour mettre en place leur gouvernement économique. Ce sommet devrait faire date, car contrairement à tant d'autres il est porteur d'un projet vraiment décisif pour l'avenir. Le premier paradoxe tient au fait que, comme ça toujours été le cas dans l'UE, ce processus est l'aboutissement d'une crise, en l'occurrence celle de la dette souveraine, qui a été particulièrement violente et a ébranlé l'union monétaire autour de l'euro. Une fois de plus, l'UE a fait de nécessité vertu.
Lors de ce sommet, il faudra consolider ce qui a été convenu le 11 mars au cours de la réunion des 17 pays de la zone euro : moyennant un élargissement et un assouplissement du mécanisme d'aide aux pays en difficulté (440 milliards d'euros qui pourront servir à acheter directement de la dette des pays en butte à la spéculation, sans qu'ils doivent payer des taux d'intérêts exorbitants), on décide d'une politique économique à vocation structurelle. Baptisée pacte pour l'euro, cette politique prévoit un couplage des salaires et de la productivité, une plus grande maîtrise des déficits, le relèvement de l'âge de départ à la retraite, des plans de recapitalisation des banques en difficulté, la réduction progressive et annuelle de la dette publique.


Un nouveau tour de vis sur les conditions de vie des citoyens

Quoique nuancé par l'intervention des autorités européennes, le pacte pour l'euro reprend les propositions les plus dures d'Angela Merkel, notamment celles portant sur la rigueur salariale, l'ajustement budgétaire, l'assainissement financier, les conditions de travail. Merkel a les plus grandes difficultés pour convaincre les Allemands de mettre plus d'argent pour aider les pays périphériques à régler leurs problèmes économiques.
Le deuxième paradoxe a été formulé par le vice-président de la Commission européenne, Joaquín Almunia, qui a déclaré dans Le Monde que le pays confronté aux plus grandes difficultés en matière de restructuration bancaire [l'Allemagne] est celui-là même qui exige de ses partenaires européens qu'il entreprennent au plus vite d'importantes réformes.
Le troisième paradoxe porte sur le programme de ce gouvernement. Il existe un large consensus sur la nécessité d'un tel gouvernement, mais on peut regretter l'absence de débat sur ses conséquences pour les citoyens. L'ancien président de la Commission européenne, Jacques Delors, qui a tant bataillé pour que l'Union européenne ne reste pas une simple union monétaire, a qualifié l'examen annuel de la croissance présenté par José Manuel Durão Barroso de "document le plus réactionnaire qui ait jamais été produit par la Commission". Et les mesures destinées à réduire le chômage en Europe, qui touche 23 millions de personnes, sont purement et simplement passées à la trappe. Il n'y a même pas une allusion de pure forme à l'emploi comme priorité de la zone euro. Jusqu'à preuve du contraire, le gouvernement économique signifie un nouveau tour de vis sur les conditions de vie de la majorité des citoyens. Cherchez l'erreur.

Fukushima relance le débat

L'accident de la centrale nucléaire japonaise inquiète les Européens. Les installations sur notre continent sont-elles sûres ? Faut-il abandonner cette forme d'énergie ? La presse offre des réponses contrastées. 

 Quelle que soit l'ampleur finale de l'accident nucléaire en cours à la centrale japonaise de Fukushima, ses effets se font déjà sentir en Europe. “Le débat qui semblait s’amenuiser au même rythme que le souvenir de Tchernobyl ressurgit de façon brutale”, constate Le Figaro.
Le quotidien parisien explique que ce qui se passe au Japon est “un coup extrêmement rude qui vient de s’abattre sur la filière nucléaire mondiale”.  Alors que la flambée du pétrole en 2008 “avait permis de parler de réveil de l’atome civil à travers le monde”, et que “Bruxelles, à l’instigation de Paris, vient d’inscrire explicitement le nucléaire parmi ‘les énergies décarbonées’, au même titre que l’hydraulique, le solaire ou l’éolien”.

“Dans aucune région du monde, l’énergie nucléaire n'est aussi importante qu'en Europe“, souligne Die Welt.  Alors qu'en moyenne, dans le monde, le nucléaire satisfait 15 % des besoins en électricité, les 144 centrales européennes produisent 30% de l'électricité consommée. Quelque 71 % des citoyens de l’UE habitent dans un pays qui compte des réacteurs sur son sol.
Mais aujourd'hui, écrit Le Figaro, "les opposants au nucléaire ont repris de la vigueur dans toute l’Europe. En Allemagne, où le gouvernement conservateur-libéral d’Angela Merkel avait fait voter à l’automne 2009 l’allongement de la durée de vie des 17 réacteurs nucléaires du pays (...), en Autriche, pays traditionnellement hostile à l’énergie nucléaire, le ministre de l’Environnement, Nikolaus Berlakovich, a plaidé pour un ‘stress test’ des centrales européennes (...) en Grande-Bretagne, où le gouvernement de Cameron a relancé son programme de construction de centrales et retenu en octobre huit nouveaux sites, le ministre de l’Energie, Chris Huhne, s'est déclaré favorable à une enquête ‘pour tirer les leçons nécessaires’ de l’événement, alors que se décide en juin le recours à la technologie EPR d’Areva et EDF”. 
Le choc est tel que nous en sommes à “la fin de l’ère nucléaire", n'hésite pas à titrer Der Spiegel. L'hebdomadaire allemand estime que la doctrine du risque zéro doit être revue : “Certes, le Japon est une zone sismique, ce qui augmente le risque et constitue une différence entre le Japon et l’Allemagne ou la France. Mais le Japon fait également partie des industries les plus développées où des ingénieurs bien formés et pointilleux construisent les voitures les plus modernes et les plus fiables au monde. A l’époque de la catastrophe de Tchernobyl, l’industrie nucléaire allemande pouvait faire avaler à elle-même et aux citoyens qu’en Europe de l’Est, il y avait de réacteurs démodés et des ingénieurs incapables et négligeant. On voit maintenant combien cette perception était présomptueuse. […] Il suffit d'un enchaînement de hasards malheureux [et] Fukushima est partout.“
Depuis des années, rappelle Der Standard, "des doutes ont été émis sur la sécurité de centrales d'Europe de l’Est comme celles de Mochovce [en Slovaquie] ou Temelín [en République tchèque, non loin de la frontière autrichienne]. Mais lorsqu’il s’agit des centrales allemandes, les critiques sont plus feutrées. Or, on sait par exemple depuis des années que la centrale de Neckarwestheim, dans le Bade-Wurtemberg, se trouve dans une zone sismique."
 Cette vulnérabilité rappelle que "les questions centrales ne trouvent pas de réponses évidentes" : La technique est-elle maîtrisable ? Les centrales peuvent-elles rendues plus sûres ? Une élimination sûre des déchets peut-elle être garantie ? “Il revient à l’UE de lancer un contrôle des toutes les installations nucléaires en Europe”, considère le journal, qui estime que la propositions du ministre autrichien de l’Environnement, Nikolaus Berlakovich, d’organiser des stress tests pour les centrales nucléaires “va dans le bon sens”.
S'agit-il de prudence ou d'hystérie ? Depuis 1979, date de la fuite radioactive dans la centrale américaine de Three Miles Island, “nous avons fait des progrès technologiques”, pointe Hospodářské noviny. Contrairement à 1986, date de la catastrophe de Tchernobyl, “il n’y a plus de régime communiste qui, par principe, se moque de la sécurité de son peuple”, et l'Europe n'est majoritairement pas située sur une région sismiquement active. Par conséquent, assure le quotidien tchèque, "abandonner l’énergie nucléaire serait d’autant plus aberrant que les sources d’énergie alternatives sont limitées". "La bonne réaction à Fukushima", estime le journal, "n'est donc pas de sortir du nucléaire dans la panique, mais de tirer les bonnes conclusions de ce qui s’est passé et d'améliorer les mesures de sécurité"
Certes, l’accident de Fukushima ne doit pas être sous-estimé, note de son côté l'éditorialiste Sergio Rizzo dans le Corriere della Sera, mais “l’émotion compréhensible provoquée par cette tragédie ne doit pas déterminer des choix fondamentaux pour notre politique énergétique. Nous l’avons déjà fait et nous nous sommes brûlés les doigts : le référendum anti-nucléaire de 1987 est passé avec une large majorité en raison du choc de l’accident de Tchernobyl”. Mais au lieu de mener aux énergies vertes promises, ce vote approuvant la fermeture des centrales italiennes a conduit à une nouvelle dépendance au pétrole.
C'est d'ailleurs ce que pointe le Standaard en Belgique : "Nous devons payer le prix de notre mode de vie”,  car “tant que nous ne sommes pas prêts à changer radicalement notre consommation, nous devons accepter que l'électricité produite à prix abordable n'est pas sans risque”. Et c'est dans ce contexte que, hasard du calendrier, le gouvernement belge lance cette semaine une campagne pour “informer la population sur les gestes de protection en cas d’accident nucléaire".

Le pastis de Marseille

Le pastis est un mélange savoureux, mais à consommer avec modération. Marseille en abuse. Le blocage corporatiste de la SNCM a forcé à une opération combinée des CRS et des commandos de marine. Le même corporatisme des dockers prend depuis plusieurs années en otage l'avenir même de son port, déjà déclassé au palmarès des ports européens. Surviennent l'« affaire Guérini » et ses marchés truqués.

Les industries traditionnelles ayant émigré vers les zones périphériques, le taux de chômage est à Marseille de l'ordre de 14 % (40 % de plus que la moyenne nationale) et le taux de pauvreté l'un des plus élevés de France. L'immigration maghrébine massive a modifié, somme toute pacifiquement, les caractères de la population, mais le Front national enregistre là ses meilleurs scores. A mesure, une fracture sociale décisive s'est inscrite entre les quartiers nord et sud ; symbole : les « bac + 3 » représentent 18,4 % de la population dans le 7 e arrondissement, 2,5 % dans le 15 e.

C'est dans ce contexte qu'il faut considérer l'« affaire Guérini » et ce qu'elle révèle de clientélismes et de corruptions devenus structurels. Sur ce fond d'économie en basse pression et de société incertaine, le secteur public est en effet le principal employeur et le donneur d'ordre dominant, notamment à travers les secteurs publics territorial et hospitalier. Il détient pour beaucoup la clef de l'emploi. Et les marchés qu'il passe véhiculent cette influence chez les contractants privés, progressivement transformés en obligés ou en domestiques. Comme dans toute économie insuffisamment développée, les sources de profit les plus sûres sont dans le pouvoir, et sa conquête ou sa conservation inspirent tous les moyens.

La tradition à vrai dire y est bien implantée, de l'ancien « système Defferre » au condominium apparemment jovial entre la mairie de Gaudin et le conseil général de Guérini. On espère que ce n'est pas une fatalité.

La QPC, nouvelle arme fatale du procès pénal ?

Quel est le point commun entre René Teulade, ancien ministre socialiste, Rémy Chardon, ex-directeur de cabinet de Jacques Chirac à la Mairie de Paris, Jean-Paul Huchon, président du Conseil régional d'Ile-de-France, Thierry Gaubert, ex-collaborateur de Nicolas Sarkozy et le promoteur immobilier Philippe Smadja ? Trois lettres : QPC. Tous, aujourd'hui, se retrouvent dans l'actualité judiciaire et pour tous, leurs avocats ont dégainé leur nouvelle arme procédurale : la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Trois lettres qui sonnent comme un nouveau droit pour le justiciable, qui peut désormais à tous les stades de la procédure contester devant le juge la constitutionnalité de la loi applicable à son litige. Mais trois lettres aussi qui représentent une opportunité que même dans leurs rêves les plus fous, les avocats n'avaient pas osé imaginer : suspendre pour de longs mois le temps judiciaire... Au risque de dénaturer une belle idée démocratique et de gâcher de vraies questions juridiques.


Instaurée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, la QPC est un beau succès : plus de 2.000 questions ont été posées depuis sa mise en oeuvre le 1er mars 2010. Après un premier écrémage par le juge qui apprécie le « sérieux » et la « nouveauté » de la question, celle-ci est éventuellement transmise soit au Conseil d'Etat (pour le juge administratif), soit à la Cour de cassation (pour le juge judiciaire), les deux hautes juridictions jouant, en la matière, un rôle de filtre. Au total, en un an, 124 questions ont été examinées par le Conseil constitutionnel, permettant d'abroger nombre de dispositions législatives contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution, comme la décision à propos de la garde à vue obligeant le gouvernement à revoir la procédure ou, plus récemment, au sujet de l'hospitalisation d'office rendue plus conforme aux droits individuels.


Voilà maintenant la phase deux du mouvement : celle de l'arme procédurale. Cela fait un an que les cabinets d'avocats s'y préparent en recrutant à prix d'or des spécialistes de droit public. Ce sont les conseils de Jean-Paul Huchon qui, les premiers, ont ouvert le bal au mois de janvier dans l'affaire contestant la conformité de la communication du président du Conseil régional d'Ile-de-France pendant la campagne électorale. L'affaire s'était mal engagée au Conseil d'Etat, ce qui pouvait déboucher sur une condamnation à un an d'inéligibilité, avec démission immédiate. Mais, miracle ! Acceptée par le Conseil d'Etat, la QPC va permettre de laisser passer les élections cantonales... La question n'en est pas moins sérieuse : l'automaticité entre faits et peine encourue est-elle conforme aux principes de proportionnalité et d'individualisation des peines ? Le Conseil constitutionnel lui-même s'en était déjà ému.


La semaine dernière le procès des emplois fictifs de la Mairie de Paris s'est brutalement interrompu après le dépôt d'une question prioritaire par l'avocat de Rémy Chardon. Aujourd'hui, les juges de Nanterre devraient suivre leurs collègues dans une affaire d'abus de biens sociaux à l'encontre d'une société de collecte du 1 % logement dans laquelle sont poursuivis Philippe Smadja et Thierry Gaubert. Les juges de Paris pourraient leur emboîter le pas dans le dossier d'abus de confiance à l'encontre de la Mutuelle Retraite de la Fonction Publique, qui vaut à René Teulade d'être renvoyé devant les juges.


Les questions posées à l'ouverture du procès de Jacques Chirac et qui seront encore posées ce matin par le même avocat -Jean-Yves Le Borgne qui défend Philippe Smadja -, celle posée par Jean Veil, l'avocat de Thierry Gaubert, ou celle posée par Jean-René Farthouat, celui de René Teulade, sont tout aussi sérieuses : jusqu'où la jurisprudence peut-elle aller pour définir un délit ? Il y a longtemps que juges et avocats s'affrontent sur la prescription des délits dits « dissimulés » (abus de biens sociaux, abus de confiance...). Parce qu'ils ne sont généralement révélés qu'à l'occasion d'un changement de direction ou d'un nouveau mandat, les juges ont pris l'habitude de faire démarrer la prescription de ces infractions à partir du moment où les faits peuvent être connus. Des faits très anciens peuvent ainsi être poursuivis. Les politiques ont essayé à de multiples reprises de mettre à bas cette jurisprudence mais toutes les tentatives législatives ont avorté devant le tollé médiatique soulevé : faire tomber cette jurisprudence, c'est mettre à bas la plupart des affaires politico-financières. De même pour l'autre question posée lors du procès Chirac et qui sera reposée aujourd'hui à Nanterre : l'usage de la connexité entre deux affaires. Utilisée dans de nombreux dossiers de santé publique, comme l'amiante, elle permet de « rattacher » une affaire prescrite à une affaire non prescrite.


Ces constructions jurisprudentielles seraient pour les avocats contraires au principe de légalité des délits et des peines qui veut que la prescription soit clairement contenue dans la loi. Le problème de droit est donc réel : aucun texte de loi ne précise que la prescription des délits dissimulés est repoussée au moment de sa découverte. Mais poser ces questions en plein procès Chirac, le reportant ainsi de plusieurs mois, était-ce la meilleure manière de faire avancer le droit ? La Cour de cassation acceptera-t-elle de sacrifier sa propre jurisprudence ? Pour le professeur de droit public Guy Carcassonne « s'il y a un problème, il faut qu'il soit tranché. » Quant à l'engouement des avocats pour la QPC « la méthode n'a pas vocation à s'installer, pronostique le constitutionnaliste, il faut nettoyer les fonds de cuves des questions juridiques »... et cela ne sent pas toujours bon.

Les vrais responsables de la lepénisation des esprits

Pourquoi le FN nouveau de Marine Le Pen attire-t-il des électeurs de l’UMP et même de gauche ? Répondre que 25 % des Français sont « fascistes » ne tient pas. Selon certains, les Français voudraient ainsi protester contre la non-application du programme présidentiel de 2007, contre l’insécurité, l’islamisme et les communautarismes, la baisse du pouvoir d’achat, imputée à la mondialisation et à l’Europe, puis contre l’immigration incontrôlée, qui les priverait de logements sociaux et menacerait la France. D’autres accusent Nicolas Sarkozy d’avoir préparé la lepénisation des esprits avec les débats sur l’islam ou l’identité nationale. Qui a raison ? Une chose est sûre : rien n’est pire que l’absence de débat. Car si les partis traditionnels avaient formulé des réponses au lieu d’être terrorisés par le politiquement correct, et si l’on n’avait pas laissé au FN le monopole du drapeau français, il serait à 5 %. Les immobilistes de la majorité n’ont-ils pas eux-mêmes souvent empêché le Président, selon eux « trop agité », de poursuivre des réformes pourtant vitales pour débloquer une France au bord de la faillite et de l’implosion ? Cela dit, croire que Marine Le Pen appliquerait plus son programme que Nicolas Sarkozy est une erreur. Car les réformes promises par le Président ont été empêchées par la crise financière, l’administration, les syndicats, les juges et les médias, preuve que l’« omniprésident » n’est pas omnipotent, et que nous sommes en démocratie ! Enfin, les responsables de la « lepénisation des esprits » ne sont-ils pas aussi ceux qui ont comparé les propositions de Sarkozy ou de l’UMP sur les Roms et les clandestins aux « déportations » de Vichy, banalisant ainsi l’extrême droite ?