Avec l'envoi de conseillers militaires à Benghazi, l’OTAN s'investit un peu plus dans la guerre libyenne. Mais alors que forces du colonel Kadhafi restent à l'offensive, et les objecitf de cet engagement deviennent de plus en plus difficile à cerner, estime The Guardian.
Les 20 conseillers militaires britanniques, français et italiens envoyés pour aider les rebelles à Benghazi ne constituent pas une force d'occupation. Certes, ils n'ont pas pour mission d'entraîner les rebelles, mais ils ont pris pied sur le terrain. Et chaque pas qu'ils vont faire va accroître l'implication militaire de l'OTAN dans la guerre civile en Libye.
Tout aussi important était le fait que l'OTAN ait allongé la liste de ses cibles pour y inclure les échanges téléphoniques de Kadhafi et ses petits systèmes de communication par satellite, qui seraient “à double usage”, une appellation censément inquiétante.
Les annonces faites à Londres et Bruxelles cette semaine portaient sur le troisième changement d'orientation depuis que la résolution de l'ONU a autorisé l'imposition d'une zone d'exclusion aérienne en Libye. Les deux précédents ont été la décision d'envoyer des gilets pare-balles aux rebelles, puis la lettre d'Obama où celui-ci disait qu'il n'y avait pas d'avenir pour la Libye tant que Kadhafi était au pouvoir. Ce même Obama s'était pourtant engagé auparavant à ne pas faire du changement de régime un objectif de la guerre.
A chaque nouvelle étape, on a craint une dérive de la mission, même si, comme l'a affirmé un observateur, il serait plus juste de dire qu'on cherche à éviter l'effondrement de la mission. Ces étapes s'accumulent et l'orientation du conflit nous concerne tous.
ll y a quelques semaines, certains estimaient que les forces de Kadhafi s'effondreraient comme un château de cartes peu après les premiers tirs de missiles Tomahawk. Mais dans bien des cas, c'est le contraire qui s'est produit. Les forces fidèles à Kadhafi se sont adaptées au champ de bataille urbain, elles ont enterré leurs armes lourdes, placé des snipers sur les toits à Misrata et pilonné les zones rebelles par des tirs de bombes à fragmentation. Leurs lance-missiles ne sont plus des cibles faciles.
Des responsables de l'OTAN ont affirmé le 19 avril que les frappes sur un centre de communications appartenant à la 32e brigade de Kadhafi, une unité d'élite, avaient réduit la capacité du régime à diriger ses forces sur Marsa El Brega et Ajdabiya.
Mais dans le même temps, ils ont dû admettre que de telles frappes n'avaient guère d'effets sur les combats de rues à Misrata : le commandant des opérations aériennes, le général canadien Charles Bouchard, les a comparés à une bataille au couteau dans une cabine téléphonique — c'est dire s'il est difficile d'intervenir. En d'autres termes, une intervention menée dans l'intention de protéger les civils à Benghazi pourrait avoir l'effet inverse à Misrata, Ras Lanouf, Marsa El Brega et Ajdabiya.
Misrata pourrait bel et bien marquer un tournant. C'est dans cette ville que les deux objectifs de l'intervention alliée, protéger les civils et soutenir l'un des deux camps, ont convergé au point de devenir indissociables.
Tandis que les combats se poursuivent, l'effet symbolique des opérations de l'OTAN tend à s'estomper. Il y a un mois, les alliés auraient pu attirer ceux des partisans de Kadhafi qui ne voulaient pas se retrouver du côté des perdants. Mais aujourd'hui, l'effet psychologique des initiatives de l'OTAN n'est plus si évident. Kadhafi reste droit dans ses bottes. S'il commençait à céder, ses forces auraient pu se désengager. Au lieu de cela, les combats se propagent et peut-être a-t-il encore bon espoir de reprendre Misrata. S'il y parvient, il aura stoppé net la rébellion.
Il y a maintenant deux options. La première serait de tenir bon en espérant que les rebelles finiront par devenir une vraie force combattante. Autant dire que les étapes franchies jusqu'à présent ne seraient pas les dernières et que l'OTAN accroîtrait encore sa présence aérienne et terrestre. Deuxième option, revenir à une action diplomatique du type de celle proposée par l'Union africaine ou la Turquie. Dans l'état actuel du rapport de forces, tel ou tel membre du clan Kadhafi pourrait fort bien maintenir le régime en place.
Aucune de ces deux options n'est vraiment attrayante, mais dans la logique de la résolution de l'ONU ce serait certainement la deuxième solution qui mettrait fin le plus rapidement aux souffrances de la population.
Pour les rebelles de Benghazi, le fils de Kadhafi, Saïf, a cessé d'être le porte-drapeau de la réforme en matière de droits de l'homme. Il est devenu aussi infréquentable que n'importe quel autre membre du clan Kadhafi. Et pourtant, si le régime ne s'effondre pas, il pourrait être l'homme avec qui les diplomates vont devoir traiter.