TOUT EST DIT

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vendredi 22 avril 2011

Le pouvoir d’achat au bouche-à-bouche

C’est à y damner son catéchisme de science économique. Est-ce là du dirigo-libéralisme ou du libéral-dirigisme ? La main invisible d’Adam Smith actionnée par John Meynard Keynes ? Dix ans après que Lionel Jospin, premier ministre socialiste, eut désespéré son camp en déclarant, sincèrement et lucidement, que l’Etat ne pouvait pas tout, voilà qu’un président de droite, ami des PDG du Cac 40, suggère que l’Etat, par la voix de son chef, pourrait dicter sa volonté aux entreprises.

En tordant le bras du Medef, Nicolas Sarkozy nous fait donc du Besancenot dans le texte. Mieux partager la plus-value entre la rémunération du capital, l’investissement, et l’intéressement des salariés, qui ne pourrait souscrire à ce principe juste ? Mais que l’Élysée décide de l’imposer par la loi, c’est carrément gonflé !

Dès l’automne 2008, dans son discours de Toulon, le président avait bien appelé de ses vœux d’indispensables correctifs aux appétits mortels d’une ploutocratie gloutonne. Mais cette orientation sociale sombra avec la crise, vite noyée dans les remous des priorités, aussi changeantes que la marée, d’un quinquennat ébouriffé.

A un an des élections, on jette aujourd’hui les discours churchilliens et les angoisses de la dette à la mer ! Sauve qui peut : il faut ranimer la thématique du pouvoir d’achat. Et on le fait immédiatement, avec le savoir-faire de l’excellent sapeur-pompier qu’est le commandant Sarkozy. Vite, un bouche-à-bouche avec les électeurs pour compenser l’hémorragie des intentions de vote !

C’est une surenchère sympathique sur le marché des voix - qui dit mieux, Mesdames, Messieurs ? - et elle a le mérite de poser un débat essentiel : celui, éternellement posé et éternellement laissé en friches, de la participation gaulliste.

Mais cette intervention d’en haut, précipitée, n’est pas sérieuse. La forme primaire choisie par l’Élysée limite d’emblée l’ambition de l’élan. De son montant flottant - adieu les beaux 1 000 euros minimum qu’on avait fait miroiter - à son financement - c’est l’exonération de charges sociales qui la financera en grande partie - ,cette prime flottante sent l’arnaque. Si on comprend bien, c’est donc l’État sans le sou qui, au bout du compte, paiera ?

Un tel sujet contractuel aurait mérité un vrai dialogue social, de longue haleine, en début de mandat. Tous les salariés savent bien qu’une prime aléatoire ne répondra pas à la demande récurrente d’une hausse des salaires, nette et négociée, qui compte, elle, dans le calcul de la retraite.

Ironie de l’histoire : l’inégalité de la mesure, qui ne concernera qu’une minorité de salariés, rappelle celle, dévastatrice, des 35 heures. Sarkozy-Aubry même combat ? A ce rythme de coups, c’est la crédibilité de notre démocratie qu’on met KO.

L'Europe, victime des égoïsmes nationaux

La pression populiste, qui se nourrit du rejet des élites et de la peur de la globalisation et de l'immigration, perturbe le fonctionnement actuel de l'Union européenne. C'est peut-être le moment de retrouver l'esprit ses pères fondateurs, les Monnet et Schuman.

Ils avaient imaginé, il y a soixante ans, un ingénieux système associant la mise en commun de certaines compétences (principalement économiques) avec une organisation où les États étaient contrebalancés par des institutions au-dessus d'eux. Le Conseil des ministres représentait les intérêts nationaux, tandis que la Commission ou le Parlement étaient censés représenter l'intérêt général européen. C'est ce que, en son temps, Jacques Delors avait défini en caractérisant l'Europe comme une « Fédération d'États-Nations ».

Ce choix a été progressivement remis en cause. Bruxelles a été de moins en moins le lieu de mise en commun de compétences et de plus en plus le lieu d'âpres négociations entre États pour tenter d'obtenir le maximum d'avantages ou le minimum d'inconvénients. Les stratégies du « chacun pour soi » prirent le dessus.

L'Europe a progressé dans la régulation des économies, mais elle a failli sombrer avec la crise monétaire née aux États-Unis. Certes, les Européens ont mis en place des mécanismes qui ont permis le sauvetage, in extremis, de la Grèce, de l'Irlande et maintenant du Portugal. Mais les refus, au départ, de faire preuve de solidarité, notamment en Allemagne, ont retardé les décisions nécessaires et augmenté la facture finale.

L'Europe a aussi réussi, au forceps, à se doter d'un service d'action extérieure, un nom barbare pour parler de politique étrangère mais qui ne réussit pas à camoufler l'incapacité des Européens à se doter d'une politique étrangère commune (et ne parlons pas de Défense !) Les Européens, face à l'implosion des régimes arabes, n'ont pas su réagir à la hauteur de l'événement et mener ensemble des politiques concertées.

Plus récemment encore, la question de l'immigration est devenue un motif de querelle entre Français et Italiens. La France a juridiquement raison de dire que la question de l'immigration clandestine relève du pays de débarquement des immigrés clandestins. Mais cet égoïsme juridique ne tient pas la route quand des petits pays, comme Malte et la Grèce, ou plus grands comme l'Italie, sont confrontés à des vagues incontrôlables d'immigrés. Au « c'est votre affaire » adressé par la France à l'Italie, répond le « débrouillez-vous avec le problème » des Italiens qui savent bien qu'en délivrant des laissez-passer « provisoires » aux Tunisiens, ceux-ci s'empresseront de tenter de passer la frontière française.

Le « chacun pour soi » des États européens est une chanson connue. Elle fut la matrice de tous leurs conflits, jusqu'à l'épuisement de la Seconde Guerre mondiale. Avons-nous oublié les leçons de l'Histoire ? Désunis, les États européens ne sont que des nains, non seulement face aux États-Unis, mais aussi face aux pays émergents comme la Chine, l'Inde ou le Brésil.

Dans un monde à la fois ouvert et plein de risques, la dimension européenne est la seule capable de nous sauver. Mais pas n'importe quelle Europe ! Il est urgent de retrouver l'esprit du début de la construction européenne : une foi, une audace, un leadership, qui semblent manquer aujourd'hui.

(*) Professeur de Sciences politiques.

Bienveillante, envahissante UE

Hier les ampoules basse consommation, aujourd'hui la protection des données personnelles, demain les informations sur les passagers aériens : à trop vouloir s'occuper de la vie de ses citoyens, l'Europe finit par saper leur confiance, estime Der Standard. 

L’Europe ne va pas bien. Le plan de sauvetage de l’euro a été mal compris et les désaccords de l’Europe sur cette question ainsi que sur l’intervention en Libye sont source de tensions.
Or, c’est dans ces circonstances que la Commission européenne s’emploie à contrarier même les Européens les plus convaincus. La Commission (et l'Union) européenne ruine la confiance des citoyens dans l’Union européenne en faisant passer à la va-vite des mesures particulièrement louches et dont les citoyens feront les frais.
Elle a, par exemple, chargé quelques grandes multinationales de procéder au remplacement des systèmes d’éclairages domestiques. Résultat : les citoyens se retrouvent avec des équipements chers, qui diffusent une lumière abominable, mettent plusieurs minutes à se mettre en marche et qu’il faut par-dessus tout éviter de casser en raison du mercure qu’ils contiennent.

Des mesures non débattues

A cela s’ajoutent les révélations de nouvelles études selon lesquelles les lampes compactes fluorescentes rejetteraient un "mélange de vapeurs toxiques" et contiendraient des substances cancérigènes. C’est du moins l’avis des experts interrogés par Markt, un magazine de défense des droits des consommateurs. De leur côté, les fabricants se défendent en arguant que leurs produits ne dépassent pas les "seuils" autorisés. Cette question n’a fait l’objet d’aucun débat.
La directive européenne sur la conservation des données a été mise en œuvre avec la même "discrétion". Cette directive concerne l’intégralité des communications passées via les téléphones, téléphones portables, courriers électroniques et Internet et prévoit la conservation de ces données pour une durée de six mois. La police et la justice auront accès à ces informations. Divers abus se profilent déjà à l’horizon.
Les autorités mettent en avant l’argument de la lutte contre le terrorisme. L’UE a même publié un "rapport d’évaluation" expliquant en substance que les quelques Etats ayant déjà mis en œuvre ces mesures avaient enregistré de grands succès. Par des manœuvres "d’escroquerie".

Les passagers européens listés pendant 5 ans

En 2010, la Cour constitutionnelle allemande a déclaré que la conservation non motivée de données de télécommunication était contraire à la constitution. La coalition au pouvoir (CDU-CSU-FDP) réfléchit néanmoins aux moyens de la faire quand même appliquer. Le gouvernement suédois, lui, refuse de mettre en œuvre la directive et se voit menacé d’amende par la Commission européenne. En Autriche, la loi devrait encore subir quelques modifications cosmétiques avant d’être adoptée.
Les passagers aériens sont les prochains sur la liste. La Commission européenne veut obliger les compagnies aériennes à enregistrer les informations des passagers sur les vols entrant et sortant d’Europe et à les transmettre aux organismes de sécurité des pays concernés. Ces données seront conservées pendant 5 ans et comprendront le nom et l’adresse des passagers ainsi que leur numéro de carte de crédit, le nom de leur conjoint(e) et enfant(s), leur numéro de voyageur fréquent, leur adresse électronique et leurs préférences en matière de repas (casher ou végétarien), de location de voiture ou d’hôtel.
Par leur politique du secret, la Commission européenne et les pays membres de l’UE oeuvrent à la destruction du projet européen.

Le beau printemps des anti-euro

Le score des Vrais Finlandais le 17 avril en est la dernière manifestation : partout en Europe, les eurosceptiques sont de plus en plus virulents, et leur rhétorique bien ficelée leur permet de se faire entendre à l’échelle nationale comme européenne. 

Peter Gauweiler n’a jamais aimé l’euro, cette "monnaie espéranto" ainsi qu’il la surnomme en référence à la langue internationale que personne ne parle. "Si on voulait vraiment rendre service à la Grèce ou au Portugal, on leur dirait de sortir de l’Europe", a déclaré cette semaine le représentant de la CSU. Les accusations de populisme le laissent de marbre. "Cela signifie seulement que je sais ce que les gens pensent".
Gauweiler ne sait peut-être pas ce qu’"ils" pensent mais il sait ce qu’un nombre croissant d’Européens veulent : sortir de l’euro. Dans un grand nombre de pays, l’état de crise permanente, les politiques de rigueur et les plans de stabilisation alimentent le mécontentement populaire contre la monnaie unique.
En France, le Front national tempête contre l’euro, aux Pays-Bas, les populistes du PVV (Parti pour la liberté, fondé par Geert Wilders) réclament le retour du florin, et les discours hostiles à l’euro des Vrais Finlandais leur ont permis de devenir le troisième parti du pays après les élections législatives du 17 avril. Sans oublier le rôle des marchés financiers : "Le risque économique lié à l’union monétaire est en train de se transformer en risque politique", souligne Thomas Mayer, économiste en chef de la Deutsche Bank.

L'Union européenne et le FMI, principaux accusés

Car, en dépit des aides au crédit et du renforcement du pacte de stabilité, la crise de l’euro est loin d’être terminée. Les Etats périphériques ont réduit leurs dépenses sociales de manière drastique. Les impôts augmentent, les salaires diminuent, les pensions s’amenuisent, partout l’Etat recule et la pauvreté progresse. C’est pourquoi de nombreux doigts accusateurs se tournent aujourd’hui en direction de l’Union européenne (UE) ou du Fonds monétaire international (FMI). La colère monte.
Pendant ce temps, une chose est sûre : le Portugal, l’Espagne, l’Irlande et la Grèce vont devoir économiser bien plus que ce que l’on pensait jusqu’à présent. Dans une conjoncture difficile, l’économie s’effondre et les revenus de l’Etat avec, creusant ainsi un peu plus le déficit public en dépit de tout plan d’économie. "La politique de stabilisation menée en Grèce pour l’année 2011 menace d’aboutir à un échec", s’inquiète Christoph Weil, économiste à la Commerzbank. La situation budgétaire de l’Espagne et de l’Irlande ne s’est pas améliorée en début d’année et le Portugal devrait adopter de nouvelles mesures de stabilisation.
Cherchant à relancer leur économie par le biais des exportations, tous les pays en crise s’efforcent d’abaisser leurs salaires afin d’améliorer leur compétitivité face à des pays comme l’Allemagne. Les revenus des habitants sont encore un peu plus pressurisés et la consommation baisse. Il existe un "risque d’excès de rigueur, prévient la banque Société générale, c’est un jeu dangereux".
Dans les pays touchés par la crise, le mécontentement gronde contre l’euro. "Les eurosceptiques constituent une force politique en Irlande et ils attendent leur heure", souligne Hugo Brady du think tank Centre for European Reform. Mais la colère monte aussi dans les pays plus riches comme la Finlande, l’Allemagne et les Pays-Bas qui se considèrent comme les trésoriers de l’Europe. "Le maintien des aides financières aux Etats proches de la faillite va se traduire par des tensions politiques", prophétise l’économiste en chef de la Deutsche Bank.

La construction européenne sert de paratonnerre

Voilà qui fait le jeu des partis de droite. Les Vrais Finlandais se sont prononcés contre tout plan d’aide au Portugal. La récente percée de ce parti pourrait finir par poser problème à l’Union européenne. Un gouvernement finlandais eurosceptique pourrait en effet bloquer toute décision européenne exigeant l’unanimité.
En France aussi, le Front national marque des points avec sa rhétorique anti-européenne. "L’Union européenne est une structure que je considère comme totalitaire, c’est l’Union Soviétique européenne", a déclaré Marine Le Pen. Aux Pays-Bas, le président du PVV, Geert Wilders peste contre les aides financières accordées à la Grèce. "A nous les corvées, à eux les brochettes. Pendant qu’on trime, eux ne pensent qu’à boire de l’ouzo, a lancé Wilders devant les députés néerlandais. Au PVV, nous disons : pas un sou pour la Grèce ! Et pas plus pour les Portugais ou les Espagnols !"
Ces propos, encore marginaux il y a peu, inquiètent à présent aussi les milieux financiers. "La conjoncture économique s’aggrave, c’est un climat propice au développement des idées d’extrême droite", écrit Dylan Grice dans une étude de la Société Générale pour les investisseurs. La droite se positionne généralement contre tout ce qui est étranger et extérieur, notamment les immigrés. Elle semble toutefois avoir trouvé un nouveau bouc émissaire avec la monnaie européenne. "Tous les pays membres de la zone euro se sentent contrôlés par l’étranger, écrit Grice. La zone euro fait office de paratonnerre."

Le commentaire politique de Christophe Barbier