Le mot d’ordre de grève a été entendu et les cortèges contre la réforme des retraites ont rassemblé du monde. Ce succès de la mobilisation ne modifiera pas en profondeur la logique du projet. Dès mardi matin, François Fillon exhortait les députés UMP à « tenir la ligne » sur le report à 62 ans de l’âge légal de départ et à 67 ans pour obtenir une pension sans décote. Et rien n’indique que ces points seraient soudain devenus négociables.
Hier pourtant, la rue a installé un nouveau rapport de force sur ce dossier : on peut d’ores et déjà prévoir des évolutions sur les questions sensibles de la pénibilité, des polypensionnés et des carrières longues. À vrai dire, ces points amendés – dans le sens souhaité par les syndicats – introduiraient une touche sociale à une réforme qui en manquait un peu. Restera alors la question controversée, notamment pour les femmes, du report du départ de 65 à 67 ans pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.
Quel sera le calendrier des annonces ? Sur ce terrain, gouvernement et partenaires sociaux ont désormais partie liée : il faut faire vite. Ni les uns ni les autres n’ont intérêt à faire traîner un mouvement qui pourrait se radicaliser. C’est donc dès maintenant que le gouvernement devra faire les ouvertures déjà annoncées. En laissant aux syndicats le plaisir d’annoncer ce qu’ils ont « arraché ».
Ce compromis serait une conclusion acceptable pour une réforme que de nombreux manifestants d’hier savaient à la fois nécessaire et inéluctable. Une fois encore, la France a mimé l’affrontement, tout en préférant, selon toute vraisemblance, en sortir par l’apaisement.
Sans cesse répétée, cette rhétorique est bien sûr lassante. Mais, élément de la culture nationale, elle est un point de passage imposé à de nombreuses réformes : le pouvoir doit montrer – jusqu’à la caricature – qu’il est déterminé, les syndicats doivent prouver qu’ils sont mobilisés.
Depuis hier, c’est chose faite. Les discussions peuvent donc commencer.