TOUT EST DIT

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mardi 28 octobre 2014

L’impôt sur l’infortuné

Nul n'est censé ignorer la loi. Et surtout pas ceux qui la font ! Au nom de ce principe gravé dans le marbre, on a peine à souscrire aux protestations de bonne foi du président UMP de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, Gilles Carrez, exposé à un redressement fiscal pour non-paiement de l'ISF. Gilles Carrez est l'un de ces soixante parlementaires de tous bords, en délicatesse avec le fisc, dans le cadre de la législation sur la transparence de la vie publique, à se poser en infortuné de l'impôt ! Et il est l'un de ceux qui ont choisi de s'expliquer publiquement avant toute révélation officielle.
On n'est pas certain, en l'occurrence, que ce système de défense préventif leur vaille l'indulgence du contribuable français, tant il témoigne d'une formidable désinvolture de la part de responsables politiques. Dans ce domaine, Gilles Carrez mérite moins que tout autre d'être excusé puisqu'il a ignoré dans sa déclaration, une disposition dont il avait été à l'origine en 2007. Voici donc, après la phobie administrative qui a valu son départ à Thomas Thévenoud, le tracassin fiscal invoqué comme excuse atténuante.
Sauf qu'elle prend plutôt dans le contexte, l'allure d'une circonstance aggravante. Spécialiste de la fiscalité et de l'immobilier reconnu, Gilles Carrez a été rapporteur du budget pendant 10 ans et président de la mission parlementaire sur la fraude fiscale des personnes physiques. On concédera simplement au député-maire du Perreux qu'il a combattu l'ISF, un impôt « stupide » dont on sait effectivement qu'il ne frappe pas les plus riches et permet, par exemple, la non prise en compte des 'uvres d'art.
Il est simplement dommage que l'absurdité d'un système apparaisse quand un élu de la République en est la victime. Certes, la faute de Gilles Carrez est moins lourde que celle d'un Cahuzac ou d'un Thévenoud, mais elle est révélatrice d'une difficulté des parlementaires à se réformer. Ceux qui accusent la presse de nourrir le populisme ont tort. Préféreraient-ils une omertà complice ? Il faut, en ces temps de crise, que nos politiques cessent de confondre la transparence avec l'art de passer à travers les gouttes.

Et basta

Et basta

  Dire ou ne pas dire la vérité… La ministre de la Culture ayant admis qu’elle n’avait pas lu notre Prix Nobel de littérature, une polémique s’est aussitôt enclenchée. Les avis sont tranchés mais les uns et les autres négligent le voluptueux confort intellectuel que procure l’insuffisance. A l’heure où les savants, les spécialistes et les experts, c’est-à-dire tout le monde, tiennent le haut du pavé, avouer son ignorance est un luxe : au moins ne se trompe-t-on pas. Tout comme il serait grossier de battre un pleutre même si c’est sans danger, critiquer un indécis est de mauvais goût. Le « je ne sais pas » est en réalité une manifestation de liberté. Il permet de se sortir des situations les plus délicates. Par exemple, comment conclure ce billet ? Je ne sais pas et basta.

Les banques sont solides, mais les entreprises ferment !

Cocorico ! Les grandes banques françaises ont toutes réussi leur "stress test". Ce qui n'empêche pas les faillites de se multiplier faute de financement.

Les 63 000 chefs d'entreprises - petites, moyennes ou grandes - qui ont mis la clé sous la porte ces douze derniers mois peuvent se sentir consolés en attendant l'huissier : si eux sont ruinés, les banques françaises sont solides. Elles ont victorieusement passé le "stress test", cet exercice de torture médiévale infligé par la Banque centrale européenne (BCE) afin de s'assurer que les établissements disposent de suffisamment de fonds propres pour faire face à un nouveau coup de tabac économique. Succès total, paraît-il : même en cas de grosse tempête les coques de nos vaillants navires bancaires résisteraient. Dont acte.
Des dizaines de milliers d'auditeurs externes et internes ont été mobilisés pour cette gigantesque revue de détail : cela, au moins, crée des emplois...
Il se murmure qu'afin de remplir les fameux critères de Bâle III, qui ont défini des obligations contraignantes après la crise de 2008, les banquiers ont, ces derniers mois, encore un peu plus resserré la vis du crédit. Histoire de prouver qu'ils sont des élèves exemplaires. Ne jouons pas les esprits chagrins : il vaut mieux que les banques françaises soient solides plutôt que chancelantes, qu'elles fassent bonne figure sur les marchés internationaux et que l'épargne des Français soit sécurisée. Mais il est tout aussi important qu'elles jouent le rôle que la société attend d'elles. D'autant que sans les efforts consentis par les pouvoirs publics, BCE en tête, c'est-à-direin fine par les citoyens, elles seraient en piteux état.

Un besoin d'argent frais

Or, on ne peut ignorer la longue plainte qui, du nord au sud, de l'est à l'ouest, monte du côté des entreprises. Organisations professionnelles, magistrats des tribunaux de commerce, avocats spécialisés, tous disent la même chose : les banques sont souvent aux abonnés absents quand il s'agit d'irriguer le tissu économique. Faute de trésorerie, nombre d'entreprises saines avec des carnets de commandes remplis prennent le chemin du redressement judiciaire, souvent antichambre de la liquidation pure et simple, faute d'avoir obtenu les crédits auxquels elles auraient pu prétendre. "Un banquier, c'est quelqu'un qui vous prête un parapluie quand il fait beau et vous le retire quand il pleut." La formule de Mark Twain se vérifie tous les jours...
Les mécanismes mis en place, comme le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), sont de redoutables usines à gaz que seules les grandes entreprises peuvent maîtriser. Les sommes récupérées sont créditées (généralement sous forme de crédit d'impôt) des mois plus tard, alors que beaucoup de petites entreprises ont un besoin immédiat d'argent frais.
Les banques, c'est vrai, ne sont pas des associations philanthropiques et n'ont pas vocation à perdre de l'argent. Les critères de Bâle III les ont obligées à reconstituer un matelas de fonds propres. C'est fait. Le pourcentage des créances douteuses dans les encours des crédits déclarés est, selon la Banque de France, très faible. Elles devraient donc maintenant être en mesure de redonner de l'oxygène aux entreprises. Inch Allah !

Par delà les incohérences de l’opinion

Les sondages se présentent comme une photographie de l’opinion publique à un moment donné. Pour être honnête, on ne peut pas les accepter quand ils vont dans un sens qui nous convient et les rejeter quand ils dérangent. Ils nous montrent en tout cas une opinion publique peu rationnelle, inconstante, versatile, voire même contradictoire. L’une des difficultés d’un responsable politique est d’interpréter un phénomène aussi insaisissable et en apparence, incohérent. Ainsi, l’idée d’une radicalisation conservatrice ou « droitière » de l’opinion publique est aujourd’hui couramment admise. Elle se retrouve dans le fameux sondage CEVIPOF de janvier 2014, selon lequel 50% des Français seraient « favorables à la peine de mort », 67% estime « qu’il y a trop d’immigrés », 47% souhaitent « se protéger du monde » et 35% (seulement) jugent que l’Union européenne « est une bonne chose ». Cependant, les enquêtes d’opinion sur la popularité des personnalités politiques paraissent démontrer l’inverse et plutôt le rejet des options clivantes, une attirance vers le consensus, le centre, l’apaisement. Le dernier sondage IFOP Paris Match sur le classement des hommes et femmes de pouvoir le souligne clairement avec Jack Lang en tête (66%), suivi de Jean-Louis Borloo (65%), d’Alain Juppé (63%) et de Bayrou (60%). Le premier ministre est lui aussi bien placé, du fait sans doute de son positionnement « social démocrate » (55%). En revanche, les personnalités clivantes, partisanes, porteuses d’une image de cassure, plus conformes à l’idée d’une radicalisation de l’opinion, se retrouvent, à l’exception de Montebourg, en queue du classement en tout cas dans le seconde moitié de celui-ci. Une explication possible de ce phénomène pourrait tenir à la distinction entre le fond et la forme. Les préoccupations, angoisses, demandes d’autorité et d’ordre sont bien présentes en toile de fond de l’actualité politique. Cependant, elles se conjuguent avec le besoin de sagesse, d’apaisement, de paix civile, de tolérance, de consensus et d’ouverture qui s’exprime dans les cotes de popularité des personnalités politiques. Les succès électoraux de l’avenir, en particulier de 2017 reposent peut-être dans l’aptitude à analyser et surmonter cette contradiction apparente.