TOUT EST DIT

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mardi 19 mars 2013

La victoire du désenchantement

Il n'y a pas de vainqueurs dans l'élection d'hier. Hollande est sans majorité, le FN revient, l'UMP ne règle pas ses problèmes et l'abstention triomphe. 
Les résultats du premier tour de l'élection législative partielle de la 2e circonscription de l'Oise n'ont qu'une valeur relative. Ils n'en ont pas moins une signification politique. Gageons que toutes les familles en ont déjà tiré les leçons à quelques mois des municipales. Ils ne sont pas surprenants. On se doutait bien qu'ils seraient désastreux pour le PS, dont la candidate a obtenu 21,37 % des suffrages contre 30,5 % l'an dernier, soit un déficit de neuf points. Ce score, inférieur à 12,5 % des inscrits et rapporté à un taux d'abstention de 67,21 %, lui interdit de figurer dimanche prochain au second tour. Que cette claque soit une sanction contre la politique de Hollande et du gouvernement socialiste, cela relève de l'évidence. Ne revenons pas là-dessus, assez de sondages, d'enquêtes et d'analyses expliquent et confirment depuis des mois les raisons de la profonde déception, le mot est faible, de l'électorat de gauche vis-à-vis de ses gouvernants. Ce que Christian Jacob, patron des députés UMP, appelle un "effondrement". Ou bien encore une "pente dangereuse", comme disait hier François Bayrou, qui l'avait prévu mais qui paradoxalement n'avait rien fait, bien au contraire, pour que la France y échappe.

François Hollande paie ses louvoiements

Autre évidence : ce résultat laisse augurer de lourds revers dans le camp socialiste aux prochaines municipales. Seule une correction de sa politique pourrait permettre à François Hollande d'éviter cette perspective. Dans quelle direction, cette correction ? À gauche, inévitablement, tant il est vrai que ses électeurs de mai dernier qui le désavouent aujourd'hui sont ceux qui lui font procès de son engagement social démocrate. Ils attendaient naïvement de lui qu'il remplisse les promesses démagogiques qu'il leur avait faites. Il paie aujourd'hui ses louvoiements. On imagine mal, dans le contexte économique désastreux où se débat la France, qu'il puisse réviser la politique qu'il a mise en place, sauf à se trahir de nouveau, dans le seul objectif de limiter les dégâts électoraux. Les municipales s'annoncent donc pour les socialistes sous les plus mauvais auspices.
Que plus des deux tiers des électeurs de l'Oise se soient abstenus hier est un autre sujet de préoccupation, qui intéresse cette fois non seulement la gauche mais aussi la droite. Cette défiance vis-à-vis de la politique en dit long sur l'état de l'opinion. Certes, il ne s'agissait que d'un premier tour. Mais la situation actuelle de notre pays et l'inquiétude qu'elle provoque légitimement parmi le peuple, lui-même lourdement atteint dans ses conditions de vie, pouvaient laisser espérer un regain d'intérêt pour une consultation électorale. Cela n'a pas été le cas, s'agissant de l'électorat de droite, dont l'indifférence a montré le peu de crédit qu'il porte à l'expression de son vote, le peu d'espoir qu'il y met. L'UMP ferait bien d'y réfléchir.

La seule force du gouvernement d'aujourd'hui est dans la faiblesse de la droite

Car c'est pour une grande part le spectacle qu'elle donne d'elle-même depuis des mois qui est ici en cause. La politique menée par Hollande lui a ouvert un boulevard qu'elle n'a pas emprunté. Elle n'a même pas été capable d'offrir à son électorat une lecture critique attentive des faits et méfaits commis jour après jour par un gouvernement médiocre. Pas capable de se défendre des procès injustes que la majorité actuelle continue d'instruire contre la majorité d'hier. Pas capable d'attaquer avec efficacité l'adversaire. Ni de construire l'avenir. Paralysée par les divisions et les ambitions de ses dirigeants, elle a renoncé à remplir le rôle d'opposition qui lui incombe. La seule force du gouvernement d'aujourd'hui est dans la faiblesse de la droite.
Le Front national bénéficiera fatalement de cette incurie. Il n'en a que peu profité hier dans l'Oise (il n'a gagné qu'environ trois points par rapport à juin dernier). Mais sur un plan national, il risque de tirer avantage de ces face-à-face qui vont l'amener à affronter les candidats de la droite, comme dimanche prochain dans l'Oise. Car s'annonce une répétition de cette comédie électorale qui depuis 30 ans délite la politique française, comédie ponctuée de mauvais procès, de chantages, de mensonges et d'alliances contre nature. Il faudra bien qu'un jour sonne l'heure de la vérité, où chacun devra dire qui il est exactement, où il se situe par rapport aux valeurs et aux critères essentiels qui fondent la démocratie. Faute de quoi la France s'enfoncera encore un peu plus dans le brouillard de sa médiocrité politique. 

L’Eurogroupe patauge dans la crise chypriote

A l’issue d’une conférence téléphonique, lundi 18 mars au soir, les ministres des Finances de la zone euro ont affirmé soutenir le principe d’un « traitement différencié » pour les petits épargnants.
Rétropédalage de premier ordre pour l’Eurogroupe. Après avoir validé un plan de sauvetage prévoyant de taxer tous les dépôts des banques chypriotes, y compris les plus modestes, les ministres des Finances de la zone euro font marche arrière.

Vives critiques de Moscou

Après une réunion téléphonique, dans la soirée du lundi 18 mars, les Dix-Sept ont déclaré dans un communiqué conjoint qu’ils sont « d’avis que les petits épargnants devraient être traités différemment ». Ils en ont aussi profité pour réaffirmer « l’importance de garantir pleinement les dépôts inférieurs à 100. 000 euros ».
L’annonce, dans la nuit du vendredi 15 au samedi 16 mars, qu’une taxe serait imposée sur les dépôts bancaires, en plus d’un renflouement de 10 milliards d’euros de l’Union européenne, avait rompu avec l’usage voulant que les déposants ne soient pas mis à contribution lors des plans de sauvetage.
L’accord original passé à Bruxelles prévoit de taxer à 6, 7 % les dépôts inférieurs à 100. 000 euros et à 9, 9 % les dépôts au-dessus de ce seuil. Une part importante de ces gros comptes est détenue par des ressortissants russes. Chypre, dont la destination bancaire est très prisée, est peu regardante sur leur origine mafieuse.
Moscou a d’ailleurs vivement critiqué le plan de sauvetage jugé « injuste, non professionnel et dangereux ».

Toujours 5, 8 milliards à trouver

Durant le week-end, les résidents chypriotes se sont rués sur les distributeurs de billets pour tenter de retirer le maximum de fonds de leurs comptes.
Les établissements bancaires sont restés fermés lundi, jour férié à Chypre, et ils le resteront mardi et mercredi. Une mesure destinée à « préserver la stabilité du secteur financier », lit-on dans le communiqué des ministres des Finances de la zone euro.
Ils ont aussi précisé que ces mesures de prélèvement de l’épargne sont « exceptionnelles ».
Flexible en apparence, laissant à Chypre le soin de fixer la dégressivité des taux, l’Eurogroupe n’en maintient pas moins ses objectifs. Nicosie doit trouver 5, 8 milliards d’euros. Exonérer les petits épargnants l’obligerait alors à taxer plus lourdement les gros dépôts.

Difficile vote au Parlement

Le gouvernement a jusqu’à présent été réticent à cette idée, craignant de voir les capitaux étrangers quitter l’île à l’avenir.
« Tous les ministres de l’Eurogroupe ont dit aujourd’hui qu’ils souhaitaient qu’il n’y ait pas de taxe en deçà de 100. 000 euros mais on ne peut pas obliger un pays à ne pas le faire », a déclaré une source diplomatique à Reuters. « Chypre ne veut pas imposer une lourde taxe au-dessus de 100. 000 parce que l’argent partira. Les deux tiers des dépôts sont étrangers ».
L’autre difficulté est la ratification par le Parlement chypriote du plan de sauvetage. Le vote pourrait se tenir vers 17h, mardi 19 mars. L’incertitude règne toujours dans la capacité du président Nicos Anastasiades, élu il y a tout juste trois semaines, de rassembler la majorité nécessaire.

Impopularité record, motion de censure, partielle catastrophique : le gouvernement paye-t-il le prix de la crise ou de son incompétence ?


Après l'impopularité grandissante du président de la République et la menace d'une motion de censure à l'Assemblée nationale, le Parti socialiste a essuyé un nouveau revers ce week-end avec l'élection législative partielle dans l'Oise, où sa candidate a été éliminée dès le premier tour.

L’ensemble de l’opposition s’accorde à considérer la défaite du PS au premier tour de l’élection législative partielle dans l’Oise comme un vote sanction à l’encontre du gouvernement et de sa politique. Par ailleurs, de nombreux articles venant de médias de droite et de gauche ont souligné l’incompétence du gouvernement et l’ont attribuée à différents facteurs : choix des ministres, composition des cabinets, communication à sens unique. Cette incompétence est-elle réelle et est-ce cela que paie aujourd’hui le Parti socialiste ?

Les deux nuls.
Jean-François Kahn : Je trouve cette affirmation indulgente. S’il ne s’agissait que d’un problème de communication, il serait possible d’y remédier facilement. Hélas, la situation est pire. L’élection de l’Oise, qui intervient quelques mois après d’autres élections législatives qui étaient déjà terribles pour le PS, représente plus qu’un signal d’alarme. La situation est catastrophique et pas seulement pour le PS. Elle témoigne d’un écroulement du PS, mais cela n’est pas bon non plus pour l’UMP.  Le vrai vainqueur est en fait le Front national.
Je ne sais pas s’il s’agit d’incompétence, car les membres du gouvernement sont très compétents comme ce fut le cas pendant le quinquennat de Nicolas de Sarkozy. Nous sommes dans un régime présidentiel et ce régime est pervers, notamment parce que dans une période de non-cohabitation, tout dépend du président. Même si tous les ministres étaient compétents – et ce n’est pas le cas – dans ce régime, il suffit que le président soit incompétent. Néanmoins, je ne crois pas que François Hollande soit incompétent. Le problème réside dans le fait qu’il ne porte pas de projet, il ne trace pas de perspectives, il ne dégage pas d’énergie, il n’est pas mobilisateur. Nous sommes dans une mutation radicale de société, et le peuple a besoin de quelqu’un qui incarne un projet. Aussi intelligent et sympathique qu’il soit, François Hollande ne porte pas ce projet et ne le portera jamais. Cela s’ajoute à la crise et au bilan calamiteux de Sarkozy. Mais plus le temps passe, moins cet élément entre en ligne de compte. 
Guillaume Tabard : Je n’emploierais pas le terme d’incompétence, et quoi qu’il en soit, ce n’est certainement pas ça qui explique les résultats des élections partielles de ces dernières semaines. Il y a effectivement eu un certain nombre d’erreurs de communication, de "bêtises" qui ont été commises par les différents membres du gouvernement, comme la déclaration de Victorin Lurel, mais cela n’est pas un cafouillage puisqu’il a prononcé cela en toute connaissance de cause. Ce n’est donc pas une erreur technique de communication mais une véritable erreur de fond et d’analyse. En s’enchaînant de cette manière, cette accumulation pèse bien évidemment sur la popularité du gouvernement mais ce n’est pas la raison principale de l’échec aux législatives partielles. La première cause de cette défaite est tout à fait classique puisque ce genre d’élection est traditionnellement mauvais pour le pouvoir en place. D’autre part, cette défaite est aussi le signe d’un désaveu cuisant de la politique du gouvernement socialiste, c’est un rejet profond vis-à-vis de son action. 
Sophie Pedder : Il ne me semble pas que l’on puisse parler de la situation en ces termes de compétence ou d’incompétence car les résultats de cette élection sont la conséquence d’une confusion des électeurs. Celle-ci n’est pas tant due à l’incompétence mais plutôt au fait que les Français ont l’impression de subir une politique qui n’est pas celle qu’ils ont choisie. C’est le fond du problème, tous les choix difficiles que fait le gouvernement, notamment au niveau de la dépense publique, n’ont pas été réellement débattus au cours de la dernière élection présidentielle. Ainsi, les Français sont à présent face à des problèmes que l’on tente de résoudre avec des solutions dont ils n’avaient pas connaissance. La question de la compétence n’en est donc pas vraiment une puisque ce qui est reproché au gouvernement est ailleurs. Il est dans la nature des choix que fait le gouvernement qui sont bien souvent mal compris. Pour autant, je ne crois pas que les Français soient déçus par sa façon de gouverner qui correspond à leur volonté de quelqu’un de moins hyperactif que Nicolas Sarkozy. François Hollande gouverne en accord avec sa personnalité.

François Hollande, élu sur la base du changement, est taxé mener une politique identique à celle de Nicolas Sarkozy. Ce changement, ou cette absence de changement, dans sa politique est-il la cause de sa cote de popularité dramatique ?

Jean-François Kahn : Il faut faire la différence entre ce que pense l’opinion publique et la réalité. Les citoyens estiment que François Hollande n’a pas tenu ses promesses mais ce n’est pas vrai. Hollande a tenu beaucoup de ses promesses, mais il s’agissait des mauvaises promesses. Sarkozy aussi a tenu toutes ses promesses alors que pour certaines, il aurait mieux valu qu’il ne les tienne pas.
Personne non plus n’estime que ce gouvernement est trop à gauche, et beaucoup pensent que Hollande mène la même politique de Sarkozy. Pourtant ce n’est pas tout à fait vrai non plus. Simplement, la politique n’est pas cohérente. Sarkozy a pu faire de graves erreurs mais au moins il était cohérent. 
Tout cela contribue à cette crise existentielle qui fait le jeu du Front national. Les gens ne sentent pas quel est le contenu et ne voient pas vers où nous allons. Je ne pense pas que l’on puisse améliorer profondément les choses dans le cadre de notre système. Mais quitte à essayer, qu’on nous dise où on va.
Si François Hollande continue sur cette voie, il n’est pas impossible qu'il réussisse à améliorer sensiblement l’équilibre des finances publiques. Mais d’ici qu’il y arrive, la gauche aura disparu. 
Guillaume Tabard : C’est effectivement le contenu de cette politique qui est désavoué ou en tout cas le décalage entre la réalité actuelle de ce contenu et ce qui en avait été perçu par les électeurs au cours de la campagne de François Hollande. Cette élection exprime la non-satisfaction des électeurs sur les solutions économiques et sociales proposées par le gouvernement qui s’est traduit par une véritable grève du vote des électeurs de gauche. La défaite ne s’explique pas simplement par une perte de dix points de la candidate socialiste mais surtout par une très grande abstention de son électorat qui est passé de 15 000 à 5 000 voix. Les attentes de ces électeurs étaient une évolution de la situation économique et sociale qui devait venir comme une rupture avec la politique de l’UMP. Les Français ont rendu Nicolas Sarkozy responsable de beaucoup de maux notamment son incapacité à faire augmenter le pouvoir d’achat comme il l’avait annoncé, et ont cru que l’alternance apporterait mécaniquement un effet inverse. François Hollande, qui s’était engagé sur des éléments très précis sur la réduction des déficits ou le retour de la croissance, traverse actuellement, comme Jacques Chirac en 1995 ou Nicolas Sarkozy en 2008 à cause de la crise, la période à laquelle il faut assumer que ce qui avait été annoncé n’est pas au rendez-vous. Comme ses prédécesseurs,François Hollande paie le prix de la parole politique et de la déception des électeurs qui ont voulu croire une nouvelle fois à une parole qui promettait le retour de la justice sociale et de la prospérité économique. Et c’est une chose qu’un président de gauche paie encore plus cher qu’un président de droite. L’erreur fondatrice de François Hollande est d’avoir annoncé l’inversion de la courbe du chômage car, au-delà de montrer une méconnaissance de la situation économique, cela donne aux Français l’impression que l’on se moque d’eux. 
Sophie Pedder : François Hollande a effectivement été élu sur la base de cette promesse de changement, mais la conjoncture et les questions auxquelles doit se confronter le gouvernement le conditionnent plutôt à gouverner dans un esprit du "le choc c’est maintenant". Bien qu’ils aient tous été prévisibles, les chocs sont nombreux. Qu’il s’agisse des réductions budgétaires, des fermetures d’usines, du chômage qui augmente inexorablement, ce qui dérange les Français c’est que François Hollande ne les avait pas présentés comme cela, et la vision qu’il avait donné du futur ne prend pas pied dans la réalité économique. Soit il a complètement sous-estimé cette réalité, soit il a menti au cours de sa campagne présidentielle. C’est cette prise de conscience qui est un choc pour les Français et qui les mécontente à ce point, alors qu’ils pensaient avoir élu quelqu’un qui allait "réenchanter le rêve français". Pire encore, il a continué à affirmer cela une fois président de la République en maintenant qu’il sauverait Florange ou Aulnay-sous-Bois et nous connaissons tous la suite.

Le gouvernement ne subit-il pas simplement les effets d’une crise économique qui a déjà fait des victimes chez nos voisins européens, italiens, anglais, espagnols et autres ? 

Jean-François Kahn : Je l’ai dit.J’ai écrit plusieurs articles sur le fiasco de la social-démocratie. C’est quand même extraordinaire, il y a encore six mois, on disait que la gauche était épouvantable et qu’il fallait qu’elle prenne le tournant social-démocrate. Elle l’a pris, mais c’est absurde parce que la social-démocratie s’effondre partout. L’Australie est encore un des seuls endroits au monde où elle est au pouvoir et elle va le perdre. Regardez la situation en Italie, perdre une élection contre Berlusconi, il faut le faire !
L’échec de la social-démocratie combiné à la crise économique du néolibéralisme est tel que les gens sont prêts à voter pour n’importe quoi d’autre. En Italie, c’est un clown qui l’emporte, en Angleterre c’est une droite souverainiste et chez nous c’est le Front national qui y gagne. Peut-être que si la gauche de la gauche n’avait pas un caractériel à sa tête, elle récolterait elle aussi les fruits de cette situation. 
Guillaume Tabard : Le cas de François Hollande face à la crise est un peu paradoxal car il a construit toute sa campagne autour d’un discours de connaissance de la crise et des solutions qu'il prétendait pouvoir y apporter pour la résorber. Il s’agissait là d’un vrai tournant pour un discours de gauche que de dire qu'il allait s’attaquer au déficit et à la dette. Il n’avait donc pas caché la situation aux Français mais il a maintenu une certaine ambiguïté sur son action future. Dans le cas des retraites par exemple, François Hollande n’a fait que retoucher la réforme de Woerth à la marge mais il a envoyé le symbole du retour, bien que ce ne soit que pour un groupe très réduit, à la retraite à soixante ans. Pourtant, si pour un moment il a donné l’impression de revenir sur une mesure considérée comme injuste, il finira par être contraint de faire machine à arrière ou de réformer à nouveau la retraite. 
Sophie Pedder : C'est un réel problème. Dans tous les pays démocratiques, les électeurs ne sont jamais satisfaits. C'est un phénomène de notre époque, où l'information est en continue, disponible pour tous, partout, tout le temps. Mais il ne faut pas oublier que d'autres dirigeants ont été réélu : on l'a vu avec Obama aux États-Unis. Il n'est pas impossible d'être réélu, même en période de crise sévère. On ne peut pas généraliser. Il s'agit d'un phénomène isolé d'une élection partielle, on ne peut pas le comparer à ce qui s'est passé en Italie. En période de crise où l'électorat sent que les hommes politiques sont impuissants, on assiste à une montée des extrêmes : on l'a vu en Italie et en France, où le FN est au second tour dans l'Oise, mais ce n'est pas suffisant pour généraliser. On ignore ce qui se passera dans quatre ans.

Quelles actions, quelle vision politique pourraient-elles permettre au PS de renouer avec son électorat ? Cela est-il encore possible ?

Jean-François Kahn : Dans mon livre, La catastrophe du 6 mai 2012, je disais que compte tenu du discours de François Hollande, ce dernier allait se planter. Sauf une correction de ligne de la part de la gauche, j’estimais que nous irions vers une montée du Front national et une radicalisation de la droite. C’est ce qui s’est passé. Je l’ai écrit cela n’a rien changé. Donc quoi que je vous dise cela ne changera rien. Néanmoins, je continue à penser que le PS devrait se dissoudre pour recréer autre chose. Le PS tel qu’il est ne correspond plus à rien. 
Guillaume Tabard : Je pense qu’il peut encore renouer avec son électorat s’il fait l’impasse sur sa popularité pendant l’année voire les deux ans à venir. François Hollande  peut gagner en 2017 s’il obtient des résultats concrets sur le déficit, la croissance et/ou le chômage par le biais de décisions qui seront nécessairement impopulaire et qui continueront de l’éloigner de son électorat pendant un certain temps. Il faut que François Hollande assume non seulement son impopularité mais aussi d’être traité de renégat par son propre camp. Il faut qu’il accepte une logique sacrificielle qui a été celle de Schröder en Allemagne qui, bien que maintenant considéré comme un exemple à suivre, a entraîné à l’époque son propre échec politique. 
Sophie Pedder : Il n'est pas trop tard. Il faut tenir un discours de vérité, combiné avec un discours de perspectives. Il faut bien expliquer aux Français pourquoi et comment on fait les choses, trouver une façon d'expliquer pourquoi on fait telle ou telle chose maintenant. On ne peut pas tenir un discours alarmiste sans avoir une perspective d'amélioration à long terme. Il faut donner aux Français des raisons de faire des sacrifices maintenant pour retrouver un dynamisme plus tard en plus de donner des perspectives et des objectifs concrets. Personne n'aime faire des sacrifices, c'est pourquoi il faut expliquer aux Français qu'ils verront demain la récompense des sacrifices d'aujourd'hui.

A-t-on le droit d’être conservateur en France ?

Du Pape François à Véronique Genest en passant par Laurent Obertone, Gilles-William Goldnadel s'interroge sur cet acharnement médiatique qui s'abat sur les conservateurs, et qui s'aveugle souvent sur les zones d'ombres des progressistes.

peine M. Bergoglio était-il devenu le pape François, que déjà des vapeurs méphitiques s'insinuaient dans les venelles romaines comme dans les allées des réseaux électroniques.
Déjà, Mgr Ratzinger avait fait les frais de l'air de la calomnie, aussitôt intronisé en Benoît, pour avoir porté l'uniforme des jeunesses hitlériennes.
Ceux qui croient, comme moi, à la prégnance inconsciente du fantasme shoatique, pourraient voir dans la méchante polémique faite à François, concernant sa passivité putative durant les années de plomb argentines, l'ombre d'un mauvais remake latino du procès fait à Pie XII.
Il n'est pas interdit non plus, à qui veut réfléchir, de s'interroger sur cet acharnement médiatique qui s'abat sur les conservateurs et qui n'a d'égal que la bienveillance qui épargne habituellement les partisans autoproclamés du progrès radieux.
Du moins de leur vivant. Ensuite, il n'est pas rare que ce soient leurs thuriféraires les plus dévoués qui deviennent leurs contempteurs les plus acharnés.
Incidemment, j'avais fait remarquer, dans ma chronique précédente, que Le Monde avait attendu le trépas de Stéphane Hessel pour publier, enfin, un article reconnaissant son mensonge créateur.
Mais, plus emblématiquement, rien de tel qu'un ancien communiste comme Edgar Morin, pour brûler rageusement l'icône stalinienne qu'il avait encensée.
Nos progressistes ne détestent pas non plus flétrir l'image d'un Sartre et d'une Beauvoir, existentialistes bien passifs pendant l'occupation, après les avoir portés au pinacle jusqu'au cimetière Montmartre.
Des livres, n'en finissent plus d'être publiés, dont celui que je recommande particulièrement de mon cher Georges Ayache (« Nixon contre Kennedy », Perrin), qui a le seul tort de ne jamais avoir cru aux lendemains qui chantent, et qui montre comment la presse fut bonne fille envers John Fitzgerald Kennedy, qui n'aurait jamais été élu contre Nixon, volé au coin d'un bois, sans le secours providentiel de la mafia de Chicago pour bourrer les urnes de l'Illinois.
Se dessine peu à peu, l’aube du jour qui montre que le Che, dont l'image pieuse aura orné les chambres d'étudiants comme leur T-shirt, n'aura été qu'un tortionnaire impitoyable des prisons de La Havane, portant le tendre sobriquet de « petit boucher ».
Surtout, que l'on ne voit pas dans ces révélations posthumes, la moindre cause d'optimisme, tant la religion post christo-marxiste est prompte à substituer un saint déchu par un autre qui sera décrété inattaquable sous peine de sacrilège.
Dans ce contexte très canonique, on voudra bien voir dans l’impossibilité d’embaumer feu Chavez le triste et ironique symbole du retour du réel post mortem.

Dans un domaine, éloigné en apparence, on a vu l'excellent Manuel Valls constater que les Roms ne souhaitaient pas s'intégrer au sein de la société française, sans déclencher trop d’indignation.
A la vérité, observer qu'un peuple, consubstantiellement nomade, au système économique rien plus que parallèle, ne veut pas se sédentariser -principe premier de l'intégration- sous peine de perdre son identité, relève du lieu commun.
Je gagerais pourtant que si M. Brice Hortefeux avait proféré les mêmes évidences, SOS-Racisme, la Ligue des Droits de l'Homme, sans préjudice de Mme la Commissaire européenne en charge des questions migratoires, auraient agité leurs crécelles et rappelé les heures les plus tragiques des moments les plus sombres.

D'une semaine l'autre, rien ne change à la télévision d’Etat. Il y a huit jours, j'évoquais cette censure de Laurent Obertone chez Ruquier, dont les propos cinglants en réplique au réquisitoire de M. Caron avaient été purement et simplement coupés au montage.
Cette semaine, c'est la malheureuse Véronique Genest qui a fait les frais de la charge du procureur Caron et de Mme Natacha Polony, ordinairement mieux inspirée.
Où sont vos sources ? Questionna le sévère journaliste à la pauvre candidate suppléante et suppliante, ayant osé suggérer que Mein Kampf faisait un tabac dans les pays arabes.
Désormais, tout invité dans une émission de variétés du service public ayant le malheur de soutenir des thèses hétérodoxes, est prié, sous peine d'être étrillé, d'arriver avec une brouette de documentation.
Il est vrai qu'il eût suffi à la Véronique, sans le secours des résultats des ventes mondiales de tous les livres publiés depuis Gutenberg, de s'étonner que M. Aymeric ne comprenne pas qu'il était facile pour l'œuvre littéraire de M. Hitler -comme pour Les Protocoles des Sages de Sion- d'être des best-sellers en terre d'islam, puisque c'est l'un des rares endroits où ils se vendent au grand jour.
À voir l'actrice inexpérimentée tourmentée ainsi par son inquisiteur du haut de sa chaire magistrale, on comprend pourquoi, par exemple, les électeurs italiens, dégoûtés non seulement de la classe politique, mais aussi, camarades journalistes encartés, de la classe médiatique, ont voté massivement pour un Beppe Grillo.
Et après ils iront pleurer sur les progrès irrésistibles du populisme.

C'est devenu une sorte de spécialité. Le jour de la fête de l'Humanité, j'avais raconté dans ces mêmes colonnes, comment, M. Le Hyaric, directeur du journal du même nom galvaudé, avait présenté ce franco-palestinien condamné puis élargi par les autorités israéliennes, après qu'il eut reconnu avoir tenté d'attenter aux jours d'un rabbin. La foule avait fêté le jeune héros avec humanité.
Cette semaine, au tour du maire communiste de Bezons et de son conseil municipal de consacrer le nom d'une rue de la cité en hommage à un palestinien, détenu, selon lui, en raison de ses opinions.
Renseignements pris, il s'agit de l'assassin d'un ministre du tourisme israélien.
Le préfet a cru devoir condamner l'initiative municipale.
L’édile outragé, clame, c'est désormais aussi une vieille ritournelle, au chantage sioniste à l'antisémitisme.
Il a raison, nul besoin d'être forcément antisémite, pour être stupide, menteur, sans scrupules et communiste.
En France, vous qualifiez quelqu'un de « fasciste », vous êtes condamné pour injure.
Tant que je ne serai pas condamné pour avoir traité M. Lesparre, maire de Bezons, de « communiste », il y aura des conseils municipaux pour glorifier des assassins.
Pendant ce temps, à Toulouse, François Hollande, devant les parents des victimes, a promis une lutte « sans aucun relâchement » contre le terrorisme et l’antisémistisme.

Enfin, pour demeurer sur le même sujet tout en revenant sur la passivité reprochée au nouveau pape du Nouveau Monde, il ne lui sera pas fait grief d'avoir été taisant sur l'attentat contre les locaux de l’AMIA.
Pour ceux qui l'ignorent, il s'agit de cette fédération des associations juives d'Argentine dont les locaux de Buenos Aires ont été dynamités. Dans les décombres, on a dénombré 85 cadavres.
Une enquête diligentée par un juge argentin à établi que l'Iran et son bras armé, le Hezbollah, était à l'origine du carnage. Mandat d'arrêt international a été ordonné à l'encontre d'un citoyen iranien, celui-ci a été fait ministre de la défense à Téhéran.
En 2005, le futur pape avait honoré de son nom une pétition signée par 85 personnalités en hommage aux 85 victimes, réclamant justice.
Les temps ont bien changé. Aujourd'hui, plutôt que de rompre les relations diplomatiques avec Téhéran, le gouvernement de Kristina Kirchner a préféré créer une commission irano-argentine Théodule pour enterrer une seconde fois les cadavres avec le dossier pénal.
Les suppliciés trahis par leur propre pays, étaient des citoyens juifs d'Argentine, pas des Israéliens. Certains peut-être étaient opposés au sionisme.
Seuls les Etats-Unis, Israël et leur presse ont refusé d’avaler cette mauvaise farce.
L’Europe politique, médiatique et intellectuelle a regardé en l’air en sifflotant.
De beaux esprits nous expliquent doctement qu’il ne faut pas confondre, au risque de l'amalgame, juifs et sionistes. Que si l’antisionisme est une opinion qui a le droit de cité en démocratie, l'antisémitisme est un délit contre lequel il faut lutter sans relâche ni concessions.
Les mêmes critiquent vertement les suppôts de Sion, coupables d'instrumentaliser l'antisémitisme en cas de critiques contre Israël, au risque de brouiller le saint combat contre la haine des juifs.
Ce qui précède prouve l'inanité d'un tel discours. Les juifs argentins ont été abandonnés par la communauté internationale, car il n'était pas question de fâcher le Hezbollah et encore moins son parrain iranien.
Je n'en suis nullement étonné, et ma capacité d'indignation s'émousse avec le temps. Je souhaiterais seulement que ces beaux esprits aussi silencieux que sentencieux, s’abstiennent désormais de dispenser des leçons d'esthétique morale en expliquant la confusion à surtout ne pas commettre.