dimanche 9 février 2014
Comment Hollande est passé de "Flanby" à "la teigne" : décryptage d'un plan com' risqué
Qui est le président de la République ? Les Français connaissaient presque trop la personnalité de Nicolas Sarkozy. Avec François Hollande, au contraire, ils se heurtent à un mur. Rien n’est montré, rien n’est explicité. Les éléments de compréhension de la personnalité du chef de l’Etat se résument à des confidences de proches, de conseillers, voire à des clichés volés, à l’instar des photos le montrant la nuit sur son scooter.
Hollande ? "Je ne sais pas s'il est gentil"
Ne proposant aucun récit sur lui-même et – pire – optant pour le refus de répondre, l’Elysée laisse le champ libre à la presse, à Valérie Trierweiler ou à l’opposition de forger une image nouvelle du Président.
Le "GayetGate" débouche ainsi sur un constat : "Flanby" ou "Guimauve le conquérant" - sobriquet proposé par le socialiste Guillaume Bachelay, est mort. A sa place s’impose la figure d’un président que son fils juge "insaisissable", son ex-compagne "sans affect" et que certains de ses collaborateurs appellent "la teigne", d’après la journaliste politique Cécile Amar, dans son livre "Jusqu’ici tout va mal".
Cécile Amar, qui tutoie le chef de l’Etat "depuis dix ans", n’hésite pas à diagnostiquer sur I Télé :
"Je ne sais pas s’il est gentil".
Le contraste avec "Flanby" ou avec le "Président des bisous" est total. Et c'est paradoxalement de l'étranger que vient son portrait le plus "présidentiel", publié cette semaine en une du "Time".
Le communiqué de rupture de François Hollande, rédigé à la première personne et sans un mot de compassion même formelle pour Valérie Trierweiler, frappe les esprits par sa dureté et son aspect technocratique.
L'humour pour compenser la perte de contrôle
L’ex-Première Dame est "répudiée", à l’image des 600 clichés gommés du portail de l’Elysée, suite à l’annonce de la séparation. De figure honnie du quinquennat, Valérie Trierweiler passe au statut de victime effacée en un week-end de l’iconographie officielle. Du jamais-vu.
Contre toute attente, le chef de l’Etat choisit de traiter ce virage à 180 degrés de son image par… l’humour.
"Deux présidentes ! Ce n’est pas en France qu’on verrait une chose pareille… Enfin, pas pour le moment", plaisante-t-il lorsqu’il est accueilli par les deux présidentes des assemblées des Pays-Bas.
De même, prenant connaissance du tweet de Valérie Trierweiler, François Hollande aurait commentéselon "Le Canard Enchaîné" :
"S'il y a des gens qui souhaitent quitter l'Élysée pris par l'émotion, ils doivent me le dire dans les prochains jours".
En communication, l’autodérision est souvent une forme de maîtrise de sa propre image : je plaisante sur moi-même pour éviter qu’on ne plaisante sur moi. L’humour vient en compensation d’une perte de contrôle. Les bons mots surgissent comme autant de mises à distance. Il s’agit d’évacuer un obstacle et de clore une séquence de communication non désirée.
Inconvénient de cette méthode - car c’en est une : le chef de l’Etat improvise souvent dans l’urgence,comme dans l’affaire Leonarda. Hollande tranche dans le vif, sans broncher et sans souci des conséquences pour son image.
Cette obsession du contrôle sous l’apparence du plus grand désordre est la clé de la communication de François Hollande.
Le dialogue de Sarkozy vs. le monologue de Hollande
Depuis l’entame de son mandat, le président a décidé de ne pas jouer, ou bien à contrecoeur, le jeu des médias, peu enclin aux justifications, peu affecté par les échecs ou par les engagements non tenus.
Le voeu pieux d’une présidence "normale" ? La volonté de sortir du tempo sarkozyste, qui par ailleurs, correspondait avant tout à l’accélération du temps médiatique ? L’anaphore "Moi Président" ? Tout cela marquait moins le souci d’une remoralisation de la fonction, que la volonté de marquer le territoire présidentiel, de se l’approprier.
Nicolas Sarkozy se voyait comme co-énonciateur principal de son quinquennat, aux côtés des médias et de l’ensemble des acteurs du jeu politique, dont ses propres adversaires et ses partisans ou détracteurs sur les réseaux sociaux.
Partisan du happening politique, l’ancien président ne minimisait jamais le rôle du commentaire dans la perception de son action, et s’imposait un rythme effréné, une contrainte de chaque instant. Manuel Valls s’inscrit dans la même logique.
Pour François Hollande, il s’agit au contraire de ne pas se laisser prescrire de cadence extérieure. On passe du dialogue, ou de la communication chorale de Sarkozy et Valls, au monologue.
La mise en récit des séquences élyséennes par des énonciateurs extérieurs, qui traduisent la feuilletonnisation de la vie publique, ne l’atteint pas.
L'autisme élyséen creuse un fossé
Malgré un retour du refoulé et une surexposition inédite de l’intimité du président, le vécu de François Hollande ne se calque pas sur le fil des intrigues portées à l’écran et mises en boucle sur Twitter et sur les chaînes d’info en continu. Hors du temps politico-médiatique, le rythme de François Hollande marque une dyschronie : à savoir une indifférence à prévoir, à penser le temps et à anticiper les évènements.
Des bifurcations sont introduites selon son bon vouloir, en complet décalage avec les attentes ou les prévisions à la fois de la population et des commentateurs.
D’ailleurs, le président ne s’adresse presque jamais aux Français. Les rares exceptions sont les voeux, ou de fugaces apparitions télévisées, à la fin d’un Conseil des ministres, entre deux portes, ou un matin sur BFMTV pour engager un singulier dialogue avec Leonarda. Il refuse d’utiliser les réseaux sociaux ou de répondre aux questions des Français lors d’une émission de télévision par panel, ce qui lui a pourtant été proposé.
Cet autisme élyséen ne fait que creuser davantage le fossé entre le vécu présidentiel et la perception de la fonction par l’électorat.
L'image d'un pouvoir méprisant
Cette fonction, François Hollande la perçoit comme acquise, avalisée par le quinquennat qui favorise le repli sur soi présidentiel. Comme si, au fond, le quinquennat avait accouché d’une présidence individualiste.
Le risque est pourtant bien d’attiser les sentiments antipolitiques et de donner l’image d’un pouvoir distant et méprisant.
Mépris des femmes, mépris des promesses, mépris envers les codes contemporains de la presse… Une lourde méprise ?
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