La Grèce a fait son retour sur les marchés financiers :
le pays, qui avait été le plus affecté par la crise dite des «dettes souveraines» au point d’ébranler la zone euro elle-même, a de nouveau été capable d’emprunter sur les marchés. Même si la somme était symbolique, trois milliards d’euros, ce retour euphorique (20 milliards de demandes) marque une date. C’est un signal. La zone euro est sortie des turbulences et apparaît de nouveau, aux yeux du reste du monde, comme une zone de stabilité. D’ailleurs, les marchés font preuve d’un appétit renouvelé pour l’ensemble des obligations émises par les pays européens et permettent à ces derniers, notamment la France, mais aussi désormais l’Italie, d’emprunter à des taux avantageux.
La Grèce succède à trois autres pays qui semblaient hier broyés par la crise et qui en sont sortis (l’Irlande) ou sont en train d’en sortir (l’Espagne et le Portugal). On peut aussitôt faire observer que le geste symbolique de la Grèce ne signifie pas que ce pays soit en mesure de régler le problème de son énorme dette, laquelle a paradoxalement augmenté à mesure que son produit intérieur reculait sous l’effet de la violente cure d’austérité pratiquée pendant les cinq dernières années. Le gouvernement Samaras (de centre droit) est ici surtout préoccupé de préparer au mieux les élections locales et surtout européennes. En accréditant l’idée, auprès des Grecs, que la crise est finie.
On peut aussi poser la question du coût social de l’austérité subie par la Grèce, comme d’ailleurs par l’Espagne et le Portugal. Coût très élevé et qui, sur le plan politique, produit partout en Europe la montée des populismes. En Grèce, celle-ci a pris la forme d’un sinistre et authentique mouvement néonazi.
Oui, l’austérité aujourd’hui devrait toucher à son terme. Elle a permis le redressement qui a redonné confiance aux marchés. Mais oui, cette politique a creusé un énorme fossé au sein même de ces sociétés en plongeant des milliers de personnes dans la pauvreté et en aggravant, de façon très spectaculaire, le chômage en même temps qu’elle installait une méfiance grandissante entre les opinions et les institutions européennes. Mais comment faire comprendre à ces mêmes opinions que leur sort aurait été encore plus difficile, voire tragique, si les institutions européennes n’avaient pas fait barrage à la crise, fût-ce au prix de l’austérité ?
Il est significatif que le FMI, qui a d’ordinaire pour réflexe de prescrire l’austérité, s’alarme désormais du creusement des inégalités. Sa directrice générale, Christine Lagarde, a expliqué que certes le mandat du FMI est de restaurer la stabilité financière, mais aussi que les inégalités croissantes sont de nature à mettre en péril cette stabilité. La nouvelle doctrine du FMI tendrait donc à intégrer, et c’est heureux, un nouvel objectif : s’assurer d’une redistribution plus équitable des fruits de la croissance retrouvée.
Car, c’est aussi le FMI qui le dit, nos pays sont bien en train de reprendre le chemin de la croissance, Grèce, Espagne et Portugal compris. Ainsi, la zone euro devrait croître de 1,2 % en 2014 et de 1,5 % en 2015 (avec respectivement 1 % et 1,5 % pour la France ; 0,6 % et 1,2 % pour l’Italie).
Mais à peine un péril paraît-il écarté qu’un autre surgit : celui de la déflation, de la baisse des prix. Donc d’un appauvrissement général. Péril, il est vrai, à portée de tir de la Banque centrale européenne qui, sur ce terrain comme sur d’autres, est décidée à agir.
La grande question reste donc bien sûr le niveau du chômage et la course de vitesse qui se joue, dans plusieurs de nos pays, entre des résultats chèrement acquis, mais lents à se manifester, et l’impatience grandissante des peuples.