TOUT EST DIT

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dimanche 17 mars 2013

Bêtise et pingrerie au Mali

Malgré les discours officiels de ses partenaires européens, la France est bien seule à combattre les islamistes armés et à aider à reconstruire l’Etat malien. Incapable de se mettre d’accord sur les grands sujets mondiaux, l’UE le paiera un jour, s’insurge Le Monde.

On ne voudrait pas ajouter au désenchantement européen. En ces temps de grosse déprime continentale, on rechigne à l'idée de mettre une nouvelle fois à nu la vacuité qui caractérise aujourd'hui l'idée européenne. Bref, on hésite avant de jouer encore les esprits chagrins en constatant la désespérante absence de l'Europe au chapitre de la défense et des affaires étrangères.

Ce n'est pas un échec – lequel supposerait qu'on ait sincèrement essayé -, c'est une débâcle, une triste pantalonnade. Le Mali en témoigne, magistralement. Et ce fut tout particulièrement le cas lors du conseil des 27 ministres des affaires étrangères réuni lundi 11 mars à Bruxelles. La France s'y est sentie plus seule que jamais depuis le début des opérations militaires au Sahel.

Peu importe le Sahel

Avec la fermeté courtoise, un tantinet distante, qui est sa marque, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, en fut réduit à quémander 30 soldats pour le Mali auprès de la Belgique et de l'Espagne. Pas 300, 30 ! Pourquoi ? Parce qu'il en manque encore 90 pour protéger les 500 instructeurs que l'Union européenne a dépêchés à Bamako pour former l'armée malienne.
Ces 90 soldats, il faut les "arracher" un par un aux 27 pays de la riche Europe, celle qui se targue volontiers d'être l'une des toutes premières puissances économiques mondiales. Disons les choses comme elles sont : les réticences belges ou espagnoles ne sont pas d'ordre politique ni même financier. C'est bien plus simple : Bruxelles et Madrid se fichent éperdument de ce qui peut bien se passer dans les sables du Sahel.
L'hypocrisie triomphe. Sur le papier, les Vingt-Sept sont d'accord. La stabilité de l'Afrique dépend très largement de l'extinction du foyer djihadiste qui se propage au Sahel, disent les Européens ; il en va aussi de la sécurité de l'Europe, si proche et si vulnérable, au terrorisme islamiste, ajoutent-ils.

Désunion pathologique

Mais ce ne sont que des mots. Quand il faut agir ensemble, il n'y a plus personne ou presque. Certes, Paris a eu le tort, au départ, de lancer ses troupes sans consultation avec ses partenaires. Mais il eût fallu ensuite une vraie solidarité européenne, l'affichage d'un intérêt commun, défendu ensemble – en somme, un partage du fardeau qui devra être porté à l'avenir.
Il eût fallu manifester une présence forte de l'Union dans cette partie du monde, sauf à laisser la Chine, les Etats-Unis ou d'autres devenir les partenaires privilégiés des Africains au XXIe siècle.
Hélas, l'Europe n'affiche que désunion pathologique et pingrerie aveugle. Seuls cinq pays sur vingt-sept sont vraiment engagés dans la mission de formation de l'armée malienne. Au-delà des déclarations sentencieuses sur la nécessité d'un "plan de stabilisation politique et économique du Sahel", la réaction à peine voilée de la plupart des 27 aux événements du Mali tient en une phrase : "Que la France se débrouille !" Et tant pis pour la contradiction qu'il y a à soupçonner les Français de velléités postcoloniales et de les laisser en première ligne dans l'Afrique francophone...
L'Europe fuit l'Histoire. Elle le paiera, un jour.

Le héros de Sarkozy ? Sarkozy !

Que Nicolas Sarkozy, en interdisant par le terrorisme intellectuel d’établir un bilan du sarkozysme, affaiblisse la droite républicaine, voilà qui ne fait aucun doute. Reconstruire un projet politique, faire émerger dans l’opinion un présidentiable crédible (y compris... Nicolas Sarkozy lui-même), ça exige un minimum d’analyse, de sens critique, de retour en arrière, d’examen de l’histoire telle qu’elle s’est construite entre 2007 et 2012. 

  
À l’instant précis de sa défaite, l’ex-président de la République a interdit, avec l’aide de Jean-François Copé, toute tentative d’introspection, de réflexion, de mise en perspective de son quinquennat. Quiconque s’y osait était aussitôt qualifié de « traître ». Mais traître à qui ? À un perdant ? Mais traître à quoi ? À une ligne droito-droitière insufflée par Patrick Buisson et en rupture radicale avec ce qui reste à droite de l’héritage gaulliste ? Nicolas Sarkozy est trop fin stratège pour ne pas savoir que l’ensemble des prétendants à la direction de la droite (Fillon, Copé, Bertrand, NKM, Le Maire, Baroin et, à coup sûr, j’en oublie) n’a d’autre choix, s’ils entendent un jour s’imposer, que d’exercer un droit d’inventaire. Il le sait et il résiste. Sarkozy résiste parce qu’il ne supporte le moindre doute à son égard. Défaite ou pas, son ego est toujours aussi démesuré. 
  
C’est d’ailleurs le principal enseignement que l’on tire du passionnant article d’Yves de Kerdrel dans la dernière livraison du magazine Valeurs Actuelles. Sous le titre « dans la tête de Nicolas Sarkozy », le directeur du très droitier hebdomadaire a réussi l’exploit journalistique de faire parler l’ex-chef de l’État — qui s’y était refusé depuis le soir du second tour de l’élection présidentielle. La presse, les télés, les radios et les principaux sites d’information ont abondamment — et c’est fort légitime — commenté ces quelques confidences consenties à mon confrère Kerdrel. En particulier celle-ci : si Nicolas Sarkozy déteste désormais le milieu politique et ne veut plus en faire partie d’aucune façon, il consentira à se représenter, à faire dont en quelque sorte de sa personne à la France, si jamais il entend monte l’appel d’un peuple désespéré de l’incurie d’un personnel politique auquel lui, désormais, n’appartient plus. Le recours Sarkozy. Peut-être... À voir, observer et commenter. 
  
Qu’on m’autorise toutefois une remarque : si Nicolas Sarkozy préfère désormais à la fréquentation des députés et des militants celle des banquiers de New York et de Singapour qui quémandent sa vision du monde et de l’avenir — puisqu’il le raconte dans Valeurs Actuelles, partons du principe que ça doit être vrai ! —, il est un point sur lequel il n’a pas évolue — et la lecture de Valeurs Actuelles le confirme : l’égotisme.   Si nous en doutions, ce n’est plus le cas : la victoire de Francois Hollande n’a rien changé à l’affaire, Nicolas Sarkozy aime toujours autant Sarkozy Nicolas. Il en fait volontiers une sorte de héros des temps modernes. Au moins le lecteur a-t-il l’occasion de se marrer ! 
  
L’Allemagne, la traçabilité du bifteck et des... enfants, la gestation pour autrui (« bientôt, ils vont se mettre a quatre pour avoir un enfant » — la vulgarité de l’expression, mais passons, c’est aussi une signature Sarkozy), la responsabilité en économie, le conseil aux Académiciens Français (élire le peintre Pierre Soulages et le philosophe Alain Finkielkraut, pourquoi pas d’ailleurs, deux bonnes idées), l’hypothèse d’une double flambée de l’extrême droite et de l’extrême gauche — qu’il serait évidemment le seul a pouvoir entraver... Le seul, le grand, l’unique qui a réponse à tout, qui sache tout, qui puisse tout, c’est lui, Nicolas Sarkozy. 
  
On a envie de sourire. Que l’ex-président, au moins, nous l’autorise. 

François II : « Guimauve le Conquérant… »

« Guimauve le Conquérant… », voilà un de ces sobriquets assassins qui colle encore à François Hollande aussi décidé offensif et tranchant à l’extérieur qu’il paraît louvoyant, attentiste et émoussé à l’intérieur. Il pouvait croire s’en être débarrassé de ce méchant surnom comme de quelques autres tels « Flamby » ou « la fraise Flagada » qui se retournèrent d’ailleurs contre leurs inventeurs fabiusiens puis leurs propagateurs sarkozystes. Car le candidat à l’élection présidentielle socialiste révélait derrière un flou et des rondeurs d’apparence sucrées une résistance plus consistante encore que le carambar même s’il en affectionnait les blagounettes. Sa dureté « contondante » put même surprendre Nicolas Sarkozy, si sûr de sa supériorité qu’il décrivît volontiers son adversaire en sucre candide qui « allait se dissoudre dans l’épreuve comme dans l’eau ». Or l’on a constaté qu’il n’avait pas fondu sous les tourmentes et les averses dont il fut quasi constamment arrosé, et même flagellé pendant et après son élection. Pourtant, après 11 mois de pouvoir, re-voilà ce « sot-briquet » de « Guimauve le Conquérant »… 
Il faut reconnaître que le contraste est saisissant entre le chef de guerre impérieux au Mali, et l’incertain président d’une France ballotée par les vents contraires jusqu’à menacer de dériver vers les récifs. Autant il paraît déterminé, offensif dans ces affaires qu’on lui disait pourtant si étrangères, autant il semble pusillanime, dominé par les événements et par son voisin allemand. La presse étrangère elle-même s’en étonne, tel Newsweek qui commence par célébrer ce chef de l’État français, ce qui est nouveau,

et change agréablement du « french bashing ». Plus question de débiner « le singe capitulard du temps de la guerre en Irak », les Américains qui ne veulent et ne peuvent jouer seuls les gendarmes du monde, louent « le retour de la puissance française » au rôle décisif dans la bataille contre les islamistes. La rapidité d’arbitrage de François Hollande qu’ils avaient tendance à prendre pour « une french frie », sa capacité d’action, et de projection sur le terrain militaire ont bluffé les « yankees » qui sont même allés jusqu’à lui décerner des félicitations qu’ils réservaient d’ordinaire à leurs alliés anglais. God save the french King ! 

Reconnaissons qu’en France même le chef d’État – chef des Armées, qui n’a pas du tout le style jugulaire et n’a jamais manifesté de passion pour la geste militaire, en a surpris plus d’un pour son commandement ferme et son entente avec les galonnés. L’homme qui n’avait pris une décision exécutive forte de sa vie a, en une seule décision, surpris son monde et le Monde. Ce qui rend son indécision sur le plan européen et franco-français d’autant plus saisissante… 

Newsweek encore tout en louant « la superpuissance musclée et volontaire, la seule en Europe capable de lutter contre les djihadistes » s’étonne à juste titre du « manque de virilité politique criant de François Hollande chaque fois qu’on le voit au côté de Angela Merkel ». L’opposition est accablante aussitôt qu’il s’agit de sujets économiques en tout cas. Car l’on a vu qu’avec le choix d’en finir avec l’embargo sur les armes pour les rebelles syriens, le Président français n’a pas attendu la chancelière allemande et mène avec le concours des Anglais une action diplomatique qui ne s’embarrasse pas des réticences d’outre-Rhin. Mais pour le budget européen, comme on l’a constaté hélas, il n’a pas même fait mine de protester pour la forme contre sa révision à la baisse et les restrictions imposées pour les aides alimentaires aux plus pauvres. La France qui guerroie seule au Sahel, « merdoie », pardon pour la grossièreté, à Bruxelles… 

On dira que Hollande en l’occurrence tient compte des rapports de force et qu’il ne prétend pas les créer. Ce n’est pas un guide ni un prophète inspiré. Plutôt un prudent avisé…. La France est isolée, nous explique-t-on, et risquerait de s’isoler encore davantage si elle se lançait dans une croisade vaine contre la toute-puissance économique germanique. Nos arrières budgétaires ne sont pas suffisamment assurés. Et le pansement malien devrait nous faire supporter la blessure narcissique européenne. Sauf que l’esprit français ne fonctionne pas en courant alternatif. On ne peut pas être Cyrano ou Fanfan la Tulipe à mi-temps. Le panache n’est pas un accessoire qui peut se convertir en plumeau pour épousseter la puissance teutonne. C’est un état d’âme et d’action. À ne pas le convoquer, à ne pas mobiliser ce qu’il y a de meilleur dans un pays qui peut s’abandonner aussi au mol endormissement de la déprime, on remportera peut-être quelques victoires au lointain, mais on peut tout craindre au plus proche. Le Conquérant ne le sera pas longtemps si « Pépère » continue de siester à l’Élysée… 

"A Paris, la droite gagnera grâce aux quadras"


Vincent Roger (UMP), conseiller de Paris et conseiller régional, proche de François Fillon, est candidat dans le 4e arrondissement et soutient NKM.
Vous annoncez votre candidature dans le 4e. Quelles sont vos chances face au socialiste sortant, Christophe Girard?
Ce sera un match très serré. Car la gauche est divisée dans cet arrondissement entre les partisans de l'ancienne édile [Dominique Bertinotti, ministre chargée de la Famille] et ceux du nouveau maire, Christophe Girard. Mais j'invite ce dernier à arrêter le double langage notamment sur l'avenir de l'Hôtel-Dieu. Il ne peut, le matin, signer des tribunes avec les médecins pour le maintien des urgences, et le soir, soutenir l'adjoint au maire de Paris en charge du dossier qui, lui, souhaite fermer les urgences. Je le convie aussi à assumer le fait qu'il est élu depuis douze ans dans l'arrondissement. Je suis convaincu que cet arrondissement peut basculer.
François Fillon figurera-t-il sur une liste?
Non. Il m'a confirmé de manière très claire qu'il ne sera pas candidat dans un arrondissement. Il sera à la disposition des candidats pour venir les soutenir dans leur campagne.
À droite, NKM est plus que favorite. Quel est l'intérêt de dépenser 200.000 euros ou 300.000 euros pour une primaire dont on connaît le résultat?
Je me refuse à cette logique. Rien n'est acquis tant qu'il n'y aura pas eu de vote. Nathalie y est très attachée, car elle souhaite que les Parisiens s'expriment. Une primaire numérique, c'est aussi une idée innovante, à l'image des révolutions qu'on veut mener à Paris. Il y a plusieurs Bastille à prendre : permettre aux classes moyennes de rester à Paris, ne pas confondre écologie et idéologie, dépasser les clivages, faire exploser les vieux clans et rassembler toute la droite derrière NKM… Enfin, cette élection, c'est surtout la révolution des quadras. La droite gagnera Paris grâce à eux. Imaginez Paris en 2014 avec pour maire une femme de 40 ans… Du jamais-vu!

Grandes idées et langue de bois


Chaque année, l’UE produit des milliers de pages de rapports, de discours et autres règlements. Tous ces textes censés porter le projet européen ont un point commun : un langage pompeux et désincarné digne d’un régime dogmatique, déplore un politologue tchèque.
Chaque semaine, les institutions européennes et leurs représentants produisent des dizaines de documents officiels et de déclarations de toutes sortes. S’entassent textes législatifs, propositions de loi, livres blancs et verts, rapports, résolutions, avis, discours, etc. La singularité de la langue dans laquelle ils sont rédigés ou formulés constitue une de leurs propriétés intrinsèques.
Ce qui frappe immédiatement dans la langue de l’Union européenne, c’est son utilisation massive de locutions figées que l’on recycle en permanence avec quelques variations. Une partie est codifiée dans le droit primaire de l’UE, une autre émane des documents programmatiques clés adoptés par exemple dans le cadre de la stratégie de Lisbonne ou de l'agenda Europe 2020. C’est comme si l’on avait pétrifié cette langue en blocs compacts, qui, grâce au copié-collé, permettent d’établir rapidement la structure de toute forme écrite ou orale.
“Le développement durable fondé sur une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social""le combat contre l'exclusion sociale et les discriminations""la croissance intelligente, durable et inclusive", *"le modèle social européen"...etc. Autant de "blocs" qui comptent parmi les plus appréciés.
Et même lorsque les expressions les plus stéréotypées font défaut, il reste que la langue de l’Union se caractérise par une lourdeur extrême et une surabondance de clichés vides de sens.

Emphase et triomphalisme

Par exemple, l’Acte pour le marché unique (2011), un document de la Commission européenne, commence par cette phrase remarquable : "Au cœur du projet européen depuis sa fondation, le marché commun, devenu le marché intérieur tisse, depuis plus de 50 ans, des solidarités entre les femmes et les hommes d’Europe en même temps qu’il ouvre de nouveaux espaces de croissance à plus de 21 millions d’entreprises européennes". Le Parlement européen l’a avalisé en insistant notamment sur l’importance de "mettre les citoyens au cœur du projet du marché unique", et en affirmant que"le marché unique recèle un grand potentiel en termes d'emploi, de croissance et de compétitivité et qu'il convient d'adopter des politiques structurelles fortes pour exploiter pleinement ce potentiel".
Dans le Livre blanc sur le sport publié en 2007, la Commission écrit : "Le sport attire les citoyens européens dont une majorité pratique une activité sportive régulièrement. Il véhicule des valeurs importantes telles que l'esprit d'équipe, la solidarité, la tolérance et la loyauté, contribuant à l'épanouissement et à l'accomplissement personnel. Il promeut la participation active des citoyens de l'Union européenne à la société et contribue de la sorte à favoriser une citoyenneté active".
Les institutions européennes et leurs représentants raffolent tout particulièrement de ces expressions ampoulées empreintes de triomphalisme. L’Union est décrite et pensée comme "un acteur clé de la scène mondiale", on esquisse "une vision européenne des massifs montagneux" ou encore "une vision européenne des océans et des mers", on exhorte à "raviver l’esprit d’entreprise en Europe", on appelle à "une large mobilisation politique fondée sur une vision et des options communes ambitieuses".
Dans une communication de 2010, Europe 2020 : une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive, la Commission affirme : "La crise est un signal d’alarme. […] Unis, nous pouvons riposter et sortir renforcés de la crise. Nous possédons les nouveaux outils et l’ambition nouvelle nécessaires. À nous de la concrétiser".
Il ressort de très nombreux textes et déclarations une véritable ferveur triomphaliste. Dans le Livre blanc sur la jeunesse, au sous-titre un rien orgueilleux "Les jeunes en première ligne", on peut lire : "L'Union doit se construire avec les Européens. Les consultations organisées en vue de préparer son évolution, les réflexions engagées sur sa "gouvernance" doivent également inclure ceux qui prendront demain le relais (…)".

Paternalisme de gauche

Les textes et les discours de l’UE sont souvent imprégnés de dogmes, de préceptes déclinés sur un ton moralisateur et paternaliste. Comme si leurs auteurs tenaient le rôle du professeur devant ses élèves, le rôle d’une élite éclairée, qui connaît tout mieux que tout le monde et répand le bien et la connaissance parmi les gens ordinaires.
Mais en lisant ou en écoutant certaines des déclarations de l’Union, nos concitoyens d’âge moyen ou avancé auront plutôt le sentiment d’un retour à l’enfance ou à leur jeunesse [au temps du régime communiste]. Rien d’étonnant à cela. Les traits caractéristiques de cette langue sont habituellement associés à une vision du monde marquée à gauche. Pour marquer leur rupture avec le régime du passé, nos partis de gauche ont quelque peu délaissé ce ton.
Mais en Europe occidentale, la situation est différente. La langue est juste une preuve supplémentaire que la gauche, qui parvient à profiter des structures de l’Union pour promouvoir son programme politique, est la force motrice de l’orientation actuelle de l’UE. Le ressassement continuel des mêmes dogmes et formules toutes faites est l’expression d’une paresse, d’un engourdissement intellectuel, d’un manque d’esprit critique, d’un cheminement perpétuel dans des sentiers battus. Elle illustre à quel point il manque aux élites de l’Union une faculté d’autoréflexion, qui leur permettrait de réaliser que ce sont des ambitions démesurées qui ont plongé l’UE dans la crise actuelle, une capacité à sortir de l’impasse du programme de centralisation.

L’État-providence est devenu une religion, la haute fonction publique est son clergé et nos politiciens en sont les prophètes.


En 1848, la deuxième République n’a que quelques mois mais la Révolution de 1848 et le printemps des peuples semblent déjà bien loin ; déjà, avec le Parti de l’ordre à droite et les Socialistes à gauche, une nouvelle fracture politique se dessine ; deux camps que tout oppose à l’exception d’une chose : le rôle prépondérant qu’ils veulent accorder à l’État. Frédéric Bastiat, lui-même élu député des Landes avec la majorité républicaine modérée de 1848, résume en une phrase le danger qui guette notre société : « L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde.» [1. Frédéric Bastiat, L’État, paru dans le Journal des Débats le 25 septembre 1848 en réaction à la publication du Manifeste Montagnard. ]
Ce que Bastiat pressent, dès ce milieu du XIXe siècle, ce sont les prémices de notre État-providence moderne. Déjà, il a compris ce qu’il adviendrait de la solidarité entre les hommes si elle était administrée par l’État ; déjà, il dénonce les effets pervers de ces groupes de pression qui cherchent à attirer les faveurs de la puissance publique ; déjà, enfin, il anticipe la conséquence ultime de l’irrésistible ascension de la social-démocratie : « une population qui ne sait plus agir par elle-même, qui attend tout d’un ministre ou d’un préfet, même la subsistance, et dont les idées sont perverties au point d’avoir perdu jusqu’à la notion du Droit, de la Propriété, de la Liberté et de la Justice.  » [[2. Frédéric Bastiat, Harmonies Économiques (1848-1850),chap.XIV. ]]
Qu’avons-nous fait depuis 60 ans ? Nous avons fait du social – « Social », cet étrange adjectif qui, pour paraphraser Friedrich Hayek, a acquis la propriété de dénaturer les noms qu’il qualifie. Qu’est-ce que le Droit social ? Le remplacement du Droit par la coercition. Qu’est-ce que la Propriété sociale ? Ni plus, ni moins que l’abrogation de la Propriété. Qu’est-ce que la Liberté sociale ? Le principe qui permet de priver des individus de leur Liberté au motif qu’ils jouiraient d’une chimérique liberté collective. Qu’est-ce, enfin, que laJustice sociale ? L’idée selon laquelle vous et moi sommes en droit de vivre aux dépends de nos voisins.
Qu’attendriez-vous d’une telle société ? Que pourrait bien devenir une société dans laquelle le bien-être de tout un chacun ne dépend plus de son intelligence, de son ardeur au travail ou de sa capacité à prendre des risques mais de sa faculté à éluder l’impôt tout en réclamant des subsides publics ? Eh bien vous obtiendriez immanquablement une société divisée, la guerre de tous contre tous ; une société de la défiance, du ressentiment, de la lutte des classes, des races et des castes ; une société dans laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde ; une société, en somme, où ladécence commune si chère à Orwell ne serait plus qu’indécence.
Pensez-vous que j’exagère ? Eh bien sortez un instant de nos frontières et comparez donc nos supposées vertus à celles de ces étrangers, proches ou lointains, que nous considérons avec tant de mépris condescendant. C’est l’exercice auquel se sont livrés deux de nos compatriotes, Yann Algan et Pierre Cahuc, qui ont publié il y a cinq ans de cela La société de la défiance ou « comment le modèle social français s’autodétruit ». Les conclusions sont sans appel : en 60 ans, nous sommes devenus – et de loin – le peuple le plus méfiant, le moins civique et, sans surprise, le plus notoirement antilibéral du monde développé.
Tenez par exemple : lorsqu’on nous demande notre avis sur la fraude fiscale, nous ne sommes que 48% à juger qu’elle n’est « jamais justifiable ». C’est, sur la base des données des World Values Surveys[[3. Disponibles sur le site des WVS.]], le chiffre le plus faible au sein des pays développés – 58% de nos voisins britanniques condamnent les tricheurs, les japonais sont 83%. Mieux encore : nous ne sommes que 42% à condamner la fraude aux aides sociales ; là encore, c’est un record : aux Royaume-Uni, ils sont 64% et ce chiffre monte jusqu’à 80% aux Pays-Bas ! La triste réalité, c’est que Bastiat avait vu juste : nous sommes devenus les champions de l’indécence commune.
Et maintenant que notre fameux modèle social s’effondre sous le poids de ses propres vices, voilà que les ligues de vertu disputent la charogne aux adeptes du relativisme. Et que nous proposent-ils ces braves gens ? Plus d’État, plus de redistribution, plus lois : le déni français poussé jusqu’à l’absurde. L’État-providence est devenu une religion, la haute fonction publique est son clergé et nos politiciens – qui n’hésitent pas à pousser l’indécence jusqu’à refuser de participer eux-mêmes aux efforts qu’ils exigent de nous – en sont les prophètes. S’il vivait encore, Voltaire aurait sans doute conclu :
« Écrasez l’infâme ».