TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

vendredi 14 janvier 2011

Twitter et Facebook, formidables caisses de résonance du ras-le-bol des Tunisiens

Réseaux sociaux | Twitter et Facebook, jouent un rôle fondamental depuis le début de la révolte en Tunisie. Un flux ininterrompu d'informations non filtrées que le régime n’est pas parvenu à contenir.

Les réseaux sociaux, en premier lieu Twitter et Facebook, jouent un rôle fondamental depuis le début de la révolte en Tunisie, formidables caisses de résonance à l’intérieur et à l’extérieur d’un pays où l’information est censurée et la presse empêchée de travailler.
Cela fait un mois que les Tunisiens multiplient "tweets" et "statuts" contre le gouvernement du président Zine El Abidine Ben Ali: témoignages et informations abondent en temps réel. Un flux ininterrompu que le régime n’est pas parvenu à contenir.
"Twitter et Facebook jouaient un rôle avant même le début des événements. C’était déjà un moyen de contourner la censure. Mais aujourd’hui, cela a pris une ampleur inespérée. Ils jouent un rôle fondamental", témoigne l’historienne franco-tunisienne Leyla Dakhli, qui a travaillé sur les médias arabes.
"L’information s’est démultipliée, poursuit-elle. Et ce qui est frappant, c’est que des personnes qui n’étaient pas militantes sont entrées dans la danse, remplaçant leur photo de profil sur Facebook par le drapeau tunisien en deuil (en noir et blanc) ou ensanglanté. Ce sont des choses qui donnent confiance et courage à ceux qui manifestent".
Une caisse de résonance
Pour Pierre Haski, journaliste spécialiste de l’étranger à rue89, "internet n’est pas le moteur de la révolte", mais, à travers les médias sociaux, le web joue "un rôle important : c’est une caisse de résonance".
"En Tunisie, les sites des médias sont mauvais ou sous-développés. C’est Facebook qui sert de plate-forme d’informations : il y a un véritable échange d’infos non filtrées", ajoute-t-il.
Vendredi, les Tunisiens ont défilé par milliers à Tunis pour demander le départ immédiat du président Ben Ali. "Cela génère énormément de tweets, et les "hashtags (les sujets attribués aux messages, NDLR) #maniftunis, #benali et #tunis sont parmi les plus utilisés de la journée", relève Alban Martin, enseignant au Celsa.
"C’est un canal très utilisé, qui donne de la visibilité, amplifie, et qui créé un flux direct et organisé alors que, localement, c’est difficile de relayer les informations" de manière traditionnelle, ajoute ce spécialiste des rapports entre politique et nouveaux médias.
"C’est un fil d’infos avec des renvois vers des contenus photos ou vidéos. Si tout cela n’était pas canalisé par Twitter, il n’y aurait pas la possibilité de suivre les événements de façon aussi pointue", insiste-t-il.
#sidibouzid
"Pendant une semaine, on avait plus d’infos sur la Tunisie en suivant le "hastag" #sidibouzid (la ville d’où est partie la révolte) que dans les médias français", souligne également Pierre Haski.
"C’est un nouvel outil pour les journalistes, d’autant qu’ils ont difficilement accès au pays", abonde Leyla Dakhli, tandis que pour Alban Martin "cela touche toutes les rédactions, qu’elles aient ou non des reporters sur place", contribuant ainsi à faire des événements en Tunisie une dominante de l’actualité.
Toute cette mécanique usant des réseaux sociaux avait également prévalu en Iran en 2009 à la suite de la réélection très contestée du président Mahmoud Ahmadinejad. Cela n’a cependant pas empêché le régime de demeurer en place : "Aujourd’hui, internet est une condition nécessaire mais pas suffisante pour faire la révolution", conclut Pierre Haski.

EN FUITE, BEN ALI VA-T-IL SE RETROUVER EN FRANCE ?

Pourquoi l'Allemagne est si compétitive

La modération salariale et l'innovation n'expliquent pas tout. L'Allemagne propose aussi des produits indispensables. Les explications en vidéo de Sébastien Julian du Centre de Prévision de L'Expansion.



Toyota et Fiat, grands perdants d'un marché automobile européen 2010 qui a souri à Renault

Renault et BMW ont progressé l'an dernier. Volkswagen et PSA ont limité la casse. Ford, GM, FIat et Toyota ont carrément plongé.

Le marché auto européen a plongé l'an dernier. Les  immatriculations de voitures particulières neuves ont baissé de 5,5% à 13,36 millions d'unités en 2010 dans l'Union européenne, sur fond de disparition ou de diminution des primes à la casse, selon l'Association des constructeurs automobiles européens (Acea). L'Allemagne a particulièrement chuté (-23,4%), bien plus que l'Italie (-9,2%) ou la France (-2,2%). En revanche, parmi les grands pays, l'Espagne s'est légèrement reprise (+3,1%), tout comme le Royaume-Uni (+1,8%).
Sur le seul mois de décembre , les ventes européennes ont enregistré un recul pour le neuvième mois d'affilée, de 3,2%. Le déclin est cependant moins prononcé que sur les mois précédents: il avait atteint 7,1% en novembre et 16,6% en octobre.
Parmi les constructeurs, le numéro un européen, l'allemand Volkswagen (avec Audi, Seat, Skoda), a vendu 2,83 millions de véhicules, soit une baisse de 4,9%.
Le français PSA Peugeot Citroën, numéro deux, accuse une baisse de 2,8% à 1,81 million d'unités, contre une hausse  de 4,4% pour l'autre français, Renault, à 1,39 million. L'ex-Régie se caractérise par une hausse pour la marque au losange proprement dite (+3,3%) mais surtout pour sa filiale à bas coûts Dacia (+9,1%).
Ford fait grise mine (-13,9% à 1,08 millions d'unités), tout comme l'autre américain, GM (Opel, Vauxhall, Chevrolet), dont les ventes ont reculé de 7,6% à 1,17 million. Quant à Fiat, il s'effondre de 17,4% à 1,02 millions.
Du côté des marques allemandes de haut de gamme, BMW a progressé (+5,7% à 724.700 unités), tandis que son compatriote Daimler (Mercredes, Smart) a connu une baisse de 2,2% à 651.515 unités. Enfin, le japonais Toyota est un des grands perdants. Il a fléchi de 17,4% à 567.316 voitures.

Quatre mots pour la Tunisie




Quatre mots pour la Tunisie - L'édito de Christophe Barbier
envoyé par LEXPRESS. - Regardez les dernières vidéos d'actu.

Tunisie : Alliot-Marie doit "s'excuser ou démissionner", selon Besancenot

La France encourage Ben Ali, qui a annoncé, jeudi 13 janvier, des mesures de libéralisation après un mois d'émeutes et de répression sanglante, à "poursuivre" dans la voie de "l'ouverture", a déclaré le porte-parole des affaires étrangères, Bernard Valero. "Nous avons écouté attentivement les mesures annoncées par le président Ben Ali pour ramener le calme et faire retomber la violence. Nous avons écouté les mesures annoncées en faveur de l'ouverture. Nous encourageons à poursuivre dans cette voie", a-t-il expliqué, vendredi 14 janvier.

Le gouvernement français avait légèrement haussé le ton face au régime du président tunisien s'inquiétant de "l'utilisation disproportionnée de la violence", après l'aggravation des bilans humains et sous la pression des critiques de l'opposition et d'ONG qui estimaient la position de Paris trop prudente, voire complaisante. Depuis Londres, le premier ministre François Fillon avait lancé un appel à la retenue et au dialogue, et surtout dénoncé pour la première fois la répression par les forces de sécurité du président Ben Ali.

BESANCENOT DEMANDE À MAM DE "S'EXCUSER OU DÉMISSIONNER"


"La France appelle chacun à la retenue"
envoyé par Europe1fr. - L'actualité du moment en vidéo.
Sur Europe 1, la ministre des affaires étrangères Michèle Alliot-Marie a souligné que "l'escalade n'est jamais la réponse appropriée". "Nous espérons que les mesures annoncées permettront de faire baisser la tension." "Comment pourrions nous être satisfaits de voir un peuple que nous apprécions entrer dans la violence ? C'est la raison pour laquelle nous appelons chacun à la retenue", a dit la ministre, qui reste prudente malgré la polémique déclenchée par ses propos tenus à l'Assemblée nationale, mardi. Elle avait proposé le savoir-faire français à la police tunisienne pour "régler les situations sécuritaires".

Alors que la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme chiffre à au moins 66 le nombre des morts depuis le début des troubles, la ligne de non-ingérence et d'extrême retenue du gouvernement français était de plus en plus durement critiquée ces derniers jours. La France va devoir adopter "une position forte de condamnation de la répression inacceptable" menée contre la contestation sociale, avait prévenu jeudi Martine Aubry, première secrétaire du Parti socialiste.
Le porte-parole du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Olivier Besancenot, a demandé à la ministre des affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, de "s'excuser ou démissionner". Par sa position, Mme Alliot-Marie "s'est clairement rangée du côté de la répression qui a fait près de 70 morts depuis la mi-décembre", écrit, dans un communiqué, M. Besancenot, pour qui  "le gouvernement français doit cesser de soutenir le dictateur en place". "Ben Ali doit partir et laisser le mouvement social tunisien, les organisations politiques d'opposition bâtir une nouvelle société débarrassée de toutes les tares du régime Ben Ali", conclut-il.


DE QUOI SE MÊLE CE PETIT CON ? A-T-IL SEULEMENT UNE IDÉE DE CE QU'EST LA DIPLOMATIE ?
LE FACTEUR DE JE NE SAIS PLUS OÙ DOIT FERMER SA GUEULE !!!

Des usagers de la SNCF en "grève" contre la dégradation du service

Des abonnés de la ligne SNCF Angers-Le Mans-Paris observent une "grève" de présentation de leurs titres de transport pour protester contre la dégradation du service, tandis qu'une pétition réunit des milliers de signatures, indique, vendredi, un porte-parole.
"De 160 à 200 abonnés qui effectuent une navette quotidienne sur Paris se regroupent dans les voitures-bars de leurs trains avec des badges "Abonnés en grève" et refusent de présenter leurs titres de transport", a indiqué Pascal Mignot, un porte-parole de ce mouvement, en précisant que les contrôleurs se montraient "très compréhensifs". "On observe une très nette dégradation du service, pour lequel nous payons très cher, avec des retards à répétition très préjudiciables professionnellement", a-t-il souligné.
Les pétitionnaires, qui dénoncent également la dégradation du service, exigent notamment des compensations pour les retards des TER, le respect des horaires et un gel de la hausse de tarifs. "Les usagers en ont marre d'être des vaches à lait", souligne l'Avuc dans un communiqué.
Ce mouvement, qui n'est pas encore constitué en association, exige également un dédommagement pour les jours de transport perdus lors des grèves de l'automne et a adressé un "courrier de doléances" à la SNCF. "Nous souhaitons étendre le mouvement mardi aux lignes Lille-Paris, Tours-Paris, Reims-Paris et Lyon-Paris", a indiqué M. Mignot.
Un rendez-vous avec la direction régionale des Pays de la Loire est prévu vendredi après-midi, a-t-on appris auprès de M. Mignot et de la SNCF. Parallèlement, une pétition nationale initiée au Mans début janvier par l'Association des voyageurs usagers des chemins de fer de la région Ouest (Avuc) compterait vendredi "plus de 7 500 signataires", selon un porte-parole, Willy Colin. "Cette mobilisation est à la hauteur du mécontentement des usagers, tant du TGV que des TER", précise M. Colin, qui estime que l'objectif des 10 000 signatures devait être rapidement atteint.

Un gouvernement tombe au Liban et c'est toute la région qui risque de s'embraser

Après la chute du gouvernement Hariri, les Israéliens peuvent-ils accepter de laisser les mains libres au Hezbollah ? 

  La chute du gouvernement libanais conduit par Saad Hariri n'est pas seulement une péripétie de la vie politique du pays du cèdre. Ce peut être le signe avant-coureur d'une nouvelle déflagration comparable à la guerre qui, entre 1975 et 1990, avait ensanglanté le Liban (probablement 200.000 morts) et quasiment détruit son économie. Avec une "réplique", comme on dit pour les tremblements de terre, entre 2006 et 2008. Seulement, cette fois, le risque est plus grand que d'autres acteurs déjà impliqués à l'époque - Israël, l'Iran et la Syrie - le soient encore plus directement. Un risque majeur de crise pour toute la région, qui aura obligatoirement des retombées pour l'Occident, les États-Unis et la France, en première ligne.
La crise libanaise de ce début 2011 a été provoquée par la démission du gouvernement d'union nationale, de onze ministres appartenant au Hezbollah, le parti chiite ouvertement soutenu, financé et armé par l'Iran et accessoirement par la Syrie. Leur motivation n'a rien à voir avec un quelconque désaccord sur la politique menée par Hariri. Ils lui reprochent de refuser de désavouer par avance les conclusions du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), qui, sous l'égide de l'ONU, enquête sur les circonstances de l'assassinat de Rafik Hariri, le père de l'actuel Premier ministre, tué le 14 février 2005 par l'explosion d'une bombe surpuissante sur le trajet de sa voiture, pourtant blindée. Le rapport du Tribunal spécial doit être connu avant la fin janvier, mais tout le monde sait déjà qu'il va désigner comme principaux coupables les dirigeants du Hezbollah. Ceux-ci ont donc décidé de prendre les devants en accusant les juges de l'ONU d'avoir mené leur enquête à partir de faux témoignages et sur des rapports d'écoutes téléphoniques trafiqués par les Israéliens. Ils ont donc donné le coup de grâce au fils avant d'être reconnus coupables du meurtre du père.
L'effet papillon
Le problème est que la chute d'un gouvernement à Beyrouth n'est jamais anodine. en raison de la propension spontanée des Libanais à régler leurs conflits par les armes. Or, des armes, il n'y en a jamais eu autant au Liban. Cela fait des mois, en effet, que les Occidentaux s'alarment de voir le Hezbollah renforcer régulièrement son arsenal en provenance d'Iran et souvent en transit par la Syrie. Si le parti chiite est tenté de s'en servir pour confisquer le pouvoir à son profit, il créera une situation inacceptable pour Israël : celle d'avoir, à sa frontière nord, un pays non seulement allié mais télécommandé par l'Iran, dont le président ne cesse de réclamer la destruction de l'État juif. D'autant que la menace de vie ou de mort n'aura sans doute jamais été aussi présente pour Jérusalem. Les experts militaires - et pas seulement les Israéliens - estiment au chiffre effarant de 50.000 le nombre de missiles empilés par le Hezbollah dans ses repaires. Avec une sophistication, des portées et des charges explosives sans commune mesure avec celle des engins utilisés pendant la dernière crise de 2008. Autant dire que ce serait la vie de civils israéliens de Jérusalem à Haïfa et jusqu'à Eilat, et pas seulement dans les villages frontaliers, qui serait, cette fois, menacée. Si pour une raison ou une autre, Israël perd la retenue qu'il a manifestée depuis que la crise libanaise est intervenue, la tentation est grande de frappes préventives, contre le Hezbollah au Liban d'abord, puis contre les installations nucléaires de l'Iran ensuite.
On voit comment ce qui commence par une simple crise gouvernementale au Liban peut devenir un vrai séisme géopolitique impliquant des pays concernés par tout ce qui bouge au Proche Orient, comme les États-Unis et la France. Ce n'est pas tout à fait par hasard si les onze ministres du Hezbollah ont annoncé leur démission juste au moment où le Premier ministre libanais Saad Hariri allait être reçu par Barack Obama à la Maison-Blanche avant de rencontrer, jeudi, Nicolas Sarkozy.

CHIRAC A DU SOUCI À SE FAIRE, OÙ VA-T-IL HABITER ??

ASTROLOGIE - Poisson n’est pas poisson

Vous aviez l’habitude depuis votre naissance de vous ruer tous les matins sur le même paragraphe des pages astrologie de votre quotidien ? Eh bien, vous allez peut-être devoir changer de signe et d’habitude. Des astronomes du Minnesota, aux Etats-Unis, affirment que les calculs sur lesquels sont basés les règles de fixation du signe — Gémeaux du 21 mai au 20 juin par exemple — sont devenus totalement faux au fil du temps.
Les Babyloniens, qui ont fondé l’astrologie, avaient en effet fixé les dates en fonction de la constellation avec laquelle le Soleil était aligné au moment de la naissance, rapporte le site de FoxNews. Problème : au fil des ans, “la force gravitationnelle de la Lune a fait osciller la Terre autour de son axe, créant un décalage d’un mois dans l’alignement des étoiles”, rapporte le Star Tribune.
En conséquence, la chronologie des signes astrologiques serait à revoir de fond en comble. Voici celle qu’il faudrait appliquer selon les astronomes du Minnesota Planetarium Society, et reprise par Slate.fr :

Capricorne: du 20 janvier au 16 février
Verseau: du 16 février au 11 mars
Poisson: du 11 mars au 18 avril
Bélier: du 18 avril au 13 mai
Taureau: du 13 mai au 21 juin
Gémeaux: du 21 juin au 20 juillet
Cancer: du 20 juillet au 10 août
Lion: du 10 août au 16 septembre
Vierge: du 16 septembre au 30 octobre
Balance: du 30 octobre au 23 novembre
Scorpion: du 23 novembre au 29 novembre
Sagittaire: du 17 décembre au 20 janvier
Ceux nés entre le 29 novembre et le 17 décembre sont en fait des “Ophiuchus”, mais ce signe avait été abandonné par les Babyloniens, qui souhaitaient se contenter de 12 signes, un chiffre plus “marketing”.
Pourquoi de sérieux astronomes ont pris du temps pour rétablir la vérité sur une pratique qui en manque ? Pour prouver justement l’absurdité de l’astrologie, qui tente de se parer d’attributs scientifiques, pour convaincre de son efficacité.
“Il n’y a aucune connexion matérielle entre les constellations et les traits de personnalité, explique l’astronome Parke Kunkle au StarTribune, on peut certainement lier les récoltes aux constellations. Mais à la personnalté ? Non.”

La France est-elle finie?

C'est le titre du livre de Jean-Pierre Chevènement, déjà assuré d'un certain succès (1). On peut être sûr que d'autres ouvrages du même genre viendront le rejoindre, dans les prochains mois, sur les tables des libraires : " La chute finale ", " Pourquoi nous sommes foutus ", " Au fond du trou ", etc.

La France, qui détient la palme du pessimisme dans le monde, ne croit plus en elle-même depuis des années déjà, et force est de constater que ça ne s'arrange pas. A juste titre. Les études se suivent qui, comme la dernière de l'OCDE sur l'éducation, font état d'un décrochage de notre cher et vieux pays. Nous semblons nous ventrouiller avec délices dans le marasme ambiant, quitte à le précipiter, à l'image des dockers de Marseille, qui, avec leurs grèves à répétition, roulent pour tous les ports de la Méditerranée sauf le leur. Sur bien des plans, le déclin français crève les yeux. Mais est-il vraiment inéluctable?

Ce qui se passe aujourd'hui en France est la preuve que non. A l'approche de l'élection présidentielle, les tabous qui bloquaient la société française semblent en passe de sauter un à un. Longtemps notre classe politique, à droite comme à gauche, a été bridée par deux dogmes intangibles: on ne peut pas le dire ou on ne peut pas le faire. Avec le socialiste Manuel Valls, l'UMP Christian Jacob et beaucoup d'autres, la parole est en train de se libérer à grande vitesse. C'est la première bonne nouvelle de l'année.

Un grand philosophe français a écrit un jour: "Dans chaque Français, il y a deux hommes: celui qui ne veut pas d'histoires et celui qui a de grandes idées" (Georges Wolinski). Puissions-nous faire taire un moment le premier...

1. Fayard.

La solitude du soldat Woerth


Le parcours du combattant du soldat Woerth continue, et l’ancien ministre est de plus en plus seul à devoir en franchir les obstacles. Dans l’affaire Bettencourt, où il est soupçonné de conflit d’intérêts à propos de l’embauche de son épouse Florence, la mère et la fille, qui ont déclenché le maelström, se sont réconciliées. Elles ont sacrifié en passant le gestionnaire de fortune Patrice de Maistre et l’encombrante Légion d’honneur que lui avait décernée celui qui était alors ministre du Budget. Dans ce dossier, émaillé de sous-chapitres portant sur du financement politique occulte et sur de l’évasion fiscale, Éric Woerth a été projeté sur le devant de la scène par un tourbillon familial digne d’une pièce de Feydeau. Le rideau est retombé derrière lui, et il est désormais tout nu face au public.


Son départ forcé du gouvernement, le 14 novembre dernier, n’a pas éteint les projecteurs dardés sur sa personne. Deux jours à peine après qu’il eut perdu son portefeuille, il apprenait que le procureur général près la Cour de cassation saisissait la Cour de Justice de la République pour une autre affaire, concernant la vente de l’hippodrome de Compiègne, dans le département de l’Oise, où il est élu. Hier, cette saisine s’est traduite par l’ouverture d’une enquête à son encontre. Les faits qui sont reprochés à Éric Woerth sont graves, puisqu’ils portent sur une prise illégale d’intérêt passible de prison ferme.


L’ancien ministre est présumé innocent, et rien ne dit que cette enquête mènera à un procès.


Sur le plan judiciaire, Éric Woerth est loin d’avoir dit son dernier mot. Sur le plan politique, en revanche, il est plus que jamais dans l’œil du cyclone, et il ne pourra guère espérer l’aide de ses amis. Il a maladroitement tenté de « mouiller » les services du Premier ministre dans la décision de vendre l’hippodrome de Compiègne. Le démenti de Matignon n’a pas tardé. Tant qu’il était ministre, le chef de l’État et le chef du gouvernement lui ont témoigné une solidarité sans faille, appuyant sans barguigner toutes ses dénégations, même les moins étayées. C’est fini. Désormais, le député de l’Oise devra se défendre lui-même, sans tenter d’impliquer ses petits camarades. Pas question que les affaires Woerth polluent la campagne électorale qui s’engage.

Quatre contre-pouvoirs effacés

Avouons-le à la barre, ce matin : oui, l’idée d’un Défenseur des droits se défend.

Créer de toutes pièces un personnage puissant, à la tête d’une institution non moins puissante, capable d’être le super-avocat de tous les citoyens français face à l’injustice, la discrimination, la maltraitance ou encore aux abus de sécurité, c’était, sur le papier, un projet respectable.

La France ne pouvait que se féliciter de voir apparaître dans l’arborescence de ses pouvoirs l’équivalent d’un Ombudsman allemand, capable d’imposer son autorité de résistance face au rouleau compresseur de l’administration et de camper dans les vides du droit pour arrêter les assauts de l’armée des indignités invisibles ou silencieuses et toujours multiformes.

« C’est un progrès », clament ses promoteurs sur le ton de l’évidence. Pourquoi, alors, poser des réserves sur la voie de son avènement, ouverte par l’Assemblée nationale hier soir ?

Parce que le Défenseur des droits ne naîtra pas innocent. Le Parlement va lui donner la vie sur les ruines de quatre institutions délibérément sacrifiées pour être fondues dans un seul ensemble.

Quatre institutions, plus ou moins récentes, engendrées à des époques différentes et par des exécutifs ou des majorités variés, mais qui jouaient pleinement leur rôle dans la République.

Quatre contre-pouvoirs en parfait état de marche qu’on anéantit sans être bien certain que leur remplaçant unique, imaginé par un seul président, aura la même audace que chacun d’entre eux.

Le médiateur de la République, la Haute Autorité de lutte contre la discrimination et pour l’égalité, le Défenseur des enfants, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), avaient installé leur respect dans la durée. Année après année leurs travaux et leurs interventions, le plus souvent discrètes mais toujours opiniâtres, avaient patiemment érigé leur crédibilité. Et voilà que tout cela est mis à terre sans autre forme de procès !

Le regroupement de ces outils de levier risque fort de se traduire par une dilution de leurs influences respectives. Plus une administration est vaste - et ce sera le cas - et plus il est difficile de se l’approprier. Que ce soit pour être au service des enfants maltraités, des personnes discriminées ou des administrés malmenés, l’autonomie et la spécialisation de chacun des quatre organismes promis à la démolition, étaient autant de gages d’efficacité, de crédibilité et de rapidité. Avec une saisine simple, ces autorités accessibles étaient des forces tranquilles. Efficaces. Plus lointain et plus indirect, un Défenseur unique aura forcément moins d’agilité pour manœuvrer. Il sera fatalement plus politique. Les convoitises pour le poste confortent ce soupçon de superficialité annoncée.

Hammamet


Qu’elle était belle la Tunisie sous Ben Ali. Enfin pour nous, les touristes. Djerba, Hammamet, Tozeur... La Tunisie était la première destination étrangère de nos vacances. C’est que dans le beau pays de Ben Ali, on pouvait se promener sans craindre les voleurs. Sans subir les invectives de barbus choqués par nos shorts et nos dos nus. Sans besoin de repousser des gamins mendiant quelques pièces. C’en est probablement fini de ces vacances de rêve: hier, on a pillé Hammamet, détruit la permanence du parti présidentiel, et aussi les magasins et les hôtels. Les voyagistes français, qui espéraient pouvoir ignorer la colère des Tunisiens, enregistrent les premières annulations de séjours. Certes, la Tunisie sera encore belle sans Ben Ali. Mais sans doute moins sûre, moins policée, avec au coin des rues des mendiants ne craignant plus la matraque. Vous verrez, il se trouvera bientôt des voyagistes et des touristes pour regretter le bon temps de Ben Ali.

Marine Le Pen ou le faux printemps du Front national

une transition, pas une révolution. L'élection attendue de Marine Le Pen, ce week-end, à la tête du Front national n'est pas synonyme de changement profond pour le parti d'extrême droite présidé sans discontinuer depuis sa création, par son père, Jean-Marie, en 1972. Au-delà de la rénovation de l'image personnelle de son leader -par nature rajeunie et féminisée, par construction adoucie et modernisée -, la structure des soutiens du Front national demeure stable. La crainte de voir le FN changer de visage en changeant de tête, est alimentée par la poussée de popularité dont jouit Marine Le Pen. Publié début décembre 2010, le dernier baromètre Ipsos - « Le Point » des personnalités politiques lui donne un record de 27 % d'opinions positives, en hausse de 5 points en un mois.
Mais la performance doit être relativisée. D'abord, Jean-Marie Le Pen avait déjà atteint 26 % d'opinions positives. C'était en juin 2006, et sans avoir été « servi » par le contexte d'une crise financière majeure. Ensuite, sa fille, Marine, reste confrontée à une impopularité massive (67 %) sans autre équivalent que celle de Ségolène Royal. Enfin, il n'y a nulle raison qu'elle échappe à la loi de dissociation des courbes de popularité et d'intentions de vote. Comme le souligne Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos, « les scores électoraux de Jean-Marie Le Pen ne sont pas corrélés à sa cote de popularité ». En mai 2007, le vieux leader frontiste n'obtient que 10,4 % des suffrages au premier tour de la présidentielle avec une cote de popularité pourtant supérieure à celle d'avril 2002, lorsqu'il se qualifie pour le deuxième tour, avec 16,9 % des voix.
Quant à la progression de l'adhésion aux idées du Front national, elle reste décevante en regard des efforts déployés par Marine Le Pen pour les rendre plus acceptables à un électorat de droite traditionnelle. Moins marqué que ne l'était celui du fondateur du Front national par les déchirures françaises du XX e siècle, moins empreint de cette nostalgie colonialiste et anti-gaulliste qui constitua le premier terreau du lepénisme, plus détaché aussi des racines xénophobes et antisémites communes aux extrêmes droites européennes, le discours de Marine Le Pen s'élargit et s'approfondit à des domaines où l'argumentation est autant économique et sociale qu'idéologique. L'euro n'est plus combattu au seul nom de la souveraineté nationale mais en raison de son effet supposé sur le pouvoir d'achat des Français. Sans rompre avec les fondamentaux du parti (préférence nationale, politique sécuritaire...) -en atteste sa provocante comparaison entre l'Occupation et les occupations de rues par des musulmans en prière -, Marine Le Pen étend la thématique frontiste à la lutte contre le libéralisme, laquelle cohabite, d'ailleurs, dans une alchimie intellectuelle hasardeuse, avec le rejet de l'étatisme. Porté par une personnalité plus ancrée dans le réel que ne l'était un Jean-Marie Le Pen aux idées en perte de vitesse, ce renouvellement propositionnel « a remis en place une dynamique », constate l'Alsacien Philippe Richert, ministre des Collectivités territoriales.
Sans être négligeable, le pouvoir d'attraction exercé par Marine Le Pen sur l'électorat UMP ne doit cependant pas être surestimé. Paru mercredi, un sondage TNS Sofres pour « Le Monde », Canal+ et France Inter évalue certes à 43 % la part des sympathisants de l'UMP prêts à des alliances avec le FN, un chiffre en hausse de 20 points par rapport à 2002. Mais, hormis qu'il traduit un doute, à droite, sur la capacité de Nicolas Sarkozy à l'emporter seul en 2012, ce résultat est un indicateur imparfait de rapprochement idéologique. Dans le même sondage, seuls 16 % des sympathisants de l'UMP disent qu'ils se sentiraient « plus proches du FN » si Marine Le Pen en était élue présidente. La dédiabolisation joue, mais pas à plein.
C'est ce que montre, plus largement, le taux d'adhésion global des Français aux idées du FN. En un an, il est passé de 18 % à 22 %. Mais ce niveau reste inférieur à ceux déjà observés, par exemple entre mai 2002 (28 %) et décembre 2006 (26 %). D'ailleurs, entre deux tiers et trois quarts des Français selon les enquêtes, estiment que le parti de Marine Le Pen ne sera pas différent de celui de son père. Si, comme le relève François Miquet-Marty, directeur général adjoint de l'institut Viavoice, « les raisons du soutien au Front national se sont diversifiées et enrichies », « la structure et l'ampleur de ce soutien varient peu ». Les derniers résultats détaillés (décembre 2010) du baromètre Viavoice des personnalités politiques montrent que c'est toujours chez les ouvriers puis chez les retraités, les artisans-commerçants et les agriculteurs que Marine Le Pen enregistre ses plus forts soutiens. Avec un déficit persistant presque partout ailleurs.
« Il est bien trop tôt pour voir émerger un nouvel électorat lepéniste », observe Pierre Giacometti, fondateur associé du cabinet de conseil en stratégies d'opinion GiacomettiPeron. C'est dans les ultimes semaines de la campagne présidentielle de 2002, que s'était construit, auprès de seniors inquiets pour leur sécurité, le score de Jean-Marie Le Pen. Les seniors demeurent naturellement le premier « groupe cible » pour le Front national de Marine Le Pen. Toutefois, pour des raisons qui tiennent largement à sa personne, celle-ci peut prétendre élargir son aire d'attraction auprès de deux catégories dans lesquelles le parti d'extrême droite connaît un fort déficit : les femmes et les jeunes. Le pari est loin d'être gagné car cette stratégie la pousserait à renoncer à une radicalité expressive qui agit sur ces électeurs comme un repoussoir. Or c'est l'affirmation de cette identité extrémiste qui lui permet aujourd'hui de préserver, par-delà le retrait du chef charismatique, l'unité du Front national jusque dans ses composantes les plus dures.

Fragilités de gauche et de droit

C'est le principal mérite des cérémonies de voeux qui jalonnent janvier : elles offrent le temps de scruter le paysage préprésidentiel. Et de discerner deux différences et une similitude majeure entre la majorité et l'opposition.

À seize mois de l'échéance, l'UMP dispose d'un candidat naturel, en la personne du président de la République, et d'une ligne programmatique dont on distingue déjà les contours. Le Parti socialiste, première différence, n'aura pas de porte-drapeau avant neuf mois ni de projet définitif, avant de connaître son candidat et de savoir si nous serons sur le sentier de la croissance ou dans le ravin européen.

Car il ne faut pas exclure que l'onde de choc de la crise vienne bouleverser la donne. Que serait une politique libérale dans un monde encore plus chahuté qu'aujourd'hui ? Que serait un projet socialiste à la tête d'un État prétendument protecteur mais paralysé par la dette ? Ce climat aura beaucoup d'influence sur le contenu des programmes et sur le choix et les chances des hommes et des femmes en compétition.

Pour la droite, seconde dissemblance, ce calendrier permet de prendre de l'avance, de maîtriser le tempo de l'actualité, de faire campagne sans se déclarer et d'attiser les affrontements internes à la gauche jusqu'à l'automne. Pour Martine Aubry, au contraire, qui fait, comme François Fillon, de la sobriété sa marque de fabrique, il convient de gravir méthodiquement une marche après l'autre : gagner les cantonales d'abord, convenir d'un programme et civiliser la primaire pour créer une dynamique.

Reste à savoir si les impatiences de l'opinion toléreront cette lente maturation. L'accélération du temps médiatique complique la tâche de ceux qui considèrent que la politique, dans un monde brouillé, nécessite de rassembler et d'approfondir. À l'inverse, cette tranquillité à la Merkel, à condition qu'elle ne vire pas à l'ennui, peut rassurer.

En revanche, droite et gauche ont en commun d'être confrontées à une sorte de symétrie d'embarras.

L'UMP, qui aura besoin de renouer avec des électeurs centristes un peu échaudés, est sans cesse déportée sur sa droite par les thématiques du Front national. Cette situation est d'autant plus délicate pour le parti présidentiel que Marine Le Pen, probablement désignée, dimanche, au congrès de Tours, n'est pas dans une posture purement protestataire : contrairement à son père, elle aspire clairement à gouverner en pensant à des alliances qui ne laissent pas l'électorat de droite tout à fait indifférent.

Quant au PS, une fois levée l'inconnue Strauss-Kahn, il devra composer avec des écologistes qui ne se contenteront pas, selon leur résultat électoral, de verdir son programme. Il devra aussi offrir plus que de l'antisarkozysme pour espérer faire cause commune avec le truculent Jean-Luc Mélenchon, s'il est confirmé candidat du Front de Gauche.

Avant de devenir des alliés possibles du second tour, les uns et les autres peuvent être des rivaux redoutables au premier tour. Ce jeu normal de la démocratie, exacerbé par la cristallisation des oppositions à Nicolas Sarkozy, peut conduire à un émiettement et surtout à une confrontation de populismes qui compliqueraient l'émergence d'une majorité crédible.

La pécheresse et le club des égoïstes

Le refus de l’UE d’intégrer la Roumanie dans l’espace Schengen signe l’échec de la classe politique locale, mais aussi d’une certaine idée de l’Europe, estime le quotidien Adevărul. 

Ne minimisons pas l'échec Schengen ! Nous ferions mieux d'admettre que, depuis les dernières années du règne de Ceauşescu et les "minériades" du temps de Ion Iliescu [l’entrée des mineurs dans Bucarest pour réprimer des manifestations en 1990], jamais la Roumanie n'a souffert d'un tel manque de crédibilité sur la scène européenne. 

Comment en sommes-nous arrivés là ? C'est simple. Je pensais que, une fois admis dans le club, nos engagements étaient devenus facultatifs – après tout, on ne pouvait plus nous mettre dehors.
Après le 1er janvier 2007, les dirigeants politiques de la Roumanie – le président Băsescu et ses alliés, le Premier ministre de l’époque, Călin Popescu-Tăriceanu, mais aussi les autres dirigeants de l'opposition – ont délaissé le projet européen pour se consacrer aux règlements de comptes internes. Ils ont comploté pour suspendre le chef de l'Etat et se sont jetés à corps perdu dans des campagnes électorales vides de contenu, mais démesurément coûteuses.
Le président, en particulier, s'est lancé dans des déclarations spectaculaires, à usage interne, qui ont irrité nos partenaires européens. La Roumanie s'est laissée dériver au gré du courant et a heurté la crise tel un Titanic heurte l'iceberg. 

Reconstruire notre destin en Europe
Qui prend encore la peine d'observer les changements en Europe ? Sous la pression de la crise économique et de tendances anti-immigration de plus en plus fortes, les Etats puissants de l'Union sont devenus égoïstes et cyniques. L'expansion, l'intégration et la monnaie unique sont maintenant les coupables désignés par un nombre croissant d'électeurs occidentaux, inspirés par le discours d'une extrême droite en pleine ascension.
Les partis traditionnels de centre-droit, au pouvoir dans la plupart des Etats puissants de l'Union, font de plus en plus de concessions à l'extrême droite. Ils craignent de subir le sort des sociaux-démocrates, auxquels les formations radicales de gauche ont arraché de nombreux électeurs, sur fond de crise et de mesures d'austérité.
Mais avez-vous remarqué que les Etats les plus hargneux envers la Roumanie sont dirigés par des partis de la même famille que les hommes au pouvoir à Bucarest? Leurs leaders cherchent à montrer aux électeurs qu’ils punissent les "coupables" des problèmes de l'Europe. La Roumanie, la pécheresse, est la victime parfaite. 
En effet, c'est un grand danger d'introduire des critères politiques, subjectifs, là où les aspects techniques devraient avoir la priorité – c'est le cas pour l'adhésion à l'espace Schengen.
Si demain le jugement s'étendait aux fonds de l'UE, nous serions perdus ! Et l'Union elle-même est en danger. Une Europe dans laquelle les règles sont remplacées à loisir par les diktats des intérêts des puissants est une Europe de division et de confrontation, pas de paix et de prospérité. L'histoire l'a déjà prouvé.
Des hommes d'Etat doués de vision auraient senti bien à l'avance ces évolutions dangereuses et auraient tout fait pour que leurs effets soient minimes pour la Roumanie. Mais nous pouvons constater ce qu'ils ont fait. Et nous devrons bâtir sur cette réalité lorsque nous déciderons de nous remuer, nous épousseter et commencer à reconstruire notre destin en Europe.



Contrepoint

La chant des sirènes nationalistes

Le report de l'entrée de la Roumanie dans l'espace Schengen a suscité un sursaut d'orgueil national dans la classe politique et certains journaux. "Nous sommes Roumains", affirme ainsi un éditorialiste du Jurnalul Naţional reprenant une chanson folklorique nationaliste. "Ce qui est bien", ajoute-t-il. "C'est mon opinion. Et celle de quelques autres, les non-adaptés aux chants des sirènes de l'espace Schengen." "Il ne s'agit pas du report de notre entrée dans l'espace Schengen, mais du fait que nous n'appartenons pas à cet espace", explique-t-il. "Qu'est-ce que je veux, au fait? Me sentir en France comme dans la cour de mon immeuble? En Italie comme dans ma chambre à coucher? En Allemagne comme dans mon salon?" "Ca ne marche pas, mes frères, ça ne marche pas, écrit le journaliste. Parce que nous sommes Roumains. Dans Schengen ou pas, nous sommes les mêmes. Et ça c'est bien. Je me sens à l'aise avec ma nationalité. Ca veut dire également que je peux dire exactement ce que je pense de nous, tout comme des Bulgares, ou, pourquoi pas des Autrichiens." Citant une autre phrase de la chanson folklorique, il conclut que "nous sommes les maîtres ici", tout en ajoutant : "Et nous avons élu des représentants de merde."

Le grand désenchantement

Recalés de l’euro et de l’espace Schengen, toujours confrontés à la criminalité organisée, les Bulgares abordent 2011 sans projet politique capable de les mobiliser. 

Dans ses vœux à la nation pour 2011, le président Guéorgui Parvanov a essayé d’insuffler un peu d’enthousiasme dans la morosité ambiante : il a prôné la poursuite des ambitions nationales au delà des mandats et des partis politiques. Il ne lui manquait plus qu'à définir une ambition pour que l’on puisse se souvenir de son double mandat qui expire cette année. Mais son appel est resté creux, le chef de l’Etat se contentant de nous rabâcher les oreilles avec des phrases et des sujets connus depuis 10 ans.
Après l’adhésion de la Bulgarie à l’Alliance atlantique [en 2004] et à l’Union européenne [en 2007], notre pays manque cruellement de grandes causes nationales : des objectifs capables de mobiliser la société autour de l’espoir que, enfin, cette transition honnie, vue comme une crise interminable, touche à sa fin. L’illusion que les Etats plus riches et mieux gouvernés de l’UE allaient nous aider à reprendre le droit chemin était encore vivace l’année dernière, lorsque la Bulgarie vivait dans l’espoir de rejoindre la zone euro et l’espace Schengen de libre circulation. Début 2010, nos ambitions ont été douchées pour l’euro ; à la fin de l’année, nous avons aussi été recalés pour Schengen. Et maintenant, on fait quoi ?
Une tête vide sur un corps musclé

Pour la première fois dans cette longue période de transition, notre pays entame une nouvelle année sans savoir où il va. La Bulgarie continue de combattre le déficit budgétaire dans le but de le réduire à moins de 3 % du PIB – ce qui est l’un des principales exigences de la zone euro. Elle peut même y arriver, si le gouvernement porte le coup de grâce au système de santé, à l’éducation, à la recherche et... aux pauvres. Elle sera ainsi le seul pays à se présenter au premier "semestre européen" [le nouvel instrument européen de discipline budgétaire qui permet de superviser le budget des Etats membres] avec un budget taillé sur mesure pour sa police, son armée, ses services de renseignement et ses juges. Mais pour rien d’autre. Au moins, notre pays sera alors vu comme une sorte de curiosité sur le scanner budgétaire : un corps très musclé doté d’une tête vide, ce qui correspond à l’image de son élite politique.
Sur Schengen, Sofia compte poursuivre l’illusion jusqu’au bout, malgré le véto imposé à la Bulgarie par deux des plus grands amis du Premier ministre Boïko Borissov dans l’UE : le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel. L’espoir meurt en dernier... Jusqu’en mars, la Bulgarie va continuer à "remplir les conditions techniques" et jusqu’à septembre, faire semblant de lever les obstacles humains et politiques. Les conditions techniques se résument à l’achat massif de technologie occidentale de surveillance et de contrôle des frontières, le tout grâce à des fonds fournis par ces mêmes pays occidentaux. Donc, cela ne devrait pas poser de problème.
Envoyer derrière les barreaux les caïds de la criminalité organisée
Les autres conditions, ajoutées à la dernière minute par la France et l’Allemagne, sont beaucoup plus compliquées à remplir. Elles consistent à envoyer derrière les barreaux les caïds de la criminalité organisée en Bulgarie, ceux-là même qui organisent le trafic illégal de cigarettes et d’alcool, d’armes, de drogues et d’immigrés clandestins à travers les frontières. Ils devront être rejoints en prison par des hauts responsables actuels et passés (y compris des "collègues" de l’ancien policier Borissov) coupables d’avoir fermé les yeux, voire participé à ces trafics illégaux. Comme les autres années, la Commission européenne se prononcera sur ces critères à deux reprises, dans un rapport intermédiaire en février et dans son rapport annuel en juillet. En septembre, le Conseil justice et affaires intérieures (JAI) dira s’il est d’accord ou pas avec les conclusions de la Commission. Comme lors des quatre années précédentes, il se contentera certainement de les approuver.
C’est à ce moment-là que Borissov décidera de déclarer forfait sur Schengen, à moins qu’il ne soit d’ici là épris de la noble ambition d’attraper et d’envoyer en prison les bandits, y compris ceux qui affirment être ses amis. Il ne devra pas se contenter de les attraper mais devra aussi rendre publiques leurs collusions avec le pouvoir dans ces trois dimensions : exécutif, législatif, et judiciaire. C’est seulement alors que ces bandits pourront être véritablement jugés et condamnés.
Mais il est peu probable que le gouvernement actuel soit animé par d’aussi nobles ambitions, et on devrait d’ores et déjà faire une croix sur Schengen. Que nous reste-t-il alors comme objectif pour 2011? Pas grand chose en fait. A moins de prendre le président Parvanov à la lettre et d’essayer de nous convaincre que notre vie n’est pas aussi mauvaise que ça, et que notre pays n’est certainement pas "l’endroit le plus triste de la terre". [The Economist a récemment placé la Bulgarie en dernière place d’un classement mondial, établi en fonction du lien entre revenu moyen et bonheur des citoyens

Criminalité

Un cadeau pour les mafias

Le report de l’adhésion bulgare et roumaine à l’espace Schengen est le "meilleur cadeau" que le président français Nicolas Sarkozy pouvait faire aux... mafias des deux pays, estime Sega. "S’il existe des groupes qui préfèrent que la Bulgarie et la Roumanie restent à la périphérie de l’Union européenne, dans une sorte de zone grise, ce sont bien les représentants de la criminalité organisée. En liant la question de Schengen à leur vivacité, Nicolas Sarkozy leur fournit ainsi une excellente motivation pour continuer à œuvrer contre l’intégration européenne. Plus ils seront actifs, moins les deux pays auront de chances de remplir les conditions de Bruxelles. La corruption ne supporte pas la lumière, alors que l’européisation des frontières nationales les aurait mis sous les projecteurs de tous les pays de l’UE, y compris de la France."

Sarkozy veut réorienter l'épargne vers les entreprises

Le chef de l'Etat a présenté ses voeux aux forces économiques, jeudi, en plaidant pour «l'invention de nouveaux produits orientant l'épargne vers les activités productives».

En choisissant de visiter l'usine d'assemblage de l'A380 d'Airbus à Toulouse, jeudi 13 janvier, pour adresser ses voeux aux forces économiques, Nicolas Sarkozy a lancé plusieurs messages : à l'industrie, d'abord et encore, qui reste une « priorité » de sa politique économique « depuis trois ans et demi » et qui est loin d'avoir reconquis le chemin perdu pendant la crise. Pour « renforcer la compétitivité de nos entreprises », le chef de l'Etat a évoqué la nécessité de « mobiliser davantage l'épargne des Français » au service des entreprises plutôt que dans des produits « un peu dormants ». « Il me semble qu'il nous faut inventer de nouveaux produits pour orienter l'épargne vers les activités productives », a-t-il glissé.
La création d'un livret d'épargne industrie, qui serait en fait une évolution du livret développement durable (LDD), évoquée l'an dernier, devrait ainsi resurgir. Surtout, la réorientation de l'épargne devrait passer par une fiscalité plus favorable de l'assurance-vie dans le cas des contrats comprenant une part significative en actions. Bercy, qui planche depuis des mois sur le sujet avec les assureurs, souhaiterait que cette évolution majeure soit intégrée dans le collectif budgétaire de juin sur la réforme de la fiscalité du patrimoine. Enfin, il s'agit de trouver des outils de substitution à l'ISF PME (qui injecte 1 milliard d'euros dans les entreprises), qui devrait disparaître à cette occasion. « Nous sommes en phase d'étude, mais, même si on conserve un peu d'ISF, il sera beaucoup plus faible et donc il sera difficile de le "miter" », indique l'entourage du chef de l'Etat.

« Pas normal que les revenus du patrimoine soient moins taxés que ceux du travail »

Jugeant qu'il faut « mettre la fiscalité au service de la compétitivité de notre pays », Nicolas Sarkozy a réaffirmé sa préférence pour une taxation des revenus du patrimoine plutôt que de la rente. Il n'est « pas normal que les revenus du patrimoine soient moins taxés que ceux du travail », a-t-il même lancé. Aujourd'hui, les contribuables ont le choix entre le prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) à 19 % ou l'imposition de leurs plus-values (assortie d'abattements) au barème de l'impôt sur le revenu (dont la tranche supérieure est à 40 %). Le discours élyséen peut signifier la volonté de relever le PFL, voire celle de le supprimer pour intégrer ses revenus dans le barème de l'impôt (une préconisation de la gauche, qui rapporterait jusqu'à 2 milliards). « On n'en est pas là, on commence les concertations », tempère-t-on à l'Elysée.
En venant visiter Airbus, Nicolas Sarkozy a aussi voulu souligner la nécessité d'une convergence économique renforcée en Europe. « Séparés, auriez-vous la force pour être les meilleurs du monde ? Je ne crois pas », a-t-il lancé aux salariés. Le chef de l'Etat a défendu l'euro -  « Si on laisse tomber l'euro, on laisse tomber l'Europe » -et appelé à rapprocher les fiscalités en tançant l'Irlande qui ne « peut durablement nous dire "venez nous aider" et continuer à garder un impôt sur les bénéfices des sociétés moitié moindre » que les autres. La réflexion pour une harmonisation de l'impôt sur les sociétés ne sera toutefois lancée qu'en 2012.
Entouré de tous les ministres de Bercy, de Nathalie Kosciuzko-Morizet (Ecologie) et de René Ricol, le chef de l'Etat a aussi lancé pour 2011 un chantier, récurrent, sur la simplification administrative de la vie des entreprises. Et, alors que le nombre d'entreprises exportatrices poursuit sa baisse, un nouveau plan d'action en faveur des PME.

Le fric, l’Allemagne et Arditi

Il y a des limites aux performances allemandes impressionnantes. Le bilan est donc équilibré ... ce n’était pas le cas de la (par ailleurs bonne) émission de France 2 "Fric, Krach et gueule de bois".


L’Allemagne a enregistré l’an dernier sa croissance la plus forte depuis 20 ans. Ce n’est pas un modèle parce qu’aucun pays n’est un modèle absolu. Mais c’est évidemment un exemple à regarder de près.

La croissance allemande a atteint 3,6% l’an dernier – deux fois plus qu’en France. La récession aussi avait été de l’autre côté du Rhin deux fois plus importante qu’ici. La situation allemande reste toutefois préférable parce que la récession est finie et que la croissance semble bien installée – plus de 2 % prévu cette année. Du coup, l’effet de la crise devrait être effacé très vite. Côté des bons points, il faut encore relever un taux de chômage inférieur à 8 % et un déficit public de 3,5% du PIB. Cela veut dire que Berlin a été moins dogmatique qu’on le disait pendant la crise mais que la situation reste sous contrôle.

Y a-t-il des limites à ces performances impressionnantes ? Il faut chercher pour les trouver ! La première est que le moteur allemand tourne depuis des années sur les exportations et que la consommation a été longtemps le parent pauvre, avec des salaires comprimés. Mais cela est en train de changer. La seconde est que l’Allemagne, outre une démographie catastrophique qui explique la baisse du chômage, va bien, mais après une décennie très moyenne. C’est donc aussi un rattrapage. La dernière chose est que son modèle exportateur ne fonctionne que si les autres pays, notamment en Europe, vont bien. Sinon, pas de clients ! Au total, c’est donc un bon bilan, mais il y a des forces et des faiblesses, tout n’est pas absolument blanc ou noir, unique, sans nuance.

Fric krach et gueule de bois, le roman de la crise_Partie1
envoyé par buggeeXP. - L'info video en direct.
Je n’utilise pas ces mots par hasard ! Je vise le documentaire sur la crise diffusé mardi 11 janvier sur France 2 (Fric, krach et gueule de bois) et préparé par Pierre Arditi, l’écrivain Erik Orsenna et l’économiste Daniel Cohen ! Un film regardé par 3,2 millions de personnes, un succès. Je suppose que tous les lecteurs ne l’ont pas vu. En gros, il retrace l’histoire économique, en partant des années 1960 et 1970 (une sorte de paradis), en passant par la décennie 1980 (la désindustrialisation et la victoire du libéralisme à la Thatcher et Reagan), puis la décennie 1990 (les années Tapie), et enfin le début des années 2000 (l’explosion de la bulle Internet). Le tout débouchant, logiquement puisque l’argent pourrit tout, sur la crise actuelle. C’est vif, c’est bien fait, mais ce travail illustre nos difficultés à déchiffrer ce qui se passe, les incroyables nouvelles interactions. Rien n’est faux, mais c’est incomplet. On passe 80 minutes en se disant qu’il manque quelque chose...

Bien sûr, la montée de la cupidité et les dérives scandaleuses des banques américaines sont vraies. Mais pas un mot sur l’autre versant, qui n’excuse pas le premier mais existe. Les ouvertures de frontières ont certes libéré des forces difficiles à contrôler. Mais grâce à la mondialisation, des centaines de millions de gens sortent de la pauvreté et des classes moyennes apparaissent. Dans le film, où sont l’Inde et le Brésil ? Nulle part. Dans les vieux pays, le niveau de vie moyen a augmenté ou est resté stable, il ne s’est pas effondé. Y compris chez nous. Le film ne parle pas de l’Allemagne ! Faut-il oublier que des révolutions technologiques sont nées, y compris peut-être de la bulle Internet. Enfin, le capitalisme n’a pas non plus cassé les Etats : en France, la part des dépenses collectives n’a jamais été aussi élevée, et elles sont bien financées par l’économie, donc en partie les entreprises.

Bref, tout n’est pas blanc ou noir : ce serait hélas trop facile !

Une hirondelle européenne

Le soulagement en surface, le doute en profondeur. Tel est le double sentiment qu'inspire la série de bonnes nouvelles tombées cette semaine à propos de la crise des dettes souveraines dans l'eurozone : le Portugal a pu trouver à emprunter, le fonds de secours doublerait, la Commission a proposé un nouveau « paquet » de gouvernance de la zone et le Japon, après la Chine, est venu acheter des obligations européennes.

« L'Europe retrouve la confiance des marchés », ont titré « Les Echos » en une. Avec raison. Au bout d'un an de crise, depuis la découverte des infernaux déficits grecs, les marchés ont en effet compris et admis que l'Europe a un temps long de réaction, qu'elle a un cheminement tortueux, qu'elle propose toujours des solutions de compromis forcément insuffisantes, mais qu'elle avance. L'Europe est un processus. L'Union européenne, ce n'est pas les Etats-Unis d'Europe, comme le voudraient les traders dans un raisonnement simple et juste au demeurant, ce serait plus facile, ça marcherait mieux. Non, l'Europe est un machin.

Ce que testaient les marchés dès le début de la crise grecque est la solidarité des Etats membres du machin entre eux. La Grèce ne peut plus payer, que faites-vous ? La réponse a été insupportablement « européenne » : longue, compliquée et insuffisante. L'Allemagne a renâclé beaucoup trop longtemps. Tous les eurosceptiques germaniques, français et autres ont joyeusement battu la campagne sur le thème : « Ca marche pas, on vous l'avait bien dit ! » Et les « hedge funds » ont acquis la certitude qu'il y avait beaucoup d'argent à gagner en pariant sur l'éclatement de la zone.

Eh bien, au bout du compte, les décisions ont été prises. Elles sont techniquement critiquables, mais elles sont venues et avec elles la preuve que l'euro n'est pas seulement une monnaie nouvelle, l'euro est un objet politique que ses fondateurs défendront. Comme l'a redit François Fillon chez l'ennemi, à la City de Londres : « Qu'il n'y ait aucun doute ! Les pays de la zone euro, spécialement la France et l'Allemagne, sont prêts à tout faire » pour sauver l'eurosystème. Les marchés semblent donc s'être convaincus : la volonté politique est là. Que la Chine soit venue au secours des pays fragiles est aussi un signe politique, géostratégique : l'existence d'une deuxième grande monnaie mondiale permet d'abord à Pékin de diversifier le placement de ses réserves, mais, au-delà, elle lui offre la possibilité de ne pas se retrouver dans un face-à-face avec Washington, plus difficile à gérer qu'un dialogue à trois. C'est une réalité fondamentale : la Chine a besoin de l'Europe pour contrer la pression américaine. Il ne faudrait pas, au passage, en conclure naïvement que « c'est notre chance ! » et se coucher devant Pékin comme le font, hélas, grandes entreprises et gouvernements...

Soulagement donc, les marchés semblent retirer leurs canons des collines. Mais le doute subsiste, parce que, si la volonté politique de défendre l'euro est bien présente, « l'esprit européen » ne l'est toujours pas. De la crise européenne, on pouvait espérer une reprise de la marche intégratrice opiniâtre et un retour de la conviction que « ce qui est bon pour l'Europe est bon pour mon pays », mais rien de tel. La coordination nouvelle des politiques économiques fait faire un pas vers un « gouvernement européen » : les pays verront leur budget encadré et même un peu orienté par une surveillance commune. Mais les décisions sont à nouveau renvoyées au Conseil des chefs d'Etat. On ne s'éloigne que d'un demi-pouce de l'Europe des nations. « On fait un pas vers le gouvernement européen, mais pas vers l'intégration », ajoute très justement l'ancien commissaire Mario Monti. Intégration qui impliquerait, entre autres (1), que le marché unique soit relancé (les services, les banques), que soit mis fin au dumping fiscal et social par la mise en oeuvre de minima ou, mieux, de « serpents » des niveaux de taxes, que soit lancé des eurobonds pour financer des dépenses d'accélération de la productivité des Etats membres, à commencer par ceux du Sud.

La croissance est renvoyée plus que jamais au niveau national par subsidiarité et chaque gouvernant va continuer de faire ce qu'il croit devoir faire pour son peuple... et sa prochaine réélection. L'Europe bénéficie d'un répit des marchés. La sauver n'est pas la construire.

Aubry et Royal, désaccords à géométrie variable

C'est presque devenu une habitude : Martine Aubry a présenté ses vœux à la presse, jeudi 13 janvier, rue de Solférino. Et Ségolène Royal présentera les siens... le même jour, dans sa région. Un exemple parmi des dizaines d'autres concernant les deux femmes depuis 2007.

2006-2007 : PETITES PHRASES ENTRE ENNEMIES
Lorsqu'elle est investie candidate socialiste, en novembre 2006, Ségolène Royal sait qu'elle n'a pas beaucoup d'alliés parmi les "éléphants" socialistes. Et que Martine Aubry n'en fait pas partie. Lors des primaires, Mme Royal a critiqué les 35 heures, qualifiées de mesures "technocratiques". Mme Aubry, qui a porté cette loi, n'a pas apprécié et l'a fait savoir, expliquant que "le problème [d'une campagne] n'est pas de savoir si on a les bonnes mensurations".
En janvier 2007, pour faire taire ceux qui la disent isolée, Ségolène Royal s'affiche à Lille en compagnie de Martine Aubry. Mais derrière la complicité jouée devant les caméras, les rapports restent tendus. "Ségolène Royal a choisi un style extrêmement particulier" de campagne, estime ainsi la maire de Lille dans ce qui se veut un compliment. Quant à la candidate PS, elle salue en Martine Aubry, ancienne numéro 3 du gouvernement Jospin, une... "élue de terrain". On a connu hommage plus vibrant.
Après la défaite de la gauche, les choses ne vont pas en s'arrangeant lorsqu'il s'agit de désigner un successeur à François Hollande à la tête du parti, en 2008. Jouant de sa légitimité d'ex-candidate, Ségolène Royal se place sur les rangs, transformant l'élection en référendum pour ou contre sa personne.

2008 : GUERRE DES ROSE(S)
Martine Aubry se retrouve rapidement, et sans qu'elle l'ait beaucoup souhaité, à la tête d'une motion concurrente, qui regroupe les fabiusiens et quelques strauss-kahniens, dont l'essentiel de la cohérence tient dans la volonté partagée d'éviter que Mme Royal ne prenne le parti. Et les petites phrases pleuvent, cruelles. A Reims, en novembre, sous le prétexte d'un débat sur une alliance avec le MoDem, que propose l'ex-candidate, le congrès du PS se transforme en guerre de tranchées entre pro et anti-Royal. Lors de son discours, la présidente de région est sifflée par les partisans de la maire de Lille. L'inverse se produit lorsque la dernière monte à son tour à la tribune.
Lors de la nuit dite "des résolutions", où les différents courants du PS tentent de parvenir à une synthèse, l'ambiance est à couteaux tirés. Quelques heures après le début des négociations, c'est l'impasse. Royal, qui n'a pu obtenir d'alliance ni de garanties suffisantes, claque la porte et dénonce devant les caméras des "méthodes d'un autre âge" et en appelle au vote des militants.
Peu désireuse d'hériter du poste de François Hollande, Martine Aubry attend le tout dernier moment pour se porter candidate. Elle n'a plus le choix : le renoncement de Bertrand Delanoë de se lancer ou d'envoyer un candidat issu de sa propre motion ne laisse qu'elle et Benoît Hamon face à l'ex-candidate. Sans surprise, le jeune représentant de la gauche du parti se rallie à la maire de Lille à l'issue d'un premier tour dont Royal sort gagnante.
Le vendredi suivant, le vote des militants se transforme en fiasco. Les deux femmes sont au coude-à-coude. A l'issue d'une nuit très agitée, Martine Aubry est déclarée gagnante, par quelques centaines de voix à peine. Le camp Royal, furieux, dénonce des fraudes, que des enquêtes de journalistes viendront confirmer. Mais des fraudes sont aussi signalées dans le camp royaliste. Une commission ad hoc confirmera la victoire de Martine Aubry, mais Ségolène Royal n'a pas l'intention d'en rester là.

2009-2010 : DU DÉGEL À L'ENTENTE CORDIALE
Martine Aubry veut "remettre le PS au travail" et surtout en finir avec les divisions. Elle n'entame donc pas de "purge" et prend même quelques représentants du courant Royal au sein de la direction nationale. Mais, plus discrètement, elle limite les subsides octroyés à son adversaire. Durant quelques mois, celle-ci joue les francs-tireurs, multipliant les provocations et les propositions iconoclastes pour continuer d'exister médiatiquement. Son camp critique la méthode d'Aubry pour les européennes de 2009. La première secrétaire finit par faire un geste et organise un meeting commun avec son adversaire. Il ne suffira pas à renverser la tendance, mais permet au PS d'en finir – provisoirement – avec les divisions.
Aux universités d'été de La Rochelle, fin août, même mise en scène. Mais en coulisses, la guerre continue. Tout est tactique. Quand Martine Aubry veut proposer à Ségolène Royal un poste au bureau national, mais dit ne pas arriver "à la joindre". Lorsqu'elle finit par y parvenir, Royal refuse, propose un de ses proches, maire-adjoint de 32 ans, et en profite pour estimer qu'il "faut faire avancer la rénovation des idées et des pratiques du PS par des choix très concrets". Elle profite de la fin de l'année pour remettre la main sur son courant, que Vincent Peillon tentait de s'approprier. Mais elle chute dans les sondages.


2010 : PACTE À TROIS
Une autre bataille est sur le point de s'ouvrir, celle de 2012. Martine Aubry aurait contracté un "pacte" avec Dominique Strauss-Kahn : ils décideront le moment venu lequel d'entre eux doit se présenter. En attendant, la campagne des régionales commence. Royal choque, une fois encore, en proposant une alliance locale au MoDem, alors que le PS l'a exclu. "Ségolène Royal veut mener son propre chemin", commente Martine Aubry.
La maire de Lille peut se réjouir : le PS sort gagnant des régionales et y puise une bouffée d'oxygène. Très bien réélue dans sa région, Mme Royal comprend qu'elle doit changer de tactique. Elle se lance dans un gambit en trois temps. Premier temps, le retour au sein du parti. Alors qu'en janvier elle disait n'avoir aucune intention de se "laisser marcher dessus" pour les primaires, elle modifie sa position. Le 26 mars, sur France 2, elle assure : "aujourd'hui je ne suis pas candidate (...) je ne veux pas entrer dans la guerre des chefs".
Concentrée sur les sujets de fond, comme l'usine Heuilliez qu'elle tente de sauver dans sa région, elle propose une trêve à Martine Aubry. Celle-ci, tout à sa volonté d'unité, fait tout pour s'afficher avec la présidente de région. Ségolène Royal, elle, passe au second temps et modifie son discours, assurant que la question des candidatures PS pour 2012 doit être "une décision collective, un dispositif collectif" entre Mme Aubry, "DSK"... et elle-même. Elle s'invite donc dans le pacte entre les deux.
Martine Aubry laisse faire et continue d'afficher leur proximité retrouvée. A La Rochelle, c'en est presque fini de l'ostracisation du camp Royal. Sur les retraites, l'ex-candidate remplace même au pied levé la première secrétaire pour une émission sur France 2. Ce n'est pas pour autant l'amitié, bien au contraire. Le camp Aubry surveille Royal, à l'affût du moindre signe.

2011 : LA NOUVELLE GUERRE DES DAMES ?
Celui-ci arrive fin novembre. Prenant prétexte d'une déclaration de Martine Aubry sur le "pacte" qui lie les trois candidats potentiels, Ségolène Royal... le réfute, estimant que "personne ne s'interdit d'être candidat aux primaires, y compris moi". Trois jours plus tard, elle est officiellement candidate.
Le camp Aubry n'est pas supris. Mais il reste paralysé par l'attente de la décision de Dominique Strauss-Kahn. Et pendant ce temps, Royal fait campagne. Le 10 janvier, à Jarnac, alors que le PS commémore les 15 ans de la mort de François Mitterrand, elle est la seule à oser dire qu'elle a "envie de succéder" au seul président socialiste de la Ve République. Une envie qui ne l'a "jamais" quittée, "pas un seul jour", dit-elle également, quitte à s'éloigner quelque peu de ses déclarations sur le collectif.
Martine Aubry, qui a opté pour la discrétion médiatique, doit occuper le terrain. Et profite du début de l'année et de la sortie d'un livre sur elle (Martine Aubry, les secrets d'une ambition, par Marion Mourgue et Rosalie Lucas ) pour faire allusion aux primaires, et rappeler qu'elle "n'exclut rien", y compris se lancer dans la bataille si "DSK" n'y va pas. La réponse de Ségolène Royal est attendue dans la soirée de jeudi.

L'étreinte des marchés

Après la mise à l'écart, l'an dernier, de deux Etats de la zone euro du marché international des capitaux, les regards se sont naturellement portés en ce début d'année sur le Portugal et l'Espagne. Leur tour serait-il venu de rejoindre la Grèce et l'Irlande sur le banc des exclus ? Les deux viennent de procéder avec succès à des levées de fonds, suscitant un soulagement en Europe.

Bonne nouvelle ? Voire. Le soulagement est trompeur, il risque d'être de courte durée et c'est bien pourquoi l'Europe s'apprête à augmenter massivement les capacités de son fonds de soutien aux Etats. Le Portugal a certes séduit les investisseurs, mais en offrant un taux d'intérêt de 6,70 % sur dix ans. Il ne faut pas se tromper. A ces conditions, l'étreinte des marchés, ou si l'on préfère des investisseurs chinois, japonais ou autres, est synonyme de lente asphyxie. Elle accroît, comme un poison qui tue lentement, la ponction sur les forces vives de l'économie. Pour un pays dont les perspectives de croissance nominale sont voisines de zéro, ce taux rend inéluctable, à terme, une restructuration de sa dette. Inévitablement, celle-ci finira en effet par devenir aussi insoutenable qu'en Grèce ou en Irlande, des pays dont la dette devra sans doute être restructurée dans les mois à venir même si personne, aujourd'hui, n'ose le reconnaître.

Le cas de l'Espagne est moins dramatique, mais, là encore, le prix payé pour l'accès au marché des capitaux est élevé : le Trésor espagnol a dû s'endetter à plus de 4,5 % sur cinq ans contre 3,5 % deux mois plus tôt ! Ce bond illustre la dégradation de la confiance des investisseurs à l'égard d'un pays qui a beaucoup perdu en compétitivité ces dernières années.

Après une année 2010 marquée par l'embrasement de la zone euro, 2011 débute ainsi dans un calme trompeur. A la différence des crises de changes, brutales comme un infarctus, les crises de la dette sont des maladies de longue durée. Les Etats les plus fragiles s'enfoncent doucement mais sûrement dans la spirale de l'endettement. Ils reportent des ajustements qui, demain, risquent d'être plus douloureux encore. Entendre le ministre des Finances portugais affirmer qu'il ne voit pas de raison de faire appel au fonds de soutien européen ou au FMI le jour où son pays s'endette à des taux stratosphériques défie la raison. L'ajustement n'en sera que plus sévère pour les ménages portugais lorsque, comme aux Grecs et aux Irlandais, l'Etat leur présentera la facture. Mais courage et lucidité politiques ne sont pas les qualités les plus répandues au sein de la zone euro.

Crise de la dette : les Européens réfléchissent à doper le plan d'aide

Le ministre belge des Finances Didier Reynders a plaidé jeudi pour un doublement du plan de soutien à la zone euro, à 1.500 milliards d'euros. Christine Lagarde évoque une augmentation du Fonds, mais aussi d'autres «pistes techniques».
 Le débat sur le renforcement du plan de soutien européen aux pays de la zone euro en difficultés a rebondi jeudi 13 janvier après-midi, avec la déclaration du ministre belge des Finances Didier Reynders, en faveur d'un doublement des capacités d'aide mises à disposition de la zone euro, à 1.500 milliards d'euros. Cette piste est actuellement discutée en Europe, a-t-il assuré. L'annonce intervient après les déclarations du président de la BCE Jean-Claude Trichet, qui, un peu plus tôt jeudi, a durci le ton sur l'inflation.
«Je pense que ce serait un objectif tout à fait raisonnable de doubler les moyens» du Fonds de soutien de la zone euro, a indiqué M. Reynders, dans un entretien avec l'AFP. «Je pense que doubler le Fonds, la Facilité actuelle et le Mécanisme permanent pour l'avenir (qui sera mis en place à partir de la mi-2013), ce serait la bonne logique», a-t--il précisé. La zone euro s'est dotée l'an dernier d'un plan de soutien aux pays qui seraient en difficulté atteignant au total 750 milliards d'euros de prêts ou garanties de prêts. Il est constitué d'un Fonds de garanties de prêts de 440 milliards d'euros apportées par les pays de la zone euros, de 250 milliards de prêts du Fonds monétaire international et de 60 milliards d'euros de prêts de l'UE. Si l'idée du doublement est retenue, «ça voudrait dire doubler les garanties (de la zone euro), qui étaient jusqu'à présent de 440 milliards», a expliqué M. Reynders. Et, étant donné que le dispositif total mis à disposition des Etats est actuellement de 750 milliards d'euros, «si nous prenons la même démarche, en doublant, on (...) arriverait à 1.500 milliards d'euros», a-t-il ajouté.
Interrogé pour savoir si les discussions en cours en Europe portaient sur ce montant, M. Reynders a répondu: «tout à fait». «La Commission européenne, la Banque centrale européenne commencent à évoquer ce genre de possibilités également» dans le cadre de ces discussions, a-t-il ajouté. Les responsables européens ont engagé un débat sur le renforcement des capacités de prêts du Fonds de secours de la zone euro.
De son côté, la ministre française des Finances Christine Lagarde a déclaré jeudi à l'AFP qu'une augmentation du fonds de secours européen pourrait être décidée «si nécessaire», afin de «démontrer notre détermination à défendre la stabilité de la zone euro». Mais elle a aussi évoqué « d'autres pistes techniques », qui, on le sait, sont à l'étude depuis quelques temps à Bruxelles, Berlin et Paris.
«On réfléchit à la capacité du fonds qui serait doté de moyens supplémentaires si cela devenait nécessaire», a déclaré la ministre, soulignant qu'elle disait sur ce point «exactement la même chose» que son homologue allemand Wolfgang Schäuble. Selon Mme Lagarde, l'augmentation envisagée n'est pas encore chiffrée «car la solidarité européenne ne porte pas une étiquette de prix». Pour elle, «une des modalités pourrait être une augmentation du fonds, non pas tant en raison de besoins nouveaux avérés mais pour démontrer notre détermination à défendre la stabilité de la zone euro». Mais d'autres «pistes techniques» sont aussi envisagées, a-t-elle ajouté. La ministre a assuré que les dirigeants européens travaillaient à «un ensemble de mesures susceptibles d'améliorer sensiblement la gouvernance de la zone euro». Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble avait concédé un peu plus tôt jeudi que la capacité de prêt du Fonds européen de soutien aux pays en difficulté (FESF) pourrait devoir être augmentée, refusant toutefois de parler d'élargissement du volume de l'ensemble du mécanisme.

Acquis sociaux, jusqu'où ?


Faut-il sacrifier nos ouvriers pour sauver nos usines ? Faut-il que les cols bleus acceptent, au nom de la défense de l'emploi, d'être la première génération d'Occidentaux à voir leurs acquis sociaux être progressivement rognés ? La question est aujourd'hui directement posée aux salariés de Fiat en Italie, mais elle se pose au quotidien de façon plus indirecte à tous les ouvriers européens soumis à la concurrence croissante des pays émergents.


La polémique récente sur la remise en cause définitive des 35 heures en France comme le débat permanent sur le niveau des charges sociales pesant sur le travail dans l'Hexagone prouvent que ces questions qui dérangent ne sont plus taboues. Pour faire face aux pays à faible coût de main-d'oeuvre et garder une chance de conserver une industrie, la France a conscience qu'elle doit investir dans sa recherche, se spécialiser dans le haut de gamme et les produits à forte valeur ajoutée. Elle sait aussi qu'elle devra faire des efforts en termes de productivité et de coût du travail. En Amérique, le sauvetage de General Motors a eu des conséquences radicales pour ses salariés, dont les niveaux de retraite, de couverture santé, voire de salaire ont pour certains été renégociés à la baisse. Entre « chantage à l'emploi » ou « gel des rémunérations », les salariés français ont compris qu'ils faisaient désormais eux aussi bien partie de la variable d'ajustement.


Il ne faudrait cependant pas que l'indispensable effort soit totalement à sens unique. Au-delà du débat sur la juste rémunération des actionnaires, c'est aussi sur nos partenaires commerciaux internationaux qu'il faut sans doute faire quelque peu pression. Sans sombrer dans le protectionnisme, le nouveau maître mot doit désormais être « réciprocité ». Une réciprocité qui aille au-delà de simples règles sur l'accès au marché ou la possibilité de prendre le contrôle d'un groupe étranger. La réciprocité, c'est aussi s'assurer que nos partenaires respectent un minimum de règles sociales ou environnementales. Pour que la mondialisation, globalement très bénéfique, ne débouche pas à terme sur un nivellement par le bas pour l'industrie, il faut que l'Europe, en particulier, accepte de défendre un principe de base : pour que le commerce soit libre, il faut aussi qu'il soit équitable.

Moqueries et littérature

La cooptation de Régis Debray au sein du jury du prix Goncourt donne lieu à un festival de moqueries auquel il devait sans doute s'attendre. Le pensionnaire de la sordide prison bolivienne de Camiri, dans les années 1960, déjeunant aujourd'hui avec les couverts en vermeil de chez Drouant, le pourfendeur de la nomenklatura culturelle recruté au sein de l'une de ses institutions fétiches, le disséqueur de la médiacratie formant équipe avec le télécrate Bernard Pivot, tous ces symboles ne pouvaient que chatouiller les plumes moqueuses. Il serait facile d'y ajouter quelques suppléments taquins. Le goût d'une certaine vérité, plus que celui du paradoxe, nous incite cependant à passer du ricanement à l'hommage.

Hommage, d'abord, à un homme courageux. On pense ce que l'on veut de son improbable équipée révolutionnaire dans l'Amérique latine des années romantiques, mais il a risqué sa vie pour ses idées et ce n'est pas méprisable. Trente ans plus tard, dans « Loués soient nos seigneurs », il a dressé un magnifique mais terrible portrait de Che Guevara, son idole d'antan. Il fallait du courage aussi pour dépeindre en moine-soldat fanatique, égaré dans une stratégie politique erronée et un combat militaire sans issue, celui auquel on a sacrifié les plus belles années de sa jeunesse.

Hommage ensuite et surtout, puisque c'est le sujet du jour, à un grand écrivain. Sans faire injure au talent de ceux qu'il rejoint, ni à celui de Michel Tournier qui lui cède sa place, Debray apporte une ampleur culturelle et une flamboyance formelle dont il est peu d'exemples dans la littérature française depuis Chateaubriand. A ces mots, les ricaneurs ressortent de leur boîte comme un coucou suisse pour chambrer le révolutionnaire mâtiné Restauration et le marxiste redécouvrant les vertus du sacré. Riez, riez, messieurs les moqueurs. Mais, dans un siècle, il n'est pas sûr qu'on se souvienne de Houellebecq, prix Goncourt 2010. S'agissant en revanche de Régis Debray, on prendrait volontiers les paris, comme on les aurait pris avec son maître récemment disparu, Julien Gracq.