TOUT EST DIT

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jeudi 22 novembre 2012

Natacha Polony : “Nous vivons une crise de la morale publique”

La journaliste, agrégée de lettres, a écrit plusieurs essais sur l’école. Pour elle, il est urgent de se retrouver sur des valeurs communes.
De nombreuses agressions ont eu lieu dans les établissements scolaires depuis la rentrée. Comment expliquez-vous la multiplication de ces incidents ? Les violences physiques restent rares mais, quoi qu’en disent certains sociologues (toujours les mêmes !), les remises en question de l’autorité sont incessantes. Il suffit d’interroger des professeurs expérimentés pour qu’ils le confirment ! Le problème, c’est que ces contestations exigent des enseignants une solidité qu’ils ne peuvent conserver sans le soutien de l’institution. Or ce soutien leur fait défaut. Pour s’imposer, l’autorité doit être légitime. Les enseignants tirent leur légitimité des savoirs qu’ils maîtrisent et qu’ils sont censés transmettre à leurs élèves. Or, le savoir étant remis en question par l’ensemble de la société, beaucoup d’élèves ne savent plus ce qu’ils font sur les bancs de l’école et les profs en viennent à douter de leur légitimité. Tout est fait pour les fragiliser dans leur formation. Je le jure, je l’ai entendu d’une formatrice en IUFM : « Vous avez autant à apprendre de vos élèves que vos élèves de vous » ! Les rôles sont inversés. Toutes ces fadaises affaiblissent les enseignants en semant le doute sur leur mission. Elles expliquent aussi le naufrage de tant de jeunes.

Cette crise de l’autorité peut-elle également expliquer des drames aussi sordides que le double assassinat d’Échirolles, par exemple ? Avec Échirolles, on franchit un degré dans l’horreur, qui ne s’explique pas seulement par la crise de l’autorité mais par le délitement absolu de la civilisation. Il y a quelque chose d’inhumain chez les assassins de Kevin et Sofiane. Ce ne sont pas des révoltés, ce sont des jeunes qui ont grandi sans qu’on ne mette aucun frein à leurs pulsions. Ils n’ont jamais été éduqués. C’est l’éducation qui permet d’accéder à la conscience de l’autre – ce que l’on nomme l’empathie. Sans éducation, le petit de l’homme ne de vient pas pleinement humain. Nous avons régressé vers les temps barbares. La question est : “Comment, nous, adultes, avons-nous pu produire ça ? ” Comment avons-nous pu produire des Mohamed Merah ou des Youssouf Fofana, le chef du gang autoproclamé des “barbares”, l’assassin d’Ilan Halimi ?
Avez-vous une explication ? Un rappel, en guise de réponse. Vous souvenez-vous de Mohamed L. ? En juin 2010, ce jeune marié s’est fait massacrer parce qu’il voulait faire un constat à l’amiable après un accrochage sur une bretelle d’autoroute. « Vous n’allez pas faire vos Français ! », lui ont répondu les responsables de l’accident, avant d’appeler des renforts de la cité voisine. Ce n’est pas une question de race, ni de couleur de peau : ni Sofiane, ni Kevin, ni Mohamed n’étaient blancs (c’est pourquoi je récuse l’expression “racisme anti-Blanc”) mais ils adhéraient à des règles, à des codes que l’on doit respecter si l’on veut vivre ensemble, et qui sont le produit d’un héritage et d’une culture. Des règles que leurs agresseurs n’ont pas assimilées ou qu’ils ont rejetées.
Youssouf Fofana, comme Mohamed Merah, sont pourtant nés en France… Oui, mais il ne suffit pas d’un tampon sur une pièce d’identité pour se sentir français : on ne peut faire l’économie de transmettre la culture française aux jeunes Français, d’où qu’ils viennent ! L’intégration est le résultat d’un processus qui exige du temps. Être français, c’est s’approprier des siècles d’histoire, c’est aussi vouloir partager un destin commun. Et cela concerne tous les jeunes, que leurs parents soient français ou étrangers ! Renoncer à la transmission de cette culture, c’est courir un double risque : enfanter de jeunes barbares exigeant “tout, tout de suite”, car incapables de maîtriser leurs pulsions et de s’inscrire dans le temps…
Jean-Pierre Chevènement avait fait scandale en parlant de “sauvageon”… C’est pourtant le mot qui convient : un sauvageon, littéralement, c’est un arbuste qui a poussé sans tuteur. C’est malheureusement le cas de tous ces jeunes. Le second risque, si l’on néglige la transmission, c’est de “fabriquer” de jeunes intégristes, qui tentent de combler le vide de leur existence en se lançant dans une quête de pureté si délirante qu’elle peut devenir meurtrière. Certains s’étonnent que les “djihadistes de Sarcelles”, interpellés le mois dernier, soient de jeunes Français convertis à l’islam. Mais les Territoires perdus de la République, c’était il y a dix ans !
“Les Territoires perdus de la République” ? Un livre écrit par un collectif d’enseignants, qui décrivait comment certains élèves contestaient les programmes d’histoire ou de biologie et multipliaient les références à un islam littéraliste, coupé de son histoire et de ses évolutions. C’était il y a dix ans ! Et, deux ans plus tard, sortait le rapport Obin qui détaillait les atteintes à la laïcité dans les établissements scolaires. On sait tout cela depuis longtemps, mais on préfère réduire l’affaire Merah aux dysfonctionnements des services de police…
Que faire ? Ne nous le cachons pas : la tâche est colossale. Il faudrait pouvoir agir sur les familles, sur l’école, sur l’immigration, sur le discours politique en général… Dans ses travaux, l’anthropologue Dounia Bouzar souligne que les jeunes en voie de radicalisation ont souvent manqué d’un père, absent ou défaillant. Il est curieux qu’il n’existe pas d’étude globale sur l’impact social de la multiplication des familles monoparentales ! La carence paternelle et, plus largement, la “carence éducative” (selon l’expression du psychologue Didier Pleux) sont lourdes de conséquences. Beaucoup d’enfants sont livrés à eux-mêmes… ou à la télévision dont on sous-estime grandement l’influence ! Ce n’est plus un outil pédagogique mais un outil commercial. Interdire la diffusion de programmes pour enfant le matin serait une mesure de salubrité publique. N’importe quel instituteur vous le dira : il est impossible d’apprendre quoi que ce soit à des enfants qui regardent la télé avant d’aller à l’école ! Or les parents ont un rôle capital dans le succès scolaire de leurs enfants. Toutes les études le prouvent : s’ils leur transmettent l’idée que l’école est essentielle à leur réussite, alors leurs enfants s’en sortiront, même s’ils sont d’origine très modeste. Malheureusement, beaucoup de familles considèrent l’école non plus comme une institution mais comme un service, et l’école elle-même s’égare quand elle prétend mettre en place des “cagnottes” pour lutter contre l’absentéisme scolaire !
Vincent Peillon veut rétablir des cours de “morale laïque”. Qu’en pensez-vous ? Il a raison ! Je sais que des penseurs chrétiens s’en sont émus, mais ce n’est pas l’excès de laïcité qui nous menace, c’est plutôt son absence ! Nous vivons dans une société hyperindividualiste qui privilégie les droits de chacun au détriment de l’intérêt général. Il faut parfois savoir s’effacer pour le bien de la collectivité – pour vivre “ensemble” et pas seulement “côte à côte”, au nom d’une tolérance mal comprise. Nous avons conçu une société dont les seules instances de régulation sont le droit et le marché. Mais la République, ce n’est pas la neutralité ! Que nous soyons ou non croyants, nous sommes quand même capables de partager une certaine idée du bien et du mal, nous pouvons nous retrouver sur des valeurs morales que résument quelques maximes célèbres ! Cela dit, il me semble évident qu’un professeur enseignant la morale kantienne (à laquelle se réfère Vincent Peillon) doit être capable d’expliquer qu’elle est issue de la morale chrétienne. Il suffit de distinguer le culturel du confessionnel.
Vous évoquez la République. La sacralisation des droits de l’homme suffit-elle à garantir la cohésion de la société ? Tout dépend de la définition que l’on donne des “droits de l’homme”. Pour les auteurs de la Déclaration de 1789, il s’agissait de libertés. Pour nous, il s’agit souvent de créances : des droits que les individus revendiquent de façon d’autant plus pressante que la puissance publique n’est porteuse d’aucune morale. Le problème, c’est que nous avons vidé les mots de leur sens. La République n’est pas une instance neutre. Elle est fondée sur des valeurs que nous avons héritées de la Grèce : Périclès les célébrait déjà dans son célèbre discours aux morts ! Ces valeurs, ce sont la liberté « dans le gouvernement de la République », l’égalité devant la loi, la fraternité des citoyens et le mérite.
Il ajoutait aussi : « Nous obéissons toujours aux magistrats et aux lois et, parmi celles-ci, surtout à celles qui assurent la défense des opprimés et qui, tout en n’étant pas codifiées, impriment à celui qui les viole un mépris universel. » La transgression des lois non écrites jette l’opprobre sur celui qui les viole. C’est une idée courante chez les Anciens mais étrangère aux sociétés modernes. Nous nous devons aux autres, à la fois de façon horizontale (ceux qui nous entourent) et de façon verticale (ceux qui nous ont précédés et ceux qui nous suivront). Les Grecs appellent cela l’aïdôs : l’honneur, la dignité, mais aussi la pudeur, la bienséance, le civisme. L’aïdôs s’oppose à l’hybris : la démesure, les passions. Il serait bon que nous retrouvions l’aïdôs.

Gueule de bois

Gueule de bois


Dimanche, la droite avait le moral. Elle était descendue la veille dans la rue, et massivement, contre le projet de société emblématique de la gauche, le mariage gay. Elle s’y trouvait sans organisations, sans autocars, sans encadrement, sur un simple appel et pour le seul bonheur de montrer aux socialistes et à la CGT qu’elle aussi pouvait occuper les boulevards et les avenues, et non pas pour défendre des intérêts, aussi estimables soient-ils, mais une vision de la société, une manière de vivre ensemble, d’élever ses enfants, de préserver un patrimoine, de valoriser un héritage. Des manifestants décidés et joyeux, venus défiler en famille, toutes générations confondues, avec une idée en tête : faire nombre à l’intention de la planète politico-médiatique tout acquise à la gauche et qui prétend que le pouvoir et la rue lui sont réservés parce qu’elle a aussi l’exclusivité de la raison.
Le soir, la démonstration était faite. Cette droite, quasiment anonyme, avait atteint son but : même à travers les chiffres officiels, on reconnaissait qu’elle avait rassemblé plus de cent mille personnes – ce qui pouvait vouloir dire cent cinquante mille ou plus encore. Quand la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, prétend maintenant que cette mobilisation était toute relative, que voilà une belle incitation à faire encore mieux lors du prochain rendez-vous (le dimanche 13 janvier) : ah bon ! la mobilisation n’était pas si forte malgré les trains, les bus et les métros bondés, les kilomètres parcourus ? Eh bien, Mme Marisol Touraine verra ce que ce sera dans deux mois puisqu’elle n’a pas bien observé…
Le dimanche, lendemain de ces défilés réussis, la droite avait un autre rendez-vous. Mais cette fois, elle avait sa carte d’adhérent en poche et ses porte-drapeaux : c’était la droite UMP qui allait en chantant élire son président, en piétinant durant des heures devant des bureaux de vote trop rares. Elle était aussi mobilisée que celle de la veille et quasiment pour les mêmes raisons : démentir les commentaires, les sondages, les médias qui prétendaient que cette campagne pour la présidence du parti avait été trop longue et ennuyeuse ; montrer au contraire qu’elle n’avait pas émoussé la passion des militants, que les salles de réunion où Copé et Fillon venaient se présenter avaient été combles partout, que c’était le moment ou jamais de se montrer en force.
Les partisans de Copé et ceux de Fillon voulaient d’une certaine façon la même chose : une droite unie, engagée, déterminée à ne rien céder à la gauche. La plupart d’entre eux auraient bien préféré élire en même temps un chef de parti, décidé à frapper d’estoc et de taille, et un leader plus classique et plus populaire avec l’expérience de la conduite d’un gouvernement. Mais comme ils n’avaient qu’un seul bulletin de vote, les électeurs militants se sont débrouillés de telle manière qu’ils ont voté à 50-50. Ils n’avaient pas voulu humilier l’un par rapport à l’autre, ils voulaient seulement les obliger à travailler ensemble. Mais là, catastrophe. La fracture. Et cette droite si fière d’être rassemblée devant un pouvoir de gauche divisé et affaibli dans l’opinion se réveillait soudain avec la gueule de bois.
Depuis la courte défaite de Nicolas Sarkozy à la présidentielle, suivie par celle, logique et acceptée (par refus d’une cohabitation), des législatives, la droite ne s’est pas accordé un instant de répit ; elle est passée d’une campagne à une autre, persuadée qu’elle allait pouvoir décider de la suite des événements et faire vaciller la gauche sur son socle parlementaire. Le matraquage fiscal lui a permis d’occuper le terrain, mais ce qui l’a fait sortir d’elle-même, c’est la prétention de la gauche à changer de société et même de nation, avec le droit de vote des étrangers et la préférence immigrée, la décomposition du mariage et de la famille, le détournement de la morale à l’école, la repentance à répétition, etc. Qu’attend-elle maintenant ? Qu’après le pitoyable épisode de l’élection à sa présidence, l’équipe dirigeante de l’UMP se montre digne d’elle et de sa mobilisation.
La reconstruction va prendre du temps. Mais il y a de la matière. François Hollande a reculé sur le droit de vote des étrangers ; reculera-t-il aussi sur les modalités du mariage ? Un premier test de l’état de santé de la droite va se lire lors des prochaines élections législatives partielles, à la suite de l’annulation de ces scrutins. Puis on entrera dans l’année 2013 – sans échéance électorale. Une année qui peut être gagnée si elle est tout entière consacrée à s’entraîner pour la suite, comme le sportif se prépare à l’épreuve.

L'UMP persiste dans une logique suicidaire

Copé qualifie Fillon de «mauvais perdant», refuse la solution Juppé et se dit prêt à aller devant la justice.
Faisant fi des railleries de la gauche, voire de la presse, l'UMP semblait jeudi matin dans une logique jusqu'au-boutiste. Pour ne pas dire suicidaire. Qualifiant désormais François Fillon de «mauvais perdant qui vient donner des leçons de morale sans se les appliquer à lui-même», Jean-François Copé s'est déclaré, sur Europe 1, prêt à «aller devant la justice» pour trancher le contentieux électoral qui l'oppose à l'ancien premier ministre.

Tête a claques, mais Fillon est lamentable
Pointant des «réserves» à Nice, à Paris ou encore à Marseille, Jean-François Copé a dénoncé des «opérations massives, délibérées et préméditées de fraude!». Et s'est dit prêt à apporter dans la journée des «éléments» sur les résultats de Nouvelle-Calédonie, qui sont depuis mercredi au cœur du litige. Traduction: en haussant ainsi le ton sur une matinale de grande écoute, le nouveau président contesté de l'UMP a pris à témoin les Français. Il ne se laissera pas voler «sa» victoire. La proposition des fillonistes de mettre en place «une direction transitoire» derrière Alain Juppé n'a donc, à ses yeux, aucun sens. «Le problème n'est pas là, ma réponse est non. Ce n'est pas à la bonne convenance de celui qui a perdu…», tranche-t-il.
Il n'empêche. À écouter les différents lieutenants des deux camps, qui étaient les invités des différents plateaux de télévision et de radio jeudi matin, aucune éclaircie ne semblait en vue dans le ciel de l'UMP. Ancien directeur de campagne de Fillon, le député des Alpes-Maritimes Éric Ciotti contestait toujours sur i-Télé la victoire de l'ancien secrétaire général de l'UMP. Tandis que sur RTL l'ancien ministre de l'Intérieur Claude Guéant, qui avait également soutenu la candidature de Fillon, a jugé qu'il était temps de «vider cette affaire-là». «Je ne crois pas que le président de l'UMP puisse être un président à part entière si son élection est entachée du moindre soupçon d'illégitimité», a ajouté l'ex-secrétaire général de l'Élysée de Nicolas Sarkozy.

Borloo se frotte les mains

Pour l'opinion, comme pour les militants, ce «feuilleton» laissera-t-il des traces dans le paysage politique de la droite? Sur Radio Classique et Public Sénat, l'ancien candidat à la candidature pour la présidence de l'UMP Bruno Le Maire a estimé que «la solution ne doit pas être médiatique». «Que Fillon et Copé se taisent et se voient dans les 24 heures!», a demandé le député de l'Eure. Trop tard, a jugé en substance sur France Inter le juppéiste Benoist Apparu, pour qui Copé et Fillon se sont cramés et «ne peuvent plus diriger l'UMP».
En attendant, au centre, notamment à l'UDI, Jean-Louis Borloo se frotte les mains. Aujourd'hui, «nous sommes la force sereine d'opposition», a lancé sur France Info l'ancien ministre d'État, qui assure encore que les adhésions à son parti «arrivent par milliers». Au MoDem, François Bayrou est encore plus pessimiste quant à l'avenir de l'UMP. «On est devant une explosion, et une explosion sur le fond», a-t-il déclaré sur France 2.

À rire, et à pleurer…

À rire, et à pleurer…


On pourrait rire des Branquignols de la droite, de leurs haines en bataille et de leurs querelles d'apothicaires.
On pourrait ironiser lourdement sur les invraisemblables irrégularités de ce scrutin, auprès de quoi le congrès socialiste de Reims semble une partie de bridge entre gentlemen, et le duel Gbagbo-Ouattara une votation de canton suisse.
On pourrait dauber à n'en plus finir sur ces responsables de l'UMP, tricheurs, menteurs, mauvais joueurs, agressifs, procéduriers… et sur cette Cocoe à la noix qui ne sait plus au juste si elle n'a pas «oublié» quelques départements.
On pourrait en rire, si tout cela n'était en vérité à pleurer.
Quelle honte! Et, pour la droite, quel gâchis! La majorité part en quenouille, François Hollande s'enfonce dans l'impopularité, la croissance plonge, la dette grimpe, Moody's nous dégrade, le mariage homosexuel n'est pas la formalité que l'on disait… et voilà que ces messieurs de l'UMP, aveuglés par leur frénésie de places et de postes, ouvrent un boulevard au pouvoir socialiste!
Ont-ils oublié qu'ils ne les devaient, ces places et ces postes, qu'à des militants, des électeurs, des citoyens qui ont la faiblesse de croire que la politique c'est - aussi - se battre pour son pays, et pour des idées?
Ceux-là, au fond, se fichent bien de savoir si cette bataille de titans doit être tranchée par la Commission des recours de l'UMP, la Cour de justice européenne ou le Tribunal pénal international. Peu leur importe que Copé et Fillon se départagent à pile ou face, à la courte paille ou à la course en sac. Peu leur chaut que l'on intronise Alain Juppé, un tandem, un triumvirat ou que l'on convoque les mânes de Nicolas Sarkozy. Ils ne demandent qu'une chose: que cesse - et vite - ce pitoyable feuilleton qui abaisse la politique et ceux qui sont censés l'incarner.

A CE RYTHME, NOUS SOMMES PARTI POUR DIX ANS DE SOCIALISME !

UMP contre UMP

UMP contre UMP


Etripons-nous, Folleville ! Comme dans les meilleures pièces de boulevard, l'UMP tourne à son tour au méchant vaudeville. Les mauvais comptes électoraux ne faisant pas les bons amis d'un jour, on se doutait bien que le soulagement bonhomme n'était qu'apparence. François Fillon, coiffé par Copé sur le poteau, n'avait pas l'intention de lâcher prise. La découverte de trois fédérations d'Outre-mer non comptabilisées dans la proclamation finale des résultats, pourtant acceptés par les belligérants, lui a offert le coup de théâtre inattendu.
A partir de cette embrouille, chaque camp poursuit son but de guerre avec des armes juridiques différentes. En prônant la commission des recours, Copé mise sur son maintien à la présidence. C'est pour le déboulonner que Fillon, renonçant habilement à la présidence, veut contourner l'option recours et pousse Alain Juppé à la tête d'une direction collégiale. Le bras de fer juridique, au nom d'une morale politique que Fillon a voulu incarner dès sa défaite, conduit donc l'UMP sur la pente fatale d'une issue, peut-être judiciaire, en tout cas mortifère.
Sous le masque de l'unité, que chacun prétend défendre dans ce spectacle où le manque de confiance le dispute à une implacable détestation, c'est la survie de l'UMP qui se joue. Après les François et Jean-François de leur débat télévisé, « Monsieur Fillon » et le « secrétaire général » se sont déniés toute légitimité. De président du parti pour Copé. D'homme d'État, pour l'ancien Premier ministre.
Le spectacle de ce suicide à la face des Français aura des conséquences considérables dans la vie politique. Si l'UMP évite la scission, elle n'échappera pas à l'hémorragie. Plus grave encore, les citoyens trouveront dans ce champ de ruines un sérieux motif à se détourner de la politique ou à se jeter dans les bras d'un FN gourmand. Le président et le gouvernement peuvent savourer ces chicayas de l'opposition, qui leur épargnent un temps ses flèches. Pas sûr pourtant qu'il y ait lieu de se réjouir d'un tel dérapage de la démocratie dans une France en crise.

La question budgétaire de l'Europe

La question budgétaire de l'Europe 


Une discussion budgétaire, c'est pour toute institution démocratique un moment de choix et de vérité. Il faut, par l'impôt, définir des recettes et des dépenses. Les affecter. Arbitrer. Dans tous les États de l'Union européenne, comme dans toutes les démocraties du monde, ce moment fait l'objet d'un débat public. Au Parlement.
Ce matin, ce moment si important dans la vie de tout espace politique sera au menu d'un sommet extraordinaire des Vingt-sept. Le débat va bien avoir lieu, entre chefs d'État et de gouvernement, mais c'est dans le huis clos du Conseil que les perspectives financières de la période 2014-2020 vont être discutées, comme tous les sept ans.
Rien de nouveau ? Pas si sûr. La grave crise qui vient de secouer la zone euro et l'Union, depuis trois ans, ne permet plus de suivre ce rituel avec un regard désabusé. Non seulement parce que le climat d'austérité amène tout le monde à regarder de plus près les choix en matière économique. Mais surtout parce que la méthode n'a jamais paru autant inadaptée.
Comme le déclarait, hier, Alain Lamassoure : « Sur le budget, l'Europe travaille mal. » Le président de la commission du budget du Parlement européen de préciser. « L'Europe n'a pas d'impôt, elle mendie la charité de ses membres. » Sans ressources propres, l'Union européenne dépend des accords conclus par ses États membres. Au prix d'une logique perverse.
Chacun arrive ce matin à Bruxelles avec un double objectif : donner le minimum, engranger le maximum. L'opinion publique, dans tous les pays de l'UE, peut sans doute parfaitement comprendre la nécessité de contenir les dépenses par gros temps. À condition que les discussions d'apothicaires sur le « combien » (en fait à peine 1 % du PIB européen) n'éclipse pas le vrai débat sur le pourquoi et le comment d'un budget.
C'est bien là que les contribuables européens peuvent se sentir dépossédés de ce débat légitime. Surtout à l'heure où la mondialisation et la crise montrent très clairement qu'aucun État national ne peut résister seul dans la tourmente. Le rabais britannique, que Margaret Thatcher sut habilement négocier en 1984, n'a plus de sens. Mais la prédominance de la politique agricole commune, soutenue par Paris n'en a pas davantage aux yeux de nombreux partenaires. C'est la cohérence du projet qui peut rétablir chacun dans ses demandes légitimes, pas la foire aux égoïsmes.
La renationalisation du discours politique et même des esprits, à laquelle on assiste depuis trois ans, touche, à l'occasion de ce sommet, un point limite. « L'Europe peut survivre à un manque de crédits, elle ne survivrait pas à un tel déficit de démocratie », ajoutait, hier, Alain Lamassoure, qu'on peut difficilement qualifier de souverainiste.
Dès lors, après vingt-cinq sommets dits de la dernière chance, les chefs d'État et de gouvernement doivent, aujourd'hui et demain, réfléchir à cet avertissement. La gestion commune des ressources financières, surtout en temps de crise, exige plus une solidarité intelligente, même à un moindre coût, que d'une bataille rangée. Le succès d'Airbus n'en est-il pas la meilleure illustration ? C'est d'un projet audacieux et commun dont les zones en difficulté de l'Europe ont besoin. Ce ne sont pas les calculs comptables qui augmentent les ressources, tout au plus ils les habillent.