TOUT EST DIT

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samedi 10 août 2013

Michèle Cotta : "Hollande en fait-il trop ou pas assez ?"

Avant de partir pour de courtes vacances, le président de la République a multiplié les déplacements pour son tour de France consacré à l'emploi.


Seine-Saint-Denis, Dordogne, Gers, Vendée, Yvelines : François Hollande aura accompli, avant de prendre enfin quelques jours de congé, son tour de France de l'emploi. Non sans avoir suscité beaucoup de polémiques, depuis le début de l'été, sur son côté globe-trotter de l'Élysée. En fait-il assez, en fait-il trop ? Voilà que, d'une façon inattendue, on se pose aujourd'hui à propos des activités et de l'exposition médiatique du président la même question qu'il y a quelques mois à peine sur Nicolas Sarkozy : quand l'activité devient-elle de l'activisme ? Quand l'exposition aux médias devient-elle une surexposition ?
Plusieurs considérations avant de tenter de répondre à la question. La première est que, depuis plusieurs années, les Français entendent voir les ministres - sinon le Premier d'entre eux ou, cerise sur le gâteau, le chef de l'État - sur place, entièrement mobilisés, prêts à répondre sur le terrain aux questions des victimes de catastrophes climatiques ou industrielles. On se souvient du pauvre ministre de la Santé de Jacques Chirac, Jean-François Mattéi, médecin réputé et homme politique chevronné, écarté du gouvernement après la canicule de l'été 2003. Son erreur fatale ? Avoir mésestimé les effets de l'intense vague de chaleur de la fin juillet, qui a fait, rappelons-le, près de 15 000 morts en France, et d'être resté à Marseille au lieu de, comme on le dit dans le sud de la France, "remonter" à Paris. Son efficacité aurait-elle été la même, c'est-à-dire faible, s'il s'était installé derrière son bureau ministériel pour conduire les opérations ? Pas sûr, mais les Français, et la presse, lui reprochèrent néanmoins vivement son absence sur le terrain.

"La normalité" de Hollande

On n'oublie pas non plus Dominique Voynet, ministre de l'Écologie de Lionel Jospin, restée en vacances elle aussi en 2000, au moment où le naufrage de l'Erika souillait les plages et désespérait les pêcheurs bretons. Le phénomène n'est d'ailleurs pas seulement français. On sait ce qu'il en a coûté au président des États-Unis, George Bush, de trop tarder, Dieu sait pourquoi, à se rendre en Louisiane, alors qu'une colossale vague d'eau venait tout juste de recouvrir La Nouvelle-Orléans, pour apporter son réconfort à la foule des victimes sans vivres et sans abri. En courant la France, le président de la République ne s'est certes pas déplacé, cette fois, au gré des inondations et autres catastrophes naturelles, mais après tout, en prenant comme thème la lutte contre le chômage, mettons qu'il ait voulu démontrer aux Français que le chômage était, dans la France actuelle, le pire des sinistres économiques. 
Seconde considération : si certains l'ont oublié, ce n'est pas le cas de François Hollande. L'année dernière, tout juste élu, le locataire de l'Élysée, qui voulait être un homme normal, a pris plus de quinze jours de vacances après avoir fait annuler par le Parlement le bouclier fiscal et lancé la conférence sociale de juillet. Son intention était de montrer que, selon la Constitution, c'était au Premier ministre, et pas à lui, de "conduire la politique de la nation". Seulement voilà : la Constitution n'y est pour rien, mais la "normalité" du chef de l'État n'y est pas inscrite : les Français attendent aujourd'hui du président non pas seulement une présence constante, mais aussi qu'il gouverne. C'est de l'été 2012 que date sa première chute dans les sondages à peine élu. Peut-être l'état de grâce n'aurait- il pas duré davantage s'il était resté à l'Élysée ou même à la Lanterne : en tout cas, conscient de ce que sa villégiature à Brégançon lui avait coûté, il n'avait aucune envie de recommencer cette année

Qu'il en fasse trop, c'est une certitude, mais pas pour le pays qu'il est censé représenté. Président d'une poignée de français pas très courageux ni entreprenants, jaloux et revanchards il visite les lieux où il ne risque pas trop de se faire virer. Malheureusement pour lui, il y en a de moins en moins et sa visite n'est annoncer que quelques heures à l'avance. Les français ne sont pas dupe et pour lui cela risque d'être de plus en plus difficile de se déplacer.

Toutes ces choses que l'on n'ose pas dire sur le voile et qui nourrissent le rejet massif des Français à son égard


Alors que le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, juge "digne d'intérêt" la proposition du Haut conseil à l'intégration d'interdire le voile dans les universités, selon un sondage Ifop pour Le Figaro publié vendredi 9 août, 78% des Français se disent favorables à cette interdiction.

Dans un sondage Ifop pour Le Figaro, 78% des Français se disent opposés au port du voile à l'université. Ils sont même 84% à être opposés au voile dans les lieux public et 63% a y être opposés dans la rue. Comment expliquez-vous cette défiance des Français à l'égard du voile ?

Jérôme Fourquet : Cette thématique du voile commence à être une vieille histoire en France puisqu'elle date de 1989 avec l'expulsion de deux jeunes filles voilées d'un collège de Creil en Picardie. Depuis, ce sujet n'a jamais cessé de se poser de manière régulière à la société française. S'il a été réglé dans les écoles, ils se pose désormais dans d'autres lieux : dans les entreprises, mais aussi dans certains quartiers et peut se poser à l'université.
La société française dans son ensemble accepte mal cette pratique vestimentaire pour trois raisons principales. Nous sommes dans un pays laïque de tradition catholique. Le port du voile peut donc choquer à la fois les personnes issues d'une tradition catholique et les adeptes de la laïcité à la française. Enfin, il y a aussi des motivations féministes. Cette pratique est souvent jugée dégradante et contraire à l'émancipation des femmes. Elle heurte des tradition différentes qui viennent à la fois de la gauche (laïcité, droit des femmes) et de la droite (valeurs chrétiennes). Il y a une convergence de ces tradition qui explique l'hostilité à la pratique du port du voile.
Guylain Chevrier : Il y a une évidence pour les Français dans ces chiffres, qui n’est pas nécessairement celle des observateurs institutionnels qui laissent trop à penser qu’il n’y aurait ici rien à voir. Il y a bien un problème entre la France et tout du mois une partie des musulmans, ceux précisément qui se reconnaissent dans l’obligation du port du voile. Pourquoi ?

Nous assistons à un mouvement de revoilement d’une partie de nos concitoyens musulmans, qui croît de façon visible sur le fondement du rejet du mélange au-delà de la communauté de croyance, et participe ainsi d’un mouvement de séparation au risque de l’enfermement. Ce qui est ressenti de toute évidence par les Français comme un rejet de l’esprit de nos institutions, d’une forme de lien social qui, avec la laïcité, s’est construit sur le principe du mélange des individus. Un mélange favorisé par le fait de considérer que ce que l’on met en commun est plus important que ce qui nous différencie, étroitement en lien avec un principe d’égalité placé au sommet de nos institutions. Nous sommes avant tout des égaux indépendamment de la couleur, l’origine, la religion, c’est ce que ne semble pas reconnaitre à travers une certaine mise à part ce que l’on pourrait désigner comme étant « l’islam du voile ».

Concernant la place du religieux dans notre société, il a été acquis progressivement qu’on devait se résoudre à une attitude de discrétion. Une attitude qui a autant à voir avec la laïcité qu’une certaine façon de vivre ensemble en respectant les opinions de chacun, une sorte de respect d’autrui, d’attitude civique, par l’absence  d’affichage de ses convictions ou croyances. Une attitude ayant à voir avec un certain savoir-vivre consistant à ne pas heurter la sensibilité d’autrui, dans le sillon d’une société démocratique et républicaine qui voit d’abord dans les individus des citoyens. Il y a derrière cela une pensée sociale pétrie par le temps qui relève de l’affirmation historique de nos grands principes communs comme la liberté, l’égalité et l’idée de fraternité qui en est indissociable.

C’est un mouvement que l’on doit au rôle que le nombre, le peuple a joué dans l’histoire de notre pays, en faisant prévaloir l’intérêt collectif d’abord et avant tout, particulièrement contre les conservatismes où la responsabilité de la religion était largement engagée à contre-courant du progrès des libertés. Il ne faut pas oublier cette toile de fond si on veut comprendre ce qu’inconsciemment peuvent exprimer ces chiffres. Ce qui apparait comme un rejet de l’islam est surtout un rejet de ce qui s’affirme de plus en plus comme la volonté d’une minorité religieuse d’imposer aux autres, à la société, une nouvelle forme de lien social fondé sur une séparation selon la religion. La priorité donnée aux différences religieuses et culturelles sur la reconnaissance du bien commun, de l’appartenance  à une même société, est perçue comme un danger, et malheureusement, la montée des revendications communautaires à caractère religieux n’est pas une vue de l’esprit qui alimenterait cette perception des Français. 

L'attachement à la laïcité est souvent mis en avant pour expliquer cette hostilité. Est-ce vraiment une explication suffisante ? Le politiquement correct fait-il peser certains "non-dits" sur le débat ? Lesquels ?

Jérôme Fourquet : Oui, la pratique du port du voile est souvent vécue comme le signe ostentatoire d'une conception politico-religieuse qui cherche à imposer ces règles sur une partie du territoire. A tort ou a raison, elle est souvent interprétée comme une volonté de prosélytisme d'une religion qui serait en développement. Cela est mal accepté par une part importante de nos concitoyens.
Guylain Chevrier : Il est vrai qu’il est bien difficile de s’exprimer publiquement sur le sujet épineux de la place du religieux dans notre société, des problèmes que peut poser l’islam au regard d’un processus d’intégration qui se dégrade à la mesure des affirmations communautaires, sans se voir immédiatement accusé de stigmatisation. On tend ainsi à faire le silence sur les témoignages essentiels qui permettraient de mieux mesurer la réalité de ce qui se passe et restent dans l’obscur. Ce qui ne veut pas dire qu’ils n’existent pas parce qu’on en parle pas, le vécu s’en exprime dans les couloirs de l’entreprise ou au café du commerce, mais pas du coup dans la plupart des grands médias. 

Un exemple éloquent que j’ai moi-même recueilli. Dans un service administratif, il y a quelques années, personne ne se différenciait, puis, certains employés musulmans ont commencé à faire la prière dans les vestiaires communs, plusieurs femmes à porter le voile. Ainsi, le vestiaire est devenu régulièrement inaccessible pour les autres employés pendant le temps des cinq prières auxquelles s’adonnaient soudain ceux se revendiquant d’un islam pratiquant et visible. Enfin, ceux-ci mangeant tous dans la même petite cuisine, plusieurs employés musulmans en sont arrivés à demander à leurs collègues s’ils pouvaient ne pas manger de porc devant eux…
On voit ici s’exercer le poids communautaire qui crée cette défiance d’une large majorité de nos concitoyens. Ce n’est pas du tout la liberté religieuse individuelle qui est mise ici en cause, mais le fait qu’une minorité impose à la majorité ses vues en pesant de façon collective contre la règle commune, celle de la neutralité dans le quotidien des relations sociales dans l’entreprise. Une certaine paix sociale qui y régnait vient bien ainsi à être bousculée. Il ne s’agit donc pas de fantasmes sur fond de racisme postcolonial, mais de sentiments fondés s’exprimant dans une défiance que l’on peut comprendre, dont la visibilité est même saine, puisqu’elle met en lumière ce que l’on biaise à force de jeter de l’ombre.

La personne qui a rapporté ce témoignage, si on le rendait public nominativement, se trouverait en très grande difficulté face à ce poids communautaire, risquerait même une plainte pour discrimination. Aussi, il est facile à ceux qui rejettent toute critique de ce côté de dire qu’il n’y a que des cas marginaux et que tout va bien dans ce contexte, aidés en cela par un climat politico-médiatique où l’on a tendance à fermer les yeux et à participer par là d’une certaine intimidation. Ce qui n’est pas sans risques d’ailleurs pour les libertés, dont celle de l’information.  
Le discours de culpabilisation, relatif à l’idée qu’il faudrait accepter ce regain du religieux parce que le fait d’une population issue des pays ayant été colonisés par la France qui leur serait ainsi redevable, est devenu insupportable pour une partie non négligeable de nos concitoyens.  Une démarche idéologique qui fabrique du rejet de l’islam à l’identifier à la religion de l’ex-colonisé. Ceci, d’autant plus, que l’on comprend mal comment on devrait justifier de remettre en cause les institutions et valeurs communes pour céder à une logique de compensation qui mène tout le monde dans l’impasse.

Il est certain que le voile est aussi ressenti comme le marqueur d’une différence de considération entre les hommes et les femmes, qui souligne la remise en cause du principe d’égalité et d’une certaine façon,  de la liberté qu’il représente. Un sentiment qui n’est pas faux, en reflet d’une religion dont les textes de référence ne le démentent pas. La religion musulmane dans les textes est clairement inégalitaire envers les femmes, elle institue son infériorité juridique: le Coran ne désigne la femme que comme croyante, épouse et mère et affirme la prééminence de l'homme sur elle : Sourate 4 verset 38 -  Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci (…) Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises (…) vous réprimanderez celles dont vous avez à craindre l’inobéissance, vous les relèguerez (…) vous les battrez.  Sourate 2 verset 228 - Le témoignage d'une femme vaut la moitié de celui d'un homme. Sourate 2 verset 282 - la femme perçoit la moitié de la part dévolue à l'homme lors d'un héritage. Sourate 4, versets 11-12 - l'homme a droit à la polygamie, à répudier sa femme. 

Bien sûr tous les musulmans pratiquants n’appliquent pas à la lettre cette perception des choses, c’est une évidence, mais ce revoilement qui va avec un retour à la tradition donne à penser qu’il y aurait ici du grain à moudre, d’autant que la répartition des rôles sous ce jour entre hommes et femmes, telle qu’elle est perçue, est comme un retour à un conservatisme réactionnaire. 

Le respect du voile que prône le coran, l’idée selon laquelle une bonne musulmane serait celle qui porte le voile, exprime comme une soumission assumée par ces femmes qui peut être perçue comme une grave régression au regard du combat pour l’émancipation qui dans ce domaine a été long et difficile dans notre pays, pour devenir une des composantes essentielles de notre démocratie. Il y a donc aussi ici un sentiment de crainte qui n’est pas complètement infondé.  Lorsqu’à Trappes (département des Yvelines), parce qu’une femme est contrôlée par la police pour porter un voile intégral interdit bien heureusement par la loi, cela déclenche une émeute avec des musulmans qui se sentent solidaires de cette femme, il n’y a pas de quoi dissuader de ressentir autre chose. Comment effectivement ne pas s’inquiéter, alors qu’une frange de notre société entend bien imposer à l’autre ses vues contre la loi et contre les conventions communes, pour inciter encore à s’éloigner d’un civisme qui est aussi une des composantes de la citoyenneté.
Claude Sicard : Le voile, pour les femmes musulmanes qui dans les sociétés européennes le portent, est avant toute chose l’expression d’une revendication de leur identité. Ces personnes tiennent à s’affirmer comme appartenant à la civilisation musulmane, une civilisation différente de la civilisation occidentale dans laquelle elles se trouvent amenées à évoluer. Il faut bien voir que l’identité est devenue ces dernières années un concept majeur des sciences humaines. C’est ce que nous dit Catherine Halpern dans l’un de ses ouvrages  : l’homme ne vit pas uniquement de raison, et cette notion d’identité rejoint cette composante de l’individu que Platon avait appelée le  « thymos », ou encore « l’esprit de vie ». Chaque individu est prêt à se battre, voire à risquer sa vie, pour faire valoir et défendre son identité. Et Hassan al Turabi nous dit  que « les religions donnent un sens de l’identité et une direction de vie ».

On ne peut passer sous silence le fait que la civilisation occidentale, issue de ce que l’ on a longtemps appelé « la chrétienté », et la civilisation musulmane sont deux civilisations différentes, fondées l’une sur le christianisme, l’autre sur l’islam. Ces deux civilisations sont en conflit ouvert depuis plus de treize siècles, et les musulmans vivent avec un ressenti qui leur fait percevoir la civilisation occidentale comme orgueilleuse, dominatrice et méprisante à leur égard. Or, le Prophète Mahomet leur a dit « Vous êtes la meilleure des communautés suscitée parmi les hommes »(Ismat al Oumma- Coran 3,110). Par surcroît, bon nombre de leaders musulmans entretiennent les communautés musulmanes dans l’idée que c’est finalement, dans le temps, la civilisation musulmane qui va triompher. C’est le cas en Europe du Président de l’Union des Organisations Islamiques Européennes (UOIE) basée à Londres, le fameux Yousouf al Qaradaoui qui leur dit  « L’islam est religion et Etat, foi et loi, Livre et épée, prière et djihad tout à la fois : nous voulons vivre dans une civilisation musulmane complète orientée par la foi musulmane, soumise à la loi de l’islam ». Quant au docteur Othman Altawayri, directeur de l’ISESCO , il affirme avec la plus grande conviction :« La civilisation islamique sera sans aucun doute la civilisation de demain » .

On comprend donc ainsi la signification réelle du port du voile par des musulmanes qui sont noyées dans la civilisation occidentale : c’est autant sinon plus, pour elles, une affaire d’identité que de religion, et les deux sont mêlées. C’est pour elles un acte de bravoure que de se battre contre ceux qui voudraient le leur interdire. Leurs coreligionnaires ne manquent pas de trouver ce combat tout à fait louable, et elles se valorisent ainsi à leurs yeux.

Le collectif de la Gauche populaire, initié par le politologue Laurent Bouvet, explique la montée du vote pour le Front national lors de la dernière élection présidentielle non seulement par "l’économique et le social" mais aussi par le concept d'insécurité culturelle  qui recouvre notamment "la peur de l’immigration, des transformations du 'mode de vie', de l’effacement des frontières nationales". Le port du voile peut-il être considéré comme une manifestation de cette "insécurité culturelle" ?

Guylain Chevrier : Les valeurs communes se trouvent exposées dans ce contexte à une mise à mal, créant une sorte d’insécurité morale, une crainte de voir des libertés inscrites dans notre mode de vie malmenées par les exigences religieuses et communautaires. Les pratiques sociales et culturelles qui font la personnalité de la France laïque et républicaine sont en premières lignes dans cette situation, car des changements s’opèrent qui n’ont pas été désirés, qui sont même largement subis par une large partie de la population.
Il y a tout un discours d’une partie de l’extrême-gauche et de la gauche radicale qui a fait du thème de la fin des frontières un symbole de la lutte en faveur des sans-papiers. La fin de frontières, on le sait, signifierait la fin de toute souveraineté, laissant sans défense nos acquis sociaux qui profitent pourtant à tous. Que cela permette à certains de jouer sur des peurs pour gagner en influence n’a ainsi, et on peut le regretter, rien d’extraordinaire. Il y a des responsabilités qui sont lourdes de conséquences du côté de ceux qui continuent de pratiquer une sorte de terrorisme intellectuel, qui vise à faire taire toute critique sur un retour du poids du religieux sur notre société que l’on doit essentiellement à une communautarisation d’une partie de l’islam de France.
Claude Sicard : Après que dans un premier temps, la montée de l’islam en Europe ait été perçue surtout comme une menace pour la sécurité des personnes, avec les attentats du 11 septembre, puis ensuite ceux de Madrid et de Londres, les opinions publiques en Europe en sont venues, et cela est un phénomène récent, à voir dans le développement des communautés musulmanes dans les différents pays du vieux continent une menace pour leur propre identité. Il s’agit bien, là, d’un choc de civilisation, les populations européennes constatant que les communautés musulmanes sont peu enclines à s’occidentaliser. Elles affichent en effet en permanence leur identité et s’efforcent d’imposer aux sociétés européennes de modifier leurs façons de vivre et de s’organiser : imposition de la viande halal dans les cantines scolaires, revendication de la non mixité dans les piscines municipales, insertion des fêtes religieuses musulmanes dans le calendrier des jours fériés, modification des programmes scolaires pour tenir compte des croyances religieuses des élèves, etc.  

Les pouvoirs publics, quant à eux, soit par conviction philosophique soit pour des raisons démagogiques, mènent un peu partout des politiques d’ouverture à l’égard des nouveaux arrivants. D’ailleurs l’adhésion de notre pays à la Convention Européenne des droits de l’homme les y contraint.

Les observateurs de notre vie politique passent trop facilement sous silence le rôle que joue dans les politiques d’intégration des communautés musulmanes en Europe le Conseil de l’Europe. Dans sa recommandation n°1162, par exemple, il est dit  ceci: « L’Assemblée est consciente de la précieuse contribution que les valeurs islamiques peuvent apporter à la qualité de la vie en renouvelant l’approche globale européenne dans les domaines culturel, économique, scientifique et social ».La même directive recommande de promouvoir l’enseignement de l’arabe dans les écoles, de développer les lieux d’expression culturelle et intellectuelle qui sont nécessaires aux « immigrés du monde islamique », et dit qu’il faut « promouvoir les itinéraires culturels du monde islamique en Europe ». D’ailleurs, dans une autre recommandation, la Recommandation 1743, il est dit textuellement : « muslims are at home in Europe ». Et dans le document 12266 du 25 mai 2010 on lit : « L’Assemblée invite l’ISESCO et l’ALESCO  à travailler avec le Conseil de l’Europe pour lutter contre l’islamophobie » , à croire que le Conseil de l’Europe ignore tout des thèses du directeur de l’ISESCO, thèses que nous avons rappelées plus haut.

Quant à la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, elle dit dans son article 18 : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion : ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l ‘enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.

Lutter contre les manifestation de l’islam en public devient ainsi particulièrement difficile dans les pays ayant adhéré à la Convention européenne des droits de l’homme. 

Cette question du voile s'inscrit-elle dans un débat plus vaste dont l'enjeu serait la préservation de l'unité et de l'identité nationale ? Est-ce lié à notre héritage historique ? En quoi ?

Guylain Chevrier : Il s’agit surtout de la préservation de la cohésion sociale, de comment on continue de faire un tout, de faire pays et nation, où la notion de peuple ait encore un sens. L’idée du bonheur commun, dont la recherche a été un puissant vecteur du combat social en France, est largement entamée par les divisions créées par le regain du religieux et son poids dans le débat public. Les forces sociales sont mal en point et divisées sur la situation et comment y réagir, particulièrement face à une religion musulmane qui apparait exagérément comme la religion du pauvre. 

L’héritage révolutionnaire est ainsi en mal d’appropriation, où curieusement l’idée que la religion est l’opium des peuples, qui en fait partie, passe dans l’oubli. L’identité de la France est celle d’un pays laïque qui considère que celui qui y est accueilli doit en respecter la personnalité, et faire peuple avec lui. Un peuple issu d’une histoire faite de révolutions et de luttes sociales, de prises de conscience d’une force commune positive, qui ont contribué à le façonner. C’est accepter de se reconnaitre dans des institutions valant pour tous et de participer à l’écriture d’une histoire commune, sans y opposer de préalable, sans rompre avec une évolution morale qui s’inscrit dans le développement de la modernité démocratique. On ne demande pas pour autant à celui qui vient d’ailleurs, d’oublier d’où il vient et ce qu’il apporte avec lui, pour peu qu’il prenne en compte quelques grands principes.
Claude Sicard : Les musulmans en exigeant comme le leur permet la Convention des droits de l’homme de conserver leur identité et leurs coutumes rompent la cohésion des sociétés européennes qui sont des sociétés de culture chrétienne. La cohésion sociale est la nature de l’intensité des relations sociales qui existent entre les membres d’une société. Ce concept a été forgé par Emile Durkheim : la cohésion sociale implique le partage de valeurs et de normes communes, ainsi que le respect de règles de vie adoptées par tous.

En conservant leur identité et leurs coutumes les communautés musulmanes installées en Europe vont parvenir, à terme, à modifier notre civilisation, et ce d’autant plus facilement que la civilisation occidentale européenne a amorcé à présent sa phase de déclin.

Il faut alors s’en référer alors au célèbre anthropologue Claude Levi Strauss qui nous dit que lorsque deux civilisations se trouvent en concurrence sur un même territoire, il va se produire à terme l’un des deux phénomènes suivants :

- ou bien « une désorganisation et un effondrement de l’un des deux groupes » ;
- ou bien  « une synthèse originale qui alors consiste en l’émergence d’un troisième   pattern lequel devient irréductible par rapport aux deux autres ».

Vu que ni la civilisation du vieux continent n’éradiquera la civilisation des nouveaux immigrants, ni cette dernière ne remplacera la vielle civilisation du continent européen, ce sera donc la seconde éventualité qui se produira : l’apparition d’une nouvelle civilisation qui aura une forme « irréductible par rapport aux deux autres ». Ce sera en somme la fin de la civilisation occidentale européenne, aux environs de la fin de ce siècle.

Alors, on ne peut s’empêcher de rappeler cette pensée très forte de Arnold Toynbee qui nous dit, après avoir passé son existence à étudier l’évolution de quelques 23 civilisations différentes ayant existé dans le passé : « Les civilisations ne sont pas assassinées, elles se suicident ».

La pratique du port du voile s'inscrit-elle également dans le débat sur notre modèle d'intégration ? D'une certaine manière, à travers ce sondage, les Français plébiscitent-ils le retour à modèle d'assimilation plus contraignant hérité de la Révolution et de la IIIe République ?

Guylain Chevrier : Je crois que les Français subissent depuis trop longtemps un discours présentant l’intégration comme un processus en panne, ce qui est globalement faux même si elle connait des difficultés, pour en arriver peut-être du coup, effectivement, à vouloir simplifier le problème en revenant à l’assimilation. L’intégration est un beau principe vis-à-vis duquel il ne faudrait pas revenir en arrière. Il s’agit de faire prévaloir ce qui nous rassemble sur les différences mais sans les nier, en leur donnant une place qui leur permette de coexister sans heurts pour peu que soient respecter le droit et la loi. L’intégration pourrait peut-être être mieux comprise, en la reliant dans le discours public et la pratique à la laïcité, comme principe s’imposant à tous et avec lui, le sens d’une neutralité, d’une réserve dans les relations sociales, qui permette à chacun de mieux comprendre sa place, ses droits, ses libertés.   
Claude Sicard : Normalement, le modèle français consiste en une assimilation : cela fut possible dans le passé avec des immigrants issus de pays de même civilisation, c’est à dire d’une civilisation occidentale fondée sur le christianisme : polonais, tchèques, hongrois, italiens, espagnols, portugais, etc. Avec des personnes relevant d’une civilisation fondée sur une autre religion, l’islam en l’occurrence, l’assimilation se révèle impossible, d’autant qu’il s’agit d’une civilisation historiquement en conflit depuis plus de13 siècles avec la nôtre.

Ce refus des nouveaux immigrants de perdre leur identité va donc avoir pour conséquence de modifier en profondeur notre civilisation, pour la faire muter. Il faut en effet raisonner en anthropologues, cette science sociale nous donnant les éclairages nécessaires puisqu’elle est faite pour cela, ce que la quasi totalités des observateurs politiques manquent de faire.

La gauche doit-elle de nouveau légiférer sur la question du voile ? La loi peut-elle vraiment régler tous le problèmes ?

Guylain Chevrier : On peut légiférer et on le doit, que ce soit concernant l’entreprise ou l’université. Ne pas le faire, ce serait rater un rendez-vous politique, un rendez-vous avec l’histoire, qui permettrait de redonner confiance aux citoyens dans la démocratie, dans nos principes et nos valeurs par trop ébranlés.  

A l’entreprise, on ne doit pas céder aux accommodements dits raisonnable sous couvert de tolérance ou nous en paierons logiquement cher le prix politique, car c’est dans les urnes que se règleront alors les ressentiments nés de ces situations de laisser faire. Il faut une loi qui permette d’empêcher qu’au nom d’une logique religieuse on puisse venir contredire les valeurs qui en définissent l’activité jusqu’à la relation sociale qui y règne. L’entreprise doit être protégée des conflits religieux liés aux revendications communautaires susceptibles de diviser, de mettre à mal les personnels, de troubler les conditions de son activité. Le contrat de travail doit rester neutre car l’employeur n‘a pas à connaitre la religion de ses salariés. 

C’est encore plus vrai pour le secteur associatif qui participe de l’activité économique, l’association devant pouvoir faire prévaloir ses buts et les valeurs qui la définissent, sans se voir comme dans le cas de la crèche Baby loup, mise en cause par une seule manifestation religieuse ostensible aux valeurs contraires jusqu’au risque de la faire disparaitre.

A l’Université, les lieux d’enseignement et de recherche devraient se voir soustraits à toute influence religieuse, tel que le port des signes religieux ostensibles, pour laisser toute la place à une transmission des savoirs qui mérite ce statut de neutralité, puisque nous sommes dans le domaine de la raison. C’est faire que chacun soit plus libre dans ce contexte de se construire sa propre liberté, sa propre pensée, en dehors de tout risque d’influence communautaire pour tous.

Il faut que le religieux ait sa place, mais ne puisse empiéter sur le domaine du commun, sur les relations sociales au point de les mettre à la remorque de ses vues et exigences, comme il l’a toujours fait dès que le pouvoir lui en a été laissé. L’islam comme toutes les religions doit trouver sa juste place dans notre modernité qui est celle du respect de droits et libertés individuelles que remettent en cause les logiques communautaires et les divisions sur fondement religieux. 

Si la loi ne règle pas tous les problèmes, elle a l’avantage de poser le principe de l’égal traitement de tous, et donc d’unir parfois jusque par la contrainte, l’ensemble de ceux qu’elle concerne, pour le bien commun. La loi crée de la règle commune et c’est de cela dont nous manquons aujourd’hui si fortement, de clarté dans la définition du lien social sur ce plan. Une fois cela acquis, tous les dialogues sont possibles car ils se posent à partir d’un cadre de référence connu de tous qui lève les ambiguïtés des accommodements à géométrie variable qui mettent la société en miettes. C’est plus de liberté, car c’est renforcer les liens qui nous unissent qui la garantissent pour mieux vivre ensemble, sans craindre notre diversité.
Claude Sicard : Il est tout à fait souhaitable que la majorité actuelle légifère sur le port du voile pour l’interdire: mais au regard de la Convention des droits de l’homme cela est pratiquement impossible en raison de l’article 18 que nous avons rappelé plus haut : seuls des problèmes de sécurité publique peuvent être invoqués, comme ce fut le cas pour la burqa.
Le problème du voile ne constitue en fait qu’un épiphénomène : il faut prendre le problème dans sa réelle dimension : le recours à la naissance d’un « islam européen » qui serait un islam réformé. En effet, il serait hautement souhaitable que puisse être proclamée une « Charte de l’islam en Europe », un islam en somme reformé qui deviendrait compatible avec nos valeurs et nos principes républicains. C’est la seule manière de faire que les musulmans européens s’intègrent parfaitement dans nos sociétés en Europe, l’islam traditionnel étant incompatible avec la démocratie.
Les observateurs politiques ignorent semble -t-il que le seul pays musulman, et c’est le plus important, qui vit en ayant adopté des institutions démocratiques est l’Indonésie, ceci s’expliquant par le fait que ce pays a adopté un islam réformé. Le cas de la Turquie est à mettre à part.
Ce que doivent faire les pouvoirs publics c’est demander au Conseil de l’Europe qu’il s’attèle d’urgence à la tâche consistant à faire que puisse être proclamée en Europe une « Charte de l’islam européen ». Cela est vital pour l’avenir de l’Europe, mais personne aujourd’hui ne s’en préoccupe.

Aux hommes politiques français, avec mes compliments

Souvent décriés, les hommes politiques français méritent tout de même qu'on les félicite et qu'on les remercie. Hommage.

Vous êtes parvenus au pouvoir et avez réussi à vous y maintenir, malgré les coups dans le dos de vos semblables et les scandales qui vous éclaboussent. Vous avez aujourd'hui un pouvoir considérable, vous gérez des milliards d'euros que vous n'avez pas produits et une partie non négligeable vous revient directement. Bravo.
Je vous félicite, parce que vous avez réussi à donner à votre action l'apparence de la noblesse. Vous servez habilement vos amis et vos intérêts au nom de l'intérêt général, vous vous versez de très confortables indemnités non imposables au nom du sacrifice, vous sacrifiez l'avenir des Français au nom de la responsabilité.
Vous mentez éhontément et demeurez capables de dénoncer des mensonges plus petits mais plus visibles. Vous vous faites rarement prendre quand vous trichez, et même quand vous vous faites prendre vous êtes rarement touchés ; vous conservez vos fonctions, vous gardez vos amis, et la justice vous condamne à des peines symboliques.
Vous contrôlez la vie des citoyens ; leur éducation, leur santé, leur sexualité, leur travail, leur patrimoine ; les journaux qu'ils lisent, la radio qu'ils écoutent, la télévision qu'ils regardent et les sites qu'ils consultent ; les maisons qu'ils construisent et les entreprises qu'ils créent, leurs achats du quotidien et leur tenue vestimentaire, tout cela est sous votre contrôle.
Les citoyens travaillent tous pour vos projets. Ils construisent votre société idéale, ils vous paient pour écrire des programmes scolaires que leurs enfants apprendront ensuite, ils financent vos monuments, vos musées et vos attractions. Ils paient les radars automatiques qui leur enverront des amendes quand ils ne respectent pas les limitations de vitesse que vous imposez, ils paient les portiques écotaxes qui vous rapporteront de l'argent sur leurs déplacements, ils financent vos bonnes œuvres pour lesquelles votre nom restera dans l'histoire.
Ils travaillent aussi pour votre confort, en finançant votre très confortable rémunération et votre train de vie - chauffeurs, sécurité, cabinets, logement, résidences de vacances, rapports - et parfois celui de vos épouses, concubines ou maîtresses, à qui ils offrent vitrine en ligne et staff.
Et en contrepartie, vous n'avez ni obligation de résultats, ni obligation de moyens. Vous pouvez être absents physiquement ou intellectuellement de l'Assemblée, vous pouvez démontrer votre incompréhension totale de l'économie, vous pouvez présenter des bilans désastreux et annoncer que vous ne tiendrez pas vos engagements avant même d'avoir essayé, vous pouvez présenter le bilan calamiteux d'un pays en récession où l'explosion du chômage n'est ralentie que par la fuite des talents, et personne ne vous demandera de comptes.
Vous ne serez pas tenus pour responsables des milliards que vous empruntez au nom des Français, des petits arrangements entre amis qui vous facilitent la vie et rendent plus difficile celle des citoyens, des petits services que vous rendez à coups de lois contraires à l'intérêt général.
Vous pouvez recevoir des dictateurs en grande pompe pour négocier des contrats, puis faire intervenir à grands frais l'armée française pour les destituer, et vous faire acclamer par la foule en libérateur. Vous pouvez aller saluer les rivaux politiques de nos partenaires européens en pleine campagne, puis faire porter le chapeau de nos problèmes à ces mêmes partenaires européens, tout en affichant votre détermination pour une plus grande coopération européenne, sans que personne ou presque ne vous taxe de ridicule.
La presse est élogieuse à votre égard, et pour cause : vous lui versez de très aimables subventions et leur proposez des taxes supplémentaires pour compenser leur perte de lectorat. Elle traite l'information de façon partiale en votre faveur, a les mêmes idées que vousvous rencontre dans la meilleure atmosphère et vous témoigne les meilleures attentions.
Vous pourrez faire capoter des accords de libre-échange ambitieux pour protéger les revenus de vos amis artistes en obligeant les médias français à les diffuser ; en échange, ils vous soutiennent et donnent une belle image de vous. Quand certains cessent de vous soutenir et s'expriment contre vous, ou même contre le système dont vous êtes les avatars, ils sont accusés de sortir de leur rôle d'amuseur public ; mais quand ils sont en votre faveur, ce sont des artistes engagés.
Vous aurez un jour des rues à votre nom, des places et des salles omnisports ; des lois porteront vos noms, vos communiqués de presse seront automatiquement relayés par les journalistes politiques, proches collaborateurs de vos équipes de communication.
Hommes politiques de France, je vous adresse mes plus sincères félicitations. J'espère que la crise qui vient, la dégradation du niveau de vie des Français et leur tristesse quand ils réaliseront qu'ils ont payé des impôts et doivent rembourser des dettes pour des prestations qui ne leur seront plus fournies ne vous créera pas trop de tracas. J'espère que réaliser que vous êtes les responsables, vous avez donné les instructions et signé les documents qui ont petit à petit condamné le pays à une récession ne vous empêchera pas trop de dormir. J'espère que vous ne perdrez pas cette candeur et cette autosatisfaction, cette conviction d'œuvrer pour le bien de tous et de chercher toujours l'intérêt général, cette envie d'être l'avant-garde éclairée de citoyens qui ne pourraient pas vivre sans vous.
J'espère que l'absence d'austérité fonctionnera, que vous pourrez financer des dépenses toujours plus colossales et que l’État-providence ne s'écroulera pas sous son propre poids. J'espère que vous parviendrez à empêcher les Français de partir si la situation devient vraiment mauvaise, et que vous pourrez soumettre ceux qui désertent à l'impôt partout dans le monde.
J'espère que vos enfants cesseront de laisser croire quevous leur avez appris à dépenser sans compterà tricher et à mentir. J'espère que les enfants de tout le pays continueront de venir vous baiser les joues, de vous offrir des fleurs et de vous accorder la confiance qui sied aux petits pères des peuples. J'espère que, même lorsque vous aurez cassé votre beau jouet parce que l’État sera en faillite, vous serez encore considérés comme de bons guides et que les Français, même si vous n'avez plus de pouvoir sur eux, écouteront vos sages conseils.
Si ce n'est pas le cas, j'espère que vos maigres patrimoines vous permettront de faire face aux factures, que vous ferez des plus-values sur vos résidences secondaires estimées à un prix qui suffirait à peine pour la cabane du jardin. J'espère que les amis que vous vous serez faits au long de votre fructueuse carrière vous soutiendront toujours quand vous n'aurez plus l'occasion de leur renvoyer l'ascenseur. J'espère que vos ex-compagnes n'essaieront plus de vous ridiculiser en disant à qui veut bien l'entendre que vous êtes fan des 2be3. J'espère que les réceptions organisées aux frais du contribuablene vous manqueront pas trop, que vos collaborateurs vous aimeront même sans primes.
J'espère que les citoyens endettés n'auront pas l'idée saugrenue de faire la liste des dépenses que vous avez engagées pour vous les reprocher ensuite, ou de recenser les nombreuses facettes du traitement de faveur dont vous bénéficiez et de demander que vous remboursiez. J'espère que la société qui vient sera au moins aussi immorale et injuste que celle d'aujourd'hui pour qu'on ne vous reproche pas l’État dans lequel vous laisserez la France. J'espère que les Français seront toujours contraints de respecter vos lois et de payer vos taxes, qu'ils ne seront jamais libres de se passer de vous.
J'espère que vous avez raison quand vous dites que la crise est finie, que la reprise est là, que le pire est derrière nous. J'espère pouvoir vous faire confiance. Et pour tout ce que vous apportez aux Français, pour votre dévouement sans faille et votre intégrité à nulle autre pareille, du fond du cœur et de la part de tous les Français, je vous dis merci. Par-delà les clivages politiques, faisant fi des divisions partisanes, je vous le dis à tous : merci. Pour tout.

 HOLLANDE COMPARE A UN PUDDING AU CARAMEL PAR LE NEW YORK TIMES:


 Le célèbre journal U.S., The New York Times, plutôt classé à gauche de l’échiquier politique américain, a publié un article sur François Hollande. Comparé à un « pudding au caramel », le candidat socialiste est décrit comme « un personnage politique de seconde zone » dénué de charisme.

 Le journaliste commence par dresser un portrait au vitriol de François Hollande « malgré un régime de pré-campagne », il « a l’air légèrement négligé » et ne fait toujours pas le poids. Reprenant la phrase de Martine Aubry, l’article explique qu’au sein même de son camp politique, Hollande est considéré comme une « couille molle ».

Le très sérieux New York Times revient ensuite sur le bilan politique ridicule de Hollande. Présent à l’élection grâce au prétendu viol de DSK, Hollande s’était même fait doubler par sa propre femme pour la course à la candidature de 2007. Homme politique depuis des décennies, Hollande « n’a jamais était responsable du moindre portefeuille ministériel », ce qui en fait un amateur. Pour le journaliste américain, il a uniquement ses chances grâce à la sarkophobie française. Hollande « n’a pas le cran » pour être un sérieux président.

Le New York Times poursuit en précisant que le bilan politique d'Hollande est affligeant, qu'il a un charisme d’andouillette, et ajoute qu'il n'y a pas un seul journaliste français pour soulever les évidences qui sautent à l’esprit du premier observateur objectif. Tout le monde sait que François Hollande n’est pas au niveau. Il n’est pas capable de prendre une décision, de dire, non, il n’a aucun charisme. Tout le monde sait également qu’il n’a aucune expérience politique, qu’il est incompétent sur les dossiers (pourquoi ni Mitterrand ni Jospin ne lui ont confié de ministère ?).

 Pourtant, nos journalistes  font comme si de rien n’était, n’interrogent pas le PS sur l’inexpérience de son dirigeant et sur ses échecs à répétition. Pourquoi Sarkozy est-il interrogé en permanence sur son bilan et François Hollande jamais ? Pourquoi nos journalistes font-ils semblant de ne pas voir ce qui saute aux yeux de tous les observateurs étrangers ? 

Mon ennemi [ce n'est plus] la finance... Pendant que Hollande se félicite des résultats de la bourse, l'économie française reste l'arme au pied


La bourse de Paris était à l'équilibre ce vendredi matin (+0,03%), après avoir atteint à l'ouverture un niveau record depuis le début de l'année en séance (4.074,64 points).
C’est la bonne surprise de l’été : après quatre saisons médiocres, la bourse de Paris a effectué un bond spectaculaire en s’affichant le 8 août à son plus haut niveau de l’année. Une performance qui n’avait pas été enregistrée depuis quinze mois et qui, si elle se confirme, pourrait mettre entre parenthèses les années de la crise vécue depuis 2008. Le coup d’envoi de cette embellie a été donné par l’annonce des résultats des grandes entreprises publiés au cours des dernières semaines et qui dépassent dans les deux tiers des cas les prévisions des analystes. Certes, quelques-uns des grands groupes du CAC 40, comme Total, la BNP, Gdf Suez ou Orange ont vu diminuer leurs profits, mais pour le reste, les performances ont été remarquables, la plupart trouvant dans les opérations internationales l’essentiel de leurs gains.
Assez étrangement, François Hollande a vu dans cette santé retrouvée de la Bourse un signe positif pour l’économie française, lui qui avait vilipendé si fortement tout ce qui touchait à la finance au cours de sa campagne pour l’élection présidentielle. C’est peut-être là aussi une évolution de son comportement sous l’effet des réalités. Mais, en l’occurrence, il opèreune erreur de diagnostic s’il y voit un signe avant-coureur de reprise de l’économie française.
Car la hausse des actions résulte d’une série de facteurs dont l’essentiel provient de l’importance des liquidités disponibles dans le monde. Les grandes banques centrales fonctionnent à guichet ouvert pour relancer la machine économique et déversent chaque jour des milliards dans les circuits financiers. Ainsi a pu être orchestrée la reprise aux Etats-Unis, qui s’est communiquée à la plupart des grands pays. Et rien ne permet de prévoir un changement de politique, tant l’activité continue à avoir besoin de soutiens. D’où les taux très bas maintenus pour favoriser les investissements, ce qui a l’inconvénient de rendre les obligations peu attractives. Les actions apparaissent ainsi aujourd’hui comme le vecteur essentiel pour enregistrer des plus values. Il y a donc une hausse quasi générale de ce compartiment de la Bourse, qui va sans doute se poursuivre, avec une prime en faveur des pays qui ont accompli les principaux efforts de redressement tels que l’Espagne et l’Italie.Comme toujours, la France se situe seulement dans la moyenne, sans exercer un rôle leader puisqu’on attend toujours de sa part les réformes structurelles réclamées par les autorités de Bruxelles.
Le marché parisien devrait connaître un début d’animation avec la reprise des grandes manœuvres dans le secteur privé. Il faut dire que depuis 2007, il s’était assoupi avec l’arrivée de la crise et qu’aucune opération de levée de fonds d’envergure n’avait été enregistrée : la dernière en date en février 2010 n’avait pas dépassé la somme de cent millions d’euros. Aujourd’hui, les experts sont confiants : les augmentations de capital et les introductions en Bourse vont se multiplier. Mais pour qu’elles se révèlent  pleinement efficaces, il faudrait que l’Etat bouge à son tour et ne soit pas toujours un facteur de freinage tourné vers le passé. Il doit commencer à vivre avec son temps, en organisant sa propre mutation. Car les prévisions des experts sont unanimes : partout en Europe, les signes encourageants se multiplient, sauf en France, où c’est le règne du statu quo dans la sphère publique. Conséquence : le pouvoir d’achat stagne, voire diminue sous le poids des impôts. La Bourse n’a pas à elle seule le pouvoir de transformer l’activité. Elle poursuivra son mouvement à condition que l’intendance suive. Sinon son regain d’optimisme ne sera qu’un feu de paille.

De la fiction à la dure réalité des chiffres : la France est-elle vraiment à l’abri de la faillite ?


De François Fillon à Michel Sapin, les politiques aux affaires n'hésitent pas à parler d'un état de faillite. Mais s'ils évoquent, c'est en théorie, tant l'idée leur paraît saugrenue que la France puisse dans les faits en être réduite à faire défaut. Un scénario que Gaspard Koenig n'a pourtant pas hésité à explorer dans son dernier roman, "La nuit de la faillite". Avec un certain réalisme... et des arguments.

En septembre 2007, François Fillon, alors Premier ministre, déclarait déjà : "Je suis à la tête d'un État en faillite". La situation économique actuelle du pays est-elle encore plus préoccupante qu'il n'y paraît ?

Gaspard Koenig : Ce qui est amusant, c'est que Michel Sapin a dit la même chose en janvier de cette année : "Il y a un État, mais c'est un État totalement en faillite". Comme si en arrivant au pouvoir, les gouvernants découvraient l'étendue des dégâts : l'Etat doit rembourser autour de 150 Milliards d'euros par an (son "besoin de financement"). Pour rappel, les recettes du même Etat sont d'un peu plus de 300 Milliards d'euros par an… Même si ces chiffres ne sont pas strictement comparables, cela donne une idée de la pression qui pèse sur la France pour rembourser la dette publique, et sans cesse réemprunter pour rembourser puisque le déficit est structurel. L'Etat est en roll-over permanent, sur la brèche. Pire encore, la dette ne finance pas l'avenir, mais à 95% les dépenses de fonctionnement. On ne s'endette pas pour investir, mais pour payer nos fournisseurs… en demandant à nos enfants de régler la facture finale.
Gérard Thoris : Lorsqu’une entreprise est incapable d’honorer l’une de ses échéances, elle est obligée de déposer son bilan. Vient alors une période intermédiaire où un administrateur judiciaire examine les comptes de l’entreprise pour savoir si elle a un avenir. Lorsque la valeur des actifs est inférieure aux dettes accumulées, l’entreprise peut être déclarée en faillite. Selon la législation en vigueur, les dirigeants en place ou un repreneur extérieur peuvent faire une offre de reprise. Leur démarche est fondée sur le fait que les actifs sont susceptibles de créer de la valeur ajoutée profitable sous réserve que tout ou partie des créanciers renoncent à leur dette.
On voit donc clairement qu’il faut distinguer les flux et les stocks. C’est parce que les flux de revenus sont inférieurs aux décaissements qu’une entreprise dépose son bilan. Mais c’est parce que les stocks d’actifs ont une valeur inférieure au stock de dettes que l’entreprise est mise en faillite.
En 2007, il n’y avait aucun problème ni de flux, ni de stocks. Certes, le budget de l’État était déficitaire mais le stock de dettes publiques était parfaitement gérable. François Fillon extrapolait à partir de l’idée que l’État "n’avait jamais voté un budget en équilibre en 25 ans". Cependant, tant que la croissance économique nominale est supérieure au taux d’intérêt nominal, les flux de revenus (impôts et cotisations sociales) permettent d’honorer facilement les intérêts de la dette. Cela suffit pour que le stock de dettes ne s’accroisse pas et il n’y a aucun problème ni de cessation de paiement, ni de faillite.
Par contre, il était clair dès cette époque que, depuis 1996, les comptes sociaux allaient à la dérive.

Les comptes publics sont-ils fiables ? Quelles sont les bombes à retardement ?

Gaspard Koenig : Instinctivement, je dirais oui, l'administration fait bien son travail pour recycler la dette et l'Agence France Trésor (AFT) qui émet la dette souveraine. Ce sont les politiques qui sont collectivement coupables de n'avoir pas entendu les multiples rappels à l'ordre (dont le fameux de Michel Pébereau en 2004) et de ne jamais avoir considéré le sujet comme une priorité (la France n'a pas eu un budget à l'équilibre depuis quarante ans). A force de mettre la poussière sous le tapis, le tapis va s'envoler.
Notons néanmoins une vraie limite à la fiabilité des comptes : les engagements "hors bilan" ne sont pas comptabilisés (garanties souveraines, régimes sociaux, retraites, etc.).Ainsi le besoin de financement annuel réel monte à 350 Milliards d'eruros selon le FMI, en prenant en compte l'ensemble des administrations publiques et de la dette sociale.

Gérard Thoris : Le bilan le plus inquiétant est aussi le bilan le mieux caché. Il s’agit du déséquilibre des comptes sociaux. En 1996, Alain Juppé invente la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). A l’époque, tout le monde fut content car il s’agissait de faire payer le déficit de la Sécurité sociale par les générations futures. Pas besoin d’augmenter les charges sociales et de jouer une nouvelle fois le psychodrame de savoir si ce sont les salariés ou les employeurs qui devraient en supporter la charge. On devrait savoir une fois pour toutes que ce sont toujours les salariés qui paient, sous la forme de perte de pouvoir d’achat s’ils ont un emploi, sous la forme du chômage s’ils le perdent du fait de coûts salariaux unitaires supérieurs à ceux des concurrents étrangers.
Mais, rétrospectivement, la création de la CADES est le premier moratoire de la France, organisé par elle-même pour elle-même. Lorsqu’une entreprise dépose le bilan, l’une des solutions possibles consiste en effet à obtenir des banquiers qu’ils allongent la durée des prêts pour diminuer le poids présent de l’amortissement de la dette. C’est bien ainsi que fonctionne la CADES. D’où l’intérêt de voir où l’on en est. Crée en 1996 pour 13 ans, la CADES sera théoriquement éteinte en 2025. A l’origine, elle devait amortir 44,7 Milliards d'euros en 13 ans ; aujourd’hui, sa capacité d’endettement a été portée à 234,6 Milliards d'euros (1).
Il ne s’agit pas, à proprement parler, de hors bilan puisque la dette portée par la CADES est intégrée dans la dette publique. Mais il s’agit d’un exemple prototypique de dette sans collatéral. Normalement, une dette sert à acquérir des actifs qui permettent d’assurer l’amortissement du prêt. Ici, la dette est constituée pour payer des dépenses courantes (soins de santé, prestations de retraite) dont le potentiel de croissance disparaît dans l’acte même de la prestation de service. A ce titre, la réforme des retraites vise d’abord à arrêter la création de dettes sans collatéraux.
Par contre, un bilan bien construit devrait constituer des provisions pour des risques futurs de dépréciation d’actifs. C’est le sens de l’exercice d’évaluation de la soutenabilité de la dette publique auquel la Commission européenne se livre régulièrement. L’exercice réalisé en 2009, avant que la crise économique ne produise ses effets en termes de croissance économique,supposait que la France fasse un effort budgétaire de 5,5 points de PIB pour financer les dépenses liées au vieillissement de la population tout en stabilisant la dette à horizon 2060. Cet exercice d’école n’est plus de mise, on s’en doute bien !

La France a tendance à considérer que la faillite est impossible. Les arguments généralement avancés en ce sens tiennent-ils ?

Gaspard Koenig : De quelles réserves insoupçonnées la France disposerait-elle ? Le gaz de schiste ? Cette illusion de l'infaillibilité est peut-être ce qu'il y a de plus grave et de plus impardonnable. On ne s'imagine jamais, faute d'imagination, que la digue du barrage peut céder. Et quand elle cède, ce sont des populations entières qui sont englouties.
N'oublions pas que notre dette est détenue à 2/3 par des étrangers, ce qui nous a permis de bénéficier de taux d'intérêt très avantageux. L'État n'a pratiquement aucun moyen de pression sur eux. Ils sont libres d'acheter aujourd'hui… et de vendre demain. L'État ne pourra pas, lui, brader du jour au lendemain ses actifs.

Gérard Thoris : On a dit que la faillite se définissait comme une dette supérieure à la valeur des actifs. La situation de la France est donc critique puisque le total des actifs de l’Etat se monte à 928 Milliards d'euros tandis que la dette financière se monte à 1 339 Milliards d'euros. C’est ici qu’il faut introduire la dette hors bilan représentée par les retraites des fonctionnaires civils et militaires pour 1 192 Milliards d'euros.
Mais pour que ce calcul de nature patrimoniale ait un sens, il faut s’interroger sur la capacité de l’Etat à vendre des actifs pour couvrir ses dettes. On se souvient de ce qui fut plus qu’une boutade, désobligeante au demeurant, à savoir le conseil donné par les Allemands aux Grecs : "qu’ils vendent leurs îles" ! Dans le même esprit, le coordinateur d’urgence chargé de gérer la faillite de la ville de Détroit, Kevyn Orr, propose que le Detroit Institute of Arts (DIA) vende ses collections pour rembourser la dette de la ville ! L’avantage de la France, c’est qu’il s’agit d’un vrai musée à ciel ouvert. Mais évidemment, la liquidation de son patrimoine historique est insupportable et donc impraticable.
D’ailleurs, peu importe que la valeur patrimoniale de la France soit inférieure à sa dette si les revenus de ce patrimoine l’emportent sur les intérêts générés par cette dette. Ainsi, pour reprendre l’hypothèse d’une cession d’actifs artistiques, les recettes du tourisme fondraient à due proportion. L’amélioration du bilan se traduirait ainsi par une détérioration du compte de résultat !

La situation de la France pourrait-elle basculer rapidement ? Quels facteurs pourraient la pousser à la faillite ? Ces facteurs sont-ils déjà en train de s'accumuler ?

Gaspard Koenig : Regardez ce qui s'est passé en Italie : en quelques jours, les investisseurs ont pris peur, les taux d'intérêt sont montés en flèche, et Berlusconi est sorti du Quirinal (le palais présidentiel où il a présenté sa démission) sous les lazzis de la foule. Il suffirait que les taux remontent à leur niveau historique (5-6%) pour que l'Etat ait beaucoup de mal à mener à bien ses adjudications, étant donné les volumes en jeu aujourd'hui. Pour le moment, les taux restent bas du fait d'un environnement international très favorable (Quantitative Easing), de la réputation de la France et de la volonté affichée du gouvernement de remettre la courbe de la dette sur une pente descendante (dès 2014, selon le Projet de loi de finances). Mais les investisseurs regardent avec beaucoup d'attention les évolutions de la situation française. Si le déficit primaire n'est pas résorbé et que la dette continue à s'accumuler (certains scénarios du FMI envisage que l'on puisse dépasser 100% de dette/PIB dès 2016), alors l'effet boule de neige pourrait être assez violent et entraîner une perte de confiance généralisée.
Gérard Thoris : Le problème réside dans l’effet boule de neige de la dette. Une fois que les intérêts nominaux sont supérieurs à la croissance nominale, il faut emprunter pour payer les seuls intérêts de la dette. Les bénéfices de la croissance sont préemptés par les créanciers et l’augmentation des niveaux de vie s’arrête – sous réserve de la distribution des intérêts de la dette par les intermédiaires financiers. Nous y sommes désormais. Que cela dure un an n’est pas un problème, mais la poursuite de la croissance zéro (le rêve des écologistes) et la multiplicité des facteurs déflationnistes (dont aujourd’hui le prix des céréales) risquent de faire durer la situation. Le cumul des facteurs de risque est donc certain !
Jusqu’à présent, le mouvement de ralentissement de la croissance nominale a été accompagné d’une baisse des taux d’intérêt nominaux. En d’autres termes, pour éviter que l’effet boule de neige ne prenne de la force, les Etats ont pratiqué la répression financière : l’épargne doit passer par les canaux des institutions parapubliques et les institutions financières sont obligées par la loi (Solvabilité II) à prêter aux États à des taux qui surprennent tous ceux qui ont jour sollicité un prêt de leur banquier !
Le risque d’une hausse des taux d’intérêt ne peut venir de la Banque centrale européenne, trop au fait de la situation. Il pourrait venir des Etats-Unis si les fondamentaux continuaient à se raffermir progressivement et/ou si le successeur de Ben Bernanke n’avait pas son pragmatisme. Dans nos économies institutionnalisées, le poids des décisions personnelles est beaucoup plus important que les résultats des mécanismes de marché. La nomination du prochain directeur de la Fed est donc un événement beaucoup plus important que les cours du CAC 40, qui en sera rapidement le reflet.

Comment les choses se passeraient-elles alors ? Quelles seraient les conséquences économiques et sociales d'une faillite ?

Gaspard Koenig : Il y a deux scénarios possibles. La faillite brutale, que j'ai imaginée dans mon roman La nuit de la faillite, où l'Etat, le couteau sous la gorge, cesse de manière unilatérale d'honorer ses engagements. C'est assez peu probable, mais il faut le garder en tête, car l'aveuglement actuel du gouvernement peut conduire au pire.
L'autre hypothèse, que le think-tank que je dirige (GenerationLibre) a défendue dans un récent rapportest de restructurer notre dette de manière proactive et ordonnée. Autrement dit, négocier avec nos créditeurs pour dégager les marges de manœuvre nécessaires aux réformes structurelles.
Dans les deux cas, ceux qui seraient le plus touchés seraient les détenteurs d'assurance-vie. En un sens, on pourrait affirmer que, en termes d'arbitrage politique global, il ne serait pas tout-à-fait anormal que la génération responsable de l'endettement soit in fine celle qui en subisse le plus les conséquences… L'essentiel étant d'éviter un choc systémique sur les institutions bancaires. Enfin, s'agissant de la valeur de la signature, n'oublions pas la formule forte de Bulow et Rogoff (1989) : "Debts that are forgiven will be forgotten". Si la restructuration est opérée de bonne foi, les marchés auront la mémoire courte. Regardez l'Uruguay, qui a retrouvé des taux très bas rapidement après sa restructuration de 2004.
Une faillite réussie, c'est un pari sur l'avenir, sur la jeunesse. Comme le disait joliment Dominique Ramel, ministre des Finances lors de la "banqueroute des deux tiers" de 1797 :"J'efface les conséquences des erreurs du passé pour donner à l'Etat un avenir".
Gérard Thoris : On n’a pas assez remarqué le silence délicat des agences de notation. Qu’elles confirment le triple A de l’Allemagne est simplement une manière d’oublier que la soutenabilité à long terme des finances publiques allemandes est bien plus soumise au risque démographique que celle de n’importe quel autre pays de la zone euro ! Mais globalement, cela signifie qu’elles ont anticipé les réactions des institutions européennes.
D’abord, le Mécanisme européen de stabilité (MES) a été conçu pour éviter que les exigences des marchés ne se traduisent pas une augmentation excessive des taux. Mais, en même temps, ce mécanisme suppose que le pays qui en bénéficie accepte que les politiques budgétaire et fiscale soient contrôlées par la Troïka ! On comprend que Pierre Moscovici s’appuie sur les préconisations du FMI pour éviter de perdre son pouvoir ministériel de fait !
On souligne à juste titre que ce MES n’a pas la taille nécessaire pour absorber le défaut d’un Etat comme la France. C’est oublier que son intervention ne concernerait que la partie marginale des prêts. Il n’en était pas de même pour l’Irlande où l’intervention du Fonds européen de stabilité financière (FESF) équivalait aux besoins de recapitalisation du système bancaire soit 32 % du PIB !
Enfin, même s’il fait planer le mystère, il est vraisemblable que Mario Draghi ne nierait pas l’évidence et qu’il accepterait de fournir le MES en liquidité de façon à faire baisser la pression des marchés.
Tout cela est parfaitement rassurant, mais à court terme seulement. Car, pendant qu’on aménage l’accès au crédit des Etats et/ou qu’on reporte l’équilibre budgétaire à une situation meilleure, le stock de dettes publiques s’accroît et l’effet boule de neige s’accélère. Les mécanismes de financement fonctionnent impitoyablement comme un transfert des dettes sur les générations futures dont la stagnation des niveaux de vie est assurée pour longtemps.
L’abbé Terray, qui exerçait comme contrôleur général des finances de Louis XV, affirmait "la banqueroute est nécessaire une fois tous les siècles, afin de mettre l’Etat au pair." La France a déjà fait défaut au cours de son histoire et s'en est à chaque fois relevée. A quel prix ? Et avec quels effets pervers ?
Gaspard Koenig : Les Rois de France tranchaient régulièrement la tête de leurs créanciers, le plus célèbre étant Philippe Le Bel, qui au début du XIVe siècle expulsa les Juifs et massacra les Templiers pour éviter d'avoir à les rembourser. Puis l'idée de "dette souveraine" indépendante de la personne du débiteur commençant à voir le jour, les défauts se sont faits plus rares, le dernier ayant eu lieu pendant la Révolution Française (qui est née, je le rappelle, d'une crise de la dette). Ce sont des moments forts de remise à plat et de remise en question ; un choc à la fois financier et moral. Aujourd'hui, je crois que la France a besoin d'un tel choc pour pouvoir repartir sur des bases plus saines.
Gérard Thoris : Tant que la banqueroute porte sur de riches propriétaires qui ne savent rien faire d’autre de leur argent que de prêter à l’Etat, c’est de bonne guerre que de les priver d’une rente qui affaiblit la puissance publique. S’ils perdent sur le flux de revenus de leurs actifs financiers, ils conservent le flux de revenus de leurs actifs réels (terres, etc.). Il n’en est plus de même si la banqueroute porte sur les actifs financiers gérés par les institutions financières au nom des ménages pour s’assurer d’une retraite convenable. Ici, c’est la croissance présente et future que l’on affaiblit.
Cependant, notre époque dispose d’une manière de faire banqueroute sans mal ni douleur pour personne. Il s’agit d’une remise ordonnée des dettes publiques par la Banque centrale. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Japon en pratiquent la première étape, qui consiste à permettre à leur Banque centrale d’acquérir des obligations publiques. Quant à savoir si ces dettes seront un jour remises sur le marché, le rendez-vous américain a été fixé dans 30 ans. Cela laisse un peu de temps pour restaurer les fondamentaux de l’économie sans être accablé de remords (qui paie ses dettes ne s’enrichit pas) et sans imposer d’excessives obligations fiscales aux agents privés.