Depuis, le krach des dettes souveraines, l’enjeu central de la crise n’est plus la régulation du capitalisme mais la résistance de la démocratie selon une formule empruntée à Nicolas BAVEZREZ, historien et économiste. En effet, si aucun progrès n’a pu être enregistré sur le plan économique et financier, la crise a changé de dimension en s’installant au cœur des démocraties, conjuguant ainsi le développement du populisme avec l’impuissance et la délégitimation des gouvernements.
Or, l’ambition ne peut pas être seulement de "rassurer" les marchés. Elle doit être de leur imposer à nouveau la légitimité d’une union monétaire dont la force soit à la hauteur de sa très grande puissance collective, économique et financière (Le Monde.fr).
C’est pourquoi, au-delà de la diversité de nos textes constitutionnels, pourrait-on envisager de saisir le peuple par la voie du référendum pour qu’il se prononce sur l’adoption d’un principe d’aide ou de rigueur budgétaire ? Comment traiter l’irruption des peuples et des parlements dans les finances publiques des Etats de l’Union Européenne ?
Répondre à ces questions nécessite ainsi de poser les conditions juridiques du recours au référendum entre les deux pays, (I) mais aussi de considérer le projet d’uniformisation des procédures en matière de finances publiques (II)
I – Comparaison des conditions juridiques d’un recours au référendum entre la Grèce et la France
La France comme la Grèce dispose d’une capacité constitutionnelle à recourir au référendum (A), pour autant peut-on valider la transposition du processus référendaire Grec à la pratique institutionnelle de la France (B).
A – Les dispositions constitutionnelles permettant le recours au référendum
L’article 44 de la Constitution « 12ème résolution du 07/06/1975 » Grecque autorise le Président de la République à convoquer, sur proposition du gouvernement et après le vote à la majorité absolue du Parlement, un référendum sur des questions nationales d’intérêt crucial. En revanche, en France, deux articles réglementent le recours à cette pratique institutionnelle, les articles 11 et 89 de la Constitution.
Or, si la constitution Grecque encadre ce dernier par le pouvoir d’obstruction qui est laissé au Parlement, son thème peut être envisagé très largement « intérêt national crucial ».
Inversement, la France laisse le choix de son organisation au pouvoir exécutif, mais ne l’autorise que sur des thèmes précis et limités.
Dès lors, peut-on envisager une synergie procédurale entre les deux Etats membres de l’Union européenne sur le thème particulier des finances publiques ?
B – Validité de la transposition du processus référendaire portant sur les finances publiques en Grèce à la pratique institutionnelle française
Si la Grèce prévoit un cadre référendaire très large, à savoir « un intérêt national crucial », qui peut être utilement justifié dans le cadre de l’acceptation par le peuple des plans de rigueur successifs imposé à ce pays, l’article 34 de la Constitution française, témoigne d’un système de représentation qui donne compétence au Parlement en matière de Finances publiques.
Ainsi, l’assiette et les taux de recouvrement des impositions de toutes natures, ou encore le vote de la loi de finances par le parlement sous couvert du respect de l’article 13 de la DDHC « principe du consentement à l’impôt » empêche fondamentalement au Président de la République de prendre l’initiative d’un référendum, même si l’on a pu ajouter à l’article 11, que peuvent être soumises à référendum « les réformes relatives à la politique économique et sociale de la Nation ».
Le texte s’attache fondamentalement en effet plus à l’incidence de ce dernier sur le fonctionnement des institutions que sur la portée des mesures envisagées.
Néanmoins, dans le cadre d’une économie intégrée au sein de l’Euro Land et d’une nécessaire coordination politique entre les nations, les budgets nationaux devraient être soumis en amont à la commission européenne, uniformisant dès lors les procédures relatives aux finances publiques.
II –Projet d’uniformisation des procédures en matière de finances publiques
Le Parlement européen a adopté, le 28 septembre dernier, le paquet législatif de six textes sur la « gouvernance économique » de l’Union européenne, ce qui tant à rationaliser les procédures d’adoption des budgets entre les Etats de l’union (A), mais aussi à légitimer le rôle des représentations nationales contre la tentation populiste (B).
A – Rationalisation des procédures d’adoption des budgets entre les Etats de l’Union
Cette résolution prévoit la surveillance et l’évaluation des budgets nationaux en amont par la Commission européenne qui aura le pouvoir de contrôler l’application de ses recommandations et d’imposer des sanctions.
Les gouvernements devront dorénavant se conformer strictement au paradigme de l’austérité : réduire les dépenses publiques et les allocations sociales, comprimer les salaires et les pensions, diminuer le secteur public et procéder à de nouvelles privatisations.
Dès lors, dans ce contexte le processus référendaire Grec ne pouvait trouver une quelconque justification, car dans le cadre d’une politique intégrée, l’Etat aurait perdu une partie de sa souveraineté.
Peu important, en effet que l’initiative référendaire soit limitée par la volonté de l’Assemblée « Cas Grecs » ou par les prérogatives constitutionnelles de l’article 11 « Cas Français ».
Nous aboutissons ainsi de fait à une rationalisation européenne des procédures d’adoption des budgets des pays membres de l’Union visant à légitimer le rôle des parlements pour conter la menace populiste.
B – Légitimation du rôle des représentants des Nations
Selon Nicolas BAVEREZ, dans tout le monde occidental le populisme prospère sous des formes multiples, protectionnisme, séparatisme, extrémisme..
Ce phénomène se conjugue néanmoins avec la perte de crédibilité majeure des gouvernements de l’échiquier politique européen.
Il apparaît cependant que la crise ait permis l’irruption des parlements et des peuples au sein d’un monopole jusqu’alors aux mains de financiers et des technocrates.
C’est pourquoi, les procédures constitutionnelles des Etats-Nation européens s’effaceront au profit d’une représentation parlementaire plus large et du pouvoir de sanction de la commission européenne réglant de facto la controverse liée à la possibilité de transposer l’initiative référendaire Grec à la France.