e thème des dixièmes Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, qui se sont déroulées du 2 au 4 juillet, – "A la recherche d'une nouvelle croissance" – a pu sembler à certains, dans le contexte économique actuel, un tantinet iconoclaste, tant le sentiment que la reprise espérée après la crise financière de 2008 semble aujourd'hui hors de portée pour la vieille Europe.
Celle-ci croule sous la dette publique, voit sa population vieillir, ses ambitions devenir de plus en plus prudentes. Ce choix a valu à l'organisateur de la manisfestation, Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes, un trait d'ironie de la part de l'un des participants, l'essayiste Jacques Attali : "Jean-Hervé a de l'humour, alors que nous sommes au bord du gouffre et qu'un piano est en train de nous tomber sur la tête."
Pourtant, comme l'a fait remarquer Patrick Artus, le chef économiste de Natixis, il existe bel et bien une "anomalie europénne" en matière de croissance. Quand la plupart des prévisionnistes prévoit en 2010-2011 une croissance de 7 % en Asie, de 4 % en Afrique et en Amérique du sud, le Vieux continent, lui devra se contenter de 1 à 1,5 %.
"STRATÉGIE DE RUPTURE"
Dès lors, comment relancer la machine ? La déclaration finale des Recontres d'Aix-en-Provence appelle, pour "bâtir une croissance européenne", à une vraie "stratégie de rupture". Les recettes sont connues et largement partagées, mais restent que très imparfaitement appliquées. Il s'agit tout d'abord de mettre en œuvre une véritable politique industrielle européenne, centrée sur les secteurs porteurs de demain (santé, énergie, technologies vertes, transports, numérique, nanotechnologies). Une orientation qui nécessite une allocation de moyens importants.
Louis Gallois, président d'EADS a ainsi appelé à une réorientation de l'épargne de long terme vers l'industrie, grâce à la mise en œuvre d'un grand emprunt européen. Une idée qui est présente dans la déclaration finale des Rencontres d'Aix. Celle-ci suggère que son pilotage passe par la création d'une "agence de la dette européenne". "Les financements traditionnels ne pourront intervenir que si l'on renforce le poids des prélèvements obligatoires sans pénaliser ni l'innovation ni le travail", précise le Cercle des économistes.
Jacques Attali va plus loin en n'hésitant pas à affirmer que si certains états européens croulent sous la dette, l'Europe, en tant qu'entité suparnationale, elle, "a de la chance, car contrairement au Japon ou aux Etats-Unis, elle n'a pas encore fait le plein de dettes". Le président de PlaNet Finance propose ainsi la création de bons du trésor européen, une façon de mutualiser la dette publique du Vieux continent et par conséquent réduire son coût global. Il affirme qu'on pourrait ainsi lever 10 % du PIB européen destinés à des dépenses ciblées porteuses d'avenir. Encore des dettes ?, s'étonneront les tenants des politiques de rigueur. Mais pour parler de croissance, "il faut se donner un peu d'air avant de mettre un peu d'ordre", repond M. Attali.
Le Cercle des économistes ne dit pas autre chose lorsqu'il souligne qu'"une rigueur mal conçue et mal coordonnée pourrait abaisser une croissance potentielle déjà faible dans les scénarios au fil de l'eau". Dans ce contexte, il appelle à "empêcher, dans les politiques de rigueur des cinq prochaines années, toute coupe budgétaire dans les investissements fondamentaux pour la base productive, et tout impôt complémentaire qui viendrait frapper le travail ou qui serait désincitatif pour l'innovation". Sans aller toutefois jusqu'à création des fameux bons du trésor européen.
"L'EUROPE NE SAIT PAS EXPLOITER SES AVANTAGES"
Il est vrai que la mesure nécessiterait un consensus européen qui pour le moment n'existe pas. On ne voit pas effectivement la vertueuse Allemagne accepter une mutualisation de la dette publique, sous pretexte de solidarité européenne. Le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, lui a coupé court au débat en déclarant qu'il n'était "a priori" pas favorable à un grand emprunt européen. "Nous sommes dans une période où il faut gérer très attentivement l'ensemble des budgets", a-t-il indiqué dimanche.
Mais si la vieille Europe veut continuer à rivaliser avec les puissances émergentes il faut qu'elle soit moins timorée. Pour Henri de Castries, le président d'Axa, l'Europe pâtit de son aversion au risque, qui handicape sa croissance. Comme d'autres intervenants, il a fustigé le principe de précaution, l'exigence d'immédiateté et mis en garde contre le risque zéro qui peut avoir finallement un coût infiniment plus grand que la prise de risque.
"L'Europe ne sait pas exploiter ses avantages" a-t-il plaidé à la tribune, notamment en matière d'épargne, qui n'est pas suffisament orientée vers les entreprises. Ainsi en 2000, 20 % des actifs des assureurs étaient investis en action. Ce n'était plus que 10 % en 2007 et 5 % aujourd'hui. Dans ce domaine, le Cercle des économistes prône "un partage des risques entre public et privé, où l'Etat supporte le risque majeur de long terme comme un réassureur", principe "indispensable pour diminuer l'aversion au risque".
De son côté, Laurence Boone, chef économiste chez Barclays Capital, appelle à une réforme en profondeur du financement des PME, particulièrement en France. Pour elle, le problème "n'est pas seulement un manque de crédit bancaire, mais également un manque de diversité d'offres de financements qui ne prennent pas assez en compte les besoins spécifiques des jeunes PME". Trop souvent financées par prêts bancaires, les PME n'ont pas suffisament accès au capital risque, qui prend en compte les perspectives de croissance, pas les revenus passés. Dans ce cadre, Mme Boone estime qu'il "faut orienter les flux d'épargne chez les investisseurs qui prennent du risque et sur le long terme". Plus globalement la déclaration finale des Rencontres se prononce pour un Small Business Act européen, "pour soutenir les PME, tant par l'accès aux marchés publics que par les financements" ainsi qu'une coordination européenne de SBA, piloté par les régions.
"POLITIQUE DU CHANGE COOPÉRATIVE"
Pendant ces journées, il a été aussi beaucoup question d'éducation. "Si l'on ne s'attaque pas à la réforme du système primaire, on courre à la catastrophe", a prévenu M. Attali, pointant le taux d'éléves (un tiers en moyenne) qui à l'entrée en sixième ne maîtrise pas les bases fondamentales. La déclaration finale invite à revisiter l'ensemble des formations élémentaires et secondaires. Parallèlement, elle propose d'allouer 2 % du PIB à l'enseignement supérieur, de créer un titre de docteur européen et donc également une académie européenne d'évaluation, ainsi qu'un réseau européen de pôles de compétitivité.
Enfin pour le Cercle des économistes, le retour à la croissance passe par une "inversersion de la logique du Pacte de stabilité et de croissance", tel qu'il a été édicté par la Banque centrale européenne. Il s'agit de "gérer les taux d'intérêt, le taux de change et le déficit en considérant que l'Europe a une vraie stratégie de priorité à la croissance". Il est également question de mettre en œuvre, par la BCE, "une politique du change coopérative, donc débattue avec les autres grandes zones monétaires dans le cadre des réunions sur la stabilité des taux de change, mais qui tienne compte avant tout des intérêts de la croissance européenne".
La déclaration finale se prononce également pour une immigration choisie et, en matière de régulation financière, pour une convergeance des normes comptables et prudentielles, notamment entre les Etats-Unis et l'Europe et prône une pénalisation des activités de trading pour compte propre des banques de dépôts. "Nos pays peuvent rebondir s'ils mettent en œuvre sans plus attendre la transition vers la nouvelle croissance. L'enjeu est de rester en course vis-à-vis des Etats-Unis et des grands pays émergents", conclut la déclaration finale, sans quoi l'Europe sera réduite à "un lieu de culture et de tourisme", précise M. Lorenzi.
Stéphane Lauer
dimanche 4 juillet 2010
Le Cercle des économistes prône un grand emprunt européen
La BCE ne croit pas à une nouvelle récession en Europe
n marge des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, le président de la Banque centrale européenne (BCE) Jean-Claude Trichet écarte tout risque d'une nouvelle récession, au terme d'une semaine qui a vu ce scénario inquiéter à nouveau les marchés financiers. Selon lui, "au niveau mondial, il est clair que nous sommes en phase de reprise, confirmée particulièrement dans le monde émergent, mais aussi dans le monde industrialisé". Toutefois, "la croissance n'est pas écrite dans le monde industrialisé, cela dépend de nous", estime le présdident de la BCE. "Cela dépend de la capacité des pays industrialisés à renforcer la confiance" des ménages, des entreprises, des investisseurs et des épargnants, a-t-il ajouté.
L'économiste américain Nouriel Roubini — l'un des économistes de Wall Street les plus écoutés après avoir prédit la crise financière de 2007 — estime pour sa part que la croissance économique dans la zone euro pourrait être proche de zéro cette année. "Vu les chocs des derniers mois (...), d'ici la fin de l'année, la croissance pourrait être plus proche de 0 %", alors qu'il prévoyait auparavant 1 %, a-t-il déclaré lors de ces rencontres organisées par le Cercle des économistes. Nouriel Roubini a cité comme facteurs négatifs les écarts de taux croissants sur les dettes souveraines, les tensions sur le marché interbancaire et les politiques d'austérité que la majorité des pays de la zone euro ont prévu d'engager. "Nous voyons maintenant une austérité budgétaire qui, bien que nécessaire, va se traduire par une pression déflationniste accrue", a-t-il déclaré. L'état de l'économie mondiale n'est pas très bon "mais nous n'allons pas avoir de récession à double creux (double dip)", a-t-il poursuivi.
Jean-Claude Trichet a réaffirmé que le rétablissement de la confiance passait par "de la bonne gestion budgétaire, une gestion évidemment rigoureuse", que l'on peut selon lui aussi appeler "austérité" ou "rigueur". Et il a assuré que la simultanéité des différents plans d'austérité européens ne risquait pas de nuire à la reprise, comme le redoutent plusieurs économistes mais aussi les dirigeants américains. Les marchés financiers ont été agités la semaine dernière par les craintes d'une rechute de la croissance mondiale, en raison d'indicateurs décevants aux Etats-Unis et de doutes sur la solidité de l'économie chinoise.
Le président de la BCE a aussi demandé une fois de plus un "renforcement du pacte de stabilité et de croissance" de l'Union européenne, avec une "quasi-automaticité des sanctions" à la clé pour les pays ne respectant pas les règles de discipline budgétaire. Ce renforcement doit d'abord se faire en exploitant toutes les possibilités des traités européens actuels, avant d'envisager, seulement dans un second temps, "un changement de traité", a-t-il plaidé. Les marchés financiers ont été agités la semaine dernière par les craintes d'une rechute de la croissance mondiale, en raison d'indicateurs décevants aux Etats-Unis et de doutes sur la solidité de l'économie chinoise.
Affaire Bettencourt : Florence Woerth dénonce les mensonges et la calomnie
lorence Woerth, l'épouse du ministre du travail Eric Woerth, s'emporte. Elle a dénoncé samedi "l'injustice", les "mensonges" et "calomnies" dont son mari est, selon elle, la victime dans l'affaire Bettencourt. "Cela ne l'atteindra pas", a dit Mme Woerth sur BFM-TV. "Il est plus qu'intègre, on ne pourra rien lui reprocher. C'est plus que de la calomnie", a-t-elle ajouté.
Mme Woerth a qualifié de "folie collective" l'emballement politique et médiatique autour de l'affaire Bettencourt et les mises en cause de son mari dans le cadre de cette affaire.
Florence Woerth travaillait depuis 2007 pour la société gérant la fortune personnelle de Liliane Bettencourt, héritière du géant des cosmétiques L'Oréal, alors que son mari était ministre du Budget. Elle a récemment admis avoir "sous-estimé ce conflit d'intérêts" et a démissionné de cette société fin juin.
Beaucoup dans l'opposition et les médias laissent entendre que M. Woerth pourrait avoir abusé de ses fonctions pour favoriser Mme Bettencourt, mais aucune preuve d'un tel comportement n'a été apportée. M. Woerth affirme sa totale probité et se dit victime d'une tentative de déstabilisation, alors qu'il doit mener l'impopulaire réforme des retraites, chantier phare de la deuxième moitié du mandat du président Nicolas Sarkozy. M. Sarkozy et le gouvernement que dirige François Fillon ont apporté de manière répétée leur soutien à M. Woerth. Par ailleurs, l'avocat de Florence Woerth a formellement démenti samedi des informations de presse selon lesquelles sa cliente se serait souvent rendue à Genève au cours des dernières années.
"La Tribune de Genève et Libération prétendent que Mme Woerth aurait été vue et qu'elle se trouverait très régulièrement à Genève. Ces affirmations fausses participent de la tentative de déstabilisation dont le mari de ma cliente est victime", a déclaré Me Antoine Beauquier dans une déclaration. Ces quotidiens ont publié vendredi et samedi des propos prêtés à un banquier anonyme selon lequel Eric Woerth "ne pouvait pas ignorer que sa femme venait très régulièrement à Genève" ces deux dernières années. Et "ce n'était certainement pas pour voir son jet d'eau", selon ce banquier anonyme. Mais selon Me Beauquier, "Mme Woerth n'a effectué au cours de ces dernières années que deux déplacements à Genève : le 11 janvier et le 29 mai 2008". "A l'exception de ces deux déplacements professionnels parfaitement transparents, elle n'a eu aucun rendez-vous en Suisse. Je mets au défi quiconque de soutenir l'inverse à visage découvert", a déclaré l'avocat.
Selon lui, "la réalité c'est qu'Eric Woerth a été le seul ministre du budget à s'attaquer à l'évasion fiscale, ce qui a permis à l'Etat français de bénéficier de plus d'un milliard (d'euros) de recettes". "En agissant avec une telle détermination, il a nécessairement porté atteinte à certains intérêts financiers suisses. Que ceux qui ont fait leur fortune grâce aux capitaux français lui en veuillent, c'est une évidence, qu'ils se vengent en portant de faux témoignages contre son épouse est indigne", a conclu l'avocat.