TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mardi 27 juillet 2010

Le plan de modernisation des prisons française en question

La ministre de l'intérieur, Michèle Alliot-Marie, a annoncé lundi 26 juillet un "plan sans précédent de modernisation des prisons françaises". Cette mesure comprend la fermeture de vingt-trois établissements, jugés trop vétustes pour être rénovés, ainsi que leur remplacement par de nouvelles structures "pour la plupart entre 2015 et 2017".
Intervenant dans le cadre de la politique de modernisation des prisons françaises, qui avait déjà décidé l'année dernière de la fermeture et du remplacement de vingt-deux établissements, cette initiative entend répondre aux nombreuses critiques sur les conditions d'incarcération en France, et notamment au rapport assassin du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe en novembre 2008.

"SE METTRE ENFIN EN CONFORMITÉ AVEC LES NORMES EUROPÉENNES"

Le porte-parole du ministère, Guillaume Didier, se félicite de ce plan "qui mettra enfin un terme à la vétusté des établissement pénitentiaires". Pour ce dernier, cette mesure doit résoudre le problème de la surpopulation carcérale, avec "68 000 places de prison à l'horizon 2017 [contre 56 324 aujourd'hui], dont plus de la moitié auront été ouvertes après 1990". L'amélioration des conditions de détention par "la généralisation de la cellule individuelle, un meilleur confort sanitaire" est également souhaitée. Il est vrai que sur les 191 prisons que compte la France, 86 avaient été pointées du doigt pour leur non-respect des normes européennes. De même, les chiffres de 2009 présentent une surpopulation carcérale de près de 20 %, avec 62 113 détenus, selon un rapport sénatorial de 2009.

Mais ce sont surtout l'amélioration des infrastructures et la valorisation de l'accueil des familles que le gouvernement se vante de mettre en œuvre : toujours selon Guillaume Didier, la priorité de ce plan est de faire de la prison un lieu de vie plus agréable – la fin de l'usage du "tout béton" ou encore le "verdissement des espace" ont entre autres été évoqués –, où le "temps utile" serait privilégié par le développement "d'ateliers" et "d'espaces communs". Une vingtaine de ces prisons modernes devraient encore être bâties dans les années à venir. Il s'agira de grands "pôles" qui pourront accueillir jusqu'à 700 détenus. Une façon d'offrir de bonnes conditions à tous, se justifie la chancellerie.

"DES PRISONS JUGÉES DÉSHUMANISÉES"

Mais ce vaste chantier de rénovation n'est pas du goût des syndicats du personnel pénitentiaire, qui évoquent de nouvelles conditions de travail "pénibles". La délocalisation des prisons, par exemple, entraînera un éloignement du lieu de travail "d'en moyenne 80 kilomètres", se plaint Christophe Marques, secrétaire général de FO pénitentiaire. Ce dernier dénonce ainsi des "réformes comptables et prises au détriment du personnel et des familles et prisonniers". Et la promesse du gouvernement de "traiter les demandes de mutation des agents en postes concernés par les fermetures d'établissement de manière prioritaire" ne semble pas suffire.

Au cœur des critiques, ces nouvelles prisons que promet le gouvernement, jugées coupables de la "déshumanisation" du milieu carcéral. Pour les syndicats, ces établissements entraînent des difficultés de gestion, en raison de leurs effectifs, mais également un cloisonnement des relations humaines. Avec l'introduction de la vidéosurveillance, elles réduisent en effet l'interaction entre détenus et personnel, pourtant si importante dans l'univers carcéral. Christophe Marques évoque enfin le manque de moyens mis en œuvre dans ces prisons : "Nous avons rencontré des problèmes électriques au niveau des grilles, les structures sont aussi moins solides, ce qui est ennuyeux pour une prison."

L'ACCUEIL DES FAMILLES EN QUESTION

Les nouvelles conditions d'accueil des familles sont également mises en doute. Certes, le gouvernement promet la généralisation des "unités de vie familiale", ces petits studios dans lesquels le détenu a le droit d'accueillir sa famille le temps d'un week-end, mais pour FO pénitentiaire "la relocalisation des prisons va renforcer l'éloignement, les membres de la famille ne seront pas tous en mesure de parcourir parfois plus de 400 kilomètres pour rendre visite au détenu".

Pour l'Observatoire international des prisons (OIP), le gouvernement ne répond toujours pas aux attentes du Conseil de l'Europe et du contrôleur général des lieux de privation des libertés, Jean-Marie Delarue. Ce dernier, nommé par le président de la République en 2007, avait préconisé dans son rapport l'an dernier de favoriser des établissements à taille humaine, comprenant entre 150 et 200 détenus au maximum. Les effectifs prévus par la ministre sont donc encore trop importants.

Patrick Marest, délégué général de l'OIP, est d'avis que "plus on construit, plus on remplit : il faut valoriser d'autres moyens de réparation que l'incarcération, tels les travaux d'intérêt général". Selon le rapport de la Cour des comptes rendu public le 20 juillet, le nombre de détenus a augmenté de 26,5 % entre 2005 et 2010.

En effet, plus de 85 % des détenus sortant de prison chaque année y ont purgé une peine de six mois en moyenne, "une expérience traumatisante, peu encadrée, qui pousse souvent à la récidive", juge-t-il. "Les mesures annoncées par le gouvernement ne résoudront pas le problème de la surpopulation carcérale", ajoute-t-il. Ainsi, c'est toute la politique sécuritaire du gouvernement, visant à l'élargissement de la détention, qui serait à revoir, selon cet organisme indépendant.
Chloé Baïze

La force du droit

Il fallait que la justice passe. Le tribunal spécial chargé de juger les Khmers rouges rend lundi 26 juillet son verdict dans le procès de Douch, un des derniers responsables vivants du génocide cambodgien. Le procès, longtemps différé, a été complexe. Il s’est heurté à de sérieux obstacles y compris au Cambodge : le premier ministre Hun Sen s’est agacé devant cette juridiction mixte, internationale et nationale à la fois. Réaction guère étonnante : avant de prendre ses distances avec le pouvoir d’alors, lui-même commandait un régiment.

Ces obstacles ne doivent pas masquer des avancées : plus de trente ans après les faits et même si de nombreux responsables, dont Pol Pot (« le frère numéro 1 »), ont été rattrapés par la mort avant d’avoir pu l’être par la justice, le tribunal a quand même pu entendre une centaine de victimes ou leurs proches. Leurs mots sonnaient comme l’écho de ceux de ces deux millions de Cambodgiens morts de la main de leurs tortionnaires ou de la famine planifiée. Un cinquième au moins de la population de ce pays a péri pendant les quatre ans de règne des Khmers rouges.

Les audiences ont ainsi été une plongée dans l’horreur quotidienne du « Kampuchéa démocratique ». Douch – de son vrai nom Kaing Guek Eav – y a eu une part importante quand il dirigeait la prison de Tuol Sleng. Nourri d’une bouillie idéologique faite d’un nationalisme fou et de la pire vulgate marxiste, il a présidé au supplice de plus de 12 000 hommes, femmes et enfants. À son procès, comme Adolf Eichmann jugé à Jérusalem, Douch s’est présenté comme un bureaucrate du crime, obéissant avec minutie aux ordres. Et à la fin, l’ancien chef de S21, l’autre nom de Tuol Sleng, a demandé sa libération. Il a congédié son avocat français qui l’avait poussé à reconnaître sa culpabilité.

Le verdict sera donc lu avec une attention particulière, d’autant que quatre autres chefs khmers vont être jugés en 2011. Sans perspective d’un dédommagement individuel et financier, impossible à organiser, le procès a pris une autre dimension. La probable condamnation de Douch aidera d’abord, par la reconnaissance de l’ampleur du crime commis, à rendre leur dignité aux victimes. C’est l’essentiel. Mais aussi, l’oubli – argument si commode pour les bourreaux (au Cambodge comme ailleurs) – sera plus difficile. Le droit a cette force quand il fait son œuvre.

La spirale

Al-Qaida au Maghreb islamique assume toutes ses horreurs : le communiqué où son chef annonce avoir « exécuté l’otage français » dit assez bien la folie de ceux qui ont fait de l’assassinat à répétition le cœur de leur projet. L’inquiétude exprimée par Nicolas Sarkozy, le 12 juillet, à la télévision, était fondée : au sinistre bilan de cette organisation, il savait que figuraient des centaines de victimes, dont des femmes et des enfants en Algérie. Que pouvait-on négocier ?

Les objectifs désormais poursuivis par la France, après la mort de Michel Germaneau, sont au moins de deux ordres. À très court terme, protéger la vie de tous les Français présents au Sahel. Ceux qui y travaillent, bien sûr, mais aussi ceux qui y voyagent. C’est le sens de la mission confiée immédiatement à Bernard Kouchner, envoyé à Bamako, Niamey et Nouakchott. Par ailleurs, la consigne est claire pour tous : renoncer « absolument » à se rendre dans la région.

Mais, à plus long terme, c’est bien la fin de cette nébuleuse qui est l’impératif. Le parcours d’Al-Qaida au Maghreb islamique ne laisse en effet guère d’autres solutions. Dans le paysage du terrorisme, ce mouvement est, aujourd’hui, celui qui fait peser la plus lourde menace sur la France, même si sa capacité à agir hors de l’Algérie et du Sahel reste faible. Ses troupes, évaluées au maximum à 500 hommes dispersés, mêlent des islamistes radicaux qui continuent de rêver à renverser les pouvoirs algérien, malien ou mauritanien et des criminels de droit commun qui songent d’abord à faire fructifier leurs affaires, du trafic de cigarettes aux rapts. Avec un tel programme, les chefs du mouvement ne peuvent espérer bénéficier d’un large soutien populaire ou de celui des responsables de l’islam.

La France va donc poursuivre son combat. C’est le sens du message délivré hier par Nicolas Sarkozy. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un face-à-face entre la France et Al-Qaida au Maghreb islamique. Au Sahel, des experts américains sont sur le terrain. Et soutiennent, elles aussi, les gouvernements locaux qui mènent cette même bataille contre un terrorisme, certes imprévisible et meurtrier, mais déjà condamné par son aveuglement et par son isolement.


François Ernenwein

Islamisme : menace permanente


Une mort sans fanfare


Qu'il ait été décapité ou qu'il ait succombé à un malaise cardiaque faute de médicaments acheminés à temps, Michel Germaneau est mort victime de l'écart immense entre son idéal humanitaire et la cruauté de son rapt. Ne parlons pas d'exécution comme le font ses ravisseurs car ce serait donner un semblant de légitimité à un acte qui n'en a aucune.
La civilisation arabe, si respectueuse des anciens, où le "cheikh" est non seulement un vieillard mais aussi un sage, a une fois de plus été bafouée par quelques pillards, jeunes sans doute, qui, au terme d'une razzia, ont enlevé ce retraité soucieux de la scolarisation des enfants dans le désert du Ténéré.
Face à cette mort d'un homme qui préférait aller au Niger plutôt qu'au bistrot du coin, on songe à tous les militants associatifs, qui, en Bosnie, en Afghanistan ou en Algérie, ont payé de leur vie un engagement fondé sur le désir d'aider sans fanfare les habitants d'un pays en guerre.
Ces humanitaires ne se voient pas en combattants, encore moins en héros. Ils fonctionnent à l'enthousiasme, avec leur bonne volonté, leur sincérité, leurs compétences techniques qu'ils mettent avec plus ou moins de bonheur au service d'une mini-structure et d'un projet très localisé. "Enmilal", l'association de Michel Germaneau, existait grâce à une poignée d'hommes et de femmes qui s'étaient pris d'intérêt pour le village d'In-Abangharet au hasard d'un voyage au Niger comme ils auraient pu se passionner pour un village dogon ou bambara s'ils avaient visité le Mali.
La mort de Michel Germaneau est une aberration mais on se tromperait en la croyant liée au peu d'écho qu'a eu sa captivité. Le tam-tam solidaire est utile ; il soulage et rassure l'otage qui en capte le lointain écho au fond de sa geôle. Mais la mobilisation médiatique n'a pas par elle-même le pouvoir d'accélérer le retour à la liberté. Les sept moines cisterciens enlevés en 1996 à Tibéhirine (Algérie) ont bénéficié d'une popularité immense, comme en eurent Ingrid Betancourt ou les journalistes Florence Aubenas (en Irak) et Daniel Pearl (en Afghanistan). Mais Pearl et les sept moines ont péri. Le fil qui rattache n'importe quel otage au monde extérieur est d'une minceur effrayante.
Et maintenant, qui portera le mieux le deuil de Michel Germaneau ? Peut-être les enfants d'In-Abangharet s'ils saisissent ce que voulait construire ce visiteur discret et se défient des ravisseurs qui ont baptisé leur école dans le sang, à rebours de ce qu'est le vrai enseignement de la vie.

Dominique Jung

L’autre “inquiétude brûlante”

Les jihadistes du Sahel se fichent comme d’une guigne de leurs propres ultimatums. Le sort de Michel Germaneau, ils l’avaient sans doute scellé le jour de sa capture... La date butoir du lundi 26 juillet ?

Un artifice morbide pour attirer l’attention et maintenir la pression. Objectif atteint. Nicolas Sarkozy n’avait-il pas parlé “d’inquiétude brûlante” à la télévision...

Depuis dimanche, l’exécution de l’otage français suscite le dégoût et la colère. Et la polémique pointe.

Le raid mauritanien soutenu par la France a-t-il précipité le militant humanitaire vers la mort ? L’interrogation est dans toutes les têtes. Mais la mettre aujourd’hui sur la place publique aurait valeur de victoire pour les assassins. Une de plus...

Loin du Sahel, dans les vallées d’Afghanistan, une autre “inquiétude brûlante” retient les regards. Le sort des deux journalistes de France 3 est depuis 210 jours entre les mains rouge sang des talibans. Suscitant là aussi allusions et questions. De “la situation dans laquelle ils se sont mis” au coût des opérations militaires pour les sauver, les formules blessantes mais jamais gratuites ont bouleversé les proches des deux otages.

Et donné du cœur à l’ouvrage à leurs geôliers...

Puisqu’il s’agit d’une guerre au terrorisme qui est livrée aussi en Afghanistan, la première vertu d’une armée est d’avancer soudée.

À défaut, l’adversaire n’a aucune inquiétude brûlante à éprouver...


Georges BOURQUARD

Une guerre dans le désert

Entretenir la peur, désigner un ennemi, assassiner des innocents et capitaliser politiquement le fruit de l'horreur. C'est le mode de fonctionnement de toute entreprise terroriste. Michel Germaneau n'avait qu'un tort : être un civil français sur un territoire, le Sahel, convoité ¯ et de plus en plus contrôlé ¯ par les bandes d'Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Il était venu aider les populations locales. Son assassinat n'en est que plus choquant.

Sur une immense bande de territoire qui traverse le continent, des côtes de la Mauritanie au Tchad, l'islamisme radical se répand. Depuis trois ans, les attentats et les enlèvements d'Occidentaux dans cette partie de l'Afrique se sont multipliés. Ressortissants espagnols, britanniques, autrichiens ou français en ont fait les frais.

Toutefois, jusqu'ici, seul un otage britannique avait été tué, l'an dernier. Un autre Français, Pierre Camatte, avait, lui, été libéré il y a quelques mois, après une tractation menée de concert avec les autorités maliennes. Une marge de négociation existait-elle aussi pour Michel Germaneau ? C'est la question qui taraude les proches de la victime et, avec eux, tous les proches des autres otages français encore détenus en Afghanistan ou en Somalie.

En l'absence totale d'information sur le sort du septuagénaire depuis plus de deux mois, les autorités françaises ont considéré que le raid mené par l'armée mauritanienne, la semaine dernière, auquel des éléments français ont participé, constituait un risque nécessaire pour tenter de le sauver. L'opération s'est révélée positive du point de vue mauritanien, car elle a permis de démanteler une base logistique importante des organisations terroristes qui opèrent dans le nord du Mali. En revanche, le résultat est beaucoup plus compliqué pour la France, même si nombre d'observateurs estiment que l'otage était peut-être déjà mort.

Car, dans la guerre contre le terrorisme, chaque geste compte, et un état démocratique a beaucoup plus à perdre qu'à gagner. Très mobiles sur ces terres du Sahel qui échappent à tout contrôle étatique, les bandes affiliées à Aqmi, notamment le groupe d'Abou Zeid, qui détenait l'otage, traquent toutes les occasions de monter en puissance. Les liens directs avec la maison-mère d'Al-Qaida ne sont pas nécessaires pour y ouvrir des « franchises ». Tous les trafics sont là, à portée de la main, pour les financer. Drogue. Armes. Trafic d'otages.

C'est sur ce champ de bataille qui ne dit pas son nom que Michel Germaneau est tombé, comme dans un piège. À la bourse terroriste, tous les Occidentaux ont un prix. Dans cette partie de l'Afrique, les otages français ont, en plus, une valeur ajoutée. Le passé colonial, la laïcité et le voile, le soutien au régime algérien du président Bouteflika et à sa lutte sans quartier contre leur organisation sont autant de motifs de haine pour les responsables d'Aqmi, contraints, depuis trois ans, de se replier plus au Sud pour mener le Jihad.

Les spécialistes du renseignement affirment qu'Al-Qaida a subi de sérieux revers, sous la pression internationale, et serait, justement, en repli. Son pouvoir de nuisance n'en reste pas moins considérable, dès lors qu'elle investit un territoire de non-droit, dans le Sahel comme en Afghanistan ou dans l'océan Indien. Visée, la France n'est toutefois pas sa seule cible. Ce n'est qu'en renforçant la coopération internationale dans la lutte antiterroriste que la menace pourra être contenue.

Laurent Marchand

Micro-Etats providence en faillite

Je suis à la tête d'un Etat en faillite », avait dit, voici bientôt deux ans, le Premier ministre, François Fillon, dans une formule demeurée fameuse. Pas moins d'une quinzaine de présidents de conseil général pourraient à présent appliquer la même image au département qu'ils administrent. Eux aussi courent peu de risque d'être démentis par la suite des événements. L'état des lieux 2010 des comptes publics locaux publié par « Les Echos » révèle en effet une inquiétante fragilité financière des collectivités départementales.

C'est vrai en relatif, la situation budgétaire des communes et des régions étant globalement meilleure, en tout cas bien moins préoccupante que ne le proclament leurs représentants. C'est vrai dans l'absolu avec des départements sur le point de ne plus pouvoir remplir leur obligation d'équilibre budgétaire. La qualité de leur gestion n'en est pas l'unique responsable. Certes, les frais de personnels ont caracolé pendant des années, en particulier depuis le début de la décennie, bien plus vite que ne le justifiait le transfert de fonctionnaires d'Etat.

Mais depuis 2009, la tendance de ce point de vue est à l'assagissement. Et, surtout, les finances départementales sont victimes d'un redoutable effet de ciseau : d'un côté des recettes qui s'effondrent sous le poids de la crise - les droits de mutation par exemple -, de l'autre des crédits d'aide sociale qui s'envolent jusqu'à phagocyter, les unes après les autres, les marges de manoeuvre résiduelles - l'action culturelle ou l'amélioration de la voirie. Ce serait un tort de n'y voir qu'un phénomène conjoncturel, comme si la vague sociale qui secoue les départements était née de la dernière crise.

Les conseils généraux sont les victimes de politiques sociales dispendieuses et mal évaluées, qu'ils ont choisi d'amplifier. C'est un Etat longtemps impécunieux qui leur impose de gérer une allocation personnalisée d'autonomie dont le coût a été dangereusement sous-évalué par le gouvernement de Lionel Jospin qui l'a mise en place. Entre 2003 et 2010, les budgets consacrés à l'APA auront presque doublé, passant de 3 à 6 milliards d'euros.

Il est vain d'espérer, en asséchant leurs recettes, qu'elles taillent dans leurs dépenses. Personnes âgées, bénéficiaires du RMI, handicapés : guichets de l'Etat providence, les conseils généraux sont bien obligés de payer. Cela vient rappeler l'impérieuse nécessité d'une révision des politiques publiques. Au moins les départements devraient-ils commencer par évaluer ces aides complémentaires qu'ils ont mises en place au fil du temps, ici pour prendre en charge le coût des cartes de transport, là pour financer un logement social.

De l'utilité de l'Allemagne

En politique comme aux échecs, les meilleurs coups sont ceux qui peuvent servir simultanément plusieurs stratégies. La proposition de Nicolas Sarkozy de faire converger les systèmes fiscaux allemand et français pourrait, si elle est suivie d'effet, appartenir à cette catégorie. Elle est d'abord à usage interne : peu de voix s'élèveraient, dans la classe politique, contre un renforcement de la cohésion européenne autour du noyau franco-allemand. Quand l'action de l'exécutif se déroule sur ce terrain, les socialistes sont moins à l'aise pour la critiquer - on l'a vu lors du traitement en urgence de la crise bancaire en 2008. Quelle serait aujourd'hui la politique fiscale qui bénéficierait de cette « légitimation par l'Europe » ? Elle consisterait d'abord, du côté français, à s'abstenir d'augmenter les impôts (les prélèvements obligatoires atteignent 42,8 % du PIB chez nous, contre 39,5 % en Allemagne) et à envisager la suppression de l'impôt sur la fortune (effectuée par Helmut Kohl en 1997). Elle obligerait surtout à réduire les dépenses publiques (55,6 % du PIB en France, moins de 48 % chez nos voisins), ce qui permettrait de pratiquer la rigueur « au nom de la convergence », justification plus présentable que la nécessaire pingrerie d'un Etat impécunieux.

La proposition sarkozienne est aussi à usage externe : l'harmonisation fiscale entre les deux poids lourds européens serait un pas important vers ce « gouvernement économique » dont on parle des deux côtés du Rhin. Mais elle ferait pencher la balance du côté des conceptions françaises - une organisation fortement intégrée, limitée à la zone euro -plutôt que vers celles d'Angela Merkel, qui souhaite un dispositif plus lâche, couvrant l'ensemble des 27 pays membres. Accessoirement, elle aurait valeur d'exemple et pourrait inciter les autres pays de l'Union à renoncer au dumping fiscal. Voilà, dira-t-on, beaucoup d'arrière-pensées pour une initiative qui n'est sans doute qu'un ballon d'essai. Mais les idées lancées en l'air sont parfois les plus fécondes.

Lettre ouverte au président de la République

Monsieur le Président, vous avez été élu parce que vous avez inspiré confiance aux Français en leur disant que vous alliez vous occuper d'eux, de leur pouvoir d'achat, de leur rémunération, de leur liberté, bref, un discours d'efficacité pragmatique.

Vous avez su démontrer vos qualités lors de la crise financière, avec une attitude de haut vol, et vous admettez que, seule désormais, la croissance est l'objectif que la France doit poursuivre, pour s'en sortir honorablement.

On évoque souvent qu'il manque, en France, un tissu industriel de grosses PME, comme on peut le trouver en Allemagne. Et moi qui ai vécu vingt-cinq ans en Allemagne, je peux vous dire que cela ne se passe pas comme en France. Je vais vous exprimer ci-après les principaux freins que le patron de PME à vocation généraliste que je suis rencontre…

Savez-vous, Monsieur le Président, qu'il est quasiment impossible à une PME de décrocher un contrat auprès d'une administration ou d'une grande entreprise, voire même de concourir à un appel d'offres (une PME n'a pas les moyens de se payer les spécialistes du sujet). De la même manière, il est quasiment impossible d'affronter les services achats des grandes structures qui éliminent d'emblée les entreprises qui n'ont pas une certaine taille ou qui ne sont pas connues sur la place. Un référencement est donc vraiment très difficile à obtenir pour une société comme la nôtre, alors même que nos prestations sont porteuses d'une très forte valeur ajoutée.

Savez-vous combien il est compliqué d'obtenir une autorisation de découvert avec une banque ? Savez-vous ce qu'implique la gestion d'une PME de notre taille (70 à 90 personnes) quant au rapport avec les enquêtes de tous ordres, les cotations de la Banque de France, les déclarations, les délais de paiement de l'impôt, les innombrables paperasses à remplir à la moindre occasion, les contraintes liées aux handicapés.

Savez-vous que recruter un collaborateur à travers une offre d'emploi via l'Apec ou Pôle Emploi relève d'un véritable parcours du combattant, et, en plus, d'un parcours du combattant surréaliste vu les pratiques imposées et le fonctionnement de ces organismes qui ne répondent jamais au téléphone, ne sont jamais à leur poste, ne rappellent jamais quand on leur laisse un message, ne veulent pas passer des annonces qui n'entrent pas dans leur grille de critères préétablis sans grand rapport avec la demande… et qui exercent un ostracisme incroyable par rapport à un minimum de bon sens.

Savez-vous, Monsieur le Président, qu'aucune règle ne régit les investissements de formation qui sont faits sur des seniors ou des jeunes recrues, avec qualification ou pas, pour les voir, au bout de quelques semaines, quitter l'entreprise, sans contrepartie aucune et, mieux, pour retrouver une nouvelle fois leur droit au chômage et le doux statut d'allocataire, le plus souvent sans effectuer de préavis grâce à l'indulgence et la complicité du corps médical qui privilégie le clientélisme.

Enfin, Monsieur le Président, où avez-vous vu en France une représentation des PME, c'est-à-dire un patron réaliste, réellement préoccupé par les problèmes des petites et moyennes entreprises ? Un vrai patron qui ne s'occuperait pas, comme Mme Parisot, exclusivement du CAC 40, tout en prétendant le contraire, de façon opportuniste…

Savez-vous, Monsieur le Président, que le système d'heures supplémentaires que vous avez créé n'a pas du tout eu les conséquences qui ont été annoncées car, malheureusement, ces mesures ont été plus soucieuses de l'impact médiatique que de leur efficacité réelle.

Savez-vous, Monsieur le Président, qu'en qualité de patron d'une PME qui marche mais ne croît pas (ce qui est bien dommage puisqu'elle existe depuis vingt-cinq ans), j'ai écrit sur des aspects opérationnels réels, à pratiquement tous les responsables des domaines que je vous ai cités : Jean-François Copé, Xavier Bertrand, Christian Charpy, François Fillon, Brice Hortefeux, Christine Lagarde, Eric Woerth, et en désespoir de cause, à vous-même ; Monsieur le Président le seul qui m'ait répondu est Jean-François Copé quand il était à Bercy.

Comment voulez-vous alors, Monsieur le Président, dans de telles conditions, que les PME en France atteignent la taille et les caractéristiques des PME allemandes ? Il faut vraiment que vous vous occupiez de ce problème puisque, de notoriété publique, la croissance de la France est directement liée à la croissance de ses PME, seule solution pour éviter le pire !


MARIE-THÉRÈSE BERTINI EST PDG DE LA SSII MTB.

Le terrorisme islamiste au cœur de l'agenda des pays africains

Simple coïncidence de l'actualité ou symptôme d'une "islamisation" du continent africain ? Au moment même où était annoncée, dimanche 25 juillet, l'exécution de l'otage français Michel Germaneau enlevé le 19 avril au Niger par "Al-Qaida au Maghreb islamique" (AQMI), une trentaine de chefs d'Etat de l'Union africaine (UA) étaient réunis à Kampala (Ouganda) pour préparer la riposte après les attentats revendiqués par les Shabab, des islamistes agissant en Somalie qui, le 11 juillet, ont causé la mort de 76 personnes dans la capitale ougandaise.
Le sommet de Kampala, prévu de longue date, devait être consacrée à la lutte contre un autre fléau africain, la mortalité maternelle et infantile. Mais son ordre du jour a été bouleversé. "Ces terroristes peuvent et doivent être vaincus, a lancé dimanche le président ougandais, Yoweri Museveni. Agissons de concert pour les chasser d'Afrique. Qu'ils repartent en Asie ou au Moyen-Orient d'où certains viennent d'après ce que je comprends".

Les chefs d'Etat africains, dont la réunion doit s'achever mardi, devraient décider de renforcer l'Amisom, la Force de l'UA déployée en Somalie, contre les Shabab, qui contrôlent presque la totalité de ce pays dépourvu d'Etat depuis près de vingt ans. Les 6 000 soldats ougandais et burundais déjà présents dans la capitale, Mogadiscio, devraient recevoir 2 000 hommes en renfort. Un nouveau mandat leur permettant de passer à l'offensive devrait leur être donné. Les Occidentaux devraient fournir des hélicoptères et l'Afrique du Sud un appui naval pour assurer un blocus du port de Kismayo qui, contrôlé par les islamistes, est la principale entrée pour les armes et les munitions.

L'UA CONDAMNE L'ASSASSINAT DE MICHEL GERMANEAU

Alors que les auteurs des attentats de Kampala revendiquaient le départ des troupes africaines de Somalie, leurs actes vont produire l'effet inverse. Mais la stratégie militaire suivie par l'UA avec le soutien américain et français, consistant à défendre le "gouvernement fédéral de transition" somalien fragile et corrompu, retranché dans quelques quartiers de Mogadiscio, est critiquée. Chacun a en mémoire la façon tragique dont l'armée américaine s'est cassé les dents en Somalie en 1993. Si les soldats de l'Amisom utilisent leurs nouveaux moyens de façon indiscriminée, "ils risquent de faire le jeu des Shabab" en faisant de nombreuses victimes civiles, estime Ernst Jan Hogendoorn, expert de l'International Crisis Group, une ONG spécialisée dans la prévention des conflits cité par l'AFP.

Focalisé sur la contagion islamiste en Afrique de l'Est, le sommet de Kampala ne s'est guère mobilisé sur la situation dans la zone sahélo-saharienne où a été tué l'otage français. Sa condamnation de cette exécution a été néanmoins "très énergique" : "Rien ne peut justifier l'exécution d'un otage, et certainement pas le refus de payer une rançon ni une opération légitime qu'un pays de la région peut conduire avec ses propres moyens et l'assistance d'une tierce partie", a déclaré, lundi, Ramtane Lamamra, commissaire à la paix et à la sécurité de l'UA. "Al-Qaida a montré le peu de respect [qu'il avait] pour la vie humaine (...). Ceci est une démonstration supplémentaire de ce comportement tout à fait barbare et inacceptable".

Les responsables africains présentent les combattants islamistes comme des étrangers à leur continent, venus notamment d'Afghanistan et du Pakistan. "Ces groupes ne partagent pas les valeurs de solidarité et de partage de l'Afrique", affirme ainsi Boubacar Diarra, représentant spécial en Somalie de Jean Ping, président de la Commission de l'UA, interrogé sur RFI. Pourtant, il est avéré que des Algériens figurent parmi les responsables de l'AQMI, appellation adoptée en 2007 par le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien. Le rôle de certains chefs touareg dans l'enlèvement et la "revente" des otages aux islamistes est tout aussi connu.

D'autres réalités attestent d'une certaine porosité à l'islamisme de certaines sociétés africaines. En juillet 2009, la secte islamiste Boko Haram se réclamant des talibans afghans a tenté d'instaurer un Etat islamiste dans le nord du Nigeria. La répression de ce soulèvement a causé la mort de 800 personnes. Quant au président malien, Amadou Toumani Touré, il a dû suspendre l'examen de la réforme du code de la famille qu'il souhaitait engager afin d'assurer une meilleure égalité entre hommes et femmes, après les manifestations inédites organisées, durant l'été 2009 par des responsables musulmans contre ce projet "inspiré par l'occident".

Philippe Bernard