TOUT EST DIT

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mardi 22 mars 2011

Le front commun des hypocrisies

On savait depuis longtemps que le système approchait de son point de rupture. Cela faisait des années qu’il imposait au paysage politique de telles contorsions qu’il avait fini par le redessiner sur un mode très artificiel. Que sa boussole indiquant la droite, la gauche et les extrêmes s’affolait de plus en plus rendant illisible la carte des convictions et des idéologies. Et voilà qu’il se fissure au moment où l’on ne s’y attendait pas, au lendemain d’un premier tour des cantonales sans grand enjeu aux résultats déformés par l’abstention.

Elle est tellement dérisoire cette allumette «Front républicain» dont le soufre porte tout à coup à incandescence les contradictions, qui ne sont pas nouvelles, entre le chef de l’État et son Premier ministre ! Tellement décalée... Surtout aujourd’hui, au moment où on la ressort de la vieille boite à surprises de la présidentielle de 2002. Presque dix ans ont passé ! Complètement périmée, la flamme inquiétante qui avait mobilisé plus de quatre Français sur cinq derrière Jacques Chirac pour faire barrage au candidat Front national. Elle chauffe mais elle ne brûle plus.

Que d’énergie gaspillée à se déchirer sur l’opportunité du vade retro FN. Trop tard ! La frontière entre la droite dite républicaine et celle qui ne le serait pas n’existe déjà plus. Pourquoi redresser, au moment des élections, des barrières qui sont déjà tombées ? A l’UMP, de nombreuses voix et les esprits de milliers d’électeurs les ont renversées pour aller vagabonder sans complexe sur les territoires jadis interdits où l’étranger, forcément trop en nombre, est responsable de tous les maux, où la préférence nationale est revendiquée, où la méfiance envers la différence est proclamée, où le scepticisme envers l’euro et la mondialisation est décliné, où l’identité nationale veut résister à la diversité, où les boat people, hors la loi, pourraient être rembarqués sur leurs bateaux et renvoyés à la mer sans état d’âme... Existe-t-il vraiment une si grande distance entre les propos d’un respectable Claude Guéant évoquant - sincèrement ? - le sentiment des Français de «n’être plus chez eux» et ceux d’une Marine Le Pen qui, après son père, dénonce inlassablement «l’invasion maghrébine»?

Alors il est temps, pour la société française, de tomber les masques, de disloquer ce front commun des hypocrisies. Il est temps de mettre au jour la vraie frontière des valeurs qui sépare les uns et les autres au risque de faire exploser les confortables entités politiques. Pas pour empoisonner le débat public, déjà moribond de toute façon, mais pour le refonder, au contraire, sur des bases claires : il a besoin de repères authentiques. N’est-ce pas, après tout, le message que les électeurs de ce mois de mars 2011 - qui n’ont que faire de la polémique du ni-ni ou du «tous contre le Front» - ont glissé dans les urnes ?



Cantonales : le vrai score du Front National

Compte tenu du fait que le parti de Marine Le Pen n'avait présenté de candidats que dans 1.400 cantons, le cumul de ses voix au plan national ne reflète pas intégralement sa puissance de feu à quatorze mois des élections présidentielles. Les résultats fournis par le ministère de l'Intérieur ont permis à l'institut Viavoice de calculer que le FN a bénéficié, dans l'ensemble des circonscriptions où il disposait d'un candidat, de 19,2% suffrages soit deux points de plus que l'UMP.

Quel aurait été le score national du FN s'il avait présenté des candidats dans l'ensemble des 2026 cantons où les Français étaient invités à voter lors de ce premier tour des élections cantonales ? Difficile de répondre à cette question. Mais on peut en revanche avoir une bonne idée du véritable potentiel électoral du parti de Marine Le Pen en étudiant le rapport de forces dans les seuls cantons où il était présent. D'autant que ces derniers représentent 80% des électeurs convoqués à ces élections. Mécaniquement, le score du FN y apparaît à un niveau nettement supérieur aux 15% obtenus nationalement. Mais à combien ? L'institut Viavoice a procédé à un calcul des résultats fournis par le ministère de l'Intérieur en excluant les cantons où ce parti n'avait pas de candidats.
Le Front National est à 19,2%, l'UMP à 17,2%
Le score du FN (19,2%) y reste inférieure à celui du PS (24,10%) mais surpasse celui des candidats de l'UMP (17,2%). Si on y ajoute les suffrages obtenus par les candidats divers droite et centristes (NC et Modem), la droite républicaine se maintient néanmoins au-delà des 30%. Un score inférieur à celui, cumulé, des socialistes, des radicaux, des Verts (europe Ecologie) et des divers gauche qui atteint un peu plus de 38%.
Ces niveaux sont très différents des performances respectives des partis au plan national. Selon le dernier décompte du ministère de l'Intérieur, le PS arrive en tête avec 2.284.912 voix soit 24,94%, suivi de l'UMP (1.554.726 voix, 16,97%) et du FN (1.379.933 voix, 15,06%).  "En 2004, le FN faisait 12,1% au niveau national. Et 13,8% dans les seuls cantons où il était présent", souligne Bruno Jeanbart, directeur général adjoint de Viavoice interrogé par La Tribune. Et ce dernier de préciser que la performance du FN dans ces conditions est finalement tout à fait conforme celle que réalise Marine Le Pen dans les sondages où les Français ont été interrogés sur leurs intentions de vote au premier tour de l'élection présidentielle.
Plus de 30% des voix à Marseille
L'autre information importante de ce scrutin, c'est la très nette remontée du FN dans certaines régions de France. Il dépasse la barre des 20% dans plus de vingt départements, renouant avec des scores qu'il n'avait plus connus depuis le milieu des années 1980 dans certaines régions. Sa percée est surtout notable dans l'est, le centre et le nord du pays, ainsi que dans certains départements d'Ile-de-France, comme le Val d'Oise ou le Val-de-Marne.
A Metz, la candidate du Front national Françoise Grolet (26,4%) arrive même en tête devant le maire socialiste de la ville Dominique Gros (26,1%). A Marseille, le FN retrouve ses scores historiques du milieu des années 1980 en réalisant plus de 30% des voix. Et il sera présent au second tour dans la totalité des 11 cantons.
Cette situation pousse les dirigeants du FN à juger possible leur victoire dans plusieurs cantons. "Nous aurons très certainement des conseillers généraux" a insisté ce lundi Louis Aliot, le vice-président du FN qui est également le compagnon de Marine Le Pen.

Front républicain, ces mots qui fâchent

À droite, que de circonlocutions pour tenter de nier, ou de minimiser, la sanction des cantonales ! Parmi les éléments de langage distribués : vote défouloir, primauté de l'enjeu local, nécessité de relativiser le résultat au regard de l'abstention. Une secousse tellurique s'est pourtant produite dans le paysage politique, dont le centre de gravité s'est déplacé vers la droite. Et que d'embarras pour asseoir la stratégie de second tour ! Le « ni-ni » - ni front républicain, ni alliance avec le FN - sera la ligne officielle… de l'Élysée. En somme, l'électeur de droite est invité à se débrouiller, à godiller. Son application relèvera du numéro d'équilibriste, beaucoup se jouera dans la nuance. Renvoyer dos à dos extrême droite et socialistes, les mettre dans le même panier idéologique, c'est assumer le risque que la première tire les marrons du feu. Et s'il s'agit de refuser le front républicain parce qu'il inspire un sentiment de connivence avec l'adversaire PS, comme l'argumente l'UMP, l'absence de consigne de vote claire induit un sentiment de complaisance envers l'adversaire FN. Lequel sera opposé au PS dans 200 cantons, ce n'est pas un détail électoral. Décidément, l'UMP a un problème avec ces cantonales. Avant le premier tour, elle cachait son étiquette ; pour le second, elle ne dit pas explicitement comment il faut faire barrage au FN. De la part d'un Président qui revendique le parler vrai, et d'un patron de l'UMP qui se targue de délaisser la langue de bois, voilà qui ne manque pas de sel. Comme quoi la ligne Sarkozy-Copé jette le trouble : l'UMP a aussi un problème avec le chef de la majorité puisque François Fillon, hier soir, a donné un coup de canif dans le « ni-ni » et appelé à voter contre le FN. Droite républicaine en déroute cherche boussole…

La droite piégée par le FN

Le 1er tour des cantonales fut baroque : sur fond de guerre en Libye et de nuage radioactif japonais, un peu plus d’un électeur concerné sur deux s’est abstenu. Le Parti socialiste s’est bien tenu sans que l’on puisse parler de vague rose et la gauche tout entière rassemble de 48 à 50 %, comme elle l’a fait souvent par le passé à des élections locales. Le seul véritable événement se situe au sein de la droite et de l’extrême droite où l’on a assisté à un phénomène de vases communicants au profit du Front national. L’UMP proprement dite perd 3 ou 4 points et le parti de Mme Le Pen engrange en passant 15 %.
Le problème c’est que la droite de gouvernement est maintenant piégée par le FN. Dans un peu plus de 200 cantons il y aura dimanche un duel Parti socialiste-Front national. La gauche réunie a proclamé qu’elle adopterait une attitude de front républicain en votant le cas échéant UMP pour faire barrage au FN. L’UMP, par la voix de Jean-François Copé, a refusé de faire de même pour le PS.
Ce qui conduit un socialiste modéré, comme Manuel Valls, à évoquer « le déshonneur » de l’UMP, et ce qui provoque une divergence avec plusieurs ministres de culture chiraquienne et des centristes comme M. Borloo qui se déclarent prêts à voter PS pour battre le FN.
Le piège fatal c’est pour 2012. Si l’UMP fait un barrage strict au FN celui-ci se vengera contre Nicolas Sarkozy. D’où l’ambiguïté de M. Copé pour ne pas claquer la porte au nez des candidats FN. Sachant depuis le cardinal de Retz « qu’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment ».

Confusion

Après trois jours de bombardements aériens sur la Libye, un premier objectif a été atteint. La ville de Benghazi n'a pas subi le massacre qu'une intervention des forces loyalistes au colonel Kadhafi rendait imminent. Des vies humaines ont été épargnées. Un bain de sang évité. La résistance libyenne protégée. On comprend la liesse et le soulagement de ses habitants. C'est un premier résultat, qu'il faut saluer.

Ce pourrait être, hélas, le seul si la confusion qui règne depuis quarante-huit heures autour de cette opération devait se prolonger. Sur la nature du commandement, le cadre opérationnel et les objectifs de cette mission autorisée par la résolution 1973 du Conseil de Sécurité, des divergences notables ont été exprimées dans les principales capitales concernées. Et même au sein de certains gouvernements.

À cette heure, la coalition, née pour une bonne part sous la forte impulsion politique donnée par la France, n'a toujours pas de commandement général défini. Ce qui a amené la Norvège à suspendre sa participation dès hier. Le nom même de cette opération n'est pas unifié. La nécessité de « faire vite », pour empêcher la chute de Benghazi, peut expliquer une certaine précipitation. Compte tenu de ses conséquences, elle ne peut justifier l'absence d'un cadre clair, dès lors que l'on s'engage dans une opération belliqueuse.

Sur le rôle de l'Otan, comme au sein de l'Union européenne, les positions divergent également. L'Allemagne et la Turquie ne veulent pas entendre parler d'une implication belliqueuse de l'Alliance. L'Italie, très exposée aux répercussions du conflit et aux possibles rétorsions libyennes, demande un commandement atlantique sous peine de repenser la mise à disposition de ses bases militaires, essentielles au dispositif. Paris, en revanche, plutôt isolée sur ce point, ne veut pas du sceau atlantique sur une opération censée accompagner et protéger le printemps arabe, et souhaite confiner l'Otan au rôle de « soutien ».

Quant aux objectifs, l'ambiguïté qui domine provoque déjà les premières fissures au sein de la coalition. Le mandat onusien parle de protection des populations civiles et rejette explicitement une intervention au sol. Pas un mot n'est dit sur le renversement du régime de Kadhafi, pourtant dans tous les esprits. C'est le point crucial de cette affaire. Paris et Londres ont dit, ici ou là, que c'est en fait le réel objectif. Washington, après tergiversation, ne l'explicite que comme but de long terme et veut réduire son rôle. La Ligue arabe, dont le soutien à la coalition a une valeur symbolique importante, freine sous la pression de ses membres.

À peine commencée, l'opération Libye laisse déjà poindre chez ses propres participants la crainte d'un enlisement. Le temps diplomatique, vital pour la légitimité de l'opération, a empêché de porter le coup qui aurait, peut-être, permis de tourner la page Kadhafi. La volonté d'agir vite, elle, a provoqué la confusion, déjà attisée par l'instabilité galopante du monde arabe. C'est sur la trahison de proches de Kadhafi et la montée en puissance des rebelles que reposent, en fait, les espoirs de succès de cette opération, qu'on ne peut que souhaiter. Sous peine, sinon, de devoir une fois encore négocier avec lui.

Fissures


Sale temps pour notre Président. Printemps maudit, qui menace d’en annoncer un autre. Président impopulaire, il espérait regagner du crédit en chef de guerre, menant la coalition des démocraties contre l’infâme Kadhafi. Las ! les coalisés se débandent, ses alliés prennent leurs distances les uns après les autres : d’abord Angela Merkel, dont il s’est tant moqué, puis Silvio Berlusconi, maintenant David Cameron qui s’interroge... Fissures en Libye, fissures en Sarkozye. La majorité présidentielle fuit la défaite cantonale en ordre dispersé, et notre Président voit là aussi ses soutiens se dérober : Jean-Louis Borloo, qu’il croyait à sa main, Valérie Pécresse, qu’il avait tant louée, jusqu’à son collaborateur François Fillon... Ce n’est peut-être, pour notre Président, qu’un mauvais moment à passer. L’homme de la rupture a surmonté bien d’autres fissures. Tout de même, quelle usure...

FN, le plus grand commun diviseur

On ne parle plus de “peste brune”, l’heure de la diabolisation étant passée, mais d’un prurit fort tenace. La famille Le Pen, de père en fille, reste l’éternel poil à gratter de la politique hexagonale.

Le parti de “la France aux Français” n’aura sans doute, dimanche prochain, aucun élu dans aucun conseil général du pays. Avec 15,2 % des voix, présent au second tour sur près de 400 cantons, il va pourtant peser lourd.

Qu’entreprendre face au FN ? La droite classique tourne autour, comme une poule ayant découvert un couteau. L’objet paraît si étrange que nul ne sait comment l’appréhender.

Nicolas Sarkozy, rompant avec la stratégie chiraquienne, ne veut plus entendre parler de “front républicain”. Certes, les valeurs portées par “les gars de la Marine” ne furent jamais les siennes. Mais il refuse aussi de nourrir le score d’une gauche ennemie, à qui “les leçons de morale” ne coûtent pas cher.

En cas de duel entre un socialiste et un frontiste, le président recommande donc de ne pas choisir. Ni pour, ni contre, bien au contraire… Copé, sans lever l’ambiguïté, laisse le militant “libre de son bulletin.”

Au sein de l’UMP, l’affaire crée de sérieuses divisions. François Fillon et plusieurs ministres, brisant la ligne de l’Élysée, appellent à “faire barrage” aux candidats lepénistes — quitte à voter rose. Il faudrait savoir ! À l’horizon 2012, ce flottement des consciences et des tactiques ne présage rien de bon pour la majorité.