Mon unique lecture de l'été sera donc la liste, parue dans Challenges de juillet, des plus grosses fortunes françaises." Les riches sont différents de nous ", disait Fitzgerald à Hemingway. Qui répondait : " Oui, ils sont plus riches . " Dans les années 50, l'auteur de " Pour qui sonne le glas " a écrit plusieurs livres et ne les a pas publiés. La raison : il refusait d'engraisser le fisc. L'auteur le plus cabochard de sa génération perdue. Au lieu d'envoyer le manuscrit à son éditeur, il le déposait à la banque, dans un coffre. Ce qui nous a donné la plus belle oeuvre posthume de tous les temps : " Iles à la dérive ", " Le jardin d'Eden ", " La vérité à la lumière de l'aube ", " L'été dangereux " et " Paris est une fête ".
La fortune de Mme Bettencourt a progressé de 40 % en un an. J'espère que ça a consolé Liliane des avanies qu'on lui a faites ici ou là dans les journaux. Je crois, moi, que tout le monde est content d'être le centre d'intérêt des médias, surtout les gens timides et réservés. Ils sont délivrés de la souffrance d'être timides et réservés. Même les braqueurs aiment avoir de bonnes critiques, le lendemain de l'attaque d'un fourgon blindé à l'arme de guerre. Le mal qu'ils se sont donné. Le succès financier ne leur suffit pas, il leur faut aussi les félicitations de la presse. Jean-Claude Decaux encore plus fort : sa fortune a doublé en 2009. Elle est désormais de 3 milliards 200 millions d'euros. Il pourrait faire un geste envers les Parisiens : la gratuité du Vélib', par exemple. Patrick Ricard, un prénom et une boisson chers à mon coeur, a gagné huit places dans le classement de Challenges : il était 24e, il est 16e. Devant les frères Bouygues. Je suis sûr, en plus, qu'il ne regarde jamais la télé.
Grâce aux gens du Nord , Jérôme Seydoux, le producteur de " Bienvenue chez les Ch'tis ", a pris vingt places, passant devant Elisabeth Badinter, elle-même à la tête de 650 millions d'euros. On se demande pourquoi, dans ces conditions favorables, elle se fatigue à écrire des best-sellers contre les mères de famille. Stéphane Courbit possède lui aussi 650 millions avec son groupe LOV. All you need is 650 millions. Guy Debord, l'un de ses auteurs de chevet, serait fier de sa situation, faute de l'être de son situationnisme.
A la 75e place, le choc : Didier Daeninckx et sa famille, avec 500 millions. C'était un simple problème de lunettes. Il fallait lire Didier Deconinck. Les comptes du pharmacien Pierre Fabre se sont redressés, ça doit être parce qu'il a laissé tomber l'édition. Il faut être un génie des affaires comme Antoine Gallimard pour gagner de l'argent avec des livres. Il en est où, d'ailleurs, dans la liste de Challenges, Antoine ? 178e. Ce n'est pas terrible, mais il a gagné quarante-six places. Grâce à une réduction des à-valoir ?
Un Besson : Luc (105 millions). A égalité avec mon ancien éditeur, Francis Esménard, PDG d'Albin Michel. Derrière eux, Pierre Bergé : 289e. Voilà ce qui arrive quand on dilapide ses sous avec des femmes politiques de gauche, la charité spectacle et des prix littéraires : on se retrouve avec 100 petits millions de rien du tout.
Les plus pauvres des riches s'appellent Pierre-Antoine Bernheim et Martine Orsini-Bernheim : 500 es avec 53 millions. Ils vont se faire chambrer tout l'été par les copains en meilleure position qu'eux. Il y a une explication : Pierre-Antoine écrit des livres.