L’élection présidentielle de 2012 monopolise déjà toutes les forces vives. Avec ses querelles de personnes et ses phrases assassines. Sans oublier une première charretée de promesses mirifiques au nom de programmes politiques forcément idylliques et accompagnées de «cadeaux» fiscaux ou sociaux «à la grecque» au profit d’électeurs potentiels. Mais en oubliant l’essentiel: le pays se traîne sous les déficits et la dette publique dont la charge représente déjà le troisième poste budgétaire de l’Etat.
Une autre grave omission marque cette pré-campagne: l’Europe. Elle passe à l’arrière-plan en voulant ignorer que la France a volontairement abandonné une part de sa souveraineté, surtout sa souveraineté monétaire, à un ensemble plus vaste, l’UE et la zone euro. Cette réalité reste consciemment ignorée ou seulement regardée avec les œillères de la vision nationale. Pas seulement en France, car les autres capitales de l’UE, également rivées sur leurs intérêts nationaux et électoraux, ne réagissent pas différemment en laissant ronronner la technocratie bruxelloise.
Pourtant, l’heure est grave. Une vaste spéculation a pris l’euro pour cible et, à travers la monnaie unique, toute l’économie européenne. Les agences de notation, juges et parties dans le grand échiquier financier, après avoir dégradé la Grèce au rang d’un pays du Tiers-monde, s’en prennent désormais à l’Italie, troisième puissance de la zone euro. Autant dire que leurs agissements ne s’arrêteront pas là.
Le double but de cette spéculation n’échappe à personne. Ou obtenir, via les produits dérivés des assurances sur les dettes -notamment la dette grecque- le remboursement le plus large possible des engagements dans la crainte d’une faillite. Ou parvenir, par l’intervention constante des Etats toujours prêts à garantir l’euro, au «bétonnage» complet de la monnaie unique pour la transformer en immuable parangon de vertu monétaire, au détriment des politiques économiques et sociales. Pendant ce temps, dollar et yuan évolueraient à leur guise, planche à billets comprise, pour le plus grand bien de leurs économies respectives...
Face à ces attaques qui ne visent plus la seule Grèce, les dirigeants européens et la Banque centrale de Francfort étalent leurs querelles pour finalement s’entendre sur des compromis boiteux. Par exemple, la France et l’Allemagne s’opposent sur la contribution des banques à ce qu’il faut bien appeler une restructuration de la dette grecque. La rencontre Sarkozy-Merkel vendredi à Berlin a accolé l’adjectif «volontaire» à cette contribution qu’exige l’Allemagne et dont la France ne veut pas, par peur qu’elle expose à nouveau le système bancaire. Mais dès hier, un second adjectif a été ajouté à Berlin, parlant désormais de «contribution volontaire et significative», faute de quoi nos voisins rechigneraient à remettre la main au gousset pour un nouveau plan de sauvetage de la Grèce.
L’euro devenu cas d’urgence montre à quel point l’Europe est indissociable de la politique nationale. L’avenir de l’UE mérite de figurer en première place dans la campagne présidentielle. Parce que la France a partie liée avec l’Europe dont elle est un acteur majeur. Parce qu’il s’agit de sa monnaie, donc de son économie. Mais qui va le dire, en dehors du populisme attrape-nigauds? Les querelles de lutrin, les invectives et les propos de comices agricoles sont apparemment plus gratifiants en période électorale...