mercredi 1 août 2012
Apple contre Samsung: qui est votre favori?
Purgeons le système : pour sortir de la crise de la dette, il faut liquider l'Etat providence
Les crises, comme les guerres, sont des
opportunités de mensonges, de dissimulation, de non-transparence sous
prétexte d’intérêt général.
La crise européenne est devenue irréversible.
Le rôle primordial des taux d’intérêt
Hollande et Monti se rencontrent pour faire un rêve
Rencontre au sommet franco-italienne : Mario Monti et
François Hollande rêvent d'une sortie de crise grâce à une augmentation
massive du MES, autorisant la BCE à refinancer sans limite.
Mario Monti a rencontré François Hollande mardi, et cela nous apporte
un nouveau joyau de promesse de sauvetage de l'euro. Et en effet, Mario
Monti avait déjà commencé à faire mousser les choses à l'avance, nous expliquant qu'au bout du fameux tunnel "on commence à percevoir la lumière".
Mais, en fait, ça ne peut être que la lumière d'un train qui vient
dans l'autre sens, car aucune personne saine d'esprit n'a le moindre
soupçon de doute que la crise de l'euro va en s'intensifiant. Et, comme
mesure de son intensité, on nous dit que la France et l'Italie planifient une augmentation massive du MES, autorisant la BCE à refinancer sans limite.
On ne peut que supposer que ces deux chefs ont fini par perdre le
Nord, ce qui a provoqué un grincement de protestation de Jürgen Stark,
ancien économiste en chef de la BCE, qui voit là une violation claire de
la loi européenne.
Ça signifierait, dit-il, que les États seraient financés
indirectement par la banque centrale européenne, et il ajoute : "nous
sommes déjà en train de tirer sur la loi européenne à l'extrême, pour ne
pas dire plus". Et maintenant, la communauté enfreint la loi. Tout ce
qu'il manque, c'est un plaignant.
À part ça, comme nous ne cessons de le dire, rien ne peut se passer
tant que Karlsruhe [la cour constitutionnelle allemande, NdT] n'a pas rendu son jugement
en septembre, et que les allemands ne sont pas capable de ratifier le
traité, s'ils le peuvent après. Les postures franco-italiennes sont donc
typiques de la politique des fantasmes qui semble affliger les
"collègues".
Mais là où l'on passe du sublime au ridicule, c'est quand le ministre des affaires étrangères luxembourgeois, Jean Asselborn, endosse le rôle d'avertir l'Allemagne contre "l'isolation en Europe".
Le jeu qui se joue est si éloigné de la réalité qu'on en reste sans
voix. Ceci ne peut que faire partie d'un effort continu pour garder le
couvercle sur les marchés, jusqu'à ce que tout le monde soit de retour
en septembre. Jusqu'ici, les marchés ne se font pas prier, et semblent
jouer le jeu de cette fiction. Mais l'addition ne peut plus être très
loin.
Ces fondateurs du politiquement correct français : Pierre Bourdieu
L’essor du relativisme, ce courant qui écrase tout système de
valeur hiérarchique et qui asphyxie tout esprit critique depuis des
années, doit certainement beaucoup à La distinction de Pierre Bourdieu.
Loin de moi l’idée de critiquer l’œuvre du sociologue, son travail
méthodique force le respect et il faut d’ailleurs bien faire la
différence entre Pierre Bourdieu le scientifique, confondant, et Pierre
Bourdieu le militant, jusqu’au-boutiste… Ceci étant dit, il semble que
le second se soit parfois invité dans le travail d’analyse et ait réussi
à nuire à l’objectivité du premier.
C’est ce qui s’est produit, il me semble, dans La distinction,
livre paru dans une période fortement marquée idéologiquement (fin des
années 70) et qui a sans doute beaucoup aidé à couronner, légitimer et
probablement prolonger des décennies de contre-culture (c’est-à-dire
de culture anti-bourgeoise). L’idée incriminée dans cet ouvrage n’est
pourtant que suggérée, évoquée indirectement, à force de critiques à
peine larvées de la nature de la culture savante ou bourgeoise, faite de
retenue, de « distanciation », de « rejet du directement assimilable et
jouissif », et de valorisation à peine masquée de la culture populaire
qui serait quant à elle « l’affirmation d’une continuité de l’art et de
la vie », et plus admirable encore, qui serait « le refus du refus »
qui caractérise si bien la « culture savante ». Je résume en forçant à
peine le trait : les « doctes » et les « dominants »
sont essentiellement exclusifs tandis que le peuple a un goût sans a
priori.
Et pour convaincre que l’imagination auto-légitimatrice des happy few n’a pas de limites, il faut encore citer ce texte récent de Suzanne Langer que l’on s’accorde pour considérer comme un des « world’s most influential philosophers » : – Autrefois les masses n’avaient pas accès à l’art : la musique, la peinture, et même les livres, étaient des plaisirs réservés aux gens riches. On pouvait supposer que les pauvres, le ‘vulgaire’ en auraient joui également, si la possibilité leur en avait été donnée. Mais aujourd’hui où chacun peut lire, visiter les musées, écouter de la grande musique, au moins à la radio, le jugement des masses sur ces choses est devenu une réalité, et à travers lui, il est devenu évident que le grand art n’est pas un plaisir direct des sens. Sans quoi, il flatterait – comme les gâteaux ou les cocktails – aussi bien le goût sans éducation que le goût cultivé. (p 32, Éditions de Minuit)Cette citation politiquement très incorrecte, et introduite avec ironie par Pierre Bourdieu au dépens de son auteur, citation avec laquelle il est de toute évidence en parfaite opposition, laisse entrevoir une partie du refoulé : le système de valeur dominant est un système essentiellement arbitraire, construit non pas sur un apprentissage objectif de techniques objectives d’appréciation d’un beau la plupart du temps objectif, mais sur une partition de territoires sociaux purement fortuite et sur la défense acharnée de cette partition.
Même si le sociologue ne l’admet jamais clairement, La distinction laisse transparaître en filigrane comme une préférence pour le goût populaire, qui est décrit avec une sorte de déférence voire d’admiration latente, tandis que le goût bourgeois n’est la plupart du temps présenté que comme celui des classes dominantes, comme s’il n’était qu’un territoire sociologiquement imposé par la force, et naturellement jamais justifié par une quelconque échelle universelle du goût nécessitant un minimum d’apprentissage. Cet apprentissage est cependant reconnu par le sociologue, mais il semble l’entacher d’inégalitarisme, de favoritisme, comme si la faute que ce sésame existe en incombe aux classes dominantes, coupables qu’elles sont d’avoir su dominer même dans l’univers sensible du goût ! Pourquoi dans ce cas ne pas reprocher aux classes dominantes de dominer ? Il est d’ailleurs amusant de constater qu’entre les classes populaires et les classes dominantes, se trouve une petite bourgeoisie dont le portrait que dresse le sociologue est sans doute le plus péjoratif : cette catégorie dépenserait beaucoup d’énergie à acquérir le goût dominant, elle en ferait même trop. Comme si, au lieu de respecter le goût populaire, elle l’abandonnait comme un traitre quitte ses origines pour trouver mieux…
Lorsque j’étais étudiant dans les années 70-80, je me demandais pourquoi le goût classique/dominant/bourgeois était si décrié au point qu’une sorte de contre-culture du laid, du facile ou du provocateur se soit épanoui aussi bien. À cette époque, je me demandais également pourquoi, dans la noosphère des sciences humaines, « petit bourgeois » était devenu très péjoratif alors que traiter quelqu’un de « prolétaire » n’était pas de rigueur. Récemment, à la lecture de La distinction, j’ai tout de suite pensé avoir trouvé si ce n’est l’origine de ces inclinations tout au moins leur officialisation et leur institutionnalisation. L’essor du relativisme, ce courant qui écrase tout système de valeur hiérarchique et qui asphyxie tout esprit critique depuis des années, doit certainement beaucoup à cet ouvrage.