mercredi 2 février 2011
À Alexandrie, les «Frères» mènent la danse
Hostiles au raïs, les coptes s'inquiètent de la place des manifestants islamistes.
Comme Ibrahim Faouzi, de nombreux chrétiens d'Alexandrie semblent avoir renoncé à battre le pavé en raison de la visibilité croissante des « Frères» dans les cortèges. Absents lors des premières marches en début de semaine dernière, ceux-ci ont finalement appelé à défiler vendredi et s'impliquent désormais activement dans l'encadrement des manifestations. Mardi en fin de matinée, leurs minibus déversaient à jet continu des flots de manifestants venus des faubourgs tandis que leurs militants contrôlaient les identités à l'entrée du cortège. « Aux côtés des autres partis d'opposition, nous jouons effectivement un rôle important dans le mouvement qui se déroule aujourd'hui», admet Sobhi Saleh, ancien député et responsable du bureau politique des Frères musulmans à Alexandrie, qui précise : «Nous menons ce combat sans mettre en avant notre couleur politique, avec l'unique objectif de faire tomber le dictateur. »
Éviter la « diabolisation»
Face à l'irruption du mouvement islamiste au cœur de la révolte égyptienne, les chrétiens d'Alexandrie, orthodoxes comme catholiques, réagissent pour l'heure en ordre dispersé. Éprouvés par les tensions récurrentes entre communautés religieuses et traumatisés par l'attentat qui a fait 21 morts devant une église copte de la ville durant la nuit de la Saint-Sylvestre, certains choisissent de raser les murs, évitent les attroupements et hésitent à prendre la parole en public. «Si Moubarak tombe, les islamistes finiront fatalement par arriver au pouvoir et par imposer la loi islamique, croit ainsi savoir Ibrahim Faouzi. Or, ce jour-là, nous n'aurons plus le droit de porter notre croix en public.»Médecin à l'hôpital d'Alexandrie, Michel Émile refuse au contraire de s'inquiéter. «C'est vrai qu'il y a de plus en plus de Frères dans les manifestations, mais nous ne devons pas avoir peur d'eux, lâche ce quadragénaire au sourire placide. Le véritable ennemi des chrétiens d'Égypte, aujourd'hui, c'est Moubarak. Depuis près de trente ans, il refuse de construire des églises et nous tient à l'écart du pouvoir alors que nous représentons plus de 10 % de la population du pays. En fait, il utilise les Frères musulmans et al-Qaida comme des épouvantails qu'il agite dès que nous réclamons plus de droits pour notre communauté, en répétant qu'il est le meilleur rempart contre les extrémistes.»
Comme lui, certains chrétiens ont défilé mardi parmi les dizaines de milliers d'Égyptiens qui ont conspué le raïs au milieu des façades défraîchies de la vieille Alexandrie en clamant «Allaho akbar », appelant à l'« unité nationale » et mettant en garde contre toute « diabolisation» de leur révolte. « Nous ne sommes pas les ennemis de l'Occident », pouvait-on lire sur des tracts portés à bout de bras par les manifestants. « Chrétiens ou musulmans, nous sommes avant tout des Égyptiens qui se battent pour leur liberté», insiste Mandouh Reyad, un ingénieur, qui ajoute : «L'opposition entre les deux religions a été construite artificiellement par le régime afin de diviser la population. »
Atmosphère festive
Tout au long du cortège, des voix soulignent qu'aucun édifice chrétien n'a été attaqué depuis le retrait de la police, vendredi dernier. Le catholique Joseph Boulad, observateur averti du microcosme social et politique d'Alexandrie, refuse d'ailleurs toute dramatisation. «Autant on peut craindre que des élections libres permettent à terme aux Frères musulmans de prendre le pouvoir, autant il me semble que l'actuel mouvement de révolte ne fait courir aucun risque aux chrétiens. Les jeunes et les militants des autres partis d'opposition font d'ailleurs très attentions à ce que leur révolte ne soit récupérée par personne.»Dans une atmosphère festive et surchauffée, le cortège d'Alexandrie bruissait mardi après-midi de mille et une rumeurs évoquant pêle-mêle la démission de Hosni Moubarak ou la présence d'un million de manifestants au Caire. En marge du défilé, le député fondamentaliste Sobhi Saleh jurait pour sa part vouloir « partager le pouvoir avec les autres partis, sans aucune volonté d'hégémonie ».
Plus de 100 blessés dans des affrontements place Tahrir
Plus d'une centaine de personnes seraient blessées. Des policiers en civil seraient également entrés en force sur la place Tahrir où les affrontements se poursuivent.
De violents heurts entre pro et anti Hosni Moubarak ont fait des dizaines de blessés mercredi au Caire, alors que l'opposition a maintenu un appel à une mobilisation massive vendredi pour exiger le départ immédiat du président.L'armée est intervenue avec des tirs de semonce pour tenter de mettre fin à de violents accrochages entre manifestants pro et anti Moubarak qui ont éclaté quelques heures auparavant place Tahrir dans le centre du Caire.
Les manifestants ont salué cette intervention par une explosion de joie, certains montant sur les chars au côté des militaires, qui ne s'étaient jusque-là pas interposé entre les deux camps. "Armée et peuple main dans la main", scandaient des manifestants.
Dans un premier temps, l'armée présente sur place n'est pas intervenue. Les manifestants se battaient à coups de bâtons et de jets de pierres autour des chars de l'armée gardant les entrées de la place. Ils en étaient venus aux mains après une matinée très tendue.
Les militaires ne se sont pas interposés. Certains, debout sur leur char, ont appelé au calme, d'autres ont surtout cherché à s'abriter. Mais quand la bataille s'est déplacée près du Musée égyptien tout proche, des soldats ont formé une chaîne pour protéger l'établissement.
Pour éviter ces affrontements, les forces armées avaient appelé les opposants à rentrer chez eux, ce mercredi."Vous êtes descendus dans la rue pour faire entendre vos exigences et vous seuls êtes en mesure de permettre le retour à la vie normale", avait déclaré à la télévision un porte-parole de l'armée.
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a jugé "inacceptables toutes attaques contre des manifestants pacifiques" en Egypte, lors d'une visite officielle à Londres.
Hosni Moubarak, au pouvoir depuis près de 30 ans, a annoncé mardi soir qu'il ne briguerait pas de nouveau mandat en septembre et s'est engagé à préparer une transition pacifique. Mais cette annonce n'a pas apaisé ses opposants.
Le Caire rejette les appels à une transition immédiate
Jordanie et Yémen, les autres poudrières
Alors que la "marche du million" a été un succès en Egypte, la situation s'est tendue en Jordanie ainsi qu'au Yémen. A Amman, le roi Abdallah II a limogé mardi son Premier ministre pour tenter de calmer la rue, tandis qu'à Sanaa, le pouvoir craint la nouvelle "Journée de la colère", prévue jeudi.
L'enjeu palestinien en Jordanie
Le pouvoir yéménite tente le tout pour le tout
EN DIRECT. Egypte : heurts au Caire, des centaines de blessés
Au lendemain de la mobilisation géante qui a rassemblé plus d'un million de personnes, mardi en Egypte, et alors que le président Hosni Moubarak a annoncé qu'il ne quittera pas le pouvoir avant l'élection présidentielle de septembre, des milliers d'anti-Moubarak continuent d'occuper la place Tahrir (Libération).
16h25. Deux journalistes suédois du quotidien «Aftonbladet» ont été pris à partie par la foule au cours d'un reportage dans un quartier pauvre du Caire. Alors qu'ils demandaient à deux femmes fouillant des poubelles s'ils pouvaient les filmer, un attroupement s'est formé. Certains les ont accusés d'être des agents du Mossad (services secrets israéliens). Un soldat les a tirés de là mais les a menacés avant de les laisser s'en aller.
16h20. Les Etats-Unis s'inquiètent «des arrestations et des attaques» contre les médias couvrant la crise égyptienne, déclare le porte-parole de la diplomatie américaine.
16h10. L'opposant Mohamed ElBaradei demande à l'armée d'intervenir, selon Al Jazeera.
16h05. Pour l'ONU, les attaques contre des manifestants pacifistes sont «inacceptables». Son secrétaire général, Ban Ki-moon, a appelé à une «transition dans l'ordre et le calme» en Egypte, ajoutant que «les Nations-Unies sont prêtes à fournir leur aide» au Caire.
15h55. Les manifestants anti-Moubarak saluent les tirs de semonce de l'armée par une explosion de joie, certains montant sur les chars au côté des militaires, qui ne s'étaient jusque-là pas interposé entre les deux camps.
15h50. Le quotidien belge «Le Soir» annonce qu'un de ses journalistes a été interpellé ou enlevé au Caire. Après avoir été «molesté», «tabassé» ce mercredi alors qu'il couvrait la manifestation pro-Moubarak au Caire, le journaliste qui a brièvement joint par téléphone sa rédaction a indiqué qu'il a été emmené auprès d'un poste militaire, où il s'est entendu accuser d'espionnage, puis annoncer qu'il allait être transféré vers des services de sécurité.
15h40. L'armée est intervenue avec des tirs de semonce pour tenter de mettre fin à de violents heurts, selon l'AFP.
15h20. Des dizaines de personnes ont été blessées dans les heurts. Les opposants à Hosni Moubarak contrôlent désormais la place Tahrir. La bataille s'est déplacée près du Musée égyptien, non loin de là.
15h20. L'Egypte refuse les appels à une transition immédiate du pouvoir, a indiqué mercredi le porte-parole du ministère égyptien des Affaires étrangères, Hossam Zaki, après des appels répétés en ce sens au sein de la communauté internationale, notamment des Etats-Unis et de l'Union européenne.
15h10. Selon les images diffusées en direct du Caire par Al Jazeera, manifestants et contre manifestants s'affrontent à coups de projectiles. L'armée essaie de séparer les deux camps.
15 heures. Des coups de feu sont entendus place Tahrir, selon Al Jazeera. Le ministère de l'Intérieur nie la présence de policiers en civil parmi les manifestants, alors que les anti-Moubarak accusent le gouvernement d'avoir envoyé des groupes de casseurs.
14h55. «On est tous égyptiens ! On est tous egyptiens», lancent certains soldats aux protagonistes. Sur place, on dénombre déjà plus d'une cinquantaines de blessés, principalement à la tête. On assiste à des batailles entre groupes de pro et d'anti-Moubarak, à coups de pierres et de bâtons, des gens se font lynchés lorsqu'ils tombent au sol.
Vidéo. Les partisans de Moubarak attaquent les opposants sur la place Tahrir
14h52. Un photographe français a été blessé à la tête et a été évacué.
14h45. Les Frères musulmans refusent que Moubarak reste à la tête de l'Etat jusqu'à la fin de son mandat en septembre, selon un communiqué.
14h25. La chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a appelé mercredi le président égyptien Hosni Moubarak à agir «le plus vite possible» pour réaliser la «transition» politique demandée par les manifestants.
14h12. Des pro-Moubarak qui chargeaient les manifestants à dos de cheval et de chameau sont désarçonnés et battus par la foule, peut-on voir en direct sur Al Jazeera. Au moins six personnes ont ainsi été frappées à coups de bâtons et traînées au sol alors que leur visage était en sang, selon l'AFP.
Vidéo. Les pro-Moubarak chargent la foule à cheval ou à dos de chameau
14 heures. Des hommes à dos de cheval ou de chameaux remontent la place, chargeant la foule. Il semble qu'il s'agisse de manifestants pro-Moubarak
13h50. La confusion la plus totale règne sur la place Tahrir. On assiste à des mouvements de foule dans toutes les directions.
13h45. Selon l'AFP, les heurts entre manifestants auraient fait des blessés.
13h40. Sur les images diffusées en direct on aperçoit des colonnes de fumée, sans pouvoir distinguer s'il s'agit de gaz lacrymogène ou de début d'incendie. L'armée est très discrète.
13h30. Selon des images diffusées par la télévision AL-Jazeera, de violents accrochages se produisent entre les deux clans sur la place.
13h25. Armés de bâtons, les pro-Moubarak repoussent avec violence les anti-régime et sont entrés en force place Tahrir qu'ils tentent d'occuper. Il s'agirait, selon les manifestants, de policiers en civil.
13h16. «Ils n'y a pas que les gens qui sont sur la place Tahrir qui ont raison ! Il ne faut pas que Moubarak s'en aille, il a fait de bonnes choses pour le pays», lancent les pro-Moubarak, virulents avec les journalistes, rapporte l'envoyée spéciale du «Parisien» qui a assisté à de brèves échauffourées.
13h09. Les pro et les anti-Moubarak se font face. La situation est explosive, les supporteurs du présidents sont très énervés. «Un homme vient de détruire ma caméra alors que je filmais la manifestation pro-Moubarak», indique sur Twitter la journaliste égyptienne Nadia El-Awady, présente place Tahrir.
12h57. «L'ère Moubarak dans la politique égyptienne est révolue», a estimé le chef de la diplomatie suédoise, Carl Bildt, appelant à la tenue d'«élections libres et équitables».
12h51. Nombreux et très énervés, des supporteurs d'Hosni Moubarak, 20 000 selon le correspondant de Sky News, parviennent à atteindre la place Tahrir en lançant des slogans pro-régime, rapporte l'envoyée spéciale du Parisien. L'ambiance «est très tendue».
12h37. «Pas de dialogue avec Moubarak et ses supporteurs», peut-on lire sur une banderole place Tahrir alors que certains évoquent maintenant des milliers de pro-régime en route pour la place.
12h15. L'appel à manifester contre Moubarak vendredi est maintenu malgré la demande faite par l'armée aux manifestants de rentrer chez eux. L'opposition refuse toute négociation avec le pouvoir.
12h04. Al Jazeera rapporte des heurts entre pro et anti-Moubarak à proximité de la place Tahrir vers laquelle des milliers de personnes convergent à nouveau. L'armée fait tampon entre les protagonistes.
11h47. Les candidates à l'élection de Miss Allemagne écourtent leur stage de préparation à Hurghada, en bord de Mer Rouge, selon Ines Klemmer une responsable du concours. «Nous avons reçu de nombreux coups de fils» des familles qui «voient les images du Caire et sont inquiètes, et c'est pourquoi nous rentrons par avion demain (jeudi) au lieu de samedi», a-t-elle dit à l'AFP.
11h35. Le Parlement a suspendu ses séances jusqu'à la révision des résultats des dernières élections législatives des 28 novembre et 5 décembre, entachées d'accusations de fraude et de violences, a rapporté mercredi l'agence de presse officielle Mena. «Le président de l'Assemblée Fathi Sorour a chargé le secrétaire général du Parlement, Sami Mahrane, de contacter la haute commission électorale pour obtenir les noms des députés visés par des décisions de justice», selon Mena, alors que la justice avait prononcé l'annulation des résultats des élections dans de nombreuses circonscriptions.
11h25. Le couvre-feu est allégé au Caire ainsi qu'à Alexandrie (nord) et à Suez (est), a annoncé la télévision d'Etat.
Il commencera à 17 heures locales (16 heures à Paris) au lieu de 15 heures et se terminera à 7 heures (6 heures à Paris) contre 8 heures. Il avait été décrété jusqu'à nouvel ordre vendredi dernier.
11h14. L'annonce du président Moubarak, «de ne pas se présenter aux prochaines élections, a représenté un pas en avant», selon la ministre espagnole des Affaires étrangères Trinidad Jimenez qui souhaite que l'Egypte engage de «vraies réformes, avec des changements en profondeur».
11h08. Selon des journalistes de l'AFP, l'accès à Internet serait rétabli, au moins partiellement, après plus de cinq jours de coupure.
11h06. Selon Al Jazeera, des pro-Moubarak et des anti se font face à proximité de la place Tahrir.
10h57. La chaîne Al Jazeera qui déplore un brouillage de sa diffusion dans tout le monde arabe, estime que «certains pouvoirs ne veulent pas que nos images appelant à la démocratie et aux réformes soient accessibles au public».
10h48. L'armée appelle les manifestants à rentrer chez eux pour permettre le retour de la sécurité et de la stabilité dans un communiqué lu à la télévision d'Etat.
10h16. Nicolas Sarkozy souhaite que la transition s'engage «sans tarder» et «sans violence», indique l'Elysée.
10h12. Certains manifestants pro-régime veulent marcher sur la place Tahrir toujours occupée par plusieurs milliers d'anti-Moubarak. «Les gens bien ont quitté la place après le discours de M. Moubarak hier. Ceux qui restent sont des traîtres», affirme Gamal Ibrahim, un journaliste qui participe au rassemblement pro-Moubarak.
10h08. Le chef de la diplomatie allemande Guido Westerwelle s'est félicité mercredi que Hosni Moubarak «veuille ouvrir la voie à un renouveau politique», au lendemain d'un discours du président égyptien.
9h50. Des pro-Moubarak, environ 500, se sont rassemblés dans le centre du Caire. «Oui à Moubarak, pour protéger la stabilité,» peut-on lire sur une des banderoles déployées par le groupe aux abords de l'immeuble de la télévision nationale, à un kilomètre environ de la place Tahrir.
9h25. «Ecoutez les cris du peuple et leurs revendications très humanistes (...) Il vous faut satisfaire sans hésitations la volonté de changement provenant du peuple». Pour le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, l'annonce du président Hosni Moubarak de rester au pouvoir jusqu'à la présidentielle de septembre est insuffisante.
7h00. Fidel Castro juge que «le sort» d'Hosni Moubarak «en est jeté» et que le soutien traditionnel des Etats-Unis à son régime n'y pourra rien.
6h45. Barack Obama appelle Hosni Moubarak à engager une transition «immédiate».
Heurts entre partisans de Moubarak et manifestants sur la place Tahrir
Des heurts ont éclaté, mercredi après-midi, entre partisans du président Hosni Moubarak et manifestants qui réclament son départ, sur la place Tahrir au Caire. Plusieurs dizaines de milliers de partisans du président ont marché sur la place où des milliers de manifestants anti-Moubarak avaient passé une nouvelle nuit pour réclamer le départ du président.
Dans la matinée, environ 1 500 personnes se trouvaient dans la matinée sur l'immense place, devenue le point de ralliement du mouvement de contestation depuis le 25 janvier. "Le peuple exige la chute du régime", lisait-on sur une banderole de 20 mètres de long. Dans le même temps, des milliers de partisans du président égyptien se sont rassemblés dans le centre du Caire pour clamer leur allégeance à Hosni Moubarak. "Oui à Moubarak, pour protéger la stabilité", peut-on lire sur une des banderoles déployées par le groupe aux abords de l'immeuble de la télévision nationale, à un kilomètre environ de la place Tahrir. Sur d'autres banderoles, on peut lire "Oui au président de la paix et de la stabilité" ou "Ceux qui aiment l'Egypte ne la font pas couler".
La veille, certains manifestants pro-Moubarak ont exprimé l'intention de marcher sur la place Tahrir, où plusieurs milliers de personnes étaient toujours rassemblées mercredi matin pour réclamer un départ sans délai du président. A Alexandrie, Selon des témoins, un groupe de partisans de M. Moubarak, armés de couteaux et de bâtons, ont attaqué des manifestants en chantant "On t'aime Hosni". Mais l'armée est intervenue et a dispersé les agresseurs.
Le mouvement de contestation a pour sa part maintenu son appel à des manifestations massives vendredi malgré l'annonce du président la veille qu'il ne se représenterait pas à la présidentielle en septembre et un appel de l'armée aux manifestants de rentrer chez eux.
Moubarak partira en septembre
"Je mourrai sur ce sol"
Le monde arabe en ébullition
Les manifestants se battent à coups de bâtons et de jets de pierres autour des chars de l'armée gardant les entrées de la place Tahrir au Caire, sans que les militaires ne s'interposent. Ils en étaient venus aux mains après une matinée très tendue. Plusieurs personnes ont été blessées, selon un journaliste de l'AFP sur place. Un correspondant de l'agence Reuters a vu au moins quatre blessés. L'armée n'est apparemment pas intervnue. Des images diffusées en direct par la télévision montraient des manifestants jetant des pierres. Certains brandissaient des bâtons.
Deux membres du gouvernement de transition de Tunisie, Mehdi Houas et Elyès Jouini, sont des Franco-tunisiens, membres du très sélect Club XXIe siècle regroupant l'élite française d'origine étrangère, a indiqué mercredi l'association. "Le Club XXIe siècle a le plaisir d’annoncer la nomination de deux de ses membres au gouvernement provisoire tunisien" de Mohammed Ghannouchi, s'est réjoui le groupe. Membre du Haut Conseil de la Science et de la Technologie, vice-président de l’université de Paris Dauphine, membre de l’Institut Universitaire de France et titulaire d'un doctorat en mathématiques appliquées de l'université de Paris I, M. Jouini a été nommé ministre chargé des réformes économiques et sociales.
La chaîne Al Arabia a fait état mercredi d'échauffourées entre des manifestants pro-Moubarak et des manifestants anti-Moubarak sur la place Tahrir dans le centre du Caire. Un correspondant de l'agence Reuters avait rapporté un peu plus tôt avoir vu plusieurs centaines de manifestants favorables au président égyptien, Hosni Moubarak, pénétrer sur cette place devenue depuis neuf jours le point de ralliement de la contestation. Selon trois mouvements de la coalition anti-Moubarak, des policiers en civil sont entrés en force sur la place.
L'opposition yéménite s'est déclarée déterminée à manifester comme prévu jeudi, malgré l'annonce par le président Ali Abdallah Saleh qu'il renonçait à briguer un nouveau mandat. "La manifestation de jeudi aura lieu comme prévu par l'opposition", a déclaré à l'AFP Mohamed Kahtan, un responsable du puissant parti islamiste al-Islah.Un autre responsable du Forum commun, une coalition des partis d'opposition, Mohamed al-Sabri, a également estimé que "l'appel du président Saleh à geler les manifestations est inacceptable" et assuré que l'opposition maintenait son appel à manifester jeudi.
La presse de Tunis apporte un franc soutien aux autorités dans ses éditoriaux, alors que le gouvernement tunisien rétabli la sécurité en donnant un grand coup de balai dans les hautes sphères de la police: Une trentaine de hauts gradés débarqués, un militaire nommé à la direction de la sûreté nationale, de nouveaux directeurs placés à la tête de la police dans sept régions clés et l'ancien ministre de l'Intérieur de Ben Ali, en résidence surveillée depuis le 13 janvier, placé en garde à vue. "Le retour du policier, ce soldat de la démocratie, dans la rue après une éclipse qui a jeté le pays dans l'inquiétude et le désarroi, redonne confiance aux Tunisiens", a écrit l'éditorialiste du Quotidien.
L'appel à une manifestation massive vendredi est maintenue, a assuré un dirigeant du mouvement de contestation.
Le Parlement a suspendu ses séances jusqu'à ce que les résultats des dernières élections législatives, accusées de fraudes, soient révisées, a rapporté l'agence de presse officielle Mena. Une révision qui a été demandée par Moubarak.
La ministre espagnole des Affaires étrangères, Trinidad Jimenez, a appelé l'Egypte à engager maintenant de "vraies réformes, avec des changements en profondeur", qualifiant l’allocution de Moubarak d’un premier "pas en avant".
La télévision d’Etat a annoncé que le couvre-feu sera allégé au Caire ainsi qu'à Alexandrie et à Suez.
Le Premier ministre désigné Maarouf Bakhit doit rencontrer jeudi l'opposition au lendemain de sa nomination, critiquée par le Front de l'Action Islamique (FAI), intervenue après plusieurs manifestations demandant des réformes, a indiqué à l'AFP un de ses proches. M. Bakhit a entamé par ailleurs mercredi des consultations en vue de la formation de son gouvernement dont la composition "devrait être annoncée samedi ou dimanche si les consultations avancent bien", selon ce proche s'exprimant sous couvert d'anonymat. Le Premier ministre désigné rencontrera "mercredi et jeudi les dirigeants de tous les partis politiques" notamment islamiques et de gauche "ainsi que les syndicats professionnels", a ajouté cette source. "M. Bakhit s'est réuni mercredi avec les présidents du Sénat Taher Masri, de la Chambre des députés Faisal Fayez ainsi que les chefs des blocs parlementaires et des comités parlementaires dans le cadre du dialogue sur les réformes politiques", a-t-on précisé de même source.
Costa Croisières, leader européen du secteur, annule toutes ses escales égyptiennes et tunisiennes, en raison des troubles dans les deux pays, selon un communiqué publié à Paris. L'itinéraire comprend encore la Jordanie, où la situation semble moins préoccupante pour la compagnie italienne..
10h20: EGYPTE: Sarkozy appuie les aspirations du peuple
Le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle, s’est félicité que le président veuille "ouvrir la voie à un renouveau politique". "Il va falloir maintenant voir quel rôle il veut et il peut jouer lui-même", a-t-il ajouté précisant que cette question "doit être l'objet d'un dialogue entre toutes les parties et toutes les forces politiques. Sur ce point, nous nous serrons les coudes pas seulement en Europe, mais aussi avec les Etats-Unis. C'est une affaire intérieure égyptienne, de savoir qui dirige l'Egypte".
A un kilomètre de la place Tahrir, quelque 500 partisans du président égyptien se sont rassemblés pour clamer leur allégeance à Hosni Moubarak."Oui à Moubarak, pour protéger la stabilité" et "ceux qui aiment l'Egypte ne la font pas couler", est inscrits sur les banderoles.
Le chef de l'Etat yéménite Ali Abdoullah Saleh, au pouvoir depuis plus de 30 ans et confronté lui aussi à des manifestations hostiles, a annoncé mercredi qu'il ne chercherait pas à briguer un nouveau mandat, l'actuel expirant en 2013. De même, il s'est engagé à ne pas transmettre les rênes du pouvoir à son fils.A l'image de la révolution tunisienne et de la contestation en cours en Egypte, des milliers de Yéménites sont descendus ces derniers jours dans les rues de Sanaa pour demander le départ du président Saleh.
Plusieurs milliers de manifestants ont passé la nuit dans le centre du Caire et le mouvement bien que calmé n'a pas cessé.
Barack Obama s'est entretenu au téléphone mardi pendant 30 minutes avec son homologue Hosni Moubarak, a indiqué un responsable américain, après l'annonce par le président égyptien qu'il resterait au pouvoir jusqu'en septembre malgré la contestation de la rue. Le responsable a indiqué que le président américain avait discuté avec son homologue égyptien après une réunion à la Maison Blanche entre le président américain et les hauts responsables de son équipe de sécurité nationale pour évoquer la situation en Egypte.
Égypte: Cameron appelle à la transition
ÉGYPTE - L'appel de l'armée aux Égyptiens
Les forces égyptiennes réclament la fin des manifestations. Elles estiment que le message du peuple a été entendu.
Les forces armées égyptiennes ont demandé, mercredi, aux manifestants de mettre fin à leurs actions, affirmant que leur message avait été entendu et qu'il fallait désormais penser à l'avenir du pays et faciliter le retour au calme."Les forces armées vous lancent un appel (...). Vous êtes descendus dans la rue pour faire entendre vos exigences et vous seuls êtes en mesure de permettre le retour à la vie normale", a déclaré à la télévision un porte-parole de l'armée, ajoutant que les demandes des manifestants avaient été entendues.
Revendications légitimes
Mardi soir, le président Hosni Moubarak, contesté par la rue depuis une huitaine de jours, a annoncé à la télévision qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat lors de la présidentielle prévue en septembre, mais qu'il entendait rester en fonction jusqu'à cette échéance.
L'armée a d'ores et déjà jugé "légitimes" les revendications de la population et fait savoir qu'elle ne tirerait pas sur la foule. Mardi, elle n'est pas intervenue et a laissé plus d'un million de personnes descendre dans les rues des villes d'Égypte.
La fracture magyare
De son bureau au design moderne, situé dans un des bâtiments de l’Université Corvinus de Budapest, il a une vue imprenable sur le Danube. Si, en tant qu’universitaire, il se défend de tout parti pris, il est pourtant considéré comme une des figures intellectuelles majeures de la Fidesz [le parti libéral-conservateur du Premier ministre Viktor Orbán]. Au cours de l’entretien, son téléphone sonne à trois reprises.
A chaque fois, il s’agit de demandes d’interviews de télévisions étrangères. "C’est à cause de tout ce tapage autour de la loi sur les médias", dit-il en s’excusant. Mais les critiques de Bruxelles et l’émotion suscitée dans l’Europe entière le laissent de marbre."C’est tout simplement que l’Ouest ne fait pas confiance aux nouveaux membres de l’UE. C’était la même chose avec la Slovénie et la République tchèque quand elles ont assuré la présidence de l’UE. Elles ont immédiatement été sous le feu des critiques", affirme Lánczi.
Des rancunes qui traversent toute la scène politique hongroise
Mais alors, comment explique-t-il que les peurs et les critiques les plus dures viennent également de personnalités hongroises de premier plan ? A cette question, Lánczi, cinquantenaire affable au visage poupin, hausse brusquement la voix : "Qui sont ces critiques ? Paul Lendvai, qui de Vienne dénonçait des gens aux communistes hongrois ? György Konrád, qui se présente comme un ancien dissident, mais qui pouvait voyager librement dans les années 80 ? Miklós Haraszti, qui simplement déteste Orbán ? Orbán, qui comme l’attestent clairement les documents d’archives, a été persécuté par le régime communiste !".Il en est ainsi des autres entretiens. Ils révèlent que la rancune personnelle envers les adversaires politiques, qu’ils soient de droite ou de gauche, traverse toute la scène politique hongroise.
Pour lui, les ferments de la victoire écrasante d’Orbán se trouvent dans l’histoire de la Hongrie, la plus lointaine comme la plus récente. Au cours des 80 dernières années, les Hongrois ont connu une série de défaites – les deux guerres mondiales tout d’abord, puis 1956 [l’insurrection de Budapest]. Le fameux "socialisme du goulash" de János Kádár a plongé ensuite le pays dans un endettement, dont l’Etat peine encore à se sortir. "Les gens souhaitent enfin se libérer de ce piège, fait valoir Lánczi. Orbán leur donne l’espoir d’apporter de l’ordre, de la justice et un Etat fort". Voilà pourquoi le nouveau gouvernement a refusé le prêt du FMI et a décidé de soumettre les banques et les entreprises – en particulier étrangères – à un régime de taxation élevée.
Un autre quartier de Budapest, une autre université. L’Université d’Europe Centrale. Chose remarquable, János Kis, le célèbre dissident et intellectuel influent des "cercles libéraux", donne parfois raison à Lánczi, son adversaire idéologique. Il estime que "la situation actuelle s’explique avant tout par des raisons d’ordre politique, et non sociologique ou historique". La principale raison tient à la faiblesse et à la corruption de la gauche [au pouvoir de 2002 à 2010]. C’est cela qui a causé son "effondrement moral".
Orbán est devenu la figure majeure de la vie politique hongroise. Avec lui à sa tête, la droite sent qu’elle a une chance historique de transformer l’Etat en profondeur. Mais "si ses mesures fiscales imposées aux banques étaient populaires, il n’en va pas de même de la nationalisation des fonds de pension et de son offensive contre la Cour constitutionnelle. Et lorsqu’il s’avérera que son modèle économique ne fonctionne pas, Orbán devra faire face à de sérieuses difficultés".
Une guerre médiatique qui dure depuis 20 ans
Avec ses restaurants qui semblent assoupis et ses rues à moitié vides, Budapest peut donner l’image d’une bourgade de province. La vie virtuelle, celle des médias, apparaît d’autant plus frénétique, brutale et haineuse. Les médias de droite et ceux d’orientation libérale sont séparés par un mur infranchissable. Les journalistes ne se parlent pas entre eux et ne lisent pas les journaux de leurs confrères."Cette guerre médiatique dure depuis 20 ans", indique Péter Csermely, le rédacteur en chef de Magyar Nemzet, le plus grand quotidien hongrois de droite. Il raconte comment, sans raisons, les médias de tendance libérale, en Hongrie et à l’étranger, traitent la droite et le gouvernement, de fascistes et d’antisémites. "Mais en octobre 2006, lorsque les policiers ont matraqué et torturé les manifestants au cours de ce mémorable rassemblement organisé contre l’ancien gouvernement, ces médias-là se sont tus [lors du 5Oe anniversaire de l'insurrection de 1956, la police a chargé les participants à un rassemblement d'extrême droite mais aussi des manifestants pacifiques]. Après tout cela, vous vous étonnez encore que la nouvelle loi sur les médias exige une couverture équilibrée ?"
Mais n’est-il pas surprenant, tout de même, que le journal de Péter Csermely défende cette loi, dans la mesure où elle confère au nouveau Conseil des médias (dont les 5 membres ont été désignés par la Fidesz) le pouvoir discrétionnaire d’infliger des amendes financières et instaure, entre autres mesures, une obligation d’enregistrement des médias soumis à son approbation ? Les médias ne devraient-il pas, quelle que soit leur étiquette idéologique, défendre, dans un intérêt commun, une liberté d’expression la plus étendue possible ? Csermely considère ainsi les choses : "C’est peut-être une loi sévère, mais c’est un parlement issu d’élections libres qui l’a adoptée".
Une politique fondée sur la haine
Comme un symbole, le siège de la rédaction du plus grand quotidien de gauche, Népszabadság, se situe très loin de là, de l’autre côté du Danube. Une équipe de télévision autrichienne vient de sortir du bureau de Károly T. Vörös, le rédacteur en chef du journal. Tandis qu’il fait entrer de nouveaux visiteurs, il conclut rapidement l’entretien dans un allemand courant : "Si la société est aujourd’hui divisée, c’est le résultat de la politique d’Orbán qui est fondée sur la haine". "Mais entre nous, ajoute Vörös, les Hongrois forment une nation assez particulière". "Ils ont le sentiment de vivre depuis des siècles sous domination étrangère –turque, autrichienne puis russe – et aujourd’hui, même 20 ans après [1989], ils n’ont pas encore compris qu’ils étaient libres. Et puis, ils n’aiment pas le capitalisme. A l’heure actuelle, quoique pour des raisons différentes, les quatre partis représentés au Parlement se disent anticapitalistes".Début janvier, Népszabadság a fait sa une avec une page blanche sur laquelle il n’était écrit qu’une seule phrase en hongrois, répétée dans toutes les langues officielles européennes : "La liberté de la presse en Hongrie touche à sa fin". Le journal entend saisir prochainement la Cour constitutionnelle. Il pense pouvoir obtenir gain de cause. Mais Vörös ne s'attend à aucun soutien de la part des rédacteurs en chef des médias de droite.
Vu de Varsovie
Orbán n'est pas Loukachenko
M. Orbán, lui, a fait un choix. Il a agit en véritable homme politique. Lorsque les coffres de l’Etat se sont révélés vides, il s’est mis en quête d’argent. Et il en a trouvé. Le travail d’un homme politique, après tout, est de faire des choix et d’agir avec fermeté. Et si nous blâmons aujourd’hui les gouvernements grecs, espagnols ou portugais, c’est précisément pour cette raison : c’est à dire qu’au lieu de faire des réformes audacieuses, ces pays se sont allègrement engagés dans des comptabilités fantaisistes. Et aujourd’hui, toute l’Europe rassemble de l’argent pour leur venir en aide – et cela est censé être en phase avec la philosophie du libéralisme.
J’ai personnellement entendu le chef de la Commission européenne, José Manuel Barroso, dire à Budapest que l’UE devait sérieusement envisager la mise en place d’une taxe bancaire pour lutter contre la crise. M.Orbán est lui déjà en train de combattre la crise, avec audace, mais ses réformes, plutôt que d’être louées, lui ont valu le label d’enfant terrible de la politique en Europe. Toute personne qui aujourd'hui compare M.Orbán à Vladimir Poutine ou Alexandre Loukachenko qui, pour l’un a envoyé des policiers anti-émeutes réprimer des manifestations pacifistes et, pour l’autre, a fait emprisonner ses opposants politiques, démontre son ignorance crasse, son incapacité à avoir une pensée indépendante ou des motivations simplement malveillantes. Igor Janke, Rzeczpospolita, (extraits).
Mieux vaut le Luxembourg que la France
Devenir Luxembourgeois est à la mode en Belgique, écrit Le Soir . "Depuis la fin 2010, des centaines de Belges du sud du pays ont entamé des démarches pour obtenir la nationalité luxembourgeoise". Car avec la réforme du code de nationalité du Grand-Duché promulguée en 2009 toute personne qui est en mesure de prouver une ascendance luxembourgeoise au 1er janvier 1900 peut demander et obtenir la citoyenneté du pays. Et "Vu la morosité de la politique belge actuelle, des centaines de nos concitoyens se verraient volontiers porteurs d'un second passeport…", poursuit le quotidien belge qui rapporte que les administrations du sud de la Belgique, en particulier celles d'Arlon, sont assaillies de demandes d'extraits d'actes de naissances.
Le Figaro s'est pour sa part rendu à Arlon pour interroger un officier d'état civil. La réforme luxembourgeoise serait passue inaperçue jusqu’à ce que la presse locale s’empare du sujet. Depuis, les demandes fusent. Trois types de raisons sont avancées par les postulants à la double nationalité : "économiques, pour pouvoir postuler à la fonction publique du 'petit Monaco' voisin (les citoyens belges qui obtiennent la double nationalité ne sont cependant pas exemptés de payer leurs impôts en Belgique). Sentimentales ensuite : ici "les autochtones continuent à parler le luxembourgeois', qui n'est pourtant pas l'une des trois langues officielles de la Belgique." Enfin, note la journaliste du Figaro "la grave crise politique qui paralyse le pays, incapable de former un gouvernement depuis sept mois, joue aussi un rôle". Et de citer l'officier de l'état civil : "en cas de cataclysme [c'est à dire de scission de la Belgique], les gens préféreraient aller avec le Luxembourg qu'avec la France".
L’Europe centrale touchée par la crise égyptienne
"Chaos en Egypte : les marchés en baisse, le pétrole en hausse", constate Hospodářské noviny. Le quotidien pragois explique que les Bourses d'Europe centrale et orientale sont touchées par la crise égyptienne. Car certains investisseurs internationaux les considèrent comme des marchés encore en développement et donc plus fragiles. Conséquence : "La couronne tchèque et le forint hongrois sont déjà affaiblis." Les investisseurs paniquent car un chaos en Egypte pourrait provoquer la fermeture du Canal de Suez, par lequel transite 2,6 % de la production mondiale du pétrole. Cela peut paraître peu, note Hospodářské noviny, mais le canal reste une artère très importante pour l’Europe. A 100 dollars le baril, le prix du pétrole est à son maximum depuis deux ans. Une hausse mondiale du prix des produits alimentaires et du textile est également attendue, car l'Egypte est le principal importateur mondial de blé et l’un des principaux exportateurs de coton.
Les grandes marques font flamber leur budget de communication
Deux ans après le début de la crise, l’industrie du luxe a déjà retrouvé des dépenses publicitaires record. Même si, air du temps oblige, les campagnes sont devenues moins bling bling.
Pour ce tournage de cinq jours, au printemps dernier à New York, la marque n’a pas lésiné : selon nos informations, elle a confié au réalisateur des «Affranchis» un budget de 4 millions de dollars, l’a laissé employer son équipe habituelle et lui a versé un cachet de 1,5 million de dollars. Chez Chanel, on se dit «ravis d’avoir travaillé avec le grand maître du cinéma américain et de lui avoir laissé carte blanche»…
Argent fou : le retour. On pensait que la crise avait remis les compteurs à zéro et bridé les délires du luxe. Mais, après dix huit mois de baisse, le marché s’emballe de nouveau. Ainsi, le secteur a investi 1,4 milliard de dollars en achat d’espaces au premier semestre 2010 dans le monde, selon ZenithOptimedia.
C’est plus que le niveau record atteint juste avant le krach ! Les budgets consacrés aux seuls parfums ont, eux, carrément enflé de 16% en deux ans. «Un phénomène vraiment spectaculaire, note l’un des auteurs de l’étude. Car le marché publicitaire hors luxe reste, lui, encore loin de ses performances du début 2008.»
Ces dizaines de millions génèrent plus de cash que jamais. La preuve ? Bleu, lancé mi-août, a d’emblée fait un carton : il approche déjà 10% de part de marché dans plusieurs pays européens. Pas étonnant, car le spot a été matraqué sur toutes les chaînes du monde pour faire une place au nouveau jus face à ses concurrents. Le coût total du lancement, évalué par un ¬expert à plusieurs dizaines de millions d’euros, est classé top secret par la maison française.
Cette discrétion est en soi le signe que quelque chose a cependant changé. A l’époque de la campagne pour N° 5 de Chanel, un clip avec Nicole Kidman tourné par Baz Lurhmann, le réalisateur de «Moulin Rouge !», on avait vite su que le budget dépassait les 30 millions de dollars. Aujourd’hui, motus. Car, si le luxe envahit à nouveau les écrans télé et les magazines (80% des sommes investies), l’ambiance n’est plus à l’étalage.
«Le secteur a saisi que l’arrogance ne passait plus, note Jean-Michel Bertrand, spécialiste du luxe à l’Institut français de la mode. Le bling bling a été remisé au placard, du moins sur les marchés occidentaux et japonais.» Même chose pour le mauvais goût des pubs, qui a longtemps incarné tous les excès du secteur : la tendance «porno chic», créée par Dolce & Gabbana, puis imitée par toute la profession, a été remisée au placard.
Désormais, les marques se refont une crédibilité en invoquant patrimoine ou culture, et en racontant de véritables histoires. Les derniers spots remarquables sont de véritables petits films mis en scène par de grands noms du septième art : Martin Scorsese, on l’a vu, mais aussi David Lynch (la série «Lady Blue» pour Dior, avec Marion Cotillard), Guy Ritchie (avec Jude Law, pour Dior Homme) ou encore Jean-Pierre Jeunet, qui a mis en scène Audrey Tautou, sa comédienne d’«Amélie», pour Chanel N° 5.
Leurs versions longues (jusqu’à vingt minutes chez Dior) et leurs making of sont accessibles sur le Net, où ils attirent parfois jusqu’à 1 million de visiteurs. Objectif ? Créer du buzz en ligne – la plupart des marques disposent d’ailleurs de leur page Facebook, où leurs fans s’expriment – et, bien sûr, des reprises rédactionnelles dans la presse. «Dans les grandes maisons comme LVMH ou Hermès, on mesure au centimètre près les articles consacrés à la communication du luxe, raconte un professionnel. Il est clair que les achats d’espaces dans les magazines dépendent aussi de la couverture journalistique des campagnes et de leurs égéries.»
A ce petit jeu, les actrices et les chanteuses se révèlent bien plus rentables que les top models, omniprésentes il y a quelques années. Comme le montre le classement ci-contre, établi pour Capital par le cabinet LexisNexis, un casting de prestige suscite en effet une couverture médiatique hors pair. Si Kate Moss et Naomi Campbell défendent encore les couleurs des reines des podiums, les autres égéries du luxe sont désormais toutes recrutées dans le show-biz.
«Avoir une star dans la campagne peut booster les ventes de 15%», assure Frank Hocquemiller, patron de VIP-Consulting, un cabinet spécialisé dans le placement de personnalités. «Nous faisons de plus en plus souvent appel à des célébrités, raconte Francesco Trapani, P-DG du joaillier italien Bulgari, qui s’est offert le glamour de Julianne Moore. Cela fait gonfler les dépenses, mais elles rendent la marque très visible.»
De fait, comme le montre notre palmarès, Beyoncé (Armani) ou Kate Winslet (Lancôme) ne sont pas données… La chasse aux célébrités (dans le milieu, on estime que le nombre de contrats signés avec elles a doublé en dix ans) a fait s’envoler les prix, qui peuvent atteindre 3 à 5 millions d’euros par an pour ces stars hollywoodiennes.
L’actrice Scarlett Johansson ou l’inoxydable Sharon Stone prétendent au même tarif. Les petites françaises comme Marion Cotillard, Charlotte Gainsbourg ou Juliette Binoche sont un peu plus accessibles, mais exigent quand même 1 million de dollars. C’est aussi le maximum que peuvent espérer les top models, dont la cote s’est effondrée ces dernières années.
Cette inflation a de quoi faire réfléchir, surtout que ces demoiselles sont parfois imprévisibles. Uma Thurman a ainsi exigé de Lancôme des indemnités, sous prétexte que la marque aurait utilisé son image plus longtemps que ne l’indiquait son contrat. Charlize Theron, elle, a été remerciée par l’horloger Raymond Weil, car elle avait le mauvais goût de s’afficher avec une montre Dior au poignet. Et que dire de Kate Moss, le fantasque mannequin britannique photographié en pleine prise de cocaïne, ce qui lui a fait perdre plusieurs contrats… mais pas celui du maroquinier Longchamp, qui l’emploie depuis cinq ans.
Mais le vent est déjà en train de tourner. Pour décaler sa communication et se faire remarquer parmi cette avalanche d’actrices et de chanteuses, Louis Vuitton a ainsi choisi de mettre en scène des célébrités jamais vues auparavant dans l’univers du luxe. «Nous avons choisi des personnalités au parcours exceptionnel, des gens qui ont marqué l’histoire.
Et le résultat dépasse nos espérances les plus folles», se félicite Antoine Arnault, directeur de la communication de la marque, qui a supervisé cette véritable saga entamée en 2007 (lire ci dessus). Son budget ? Secret défense, bien sûr. Mais sans doute un très bon investissement. Car les images les plus mémorables de la série, signées de la prestigieuse photographe américaine Annie Leibovitz, qui a fait poser Mikhaïl Gorbatchev à Berlin, Keith Richards à New York et le trio Pelé-Maradona-Zidane à Madrid, ont déjà fait l’objet de plusieurs dizaines de milliers d’articles dans la presse mondiale.
Eric Wattez.
Les coulisses de la campagne Louis Vuitton
Gorbatchev, Zidane, Keith Richards : Antoine Arnault, fils du P-DG de LVMH et directeur de la communication de Louis Vuitton, les a convaincus de poser pour la star des photographes, Annie Leibovitz (comptez 75 000 euros la séance). Voici ses confidences sur cette campagne qui aurait déjà coûté plus de 30 millions d’euros.
La fermeté d’Annie Leibovitz
«Pour la première photo, avec le couple de stars du tennis Graf-Agassi, j’ai fait un commentaire sur leur pose et Annie a voulu me sortir du plateau ! J’ai menacé de tout arrêter. On a vite fait la paix, mais je n’interviens plus. A la fin, la photographe ne nous propose qu’un seul cliché, à prendre ou à laisser.»
Le recrutement de Mikhaïl Gorbatchev
«L’idée était de faire poser Gorbatchev et Clinton hilares sur un banc dans un vieil aéroport russe. Clinton a refusé, mais je me suis accroché pour Gorbi. J’ai rencontré le directeur de sa fondation, selon qui sa plus grande fierté était la chute du Mur. On lui a donc proposé une photo à Berlin.»
Le retard de Maradona
«Pelé et Zidane sont faciles à gérer, mais Maradona veut tout contrôler. Et puis, il était débordé par son job de sélec-tionneur de l’équipe d’Argentine. Le jour de la séance, on l’a attendu des heures. Mais il a fini par arriver, contrairement à la rumeur selon laquelle nous aurions dû incruster son image parce qu’il ne voulait pas poser aux côtés de Pelé.»
Le "non" de Neil Armstrong
«Pour la photo avec les astronautes, je voulais le premier homme sur la Lune. Mais il refusait, jus¬qu’à ce que, de passage à Paris, il me fasse venir au George-V. J’ai cru que c’était dans la poche… mais c’était pour dire qu’il ne voulait plus enten¬dre parler de nous ! Pas grave, nous avons eu son coéquipier, Buzz Aldrin.»
Les cachets des célébrités
«Top secret. La plupart ont reversé l’argent à Climate Project, la fondation d’Al Gore. Keith Richards, lui, voulait un étui à guitare Vuitton sur mesure.»
Les prochains sur la liste
«Bill Gates ou Bob Dylan seraient parfaits, mais nous ne les avons pas encore contactés. Par contre, Nelson Man¬dela, Bill Clinton et Sean Penn ont décliné notre offre.»
Logement : Pour obtenir une HLM, mieux vaut connaître le maire
Terminé, les petites affaires d’appartements à loyer modéré refilés aux copains ? Hélas non. L'enquête publiée dans le numéro de Capital, actuellement en kiosque, prouve que la foire aux HLM continue dans des tas de communes.
Pour 500 euros par mois – pas même la moitié du prix du marché – cette célibataire sans enfants s’est vu attribuer un trois-pièces de 62 mètres carrés avec poutres apparentes, près du parc des Buttes-Chaumont, à Paris. Bien mieux qu’elle n’aurait jamais osé espérer. Un cadeau du ciel, ce bijou avec cuisine aménagée ? Euh… pas tout à fait. «En fait, je connaissais quelqu’un qui travaillait dans une société HLM», avoue la chanceuse en baissant la voix.
A vrai dire, on s’en était un peu douté. N’empêche, son histoire risque de faire encore grincer des dents les 1,3 million de mal-logés qui ne connaissent personne dans une société HLM. Et qui doivent patienter quatre ou cinq ans – parfois même dix à vingt en région parisienne – avant de décrocher un «chez-eux» à loyer modéré, en général sans poutres apparentes et loin des Buttes-Chaumont. On leur avait pourtant promis qu’elles étaient terminées, ces affaires d’appartements refilés aux copains et aux camarades de parti. En particulier à Paris, où les frasques de l’époque Tiberi – l’ancien maire RPR était allé jusqu’à loger ses propres enfants pour une somme symbolique en plein Quartier latin – ont sans doute contribué à faire basculer la capitale à gauche. «Tout ça, c’est du passé, balaie Patrick Kamoun, de l’Union sociale pour l’habitat, qui regroupe les fédérations d’offices HLM de France.
Un si lourd soupçon pèse désormais sur nos têtes que nous ne pouvons pas nous permettre de déraper.» A l’en croire, la quasi-totalité des 450 000 logements attribués chaque année par les collectivités locales, les préfectures, les offices HLM ou les entreprises (via le 1% logement) le serait donc en toute régularité. On aimerait le croire. Hélas ! Notre enquête le prouve, même s’il y a du mieux ici et là, les renvois d’ascenseur polluent toujours les cages d’escalier.
Voyons par exemple Levallois, une banlieue bourgeoise des Hauts-de-Seine. Dans ce fief des Balkany, grands amis du président de la République, la distribution de logis à petit prix pour bons et loyaux services est encore monnaie courante. Ce retraité qui a longtemps travaillé au conseil général peut en témoigner. Il y a une dizaine d’années, les élus RPR lui ont déniché un coquet 70 mètres carrés en plein centre-ville pour 650 euros par mois, presque trois fois moins qu’un loyer normal. En échange, il a simplement dû accepter d’organiser des réunions électorales à domicile, entre voisins.
Un bon deal… «Je suis loin d’être le seul à avoir profité de l’aubaine, se défend-il. Les élus ont distribué des dizaines de beaux appartements comme le mien, et ils continuent de le faire.» A tout seigneur, tout honneur, le bras droit de Patrick Balkany, Jean-Pierre Aubry, s’est ainsi vu octroyer, de son propre aveu, un duplex de plus de 100 mètres carrés dans un immeuble de standing à loyer modéré. «Aujourd’hui, c’est mon ex-femme qui l’occupe», précise-t-il. Coïncidence, l’adjointe au maire et conseillère générale UMP Danièle Dussaussois, vit, elle aussi, dans cette résidence. «Le plus scandaleux, c’est que Levallois n’est pas une exception, peste un élu vert de la capitale. Ça se passe comme ça dans bien d’autres villes.»
A priori, pourtant, les procédures en vigueur devraient rendre impossible le favoritisme. Depuis 1991, tous les logements doivent en effet être affectés par une commission réunissant des représentants de la mairie, des offices HLM, des locataires, ainsi que des assistantes sociales. Chaque logement disponible fait impérativement l’objet de trois candidatures, sélectionnées en fonction de critères sociaux et familiaux objectifs. Et les dossiers doivent être numérotés, afin que leur ancienneté puisse être prise en compte. Voilà pour la théorie.
Mais, dans la pratique, ces règles sont loin de suffire à assurer la transparence. D’abord parce que certaines collectivités s’assoient joyeusement dessus, comme le constate à longueur de rapports la Mission interministérielle d’inspection du logement social (Miilos). A Dinan, en Bretagne, ses inspecteurs ont découvert que, entre 2005 et 2007, 16 logements sur 90 avaient été attribués avant passage en commission. Idem (à plus petite échelle) à Puteaux ou à Châtillon, deux cités des Hauts-de-Seine tenues par l’UMP.
A la mairie socialiste de Montpellier, la foire aux copains est encore plus débridée. Dans une étude publiée en août 2009, la Miilos note que 85% des appartements offerts à la location n’y ont pas fait l’objet des trois propositions de candidature obligatoires. Dans 22% des cas, la commission n’a même eu à se prononcer que sur un unique dossier, ce qui lui a pas mal facilité la tâche.
Autre dérive pointée par les contrôleurs dans la ville du regretté Georges Frêche : beaucoup de fiches de demandeurs ne comportent aucun numéro, en sorte qu’il est impossible de connaître la date de leur requête – et donc, de faire jouer l’antériorité. «Ici, il vaut mieux que je ne recommande personne, plaisante Jacques Domergue, député UMP de l’Hérault. Mes candidats risqueraient d’être rayés à vie des listes d’attente par la gauche au pouvoir !»
A noter que, lorsque leur protégé est à l’aise, et bien qu’ils encourent pour cela des amendes, certains (rares) pistonneurs continuent de fouler aux pieds la règle des plafonds de ressources. Ces derniers ne sont pourtant pas très contraignants. Afin de tenir compte de la hausse des prix de l’immobilier, l’Etat les a en effet régulièrement relevés ces dernières années (ils sont actuellement fixés à 36 326 euros net pour un couple en Ile-de-France, 28 220 euros en province, pour une HLM classique).
Si bien que 60% de la population est aujourd’hui éligible aux loyers modérés, et même 70% si l’on inclut le parc locatif «intermédiaire», un peu plus cher, mais toujours avantageux par rapport aux prix du marché. En somme, il y a de la marge pour les petites combines.
Du reste, même quand les communes semblent respecter les règles à la lettre, la transparence est loin d’être garantie. Car enfin, comment s’assurer que la présélection des dossiers se fait sans aucun a priori amical ou politique ? Nul n’a encore trouvé la solution. Pour faire taire les soupçons, certaines municipalités ont bien choisi d’utiliser un logiciel, mais cette technique s’avère peu concluante, pour ne pas dire absurde.
«Quand j’ai un appartement libre, l’ordinateur me sort des centaines de dossiers éligibles, témoigne un fonctionnaire en poste dans une mairie d’arrondissement de Paris. Comme je ne peux évidemment pas analyser une à une toutes ces candidatures, je regarde en priorité celle des familles qui sont venues me voir pour plaider leur cas et aussi, bien sûr, celles qui ont fait l’objet d’une “recommandation”.» Ça ne manque pas. Des coups de piston, il dit en recevoir «toutes les semaines», de la part «d’élus, d’animateurs de télévision ou de journalistes» pressés d’aider leur femme de ménage ou leur gardien de parking à trouver un toit pour pas cher.
Est-ce que ça marche ? «Pas systématiquement, prévient notre trieur. Mais, quand le candidat répond aux critères et qu’il travaille dans le quartier, alors oui, il m’arrive de le faire passer en haut de la pile. Et, en général, la commission suit mon avis.»
Dès lors, l’heureux élu peut dormir tranquille car, une fois qu’il a passé la porte, il est presque impossible de le faire sortir, les pistonnés des décennies passées peuvent en témoigner : presque tous sont restés en place. En faisant le tour des HLM de Neuilly-sur-Seine, nous avons trouvé une flopée de cadres sup, des commerçants, des comtesses et des propriétaires de résidences secondaires dans le Loir-et-Cher ou en Dordogne. Quant aux élus, hauts fonctionnaires et autres VIP parisiens installés par les équipes Chirac et Tiberi, ils s’accrochent à leurs HLM.
Et ce n’est pas la loi Boutin qui les en délogera ! Entré en application début 2010, ce texte permet désormais aux bailleurs de facturer un supplément de loyer aux locataires dépassant plus de deux fois les plafonds de ressources. A Paris, la note de ces infortunés peut ainsi doubler du jour au lendemain. Mais, à l’évidence, ils n’en ont cure : à l’été, Paris Habitat, qui gère 41 000 logements dans la capitale, n’avait encore enregistré aucun départ. Il est vrai que, même augmentés, les loyers restent souvent inférieurs aux prix du marché. Misère…
«Si l’on voulait vraiment faire le ménage dans ce bazar, il faudrait publier les noms de tous les bénéficiaires de HLM avec la date de leur demande, estime en privé un patron d’office de l’est de la France. Ça a été fait dans les années 1950. Mais on a arrêté, car les locataires concernés s’y sont opposés.» Pistonnés de tous les pays…
Emmanuelle Andréani
Jean-Christophe Fromantin, le maire de Neuilly, le reconnaît volontiers : les HLM de sa ville, l’une des plus chics de France, hébergent pas mal de familles aisées. Pendant ce temps, 2 000 ménages modestes attendent d’être logés. «Je voudrais bien faire partir nos locataires fortunés, mais je ne dispose d’aucun moyen juridique pour cela», soupire le maire. Il assure que, depuis son élection, en 2008, les nouvelles attributions se font dans la transparence.
Piston et passe-droits : les ruses des chasseurs de privilèges
Crise oblige, les Français sont de plus en plus en quête de coups de pouce pour trouver un job, dénicher un logement ou obtenir une place en crèche. Pas très civique, mais il faut dire que l’exemple vient d’en haut.
Pas de doute : celui-là est bien placé pour savoir qu’un bon passe-droit peut valoir son pesant d’or. Accusé par sa belle-mère d’avoir dissimulé une bonne partie de son fabuleux héritage dans des paradis fiscaux, Guy Wildenstein, 69 ans, reste de marbre. «J’ai pourtant adressé un dossier très fourni à l’administration fiscale, ainsi qu’à Eric Woerth et à son successeur au ministère du Budget, François Baroin, raconte Me Claude Dumont-Beghi, l’avocate de la plaignante. Mais je n’ai jamais reçu la moindre réponse.»
Il faut dire que le fils du richissime marchand de tableaux Daniel Wildenstein possède un très joli carnet d’adresses. Pilier du Premier Cercle des donateurs de l’UMP, il porte fièrement sur le revers de son veston le ruban rouge que lui a remis à l’Elysée, en mars 2009, son ami Nicolas Sarkozy. Circulez, y a rien à voir.
Rien à voir ? Pas si sûr. Car, comme en témoigne le battage autour de la saga Bettencourt, avec ses renvois d’ascenseur, ses embauches par copinage et ses indulgences fiscales, les passe-droits entre puissants interpellent de plus en plus les Français. Depuis l’épisode du Fouquet’s, dont nombre de participants se sont par la suite vu remettre la Légion d’honneur, chaque traitement de faveur donne d’ailleurs lieu à une intense couverture médiatique.
Un jour, c’est un conseiller économique de l’Elysée qui est propulsé à la présidence du deuxième groupe bancaire français dont il a lui-même piloté la réorganisation. Entraînant, au passage, la démission de deux membres de la Commission de déontologie, outrés par ce conflit d’intérêts manifeste. Un autre, c’est Bernard Tapie qui se voit miraculeusement offrir 210 millions d’euros de dédommagement d’argent public dans l’affaire du Crédit lyonnais avec la bénédiction de l’Elysée.
Un an plus tôt, le feuilleton du fiston Jean Sarkozy briguant, du haut de sa deuxième année de droit, la présidence de l’Epad (l’Etablissement public de gestion de la Défense, premier quartier d’affaires d’Europe) avait fait un carton international, jusqu’en Chine. «On a l’impression de vivre dans une république bananière», tonne le patron du Modem, François Bayrou.
Il n’est pas le seul à s’indigner. A force de se multiplier, les échanges de bons procédés entre hautes sphères du pouvoir et intérêts privés ont fini par exaspérer les Français. «En affichant sa décontraction vis-à-vis du monde de l’argent, Nicolas Sarkozy a permis le dévoilement de ces réseaux jusqu’ici plutôt discrets», commentent les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, dans leur dernier opus «Le Président des riches» (éditions Zones). Le déferlement de propos acerbes sur les pistonnés du monde politique ou des entreprises dans des centaines de blogs et de forums électroniques en dit long sur le rejet de ces connivences.
Et pourtant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, les Français s’avouent eux-mêmes prêts à succomber aux charmes de ces petits arrangements si l’occasion leur en était donnée. Les résultats d’un récent sondage réalisé par la société Sky Prods le démontrent mieux que tous les discours : 88% de nos concitoyens sont convaincus que le piston prime sur le talent. Et 78% accepteraient d’être favorisés si l’opportunité se présentait.
Schizophrénie ? «Pas tant que cela, commente l’économiste et député européen Robert Rochefort. A force de voir les petites combines prospérer chez les élites, et les capitaines d’industrie et les barons de la finance se tenir par la barbichette dans leurs conseils d’administration, les Français ont perdu confiance dans un système qu’ils jugent profondément injuste.»
La crise n’améliore évidemment pas les choses. En durcissant la société, elle pousse chaque jour un peu plus les citoyens à se replier dans le chacun pour soi, au détriment du civisme et de la méritocratie républicaine. «Au sein des nouvelles générations, la montée du chômage, la précarisation, la faiblesse des salaires et l’envolée des prix de l’immobilier entraînent une lente paupérisation des classes moyennes», souligne le sociologue Louis Chauvel. Tétanisés par la peur du déclassement social – phénomène inconnu du temps des Trente Glorieuses – les parents sont aujourd’hui prêts à faire jouer tous les appuis pour donner de meilleures chances à leurs enfants… et à eux-mêmes.
D’autant que les services publics, désormais soumis au régime minceur, ont de plus en plus de mal à répondre à une demande sociale grandissante. Résultat : les goulots d’étranglement se multiplient. Et, avec eux, les coups de pouce pour griller les files d’attente. Plus que jamais, la bataille pour les places en crèche se mène dans les couloirs des mairies, l’attribution des HLM – y compris à Paris – donne toujours lieu à des faveurs amicales, et le piston gangrène chaque jour un peu plus les salles d’attente des grands services hospitaliers. Quant à la révision de la carte scolaire, prétendument menée au nom de la transparence, elle a précipité des milliers de parents dans les antichambres des rectorats avec, en poche, des lettres de recommandation.
La crise n’est pourtant pas l’unique responsable de cette foire aux passe-droits. De l’autre côté des frontières, en particulier en Europe du Nord ou dans les pays anglo-saxons, les ravages de la croissance en berne sont atténués par une société plus fluide, qui favorise l’égalité des chances. Chez nous, la rigidité du corps social bloque toujours autant la mobilité et reste un obstacle à la création d’emplois. Enarques, grandes écoles de commerce, cheminots, enseignants, aiguilleurs du ciel… Chacun se calfeutre dans sa corporation, défendant au pic à glace ses avantages acquis menacés par l’impératif du désendettement.