TOUT EST DIT

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dimanche 3 août 2014

Ces paysages que l'on assassine

Le soleil écrase les sons et déploie les senteurs de verveine et d'herbe coupée. Une abeille bourdonne paresseusement. L'eau de la rivière prend des teintes turquoise. Et dans la tranquillité du jour qui passe, immanquablement, un des amis présents évoque le temps où la pêche était bonne. Le temps où les brochets et les perches mordaient aux hameçons des moins expérimentés, où les anguilles se jetaient dans les nasses, où les écrevisses se laissaient ramasser par les enfants audacieux. Un autre se souvient de ces éclosions d'éphémères qui, certains soirs d'août, empêchaient les voitures de rouler en tapissant les pare-brise. Et des dizaines de papillons qui s'égayaient quand on courait dans les herbes.
On trouvera bien sûr des progressistes pour s'agacer de ces relents nostalgiques. Ceux notamment que n'a jamais émus la fascinante pérennité d'un paysage où se marient l'époustouflante beauté de la nature et le patient travail des hommes. Mais tous les autres, s'ils ont un semblant d'honnêteté, avoueront s'être fait la remarque. Ceux qui allaient aux écrevisses dans le Jura, ceux qui pêchaient le brochet dans l'Indre et ceux qui allaient à la chasse aux papillons dans les frais bocages de Brassens. À quel moment tout cela a-t-il basculé? Il y a trente ans? Quarante ans?
L'un raconte que depuis la construction de la centrale nucléaire de Blaye, les esturgeons, les lamproies et les pibales ont disparu. Les poissons venaient se prendre dans les filtres et mouraient par dizaines. Et puis on n'en a plus vu. L'autre cite cette revendication des ouvriers qui exigeaient de ne pas manger de saumon plus de deux fois par semaine. La Loire en regorgeait et c'était le menu quotidien. La pêche en est aujourd'hui interdite, mais est-ce bien nécessaire puisqu'il n'en reste aucun? 80 % des rivières françaises sont polluées. Une étude vient de démontrer que les fruits bio contiennent sept fois moins de résidus de pesticides que les fruits de l'agriculture conventionnelle. Ô étonnement! Jusqu'à présent, les études publiées s'échinaient à prouver que les produits bio n'avaient pas de propriétés nutritionnelles supérieures. Pas de vitamines en plus. Normal, puisque ce n'est pas ce qu'on leur demande. Mais en effet, ils préservent la terre et omettent de nous empoisonner. C'est bien suffisant.
Aux États-Unis, la culture massive de plantes OGM résistantes au Roundup a permis d'inonder les terres de cet herbicide. Résultat, une mauvaise herbe est devenue à son tour résistante. Pour la combattre, les autorités viennent d'autoriser la culture d'OGM résistants à l'un des composants du fameux «agent orange», cet herbicide qui, déversé sur le Vietnam, a été responsable de handicaps monstrueux. Pas moins de 5 600 écoles se situent à proximité des zones concernées par cette autorisation.
Et les insectes ont à ce point disparu qu'en Chine, dans certaines régions, ce sont des femmes qui pollinisent à la main les arbres fruitiers. Bien sûr, on regarde d'un œil distrait les reportages qui racontent cela. On en frémit parfois. Et puis plus rien. Et si les enfants ne peuvent plus aller chasser les papillons, ça n'est pas très grave. De toute façon, ça ne les intéresse pas: ils pratiquent la chasse au monstre numérisé sur console de jeu.
Pourtant, la question se pose de savoir qui a choisi, en conscience, qu'il devait en être ainsi. Le peuple, diront certains. Le peuple qui veut des aliments bon marché, variés, donc une agriculture industrialisée génératrice de pollution. Et puis la mondialisation, qui est un fait et dans laquelle il faut bien surnager par tous les moyens. Mais les choses sont un peu plus complexes. Souvenir d'un reportage en Berry pour l'élection présidentielle de 2007. Sur le marché de Valencay, un homme exprime son désarroi: «Moi, je m'en fiche, de la politique. Tout ce que je demande, c'est de pouvoir emmener mon fils à la pêche et lui apprendre ce que je sais. Mais même ce plaisir-là, on n'y a plus droit.»
En fait, la politique, c'est aussi savoir si l'on va faire en sorte que ce père puisse emmener son fils à la pêche. La politique, c'est se demander ce qui fera le bonheur de ce père, de son fils, et de tous ces gens dont la seule richesse est de profiter d'une douceur de vivre qui ne coûte rien.
Mais les sociétés occidentales ont conçu un système dans lequel chaque petit bonheur doit coûter et rapporter. On baptise donc loisir ce petit bonheur, on le transforme en industrie susceptible de générer des profits parla mise au point d'une technique qui soit la plus performante et on l'intègre à un ensemble de mesures de rationalisation de chaque domaine de l'activité humaine. Dès 1974, le penseur protestant Jacques Ellul avait expliqué tout ce processus par ce qu'il appelait l'idéologie technicienne, le fantasme qui consistait à faire de la technique non plus un outil mais une idéologie censée nous permettre d'améliorer en tout domaine les performances.
On peut alors occuper ce père et son fils, leur offrir un loisir, tout en vidant leur rivière de ses derniers poissons. On peut laisser les gens sérieux s'occuper de cette nature que les incorrigibles nostalgiques refusent de voir changer. D'ailleurs, la loi d'avenir pour l'agriculture les définit, ces gens sérieux, puisque, à la demande de la FNSEA, ne pourront plus obtenir le statut d'agriculteur actif que ceux qui possèdent un minimum de bêtes et d'hectares. Comme le dit le président de la FNSEA, lui-même industriel des agrocarburants et de l'importation de poulet brésilien à bas coût, «celui qui a deux hectares, trois chèvres et deux moutons n'est pas agriculteur.» Il est vrai que celui-là ne doit pas avoir de quoi acheter du Roundup…
On peut continuer à déplorer la disparition des brochets et des papillons autour d'un repas estival et puis se faire croire que tout cela est le fruit de la fatalité. On peut voter une loi de transition énergétique sans rien changer au système économique qui impose de consommer toujours plus d'énergie, et voter une loi agricole qui achève de tuer les paysans en perpétuant une logique d'industrialisation qui non seulement les fait disparaître, mais somme les survivants de produire à bas coût, en remplaçant les bras par la chimie, pour supporter la concurrence de pays sans normes écologiques et sociales. On peut continuer à nourrir les enfants des écoles ou les malades des hôpitaux avec des produits pollués importés de très loin au nom du mieux-disant financier au lieu de leur offrir des produits cueillis du matin, encore vivants, et récoltés par leur voisin, leurs parents, dans un bassin d'emploi revivifié. On peut croire à la fatalité. Mais on peut aussi penser que les brochets et les saumons, les papillons et les éphémères, sont éminemment politiques.

Topless: pourquoi les Françaises se mettent-elles moins à nu?

Alors que le monokini ne cesse de perdre du terrain, certains racontent que leur rapport à leur corps a aussi évolué vers plus de pudeur avec le temps... Et la société. 

"Autant il ne me serait jamais venu à l'esprit de retirer le bas, autant je n'avais aucun problème à faire du topless sur la plage." Pendant des années, Gaëlle, originaire de la région cannoise, ne s'est pas embarrassée de deux petits triangles posés sur les seins lorsqu'elle passait l'après-midi à la plage. "Dans les années 1990,tout le monde faisait du sein-nu. Ma mère, mes tantes, mes copines... Il n'y avait vraiment rien de transgressif. On faisait principalement ça pour éviter les marques de maillot."  
Mais deux grossesses et deux décennies plus tard, la quinquagénaire a perdu ses vieilles habitudes. "Ce qui me paraissait naturel à l'époque ne l'est plus du tout. Je ne sais pas si c'est l'âge, l'époque ou le regard des autres qui a changé mais ça doit faire plus de dix ans que je n'ai pas retiré le haut. J'ai même acheté un une-pièce cette année!" 

Les Françaises ont popularisé le monokini

Et elle n'est pas la seule: selon un sondage réalisé en 2013 par BVA-Le Parisien, seules 12% des femmes font régulièrement du topless sur la plage. Un chiffre qui ne cesse de diminuer. Difficile d'imaginer, au vu des dernières enquêtes, que ce sont les Françaises - Brigitte Bardot en tête - qui ont popularisé le monokini dans les années 1960. A l'époque, faire tomber le haut est un geste provocateur. Un signe d'émancipation vis-à-vis d'une société éminemment masculine et une manière de rappeler que leur corps et leur sexualité leur appartiennent. Mais rapidement ce geste osé devient la norme. Le topless s'affiche même en 4X3 au-dessus de l'autoroute. Qui a oublié cette publicité de Jacques Séguéla: "Demain j'enlève le bas"?  

C'était en 1981. Trente-trois ans plus tard, une telle publicité provoquerait immanquablement une polémique. Certes, les campagnes de sensibilisation sur les dangers du soleil et le cancer du sein sont passées par là. 86% des femmes assurent ne plus retirer le haut de leur maillot pour des raisons de santé. La mode également a changé: le "bronzage monoï" des années 1980 est aujourd'hui considéré comme has-been par les plus jeunes. Mais ces arguments ne seraient à eux seuls expliquer le retour en force d'une certaine forme de pudeur, qui s'exprime bien au-delà de la plage.  
Désormais, se dénuder a une portée transgressive. Les Femenl'ont bien compris. Alors que dans les années 60, les féministes brûlaient leur soutien-gorge, elles défilent aujourd'hui avec des slogans inscrits sur la poitrine. Objectif: choquer pour faire parler de la cause. "Dès lors que le corps nu, désirable, est conçu comme une valeur positive, utile au bien commun par la société, il n'est pas étonnant qu'il devienne un vecteur de communication en allant défier les lois de la pudeur dans l'espace politique, explique le sociologue Christophe Colera, La Nudité: pratiques et significations. Mais pour ne pas passer pour de l'exhibition gratuite, il doit se charger de nouvelles connotations, souvent en niant son côté sexuel comme le font les Femen. Sans quoi l'exhibition annule le message."  

Un "trop plein" d'images de nudité

La société française serait-elle redevenue puritaine? Même les femmes semblent mal à l'aise avec leur propre corps. 63% des femmes refusent de se dévêtir devant des amies (1), 40% confessent être gênées par la nudité d'autres femmes dans une salle de sport, 37% sont mal à l'aise devant des images de poitrines féminines dans une publicité. Même dans l'intimité, la nudité n'est pas évidente. Si 98% des femmes se montrent nues à leur conjoint, elles sont 29% à préférer faire l'amour dans le noir.  
"Il y a un sentiment de 'trop-plein' d'images de nudité, explique le sociologue. Les canons de beauté dominants, avec leur forte emprise normative, y sont pour beaucoup. Si 88% des femmes se disent pudiques, ce chiffre est encore plus élevé chez celles qui n'aiment pas leur corps. Or, elles sont plus de la moitié à avoir du mal à s'accepter physiquement..." 

La génération des complexes

Les corps siliconés des films pornos, les mannequins à la silhouette parfaite ont donné à toute une génération des complexes. Y compris aux hommes. Un quart des moins de 25 ans admet avoir au moins une fois été complexé à la vue d'organes surdimensionnés exhibés dans certains de ces films, selon un sondage Ifop.  
Pour séduire désormais, il faut se rhabiller. Suggérer sans trop montrer. "La pudeur fonctionne aussi bien dans la protection de soi que dans les conquêtes, poursuit le sociologue. Une femme peut mieux se valoriser en se montrant pudique, inaccessible qu'en se déshabillant."  

Harcèlement de rue et réseaux sociaux

Mais cacher son corps est devenu est également devenu un moyen de défense. "La pornographie et la diffusion d'un certain idéal libertaire mal compris ont parfois créé de toute pièce l'image d'une femme sexuellement disponible pour tous, poursuit le sociologue. Cela se matérialise par exemple par les attouchements dans le métro. Cela nourrit des réflexes de protection chez les femmes." Pour échapper au harcèlement de rue, les plus jeunes expliquent ne plus sortir en jupe le soir ou limiter leur décolleté. Des habitudes qu'elles conservent en grandissant.  
La peur également de se retrouver sur les réseaux sociaux, avec l'avènement des smartphones. "J'ai fait du naturisme pendant des années, confie Valérie, une Montpelliéraire de 44 ans. Je trouvais que le regard était paradoxalement moins sexué que sur des plages classiques. Mais les choses ont évolué. Non seulement, le regard des hommes a commencé à me mettre mal à l'aise mais je me suis rendue compte que certains prenaient des photos en douce avec leur téléphone." Alors qu'avant se dénuder était synonyme d'un bronzage parfait, se mettre à nu peut désormais laisser des traces indélébiles. 
(1) Sondage Ifop-Tena de 2009 

Les mots interdits et l’ordre moral

Un proviseur du Puy-de-Dôme a donc été condamné par le tribunal de Clermont-Ferrand à trois mois de prison avec sursis, mise à l’épreuve durant deux ans et obligation de soins.

Je connais mal l’affaire, c’est à peine si je sais que ledit proviseur avait le harcèlement facile, et que cette condamnation clôt une longue patience, comme seule l’Education Nationale sait en avoir. Mais ce n’est pas là le nœud du problème, quoi qu’on puisse en penser.
Ledit proviseur a été vu en tin de se masturber devant son ordinateur : rappelons que les proviseurs par définition logent sur leur lieu de travail, et que la distinction entre espace privé et espace public, en ce qui les concerne, est loin d’être facile. Faut-il donc supposer qu’un chef d’établissement est en service vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et qu’il doit donc s’interdire tout ce qui ne se fait pas dans l’exercice de la fonction ? Dans les années 1920, une institutrice bourguignonne avait été radiée parce qu’elle avait un amant, et qu’un membre de l’enseignement doit sans cesse montrer l’exemple : c’était un souvenir, en pleine IIIème République laïcarde, de ‘époque où c’étaient des bonnes sœurs qui s’occupaient de faire la classe. Fallait-il un brevet de virginité pour enseigner ?
Par ailleurs, « c’est une voisine, logeant dans un immeuble proche du lycée qui l’a aperçu depuis sa fenêtre. Elle a averti l’établissement, qui a ensuite fait un signalement auprès du parquet », a indiqué à l’AFP l’avocate du proviseur, Me Clémence Freydefont. Curieuse voisine — qui s’était portée partie civile et a été l’heureuse bénéficiaire d’une amende de 300 euros à laquelle a été condamné ledit proviseur : le voyeurisme outré fait donc partie désormais des pratiques du bon voisinage ? Mon dieu, mes voisins peuvent donc me déférer au Parquet, car, je le confesse (un mot que Brassens fait systématiquement rimer avec fesses), il m’arrive d’avoir chez moi des comportements que je n’aurais pas en public. Et ce n’est pas une aumône de 300 euros qu’ils recevraient, les bougres… Ou 300 par jour.
Enfin, cerise sur le gâteau, « l’analyse de l’ordinateur du proviseur a révélé que ce dernier consultait « des sites pornographiques mettant en scène des majeurs ayant des relations sexuelles sadomasochistes ». Il s’est également connecté « une seule et unique fois » à un site étranger de partage d’images, montrant « des enfants dénudés, mais pas en situation d’être exploités sexuellement », a précisé l’avocate, précisant que son client « n’était nullement poursuivi pour détention d’images pédopornographiques ». »
Bref, rien d’interdit. Et il m’arrive — comme à nous tous — de me connecter à des sites fort étranges ! Et je confesse (derechef) avoir dans ma bibliothèque une foultitude de livres que l’Inquisition aurait mis au bûcher — et moi avec ! J’ai même écrit la Société pornographique grâce à ma consultation scrupuleuse de ce que l’on trouve sur le Net.
Nous sommes entrés, depuis que la crise frappe, dans une ère de grande moralité. Les délassements du proviseur auraient fait sourire la voisine dans les années 1970 — peut-être même, à l’époque du swinging Paris, la voisine serait-elle allée participer aux ébats SM du cher homme esseulé. J’ai publié, au début des années 1990, des romans à caractère érotique (et un peu plus, même) que l’éditeur m’a avoué ne plus oser ressortir aujourd’hui, sinon sous le manteau. Le même refuse désormais tout ouvrage dans lequel on appelle un chat une chatte, et où les comportements dépassent les bleuettes inoffensives de 50 shades of nothing interesting. Il en est à publier des romans à l’eau de rose américains, où il est question de Beautiful Bastard / Stranger, et où le « héros » est invariablement un homme d’affaires (j’espère que vous sentez tout le potentiel érotique de ces mots, « homme d’affaires » ou « financier », en ces temps de crise et de vaches maigres — le renouveau du Prince charmant, il est là, il sort d’HEC ou de Paris-Dauphine, ces deux temples du conformisme économique et de la culture zéro) et l’héroïne une stagiaire provinciale qui rêve de situations expérimentales pourvu qu’elles se concluent avec une bague au doigt — fi !
J’ai raconté il y a quelques mois comment le ministère de l’Education répugnait à certains mots comme « élitisme » et « conformisme ». Mais le vrai conformisme, il est là, dans la vague de pudibonderie qui déferle aujourd’hui. Pendant que not’ bon maît’ passe de la Pompadour à la Dubarry au vu et au susse (comme disait Bérurier) de tous les amateurs de Vespa, nous sommes, nous pécores, nous valetaille, confiné(e)s dans le sexuellement correct.
Ma foi, quels que soient les travers du proviseur condamné pour (pour quoi, exactement ? Je n’arrive pas à saisir ce qu’il a fait de répréhensible, dans les termes du jugement), je le salue : obsédés de tous les horizons, mettez désormais de lourdes tentures à vos fenêtres — comme d’autres mettent des voiles sur les désirs de leurs épouses et de leurs filles.

GPA : erreur sur la commande…

La commande fut en partie annulée, eu égard à la non-conformité d’un des produits demandés. Ainsi, un garçon issu d’une GPA (gestation pour autrui) et souffrant de trisomie 21 a été remis à sa génitrice, parce que non conforme aux yeux du couple demandeur.
Ainsi, une Thaïlandaise accepta, pour cause de difficultés financières, de porter en soi un enfant qui ne sera pas le sien contre « plus de 10.000 euros » promis après l’accouchement. Mais voilà, tout ne se passe pas comme prévu : enceinte, les médecins découvrirent que la jeune femme portait dans ses entrailles, louées pour l’occasion, des jumeaux : une fille en bonne santé, mais aussi un garçon malade, souffrant du syndrome de Down.
En apprenant la nouvelle, le couple australien fit preuve d’une inhumanité sans nom en demandant à la jeune fille, ni plus ni moins, d’avorter, chose qu’elle refusa pour raisons de croyance religieuse. La jeune femme accoucha donc des deux enfants, mais fut priée par le couple de ne remettre que l’enfant sain et de garder l’autre. Ils repartirent donc seulement avec la fille, laissant derrière eux le garçon à la jeune Thaïlandaise.
Suite à cela, par le biais du quotidien australien Sydney Morning Herald, elle lança un appel à la vigilance : « Ne pensez pas qu’il ne s’agit que d’argent. » Sans doute a-t-elle pris conscience, de par sa participation à cette effroyable aventure, de l’immoralité de celle-ci et de tous les risques et conséquences qui peuvent en résulter. Le summum du consumérisme ici fut atteint. L’argent mêlé à la misère peut créer des ravages.
Cette épopée sordide doit servir d’exemple et constituer, chez les partisans d’une légalisation de la GPA en France, une prise de conscience de la réalité de cette pratique contre-nature et dévastatrice pour l’homme. Cette préhension de liberté au-delà des limites morales doit cesser. La méfiance de beaucoup de Français à l’égard de cette pratique trouve ici tout son sens. Il est  sain et nécessaire de se battre contre ce soi-disant progrès scientifique qui met en péril l’ordre naturel des choses. Forcer la nature, de quelque façon que ce soit, c’est encourir des tragédies, des drames humains, comme c’est le cas ici avec la marchandisation du corps.
Sachons vivre en harmonie avec ce que l’on a, et non avec ce que l’on voudrait avoir.

Sondage : quelle solution pour François Hollande ?

La question n’est plus de savoir si le mandat de François Hollande va mal finir, mais bien quand et comment.
Le sondage IFOP pour Marianne le donnant éliminé dès le premier tour de la présidentielle et largement distancé par Mme Le Pen et M. Sarkozy ne fait que refléter les résultats des dernières élections européennes.

Par rapport à l’élimination de M. Jospin le 21 avril 2002, François Hollande n’aura aucune excuse. En 2002, les sondages n’avaient rien vu venir et l’écart entre M. Le Pen et Jospin se réduisait à moins d’un point. Rien de tel dans la situation politique inquiétante de notre Président : M. Hollande sait, trois ans avant la fin, qu’il est lourdement et durablement disqualifié pour pouvoir ne serait-ce que figurer au second tour. Pire : il sait aussi qu’il prend le risque, en persévérant à son poste, d’amener le pays à une situation dramatique que les Français et l’Histoire ne manqueraient pas de lui reprocher violemment. Le temps qui passe, ce temps auquel il fallait donner du temps en bonne stratégie mitterrandienne, ne fait qu’accroître la spirale du mécontentement des Français et de l’échec du Président.
Quelles solutions s’offrent donc à lui s’il veut éviter le déshonneur d’une élimination humiliante et de l’apothéose de Mme Le Pen ? Tenir trois ans, en espérant une embellie économique, et le désordre à droite ? Ce serait peine perdue. Une reprise économique, que personne d’ailleurs ne voit venir, ne suffirait pas, si profonds sont les maux de notre économie et de notre société. Semer la zizanie à droite ? Cela ne servirait que Mme Le Pen et ne ferait qu’éroder le socle résiduel du Président. Et il y aurait toujours un candidat à droite pour ramasser la mise.
Abréger ce sinistre compte à rebours ? Cela aurait au moins le mérite de montrer sa volonté d’avoir prise sur les événements et, peut-être, d’atténuer l’ampleur du désastre. Oui, mais comment réagir ? Il y a les anticipations risquées, hasardeuses, comme disait M. Jospin : la dissolution ? Ce serait donner le pouvoir soit au FN soit à la droite, ou aux deux, mais, vu le haut niveau du FN, cela ne permettrait pas au Président de se refaire une santé. La démission ? Si c’était pour se représenter, ce serait inconséquent et le résultat est connu : élimination cinglante.
La question est donc bien : comment partir le plus honorablement possible ? Une démission sacrificielle, et un appel aux républicains à s’unir derrière un candidat consensuel capable de battre et Mme Le Pen et M. Sarkozy. M. Hollande se retirerait mais demanderait à son parti et à M. Valls de ne pas présenter de candidat et de soutenir ce candidat centriste. François Bayrou ferait parfaitement l’affaire et toucherait enfin les dividendes de son soutien de 2012. Inutile de dire que l’entreprise aurait peu de chance de réussir, sauf sur un point : elle aurait fourni une sortie honorable à M. Hollande, qui pourrait se prévaloir d’avoir tout fait pour éviter le pire, au moins pour lui…

English bashing

À l’école de la pudibonderie anglaise

« Luke Atkinson, aujourd’hui âgé de 25 ans, avait 23 ans quand il eut une relation sexuelle avec son élève de 17 ans. Sa chute a commencé un samedi soir, en juin 2012, quand il a rencontré son élève dans la boîte de nuit « The Priory nightclub » à Doncaster, une ville britannique située dans le Yorkshire du Sud.
« Il l’a emmenée dans une chambre d’hôtel où ils ont eu une relation sexuelle. Un comportement pénalement répréhensible pour le jeune professeur qui a été licencié après un conseil disciplinaire de son école, la Balby Carr School. La jeune fille, maintenant âgée de 19 ans, a témoigné – à regret – contre lui, mais a refusé de le poursuivre.
« A l’audience, Luke Atkinson n’a pas reconnu avoir emmené la jeune fille à l’hôtel, mais les images enregistrées par le système de télésurveillance l’ont confondu. Le jeune homme, qui n’a pas coopéré avec les enquêteurs, a été banni à vie de l’enseignement par le secrétaire d’Etat à l’Education, Michael Gove. »
Alors, bon, je sais, no zob in job, etc.
À voir la photo du jeune homme, il était vraiment jeune — et comme je n’ai pas de photo de la jeune fille, je peux supposer, vu la moyenne des filles en boîte à 17 ans, qu’elle ne faisait plus exactement bébé.
D’accord, c’était son prof, les élèves sont sacré(e)s, bla-bla-bla.
Mais si l’on commence à poursuivre tous les un-peu-plus de 18 ans qui sortent avec des un-peu-moins de 18 ans de l’un ou l’autre sexe…
Et si l’on extermine tous les jeunes profs, hommes ou femmes, qui ont eu une liaison avec un(e) élève, déjà que l’on a du mal à recruter, ce sera le grand dépeuplement. Si l’on descend jusqu’à l’intention, où commence le péché, d’après certains, nous n’aurons plus personne.
Rappelez-vous l’affaire Russier (que j’ai connue, figurez-vous, je suis un très vieux Marseillais et mon père avait fait ses études avec elle). Même Pompidou a paru regretter l’abominable acharnement judiciaire (et celui des parents Rossi, tous deux communistes, tous deux enseignants à la fac d’Aix), qui a entraîné son suicide. Tout le monde se souvient de cette extraordinaire conférence de presse.
« On n’arrête pas le progrès », a dit l’ami Pedro en rapprochant ces deux faits divers.
Une mienne collègue (elle avait dans les 25 ans, à l’époque) était tombée amoureuse, il y a maintenant plus de quinze ans, d’une élève de 16 ans — alors même qu’elle était ou se croyait strictement hétéro — mais qui peut jurer ? Eros est un dieu farceur, et cruel. Même procès de Moscou — on l’a maintenue en exercice, mais en l’obligeant à changer de poste et de région. Je l’ai connue un peu plus tard : elle n’allait pas très bien. On ne dira jamais assez que dans les relations entre un adulte et un jeune, c’est le plus souvent l’adulte qui souffre le plus.
Quant à la limite d’âge, c’est encore une autre histoire.
Mais je voudrais revenir sur l’aspect strictement anglo-saxon de cette histoire monstrueuse.
En Grande-Bretagne, depuis 1275, l’âge minimal pour avoir une relation sexuelle, chez les filles (je reviendrai sur les garçons un peu plus tard) était 12 ans. « It shall be deemed illegal to ravage a maiden who is not of age » — j’aime bien le « ravage », il y a des faux-amis qui en disent long. Il fallut attendre 1875 pour que le Parlement, inquiet du nombre de quasi enfants vendues dans les bordels, remonte cet âge pré-pubertaire à… 13 ans. 1875 ! Mais cela ne faisait jamais qu’une dizaine d’années que ce même Parlement avait supprimé la peine de mort pour sodomie — si ! Les derniers pendus pour cet acte l’avaient été vers 1835 — oui ! Les inventeurs du libéralisme sont de grands libéraux.
Pour la petite histoire, au cours des mêmes séances historiques, le folklore britannique prétend que la Reine Victoria se serait opposée à un amendement sur le criminalisation du lesbianisme parce qu’elle ne pouvait croire à l’existence d’une telle perversion. Mais la réalité des faits, c’est que les parlementaires n’ont pas voulu en parler de peur de donner des idées aux femmes.
Les Anglaises sont-elles stupides au point d’avoir besoin du Parlement pour avoir des idées sur comment se faire plaisir ? Cela m’étonnerait, pour un pays suspecté d’avoir 25% d’homos par Edith Cresson (si quelqu’un ne se rappelle pas cette affirmation sidérante, tout est ).
Sur ce, enter William Thomas Stead.
Cet honnête garçon (1849-1912 — il est mort dans le naufrage duTitanic, il y a donc une justice, parfois) est un journaliste, inventeur de la presse de caniveau anglaise. À une époque où les suffragettes commençaient à faire parler d’elles, il a enfourché, si je puis dire, la question du droit des femmes à disposer d’elles mêmes, et s’est procuré une gamine dans un bordel londonien, Eliza Armstrong, qu’il a droguée (comme le héros de Kawabata dans les Belles endormies — un ouvrage de pédophilie écrit par un prix Nobel, mais où va-t-on, madame Michu ?), et qu’il a fait transporter sur le Continent (les Français, a-t-il affirmé, viennent chez nous se fournir en belles pucelles pour alimenter leurs vices — oh comme c’est vilain).
« Having heard during his investigations that unscrupulous parents were willing to sell their own children into prostitution, Stead sent his agent, reformed prostitute Rebecca Jarrett, into Marylebone to purchase a child, to show to how easily young girls could be procured. The child procured was Eliza Armstrong, allegedly sold to Jarrett by her own mother for just £5. Though never physically harmed, Eliza was nonetheless put through the motions of what a real child victim would have had to experience, including being « certified » a virgin by an abortionist midwife and being taken to a brothel where she was drugged with chloroform. She was then packed off to France under the care of the Salvation Army, leaving Stead to re-invent her as Lily in the Pall Mall Gazette. »
Puis il s’est fendu, sous le titre général The Maiden Tribute of Modern Babylon, d’une série d’articles sensationnels dans la Pall Mall Gazette dont je ne saurais trop recommander la lecture, tant ils excitent les passions que l’honnête Stead affirme combattre.
Tout comme la peine de mort, au témoignage fascinant de Thackeray, provoque au meurtre bien plus qu’elle en dissuade.
Je vois d’ici les honnêtes bourgeois de cette ère victorienne tout émoustillés par la lecture des articles de Stead. Ce qui caractérise le plus évidemment les ères de pudibonderie (la période victorienne, ou la nôtre), c’est la montée de l’hypocrisie parallèlement à l’ostentation de la vertu. Et certaines féministes (les leaders féministes de l’époque ont soutenu ardemment Stead) font chorus avec ce double mouvement : à tel point que derrière la plupart des vocifératrices (il y a peu d’hommes dans ces chœurs de fausses vierges, sans doute répugnent-ils à lapider les femmes adultères qui font leur ordinaire), je flaire souvent les désirs étouffés et le double langage. « Toute fille de joie en séchant devient prude » — ce n’est pas moi qui le dis, c’est Hugo-hélas…
J’ai une grande indulgence pour les fautes des autres, contrairement à celles et ceux qui n’en ont que pour les leurs, au point de les oublier, parfois. Telle qui lyncherait un collègue coupable d’une passion mineure, si je puis dire, n’a pas forcément les braies bien nettes.
Pour en revenir aux Anglais… Ils virent à jamais un honnête prof qui dans une boîte un soir s’est rapproché d’une gamine qui n’avait pas froid aux yeux — et qui ne regrette rien, et ne porte pas plainte. Mais dans le même temps, ils feignent de s’apercevoir soudain que leurs vedettes ont des penchants bizarres — comme si cela avait pu passer inaperçu, des décennies durant, dans ce milieu de serre chaude qu’on appelle les médias ou la politique !
« Angleterre, terre des princesses, du thé et de l’abominable camouflage de la pédophilie » : ce n’est pas moi qui lance cette invective, c’est Time Magazine.
Alors, la prochaine fois que vous aurez à juger d’une « affaire » entre prof et élève, surtout si ladite / ledit élève est largement majeur(e) du point de vue sexuel, réfléchissez-y à deux fois, et faites un peu votre examen de conscience.

Morts d’ailleurs

Morts d’ailleurs

Hors de contrôle ! Ni vaccin, ni traitement… Le simple énoncé de ce constat par les autorités sanitaires suffit à propager une peur panique du virus Ebola. Et les États-Unis d'en rajouter une couche avec leur crainte de voir la maladie se « réensemencer et se propager, hors d'Afrique, comme un feu de forêt. » Tant que le mortel virus reste en Afrique, notre attention se laisse distraire, n'est-ce pas, et l'on s'assure de notre bonne conscience en distribuant, comme poignée de cerises, quelques subsides supplémentaires aux médecins et personnels des ONG qui, eux, luttent sur le terrain pour sauver des vies, soulager les misères. Nous, nous parlons frontières, ce degré maximum de l'égoïsme, comme si l'épidémie se souciait des barrières administratives et factices.
Le fantôme du H1N1 plane encore dans nos mémoires et réactive nos angoisses, nous faisant même oublier que son principal effet avait été de remplir les hangars de tonnes de vaccins inutiles. Aussitôt égrenés les bilans catastrophiques dans les pays concernés, les ministres européens se précipitent sur les micros pour assurer que les pays développés ont les moyens de faire face.
Le coupable est notre monde mondialisé, bien sûr, qui ne nous permet plus de circonscrire les épidémies aux pays pauvres d'Afrique. Des pays, comme ceux les plus touchés par Ebola, en proie à d'interminables guerres civiles et à une hygiène terreau des maladies infectieuses. Des pays où l'on manque de tout et surtout du minimum, abandonnés par la trop souvent invoquée « communauté internationale » forcément impuissante puisqu'elle n'existe pas. 730 morts depuis six mois ! Aéroports fermés, mises en quarantaine, championnats de foot suspendus, l'angoisse gagne. La peste était arrivée chez nous par bateau à voile. Alors, dans notre monde totalement interconnecté…
Les scientifiques, les experts de l'OMS et même le découvreur du virus ont beau répéter que la probabilité de voir l'épidémie se propager au monde est très basse, rien n'y fait. La psychose reprend le dessus et piétine un peu plus nos valeurs et nos devoirs de solidarité et d'assistance humanitaire à nos frères qui souffrent.

Cher musulman, lève-toi et parle !

Les informations récentes en provenance du monde arabo-musulman attisent la haine en Occident. Est-ce une fatalité ?

Cher musulman,
Je ne suis certes pas le premier non-musulman à me fendre d’une lettre ouverte qui t’est adressée. J’en ai bien conscience et je devine que cette mode t’irrite au moins un peu. Pourtant, je te prie de bien vouloir t’armer de patience parce que ce que j’ai à te dire est vraiment important et il me semble que ça n’a pas encore été dit. Je suis un occidental.
Le terme est vague et, bien sûr, recouvre un très grand nombre de réalités différentes mais il est suffisamment précis pour mon propos. Par « occidental » j’entends un de ces peuples qui, il y a quelques siècles déjà, a décidé de se défaire du pouvoir arbitraire des rois et, par la même occasion, de reléguer les religions à la stricte sphère privée. Nous avons, dit-on en terre chrétienne, séparé l’Église de l’État. C’est ce que l’on appelle communément le modèle occidental qui, à vrai dire, n’est pas plus occidental qu’oriental mais peu importe : c’est notre culture, notre manière de concevoir la vie en société, le rôle de l’État et celui des religions ; nous l’avons conquis de haute lutte et nous y sommes très attachés.

Or voilà que, depuis quelques temps, nous recevons de ce que je vais appeler maladroitement le monde arabo-musulman des messages très inquiétants. Ce sont des messages de haine. Ce sont des messages de guerre. Depuis ce sinistre jour de septembre 2001, nous avons découvert avec horreur la signification de ce qu’une partie des musulmans appellent le djihad. Depuis maintenant plus de dix années, nous voyons défiler sur nos écrans les images insoutenables des sociétés dominées par la charia. Depuis une décennie entière, nous entendons des gens qui se déclarent musulmans et qui nous avertissent que, pour reprendre les termes de l’un d’entre eux, « le jihad ne s’arrêtera que lorsque le drapeau de l’Islam flottera sur le balcon de l’Élysée et de la Maison Blanche ». Je sais ce que tu vas me répondre.
Tu vas me dire que les djihadistes d’Al-Qaïda, d’Al-Nusra et de l’ISIS ne sont pas représentatifs de l’ensemble des musulmans. Tu vas me dire que ce sont des groupuscules de fanatiques qui dévoient le message de l’Islam et que leurs premières victimes sont, bien souvent, tes frères musulmans. Je sais cela ou, pour être tout à fait honnête, je crois que je sais. C’est justement le message que je veux te faire passer : la plupart d’entre nous, occidentaux, ne comprenons absolument rien à l’Islam et au monde arabo-musulman en général.
Islam credits zbigphotpgraphy (licence creative commons)
Et pourtant, crois-moi, ce n’est pas faute d’avoir essayé. J’ai lu le Coran, j’ai épluché des centaines d’articles écrits par des experts occidentaux comme par des musulmans, j’ai saisi chaque occasion qui se présentait d’en parler à ceux de mes amis qui partagent ta religion. J’ai vraiment essayé de comprendre, de faire preuve de subtilité et d’ouverture d’esprit et devine quoi ? Juste au moment où j’ai été pleinement convaincu que les djihadistes n’étaient qu’une infime minorité et que l’immense majorité des musulmans n’aspirent qu’à vivre dans un monde de paix et de tolérance, il s’est trouvé une demi-douzaine d’experts, de docteurs de la foi et même un premier ministre turc pour m’affirmer que l’Islam modéré n’existe pas et que le devoir de tout musulman était de mener le jihad jusqu’à l’instauration d’un califat mondial. Bref, nous ne comprenons rien. Imagine-toi que, pour la plupart des occidentaux, un kabyle est un arabe au même titre qu’un kurde. Imagine-toi que, pour nous, les différences qui existent entre sunnisme, chiisme et soufisme relèvent de subtilités qui nous échappent complètement. Imagine ma stupeur quand j’ai appris que l’ISIS avait dynamité la mosquée construite sur la tombe de Jonas à Mossoul ! Des musulmans qui font sauter les lieux-saints de l’Islam ? Quoi ? Faut-il que nous lisions aussi tous les hadiths pour comprendre ce que l’Islam est ou n’est pas ? Voilà notre problème : l’immense majorité des occidentaux ne se donneront pas cette peine.
Ils vont se contenter de visionner ad nauseam les vidéos de décapitations, de pendaisons et d’exécutions sommaires qui circulent sur Internet. Ils vont se contenter de regarder avec stupeur le drapeau du djihad flotter au-dessus de la place de la Bastille. Ils vont se contenter de relayer les nouvelles, vraies ou fausses, qui nous apprennent que les intégristes recrutent dans nos banlieues, que l’ISIS a décidé d’exciser toutes les femmes d’Irak et de Syrie et qu’il n’y a désormais plus de communauté chrétienne à Mossoul. Imagines-tu ce que de telles informations produisent dans l’esprit d’occidentaux qui, encore une fois, ne comprennent pas ton monde ? Étymologiquement, le mot islamophobie signifie « la peur de l’Islam ». Crois-moi, rien ne saurait être plus faux ; ce n’est pas de la peur que je vois autour de moi : c’est de la haine, une haine féroce qui s’exprime désormais au grand jour, une haine qui ne vise pas les seuls djihadistes mais tous les musulmans. Partout dans notre monde occidental, l’image des musulmans se dégrade à vue d’œil : les enquêtes d’opinion, les bulletins dans les urnes, les discussions entre amis – et je te passe les commentaires sur Internet – pointent tous dans la même direction.
Les fondamentalistes croient, manifestement, que nos mœurs pacifistes, nos libertés civiles et nos scrupules font de nous des adversaires faciles. C’est une terrible erreur. Ces choses-là ne tiennent que tant que l’opinion du plus grand nombre refuse l’usage de la violence. Or, pour toutes les raisons évoquées plus haut, cette opinion évolue et elle évolue vite. Faut-il rappeler que ce sont des démocraties – nos démocraties – qui ont bombardé Dresde et Hiroshima ? Souhaites-tu vraiment mourir en martyr et faire de moi un assassin ? Éviter que de telles horreurs se reproduisent ne mérite-t-il pas que nous prenions, toi et moi, quelques risques personnels ? Car c’est bien de ça dont il est question n’est-ce-pas ? Prendre un risque personnel. Beaucoup de mes amis vont me reprocher ces quelques mots. Jusque dans ma propre famille et, à mon plus grand regret, je ne compte plus ceux qui ne voient plus dans l’Islam qu’un ennemi irréconciliable, une menace qu’il faut écarter par tous les moyens. On va me reprocher cet article et, sans doute, te reprochera-t-on de dénoncer les intégristes et de refuser publiquement cette escalade mortifère. Mais tu dois le faire. Je sais que c’est difficile mais pense à Dalia Al Aqidi, cette journaliste irakienne et musulmane, qui présente désormais son journal télévisé avec une croix autour du cou en signe de soutien aux chrétiens de Mossoul. Elle – admirable femme ! – risque sa vie.
Voilà, si j’ai pris la liberté de t’écrire aujourd’hui et de te tutoyer, c’est qu’en m’adressant à toi, ami musulman que je ne connais pas, je m’adresse aussi à ceux de mes amis qui partagent ta religion. Ce sont des gens biens, des hommes et des femmes de bonne volonté qui, par des détours qui leur sont propres, ont trouvé le moyen de concilier leur foi avec notre modèle occidental et je suis absolument certain qu’ils ne sont pas des exceptions. Je sais que tu existes, je sais que tu m’entends : nous devons, toi et moi, refuser le piège dans lequel sont en train de nous enfermer les fanatiques qui sévissent au nom de l’Islam.
Maintenant plus que jamais, lève-toi et parle !

Base-case vs. best-case scenario, le match du futur

Nos hommes politiques se montrent incapables de penser correctement l’avenir. Des prévisions de croissance du programme de François Hollande à la vision de l’avenir, en passant par la courbe du chômage et les investissements de Ségolène Royal, tous se plantent royalement.
Au-delà de sa valeur humoristique, ce phénomène revêt aussi un caractère extrêmement dangereux quand on laisse à des politiciens incapables de penser l’avenir la responsabilité de le préparer. Les trous dans la coque de notre modèle social rongé par les vers leur sont apparemment invisibles, ou les laissent de marbre.
Le Parti Socialiste promettait par exemple d’annuler une réforme des retraites qu’il aurait fallu pousser bien plus loin pour éviter la faillite du modèle d’ici quelques années. Le modèle ne va pas s’équilibrer de lui-même, surtout en tenant compte des évolutions défavorables de l’emploi.
Car pour un homme politique, l’avenir se résume à la situation présente avec une date différente. S’ils étaient capables de comprendre que l’avenir n’est pas identique au présent bientôt passé, ils comprendraient qu’il faut revoir leur base-case scenario, c’est-à-dire leur scénario de base.
La construction d’un bon scénario de base est cruciale en stratégie. Pour prendre des décisions impliquant l’entreprise sur 5 ans, il faut avoir une idée de son évolution la plus plausible sur les cinq prochaines années. Par exemple, le chômage n’est pas uniquement lié au solde des créations d’emplois, mais aussi à d’autres paramètres, comme les arrivées sur le marché du travail et les départs en retraite annuels.
En agissant comme si rien n’allait changer, ou si peu, les hommes politiques nous condamnent tous à assumer la responsabilité de leur mauvaise gestion et de leurs mauvaises prévisions. Depuis 40 ans, les budgets sont votés en déficit ; il faudra un jour régler l’addition, et ce ne sont pas les parlementaires qui le feront. Ils paient déjà bien peu d’impôts…
Les politiciens ne sont pourtant pas incapables de raisonner par scénarios et d’inclure le base-case dans leurs estimations. Lorsqu’ils annoncent des réductions de dépenses, ils se gargarisent également de leur capacité à contenir l’évolution « normale » de la dépense (normale et néanmoins alarmante).
Mais ils font l’erreur de beaucoup de décideurs, qui se réfugient dans un autre scénario : le best-case scenario, le meilleur scénario possible. Ils anticipent pour leurs actions un impact toujours positif et rarement réalisé, établissent des budgets de croissance en période de crise.
Si vos enfants ambitionnent (sic) de devenir hommes politiques, et que vous ne parvenez pas à les en dissuader, apprenez-leur donc à penser l’avenir non comme un autre présent ou un monde de souhaits. Et pour cela, il faut leur faire apprendre le passé. Comprendre que l’histoire n’est pas que le récit de quelques anecdotes, mais la succession des événements qui a fait de nous ce que nous sommes – et aussi ce que nous ne sommes pas.
Expliquez leur comment des civilisations entières ont disparu car elles ont été incapables de revoir leur façon de penser ou leur état d’esprit, de s’adapter à leur environnement changeant et de tenir compte des erreurs de ceux qui ont disparu avant eux. Comment la liberté est toujours confisquée pour les meilleurs motifs et que beaucoup ont accepté par conformisme ou aveuglement ce que nous estimons tous aujourd’hui intolérable et indigne d’un être humain.
Ils comprendront alors que nous aurons disparu dans quelques décennies, et que nous ne serons alors pas regardés différemment de tous ceux qui nous ont précédés. Nos façons de penser seront analysées de la même façon, et nos actions seront jugées sans plus de compassion. Jugées par les héritiers du monde que nous aurons construit sur l’héritage que nous avions alors reçu, qui ne comprendront pas comment nous avons pu faire preuve d’autant de conformisme et d’aveuglement. Qui ne nous pardonneront pas notre ignorance dont nous sommes seuls responsables. Qui riront de nos dettes, à moins qu’elles ne les ruinent ; se moqueront de nos peurs, à moins qu’elles ne les hantent.
Celui qui voit le problème, et qui ne fait rien, fait partie du problème. – Gandhi
Ne laissons pas disparaître d’avance le monde que nous aurions pu leur laisser. Nous nous devons, avant d’apprendre l’histoire à nos enfants, d’en tirer les leçons. Ne soyons pas comme tous ceux qui ont refusé l’effort de faire advenir le monde qu’ils rêvaient. Reprenons en main notre destin, nos libertés, nos vies – et ne nous les laissons plus jamais reprendre.

Destruction du tombeau de Jonas : le fanatisme iconoclaste de l'islam radical

En Irak, les djihadistes d'EEIL ont détruit la tombe du prophète Jonas à Mossoul. Qui est Jonas? Quelle place occupe-t-il dans la civilisation judéo-chrétienne?
Gérard Leclerc: L'histoire de Jonas a frappé durablement l'imagination des fidèles. Jonas est envoyé par Dieu pour convertir l'incrédule Ninive. Mais celui, prenant peur, s'enfuit dans la direction opposée. Son bateau est pris dans la tempête, les marins tirent les sorts qui désignent Jonas comme coupable, et le jettent à l'eau. Il est avalé par un «gros poisson» -qu'on identifiera comme une baleine- qui au bout de trois jours et de trois nuits le rejette sur le rivage, d'où il repartira finalement convertir Ninive.
Jonas est considéré comme un «petit» prophète dans la tradition juive. Il est aussi présent dans la tradition chrétienne. La thématique de Jonas dans le ventre de la baleine sera reprise par les Pères de l'Eglise qui y verront une préfiguration du Christ qui disparait dans le ventre de la terre pour ressusciter au troisième jour. Jonas était un signe christique couramment utilisé chez les Chrétiens des premiers siècles. C'est aussi un prophète pour les musulmans, et son histoire est racontée dans le Coran.
S'il est reconnu dans la tradition musulmane, pourquoi les djihadistes ont-ils fait disparaitre son tombeau?
Si les djihadistes ont dynamité le tombeau de Jonas, ce n'est pas pour s'attaquer à la figure de Jonas, qui est présente dans le Coran, mais au nom d'un fanatisme qui refuse toute représentation et tout art religieux. Comme les talibans avaient détruit en 2001 les bouddhas de Bamiyan datant du Vème siècle, comme les djihadistes ont détruit les mausolées de Tombouctou, les combattants d'EEIL ont détruit le tombeau de Jonas par pur fanatisme iconoclaste.
Une passion iconoclaste qui n'est pas le propre de la religion musulmane…
La question de l'image religieuse est un thème récurrent de la théologie chrétienne. L'image, considérée comme une forme d'idolâtrie est un interdit biblique. Représenter le divin, c'est s'approprier le divin, en faire la chose de l'homme. L'orthodoxie chrétienne fait finalement triompher la représentation lors du deuxième Concile de Nicée en 787. Ce qui permet l'émergence de l'art religieux occidental et la production de merveilles artistiques inégalées.
Les djihadistes s'appuient sur cette tradition religieuse iconoclaste défaite par le christianisme. Ils appartiennent à une tendance extrême à l'intérieur de l'islam, une forme de purisme totalitaire. Une mentalité terrifiante, jusqueboutiste et cohérente qui les conduit à chasser les chrétiens, à mutiler les femmes et à détruire des sites religieux vieux de 2500 ans!
Que révèle cette passion iconoclaste des dérives de l'Islam?
Le purisme mystique d'une certaine frange de l'islam conduit à une haine de l'art. l'Islam a pourtant fait des choses sublimes en Espagne et sur tout le pourtour méditerranéen. Il n'y a pas de religion sans alliance sublime avec le beau.
Dans le djihad , il n'y a aucune alliance du religieux et de l'humain. Les formes sont refusées car trop humaines. Pour affirmer la transcendance radicale de Dieu et de sa loi, on efface toute médiation, et donc toute beauté humaine. On est dans une vision religieuse qui nie le visage. Or la thématique du visage est très importante dans la Bible, comme l'a très bien montré Lévinas. Cette épiphanie de Dieu dans le visage, cette transcendance révélée dans l'humain disparaissent totalement dans ce purisme religieux qui ne débouche que sur la violence.