TOUT EST DIT

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lundi 26 juillet 2010

La polémique


L'Allemagne est sous le choc. Mais déjà, au-delà des interrogations et des incompréhensions, pointe la polémique. Car, sur le papier, et en toute technocratie, l'organisation de la Love Parade paraissait sans faille. Les masses étaient canalisées dès leur arrivée en ville, l'autoroute urbaine avait été barrée pour permettre aux secours et aux forces de l'ordre de se déployer.
Certes, il y a ce tunnel, véritable goulet d'étranglement pour entrer ou sortir et surplombé par une rampe à forte pente (ou à forte déclivité, selon le sens) interdite par une simple barrière que beaucoup ont franchie. C'est à cet emplacement que le drame s'est produit. Les responsables de la sécurité s'imaginaient-ils avoir affaire à une foule disciplinée respectant les « Verboten » pour se rendre à une fête patronale ou la quitter ? Apparemment, il y a eu méconnaissance du facteur humain, méconnaissance des mouvements de masse dans une ambiance festive et, selon plusieurs témoignages, sous l'emprise de l'alcool et de la drogue chez de nombreux « raveurs ».
Policiers et pompiers accusent à mi mots. Ils avaient émis de sérieuses réserves et proposé des améliorations au plan de sécurité. Des avis dont la municipalité n'aurait pas tenu compte. Pourquoi ? « En raison de pressions économiques », laisse entendre un syndicat. Fortement endettée, la ville de Duisbourg qui connaît aussi un fort taux de chômage, se serait laissée infléchir par les organisateurs et les sponsors commerciaux. Et puis, dans cette mégalopole qu'est la Ruhr où les capitales industrielles se touchent et se concurrencent, chaque agglomération cherche à promouvoir son image. Interdire la Love Parade aurait été ringard.
Depuis des semaines aussi, la presse locale et les blogs sur Internet avaient attiré l'attention sur le danger potentiel représenté par le tunnel et par le terrain inadapté de l'ancienne gare de marchandises. En vain.
Reste à tirer les conclusions de ce drame. La justice s'en chargera. Mais il est déjà évident qu'il n'y aura plus de Love Parade et plus de manifestations de ce genre agglutinant un million et plus de personnes. En Allemagne, du moins. La vie humaine ne se remplace pas comme le mobilier urbain dégradé et ne se régénère pas comme les espaces verts saccagés : les dégâts habituels de ces fêtes techno. Jusqu'au drame de Duisbourg...

Jean-Claude Kiefer

Une île au large de l’espoir


L’île d’Arros a-t-elle un propriétaire ? C’est la question du jour du feuilleton de l’été, le feuilleton Bettencourt. Les policiers s’arrachent les cheveux et multiplient les perquisitions jusque dans les hôpitaux pour percer le mystère : à qui donc peut bien être ce banc de sable paradisiaque des Seychelles ? Cette île du bout du monde a des airs de patate chaude. Les uns après les autres, les propriétaires supposés se défendent du moindre droit sur ce caillou de luxe estimé à 500 millions. À croire qu’Arros ne fut jamais une île de la tentation... Ou alors Robinson Crusoé ne suscite plus les vocations.

Brel, lui, revendiquait son île, une “île au large de l’espoir”. Mais c’était Brel...

Ainsi va donc l’affaire Bettencourt. Avec sa déclinaison Banier-Bettencourt et sa variante Woerth-Bettencourt. Un vrai roman de plage, à mettre sur le sable tous les libraires du littoral. Avec ses personnages typés, la milliardaire, l’artiste dandy, la fille héritière, le ministre-trésorier, la femme du ministre, les chevaux de la femme du ministre et le petit personnel. Ah le petit personnel, une saga à lui seul. Un majordome qui donne dans l’enregistrement clandestin et une comptable aux carnets secrets. Au prochain numéro, les mémoires du jardinier ou la vidéo du valet de chambre ne surprendront personne.

Ce qui serait surprenant en revanche serait que tout ce beau monde parte ensemble en vacances. Sur une île par exemple...

Ouvertures à Cuba

Son sacrifice n'aura pas été vain. Les libérations successives de prisonniers politiques à Cuba, depuis dix jours, doivent beaucoup à Orlando Zapata Tamayo. Ce militant des droits de l'homme est mort en prison, le 23 février, à 42 ans, épuisé par sept ans de détention dans des conditions indignes et par une grève de la faim qu'il aura menée jusqu'au bout. Dans l'indifférence générale de ses geôliers.

Cinq mois plus tard, les remises en liberté des détenus de conscience se succèdent. Elles sont le fruit d'un accord passé entre le régime de Raul Castro, l'Église catholique cubaine, très active derrière le cardinal Ortega, et le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos. Cet accord prévoit la libération de cinquante-deux prisonniers politiques d'ici à octobre. Tous appartiennent à un groupe de soixante-quinze militants emprisonnés depuis 2003. Le régime, sous la contrainte des événements et les pressions internationales, lâche enfin du lest.

Le contexte, il est vrai, ne lui donne qu'une très étroite marge de manoeuvre. La crise économique est aussi sévère que celle de la « période spéciale » qui suivit l'effondrement du soutien soviétique, au début des années 1990. Les cours du nickel, premier produit d'exportation, ont chuté. La production de riz et de sucre a pâti de la sécheresse et des ouragans. Le tourisme a baissé. Les devises des émigrés de Floride sont plus rares. La crise est en fait plus redoutable qu'un embargo.

En outre, la colère rentrée d'une frange importante de la population s'exprime de plus en plus ouvertement depuis quelques mois. Les maigres libéralités instaurées par Raul Castro, depuis qu'il a succédé à son frère, Fidel, en 2006, ont ouvert, par Internet et les lignes téléphoniques internationales, de nouveaux espaces d'échange. Le mouvement des « Dames en blanc », épouses ou mères des détenus politiques, a pris de plus en plus de force.

Si l'on ajoute à cela la vigueur des réactions internationales (américaine, européenne et même, plus inhabituelle, du Mexique) à la mort d'Orlando Zapata Tamayo, on mesure l'isolement du pouvoir castriste. Les libérations actuellement en cours sont une façon de desserrer l'étau que peut constituer la conjonction d'une pression internationale et d'une vague d'opposition interne.

Depuis l'arrivée au pouvoir de Fidel Castro, en 1959, des tonnes d'articles et de livres ont prédit la chute prochaine du régime castriste. En vain. Chaque fois, la silhouette imposante et le verbe intarissable de Fidel se sont dressés contre l'ennemi. Résistant à l'embargo américain, à la CIA, aux réseaux cubains de Floride, à l'exode des jeunes boat people cubains et même à l'effondrement de l'URSS. Au prix, chaque fois, d'un durcissement de la dictature. Et au nom, toujours, de la Revolucion. Survivra-t-il à la crise en cours ?

Tout le monde a remarqué, en tout cas, l'incroyable retour sur la scène cubaine du Lider Massimo. À cinq reprises, Fidel Castro est apparu en public tel qu'on ne l'avait jamais vu depuis sa sérieuse opération chirurgicale en 2006. Comme un totem moribond, dont le charisme peut encore avoir une fonction politique. Il aurait probablement géré différemment la crise des dissidents, dit-on à La Havane. En évitant, par exemple, la mort d'un dissident, pour ne pas structurer l'opposition, ne pas créer une relève pour la suite. Une relève! Le plus bel hommage que l'avenir pourrait réserver à Orlando Zapata Tamayo.