Comment la Grèce est-elle arrivée là? Quels effets? Quelles solutions? Challenges.fr décrypte la crise grecque en six points.
Le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro se plonge jeudi 21 juillet sur le dossier de la crise de la dette en Grèce avec l'espoir de trouver une solution durable afin d'éviter une faillite et une contagion. Comment en est-on arrivé là? Quels effets? Quelles solutions? Challenges.fr décrypte la crise grecque en six points.
- Pourquoi la crise?
En arrivant au pouvoir en octobre 2009, le Premier ministre Georges Papandreou découvre un déficit de 12,9% et une dette publique équivalente à 115% du PIB. Ces prédécesseurs ont triché durant de nombreuses années, déclarant un déficit bien en-deçà de la réalité. Ce décalage est le résultat d'une fraude fiscale massive, d'une économie souterraine qui représente un cinquième du PIB, de dépenses publiques bien supérieures aux moyens de l'Etat. L'exécutif s'engage à ramener son déficit public à 8,7% pour fin 2010 mais peine à convaincre ses partenaires européens. Pris à la gorge par les dettes, Athènes doit se tourner vers l'Union européenne pour espérer s'en sortir. Le gouvernement annonce un plan d'austérité drastique. Les Grecs descendent dans la rue au printemps 2010. Athènes finit par adopter en mai 2010 un tour de vis sans précédent pour réduire le déficit public de 30 milliards d'euros à l'horizon 2014, en contrepartie d'une aide financière de 110 milliards sur trois ans, de la part de l'Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI). Ces mesures (réforme des retraites, coupes aux salaires des fonctionnaires, hausse de la TVA, lutte contre l'évasion fiscale) ont réduit le déficit de cinq points en 2010, à 10,5% du PIB. Mais un an plus tard et malgré l'aide, la Grèce ne parvient toujours pas à convaincre qu'elle est sur la voie du rétablissement budgétaire. Le FMI exige notamment comme préalable à une nouvelle tranche de prêt de 12 milliards d'euros en juillet qu'Athènes adopte de nouvelles mesures d'austérité (privatisation à hauteur de 50 milliards d'euros d'ici 2015). Un nouveau plan de soutien est sur les rails.
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Les plans d'aide à la Grèce
Le 2 mai 2010, l'Union européenne et le FMI donnent leur feu vert pour un plan de sauvetage commun de 110 milliards d'euros, un montant sans précédent dans le monde. Cette somme sur trois ans doit lui permettre de faire face à ses obligations, les Etats de la zone euro contribuant à hauteur de 80 milliards d'euros, dont 30 milliards d'euros au cours de 2010, à un taux moyen de 5%. Dès la première année, la Grèce perçoit 45 milliards d'euros de prêts. En contrepartie, Athènes doit adopter un plan de rigueur drastique, aux lourdes conséquences pour la population. Il prévoit notamment la suppression des 13e et 14e mois de salaire dans la fonction publique et une nouvelle hausse d'un à deux points de la TVA (21% actuellement). Des économies de 30 milliards d'euros doivent permettre de ramener le déficit public de la Grèce sous les 3% du produit intérieur brut (PIB), la limite européenne, d'ici à la fin 2014.
Athènes a également obtenu le 3 juin 2011 un feu vert conditionnel au versement début juillet d'une nouvelle tranche de prêts sur l'enveloppe de 110 milliards d'euros décidée il y a un an. Le 2 juillet les ministres des Finances de la zone euro ont donné leur feu vert au versement de 8,7 milliards d'euros pour l'aider à rembourser sa dette à partir de mi-juillet. Le déblocage d'une nouvelle tranche doit être à l'ordre du jour dès septembre. En contrepartie, le gouvernement socialiste grec doit renforcer l'austérité et accélérer les privatisations. Il prévoit 6,4 milliards d'euros d'économies supplémentaires en 2011 et 22 milliards d'ici 2015. Sans compter un programme de privatisations de l'ordre de 50 milliards.
La Grèce se voit également promettre une nouvelle aide financière de la zone euro. Le montant de ce nouveau plan n'a pas encore été fixé. Il viendra s'ajouter au 110 milliards. Si le chiffre de 60 milliards a été à de nombreuses reprises évoqué, il pourrait être de 100 milliards. Il serait abondé par le FMI, l'UE mais aussi les créanciers privés. Tout l'enjeu du sommet de Bruxelles est de s'accorder sur ce nouveau plan d'aide.
- Le rôle des institutions internationales
Le FMI a été appelé à la rescousse en 2010, alors que les Européens ne parvenaient pas à régler la crise "en interne". L'institution de Washington a apporté son expertise dans la négociation du plan de redressement grec et 30 milliards d'euros. Une bonne part de la crédibilité du FMI se joue désormais en Grèce. Dans un rapport annuel sur la zone euro publié mardi, le FMI a sévèrement critiqué la gestion de la crise par les dirigeants européens, pointant du doigt l'absence de plan d'action cohérent pour la suite, et ses possibles conséquences désastreuses pour l'économie mondiale.
La Banque centrale européenne en tant que gardienne de la zone euro, demande plus d'efforts budgétaires aux Etats. Elle s'inscrit contre une restructuration de la dette et toute forme de défaut de paiement d'un pays de la zone euro. La BCE a clairement dit qu'elle n'accepterait aucun défaut de paiement, même partiel. Pour elle, c'est la boîte de Pandore. Une telle situation aurait des répercussions pour l'ensemble de la zone euro. Sans compter qu'elle est très engagée en Grèce, après avoir racheté massivement des obligations hellènes pour soutenir Athènes.
En cas de défaut de paiement, la BCE menace de ne plus accepter les obligations grecques comme garanties pour prêter de l'argent aux banques grecques ou à celles d'autres pays européens. Cette option aurait pour conséquence de pousser les gouvernements à mettre la main à la poche pour renflouer tout le système.
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Quel scénario pour une sortie de crise?
Rééchelonnement des remboursements, renouvellement des prêts, refinancement, défaut de la dette, sortie de la zone euro, taxe bancaire... Autant de scénarios plus ou moins applicables pour la Grèce qui doit rembourser de 80 à 90 milliards d'euros à ses créanciers privés d'ici 2014. Le rééchelonnement des remboursements propose aux créanciers privés d'échanger les obligations d'Etat grecques en circulation contre des obligations à maturité rallongée de sept ans. Si la plupart des pays européens soutiennent cette idée, la BCE est contre, craignant qu'elle ne soit interprété par les marchés comme "un défaut".
Le deuxième scénario, connu sous le nom de processus de "rollover" ou "processus de Vienne", consiste pour les créanciers qui le souhaitent à maintenir leurs engagements. A chaque échéance d'obligation, ils rachètent donc un montant de titres équivalent à celui qui vient de leur être remboursé. Cela devrait permettre mécaniquement de repousser progressivement les échéances de la dette grecque tout en évitant ce que les marchés appellent un "incident de crédit", qui signifierait très probablement un défaut de paiement du pays et l'activation des fameux CDS ("Credit Default Swaps"), des contrats de couverture contre le non remboursement.
Le troisième scénario porte sur un refinancement des besoins de la Grèce. L'idée est de faire de nouveau appel à des fonds du FMI, au Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) ou à des prêts bilatéraux pour couvrir les besoins de la Grèce en échange d'engagements stricts d'Athènes.
Quatrième scénario: le rachat de dette. Les pays de la zone euro pourrait prêter de l'argent à la Grèce, via le FESF pour lui permettre de racheter une partie de sa dette sur les marchés en profitant des prix très bas. le FESF pourrait sinon racheter lui-même les obligations grecques, avec la possibilité ensuite de les échanger auprès des créanciers par des obligations qu'il émettrait lui-même avec la meilleure garantie possible.
Cinquième scénario: la sortie de la zone euro. Un tel choix pourrait entraîner d'autres pays fragiles dans son sillage. Cette solution est défendue notamment par certains économistes américains comme Nouriel Roubini, qui vient de prédire l'éclatement de l'Union monétaire dans un délai de cinq ans. Cette solution n'est en tout cas plus tabou. Un retour à la bonne vieille drachme permet de dévaluer et de relancer les exportations. Le souci, c'est que la dette contractée par l'Etat, les entreprises et les ménages grecs l'a été en euros. Ils doivent donc rembourser dans une monnaie dévalorisée, ce qui augmente d'autant la charge de la dette. Pas sûr que le pays s'en sorte plus facilement.
Il est également question d'une taxe bancaire, une idée suggérée par Paris. Cette proposition aurait l'avantage de faire participer le secteur privé au deuxième plan d'aide à la Grèce sans entraîner un "défaut" de paiement. Mais les banques voient d'un très mauvais œil toute nouvelle taxe.
Les euro-obligations pourraient également faire l'affaire, selon leurs défenseurs, à l'image de Jean-Claude Juncker. Des emprunts communs de la zone euro permettraient de mutualiser les risques des différents pays, les plus fragiles étant ainsi protégés par les plus forts. Le taux d'intérêt de telles émissions serait une moyenne des différents Etats du pot commun. L'Allemagne n'en veut pas, de peur de perdre les taux très alléchants dont elle bénéficie compte tenu de ses bonnes performances.
Parmi tous les scénarios envisagés, le défaut de la dette reste la crainte absolue en raison de son effet contagieux. Les marchés financiers parient sur une telle conclusion, misant sur l'incapacité de la Grèce à rembourser l'intégralité de sa dette de plus de 350 milliards d'euros et sur une nécessaire restructuration. Officiellement , les gouvernements européens ne veulent pas en entendre parler.
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Faut-il craindre une contagion à d'autre pays de la zone euro?
La zone euro veut impérativement stopper l'hémorragie jeudi à Bruxelles. Une faillite de la Grèce menacerait l'Union européenne toute entière. Mais au-delà de ce pays, l'Irlande, le Portugal, l'Espagne et l'Italie sont également dans le collimateur. Selon Dexia AM, les besoins de financements cumulés de la Grèce, du Portugal et de l'Irlande se chiffrent à 201 milliards d'euros d'ici à mi-2013. La plupart des analystes craignent l'effet en chaîne d'un défaut de paiement de la Grèce et le compare à un krach équivalant à celui de la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008. Cette contagion pourrait se faire via les banques les plus exposées à la dette grecque et à celle des autres pays européens.
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Pourquoi l'Allemagne freine des deux pieds?
Depuis le début de la crise grecque, l'Allemagne joue à contre-courant en Europe, traînant des pieds dans la mise en place de nouveaux outils communautaires pour venir en aide à Athènes. Elle condamne les dérives grecques et pousse le pays à remplir ses obligations. Les Allemands ne veulent pas payer de leurs poches pour les cancres de la zone euro. Ils ont encore en tête les lourds efforts demandés lors de la réunification. C'est pourquoi Berlin met un point d'honneur à ce que le secteur privé participe à la restructuration de la dette (banques, assurances, fonds de pension...). L'Allemagne s'est toutefois mise d'accord avec la France dans la nuit de mercredi à jeudi pour dégager une "position commune" sur le sauvetage de la Grèce.