TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

jeudi 3 novembre 2011

L'heure de GMT a sonné

Cinquante scientifiques du monde entier se réunissent, jeudi et vendredi, à huis clos, dans un cadre champêtre au nord-ouest de Londres sous l'égide de la prestigieuse Royal Society pour débattre d'une nouvelle définition du temps, qui reléguerait l'heure GMT aux oubliettes.

L'affaire déchaîne les passions dans la presse britannique. Selon le Sunday Times, il s'agit rien moins que de "la perte" du GMT, "symbole pendant plus de cent vingt ans du rôle de super-puissance de la Grande-Bretagne victorienne". Le Greenwich Mean Time, basé sur le premier méridien de Greenwich, à Londres, est devenu référence mondiale lors d'une conférence en 1884 à Washington.
S'AFFRANCHIR DU "TEMPS SOLAIRE"
"On comprend qu'au Royaume-Uni ils aient ce sentiment de la perte du GMT", convient Elisa Felicitas Arias, directrice du département du temps au Bureau international des poids et mesures (BIPM), un organisme international basé à Sèvres, près de Paris, qui définit aussi bien le kilo que le mètre. La nouvelle définition propose de s'affranchir totalement du temps "solaire", basé sur la rotation de la Terre et mesuré par les astronomes depuis plus de deux cents ans à partir du méridien de Greenwich.
En réalité, cela fait déjà quarante ans que le monde n'est plus régi par l'heure GMT, qui reste toutefois l'heure légale au Royaume-Uni et est encore largement utilisée comme référence. Une conférence internationale en 1972 a adopté le "temps universel coordonné" ou UTC (Universal Time Coordinated), calculé dans 70 laboratoires du monde entier par 400 horloges dites "atomiques" (la seconde est définie par le rythme d'oscillation d'un atome de césium). Le temps atomique, s'il a l'avantage d'être beaucoup plus précis, diffère de quelques fractions de seconde du temps défini par la rotation de la Terre.
"SYNCHRONISATION AU NIVEAU DE LA NANOSECONDE"
Aujourd'hui, pour garder la corrélation avec la rotation terrestre, une "seconde intercalaire" est ajoutée à peu près tous les ans. C'est cette seconde que les scientifiques proposent de supprimer, abandonnant du même coup la corrélation avec l'heure GMT.
Le changement est rendu indispensable par le fonctionnement des réseaux, aussi bien de télécommunication que de navigation par satellite, comme le GPS américain, le Glonass russe, bientôt l'européen Galileo et le BeiDou chinois. "Ces réseaux ont besoin d'une synchronisation au niveau de la nanoseconde", explique Mme Arias. Or, certains systèmes pratiquent le "saut" d'une seconde, d'autres non, et leur interopérabilité est compromise. "Des échelles de temps commencent à se créer en parallèle", s'alarme-t-elle : "Imaginez un monde où on aurait deux ou trois définitions du kilo."
Une recommandation proposant de supprimer la seconde intercalaire sera soumise en janvier au vote de l'Union internationale des télécommunications à Genève. Si elle est adoptée, le temps atomique va s'écarter progressivement du temps solaire, à raison d'une minute dans soixante à quatre-vingt-dix ans, et une heure dans six cents ans.
Le secrétaire d'Etat britannique à la science, David Willetts, opposé au projet, explique que "la position britannique est que nous devons coller au temps réel tel que les hommes le ressentent, qui est basé sur la rotation terrestre et non sur les horloges atomiques". Il croit aussi déceler des "arrière-pensées nationalistes" dans le débat, le BIPM étant basé... à Paris.
Pour vaincre les oppositions – la Chine est également réticente – la conférence de la Royal Society, académie des sciences britannique, pourrait laisser une porte ouverte à de futurs ajustements. "La conférence des poids et mesures pourrait être chargée de réfléchir à une autre façon de corréler le temps à la rotation de la Terre", suggère Mme Arias. On pourrait, dit-elle, ajouter une heure dans plusieurs centaines d'années. "Après tout, on a bien sauté une heure avec le passage à l'heure d'hiver le week-end dernier."

Quand BNP Paribas met en garde les Grecs

Les contrats d'assurance contre le risque de faillite de la Grèce (CDS) s'élèveraient à 5 milliards de dollars d’encours net. Seul problème : personne ne sait si ces chiffres sont exacts.

"Dernière sortie avant l’autoroute, je vous le dis BNP Paribas n’ira pas volontairement au-delà de cette décote de 60% sur les titres grecs", a lancé ce matin Baudoin Prot, le directeur général de la banque. Agacé, il espère que "la Grèce va reprendre ses esprits". Et rajoute : "en Europe, on ne peut pas faire l’école buissonnière".
Cette décote a coûté 2,2 milliards d’euros au groupe au troisième trimestre, annulant l’effort fait pour mettre des résultats en réserve et augmenter les fonds propres. La pilule est difficile à avaler. L’aspect volontaire ou non de cette décision est capital. Si les banques avaient été formellement contraintes à provisionner 50% de leurs dettes grecques, les agences de notation, auraient tout de suite prononcé le défaut de la Grece. Ce qui aurait provoqué immédiatement le débouclement des CDS, ces fameux contrats d’assurance contre le risque de faillite d’un débiteur. Ceux qui les ont achetés, et qui ont payé des primes au vendeur pour se couvrir sur le risque de faillite de la Grèce, pourraient alors exiger le paiement de leurs créances.
Ouvrir la boîte de Pandore
Les CDS grecs, combien de divisions ? Un chiffre circule : 70 milliards de dollars d’encours bruts, mais seulement 5 milliards d’encours net, c’est-à-dire le solde entre les acheteurs de CDS et les vendeurs.
Petit problème : personne ne sait si ces chiffres sont exacts, puisque beaucoup de transactions se font sur des marchés de gré à gré non réglementés. Personne ne sait non plus qui sont les acheteurs de CDS sur les titres grecs, et qui sont les vendeurs. Plutôt que d’ouvrir cette boîte de Pandore, mieux vaut s’en tenir au caractère "volontaire" des accords signés. Même si tout le monde sait que les banquiers n’ont accepté les 50% que le pistolet sur la tempe. Les apparences sont sauves. Jusqu’à quand ? On le saura sans doute après le résultat du référendum grec.

Chronique de Vincent Beaufils (Challenges) sur LCI - le 3 novembre 2011




Chronique de Vincent Beaufils (Challenges) sur... par Challenges

Les Grecs voteront pour ou contre la faillite de leur Etat le 4 décembre

Mercredi soir à Cannes, à la veille de l'ouverture du sommet du G20, la France, l'Allemagne, les instances européennes et le FMI ont indiqué au Premier ministre grec que les 8 milliards d'aide, indispensables à Athènes avant Noël pour honorer ses obligations, ne lui seront versés qu'en cas de victoire des partisans de l'euro en Grèce et l'engagement du pays pour des mesures d'austérité. Le gouvernement grec devra déjà surmonter un vote de confiance au parlement ce vendredi.
Le référendum aurait lieu le 4 décembre.
"La Grèce veut-elle rester ou on dans la zone euro ?". Le président français a lui-même formulé mercredi soir la question qu'il souhaiterait soumettre au référendum annoncé par le Premier ministre grec, George Papandréou. Après deux heures de réunion d'urgence entre la chancelière Merkel, Nicolas Sarkozy, George Papandréou et les responsables européens, les partenaires de la Grèce ont mis sous pression le pays.

"Les Européens comme le Fonds monétaire International (FMI) ne pourront envisager de verser la sixième tranche d'aide [soit 8 milliards d'euros, NDLR] que si la Grèce accepte l'ensemble des mesures du 27 octobre et que toute incertitude sur l'issue du référendum est levée", a déclaré le président français. "J'espère que tout cela sera réglé d'ici la mi-décembre", a indiqué la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, au sortir de la réunion, en référence au référendum et le versement consécutif, en cas de victoire des partisans de Papandréou, de la sixième tranche.

D'après le chef de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, le référendum en Grèce sur l'appartenance à la zone euro et l'acceptation des mesures d'austérité se tiendra le 4 décembre. "Si tout va bien lors du référendum, ce sera quelques jours avant le paiement de la sixième tranche qui permettra de payer les retraites", a expliqué le Premier Ministre grec avant de quitter le siège du sommet du G20.

"Je crois qu'il y aura un résultat positif", a-t-il estimé, précisant que la question posée serait de savoir "si nous voulons rester ou non dans la zone euro". Mais il n'est pas sûr que George Papandréou pilote lui-même le référendum. "Il y a un vote de confiance vendredi, c'est une première étape", a-t-il rappelé, à propos d'un scrutin au parlement sur son gouvernement.

Paris et Berlin ont voulu montré qu'en cas de décision de sortie de la zone euro de la part des Grecs les autres pays membres sont préparés. La chancelière allemande, tout en reconnaissant "la validité des principes de la démocratie" implicite dans le recours au référendum (une possibilité qui pour des raisons historiques et constitutionnelles n'existe plus outre-rhin), a souligné "que nous devons aussi dire quelles sont nos priorités".

"Si le peuple grec ne veut pas des obligations négociées, nous ne renoncerons quand même pas à l'euro", a déclaré Angela Merkel. "Nous ne pouvons engager l'argent du contribuable européen (...) qu'à partir du moment où un certain nombre de règles (...) sont respectées", s'est justifié Nicolas Sarkozy.

Jeudi matin, le président français rencontrera Barack Obama avant d'ouvrir officiellement à la mi-journée le sommet du G20. Les Européens devront convaincre leurs partenaires qu'ils maîtrisent la situation.
Ce jeudi, Paris en a remis une couche. La zone euro peut "se passer" de la Grèce , a déclaré le ministre français des Affaires européennes. "La Grèce est à la fois quelque chose qu'on pouvait surmonter et en même temps quelque chose dont on peut se passer", a dit Jean Leonetti sur RTL. "Parce que c'est 2% du PIB de la zone euro et c'est 4% de la dette de la zone euro. Donc, on peut les aider, on peut les sauver, on ne peut pas sauver non plus les gens malgré eux", a-t-il souligné. "Ce n'est pas parce que la potion est amère qu'il ne faut pas la prendre, parce que le malade est très gravement malade".

Épilogue ou prologue ?

Rien n’est épargné à Nicolas Sarkozy, hôte du G20 de Cannes ! Il voulait s’afficher en sauveur de l’euro – avec Angela Merkel – devant les puissants de ce monde. Et voilà que le noyé grec, auquel Berlin, Paris et l’eurogroupe maintiennent la tête hors de l’eau, se débat, risquant d’entraîner ses sauveteurs ! En même temps, cette affaire du référendum étale en plein sommet mondial les faiblesses de la monnaie unique. Incapable de balayer devant sa porte, l’Europe se ridiculise devant les États-Unis, la Chine et les «émergents» en prodiguant à foison ses recommandations pour une gouvernance financière. Du prêchi-prêcha à l’oreille des Américains et des Asiatiques !

À moins que le gouvernement grec ne soit mis en minorité demain, le référendum aura lieu, souveraineté nationale oblige, malgré les cris d’orfraie et les pressions. Et peu importent la date et la question posée qui, directement ou indirectement, portera sur un drastique régime d’austérité. Peu importe aussi si cette démarche relève d’abord des subtilités byzantines de la politique intérieure grecque, elle marquera un tournant dans le drame grec et européen. Pas son épilogue, peut-être un nouveau prologue.

Jusqu’à présent, il n’était question que de crise des dettes souveraines, avec la Grèce comme coupable (à juste titre) de tous les laxismes. Sauver la Grèce revenait à sauver l’euro et les banques en évitant la contagion d’un mal que les incuries d’Athènes ont rendu virulent. Avec pour remède de très onéreuses perfusions suivies de saignées massives. Faute d’une «vraie» banque européenne avec de vrais pouvoirs comme les possèdent la Fed américaine ou la Banque d’Angleterre – pouvoirs que l’Allemagne refuse à la BCE – ne restaient que les variations du verbe allemand «sparen» (épargner), injonction prononcée à longueur de discours par les dirigeants d’outre-Rhin. Épargner, c’est-à-dire réduire les dépenses sociales, les salaires et les pensions par tous les moyens. Et maintenir ainsi la stabilité de l’euro pour le plus grand bien des mieux lotis…

En accélérant la récession par paupérisation, cette politique mine l’économie réelle. Or c’est l’état de cette économie réelle, la seule visible dans leur porte-monnaie, que jugeront les Grecs. À tous les «docteurs» de l’euro de le comprendre, en dosant autrement leur médication, en ne ciblant pas seulement la fièvre financière via le FESF, en n’oubliant pas la croissance ! Sinon, ce sera la catastrophe. Pour toute l’Europe.

Crise

Crise est un mot d’origine grecque, bien sûr. Et nous y sommes, jusqu’au cou… Des inconscients, ou des privilégiés, c’est pareil, aiment à dire « vive la crise », car elle régénère. Non, la crise est haïssable, celle-ci comme les autres. Car nous devinons une chose, quand nous voyons ces dirigeants réunis dans des salles aveugles, se croisant avec des sourires crispés, puis nous causant entre deux drapeaux, solennels comme un faire-part de décès – nous devinons que tout cela terminera dans la sueur, le sang et les larmes. Quoi qu’il arrive en Grèce, il faudra se serrer la ceinture. Et nous en voudrons à nos dirigeants, qu’ils aient réussi à limiter les dégâts ou pas, parce qu’il y aura toujours trop de dégâts, surtout pour les plus faibles d’entre nous. Alors espérons que cette crise soit vite résolue – et promettons le goudron et les plumes au prochain qui chante « vive la crise ».

Sur un champ de mines

Nicolas Sarkozy rêvait d'un G20 « français » réussi qui lui dégage un boulevard vers sa réélection. Patatras ! Il ouvre le sommet des patrons politiques du monde, « son » sommet, sur un champ de mines qui menace de se transformer en champ de ruines si les managers de la planète libérale ne trouvent pas rapidement les bons coupe-feu à la crise de l'Euro(pe). Le Président se rêvait en patron de la planète. Il se retrouve engoncé dans un uniforme de démineur d'urgence. Bref, contraint de ranger aux accessoires les trois dossiers sur lesquels il espérerait capitaliser : réforme de la gouvernance mondiale, régulation des marchés financiers, maîtrise des prix agricoles. Ces sujets essentiels vont être délaissés à Cannes ; c'est une mauvaise nouvelle, pour Nicolas Sarkozy, pour tout le monde.

Devant le scénario catastrophe qui se profile, avec ou sans la Grèce, le président français engage au G20 une partie d'autant plus délicate qu'il l'aborde en position de faiblesse, pas seulement du fait de Papandréou. En trois ans, sa parole tonitruante ¯ souvenez-vous des diatribes contre les marchés financiers et les paradis fiscaux ¯ s'est singulièrement dévaluée, faute d'avoir franchi l'épreuve des faits. Son leadership européen s'est dilué dans un tandem germano-français dont Angela Merkel est à l'évidence le moteur... et le frein.

Son bilan économique mitigé, marqué par une lourde menace sur la capacité de la maison France à emprunter (le fameux triple A), ne lui donne aucune marge de manoeuvre. Face à Obama et Hu Jintao, Nicolas Sarkozy est en panne d'autorité, quand bien même ces deux-là débarquent à Cannes avec leurs propres turpitudes : Obama champion de la planche à billet, Hu Jintao adepte d'une monnaie sous-évaluée.

L'électrochoc grec

Le G20 est pourtant condamné à produire des résultats concrets et immédiats, car derrière le maillon faible de la Grèce chacun sent que toute la planète libérale vacille au bord du gouffre. Les taux d'intérêts asphyxiants subis par l'Italie ne relèvent pas du fantasme. Dans « l'économie monde », en perte de repères et de croissance, tout le monde se tient par la barbichette.

Dans « l'économie monde » seule une réponse collective, cohérente et solide, peut donc déjouer les pièges des marchés et éviter le krach économique. S'il ne veut prendre le risque d'accélérer la catastrophe en germe, le G20 n'a pas le choix. Il lui faut rassurer avec clarté sur la capacité réelle de l'Europe et de ses partenaires à faire face financièrement aux aléas grecs, italiens et autres. Ce G20 doit s'inscrire dans une volonté politique fermement partagée de sauvetage durable. Cela fait de trop long mois que les marchés tordent le bras des politiques du fait de leur pusillanimité, leurs égoïsmes nationaux, leurs divergences. Puisse l'électrochoc grec les réveiller à Cannes.

Cela fait trop longtemps aussi, qu'aveuglés et tétanisés par les marchés, les politiques s'éloignent des préoccupations concrètes de leurs citoyens. La configuration lourdement technocratique des plans de rigueur servis à répétition, partout en Europe, est un danger réel pour la démocratie. Là aussi, pour les « patrons » du monde, l'urgence cannoise est de prendre conscience que le bon fonctionnement de la politique, en temps de crise, ne consiste pas à imposer d'autorité aux peuples des potions d'austérité sans autre forme de discussion. Sauf à risquer des effets boomerangs non maîtrisables.

Grèce : une sortie de l'euro est désormais envisagée

Derrière la question du référendum, « il s'agit de savoir si les grecs veulent ou non rester dans la zone euro » affirme le premier ministre grec.

« La seule question qui se pose désormais pour les grecs c'est de savoir s'ils veulent rester membres de la zone euro ». Cette phrase prononcée deux fois avec gravité à minuit dans l'auditorium du Palais des festivals de Cannes, par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy fera date dans l'histoire de l'Europe. Elle résonnera avec acuité tout au long des deux jours du sommet du G20 qui débute aujourd'hui à midi et se terminera demain après midi. Les 20 dirigeants des pays les plus riches de la planète doivent discuter aujourd'hui lors de leur premier déjeuner ensemble de la manière de relancer la croissance mondiale et de réformer le système monétaire international avant de s'attaquer dans l'après midi à la question du financement de l'aide au développement. Autant de sujets majeurs et graves qui ne pèseront pas lourd, pourtant, face à celui qui est dans tous les esprits ce matin à Cannes : la Grèce va-t-elle ou non sortir de la zone euro ?

Après le séisme provoqué lundi soir par l'annonce du premier ministre grec Georges Papandreou d'organiser un referendum pour consulter ses concitoyens sur le plan d'aide européen adopté dans la nuit du 26 au 27 octobre dernier, à Bruxelles, on en sait enfin davantage. Une réunion de trois heures, hier soir à Cannes entre les dirigeants allemands, français, de l'union européenne et du FMI, en présence du premier ministre grec, ont éclairci les choses. La Grèce devrait organiser un referendum le 4 décembre prochain. Le conditionnel reste de mise, car rien ne dit que le gouvernement Papandreou sera encore en place à cette date. Il subira demain un vote de confiance au sein de son parlement qui s'annonce très serré, comme il l'a lui-même reconnu hier soir à Cannes. La question précise qui sera posée dans ce referendum n'est pas encore déterminée mais dans la lignée de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, le premier ministre grec a été très clair : « au fond, il s'agit de savoir si les grecs veulent ou non rester dans la zone euro ».
Sarkozy et Merkel lancent un «appel solennel au peuple grec»

Côté européen, après les premières heures de stupeur, la réunion d'hier soir a permis d'établir une ligne claire : d'abord, accélerer la mise en œuvre des décisions prises la semaine dernière à Bruxelles. Il s'agit notamment de mettre en place le Fonds européen de stabilité financière nouvelle formule rapidement, pour qu'il fasse office de pare-feux en cas de « non » grec. Deuxième réponse : « nous sommes prêts à aider les grecs au nom de la solidarité européenne mais cette solidarité exige que la Grèce respecte ses engagements », a martelé Nicolas Sarkozy. En clair, s'ils disent oui le 4 décembre, les grecs ne doivent pas croire qu'ils échapperont à la rigueur, ni à l'austérité. Enfin, la sixième tranche d'aide à Athènes ne sera pas débloquée tant que la situation politique du pays n'aura pas été clarifiée, car a précisé le président français « nous ne pouvons pas engager l'argent des contribuables européens si les règles ne sont pas respectées ». Pour mieux dramatiser l'évènement, hier soir, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont lancé un « appel solennel au peuple grec souverain pour qu'un compromis politique soit rapidement trouvé dans le pays », autour d'un oui à l'euro.

Les journalistes présents dans la salle ont eu l'étrange sentiment de vivre un moment fort de l'avenir de la monnaie unique. Le verdict des marchés financiers, aujourd'hui, alors que pour la première fois l'hypothèse d'une sortie d'un pays hors de l'euro a été évoquée, s'annonce serré.

Sauvetage de la Grèce : l'Europe pose ses conditions

À la veille du sommet, les dirigeants européens ont tenu une réunion de crise extraordinaire pour riposter à la décision d'Athènes de faire un référendum sur le plan d'aide. Un nouveau rendez-vous est prévu jeudi.

Un double sommet de crise avant le vrai sommet! C'est le traitement de choc que l'Europe s'est infligé au cours des dernières heures pour cause de crise grecque. Bouleversant totalement l'agenda préétabli, les dirigeants européens se sont retrouvés mercredi en fin d'après-midi à Cannes, à la veille de l'ouverture officielle du G20, pour tenter de remettre de l'ordre dans leur maison. Les fondations de l'euro ont été fortement ébranlées par la décision surprise du premier ministre grec, Georges Papandréou, de soumettre l'accord conclu entre dirigeants européens, le 27 octobre à Bruxelles, à un référendum. Convoqué pour venir s'expliquer sur cette décision, le dirigeant grec est reparti de Cannes mercredi soir tard.

Dans une conférence de presse, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont fait preuve d'une très grande gravité, tant dans la forme que sur le fond. «On ne laissera pas détruire l'Europe et l'euro», a lancé Nicolas Sarkozy. Le chef de l'État a détaillé trois points clés. Le premier est la mise en œuvre accélérée des décisions du sommet du 27 octobre dernier. Une réunion des ministres des Finances avec la Commission européenne est prévue dès aujourd'hui pour mettre concrètement en œuvre le plan adopté.

Nicolas Sarkozy a annoncé ensuite que les dirigeants européens sont toujours prêts à aider la Grèce, ce qui «implique que la Grèce remplisse ses engagements». Enfin, le chef de l'État à tenu à préciser que le si­xième versement, d'un montant de 8 milliards d'euros, ne sera octroyé que si Athènes adopte l'ensemble des mesures décidées lors du dernier sommet.
Un référendum possible le 4 décembre

Concernant le référendum, les deux leaders européens ont été là encore très directs. Ils attendent un vote le plus vite possible. Georges Papandréou a précisé qu'il devrait se dérouler le 4 décembre. Sur le fond, certes, le peuple grec est souverain mais Nicolas Sarkozy a tenu à indiquer que la seule question acceptable était : «La Grèce veut­-elle rester ou non dans la zone euro ?» Et d'ajouter : «Nous le souhaitons». Il a également lancé «un appel solennel pour qu'un consensus politique puisse être rapidement réuni en Grèce».

Ces messages semblent avoir été bien compris par le premier ministre grec qui a tenu à préciser quelques minutes après les déclarations d'Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy: «Quelle que soit la question posée, ce référendum reviendra à savoir si la Grèce veut rester dans la zone euro».

Les pays européens membres du G20 se retrouveront ce matin, pour une nouvelle réunion de crise sur la question grecque, avant l'ouverture officielle du sommet qui débutera à midi. Un ballet diplomatique qui s'opère sous l'œil de plus en plus inquiet des autres membres du club des vingt pays les plus riches de la planète. Pékin «ne peut envisager d'augmenter son investissement dans le Fonds européen de stabilité financière (FESF) compte tenu du manque de précision des propositions visant à augmenter sa force de frappe», a déclaré le secrétaire d'État aux Finances chinois Zhu Guangyao, alors qu'au même moment son président Hu Jintao tenait un dîner de travail avec Nicolas Sarkozy.
La carte de la fermeté

Révélateur de l'inquiétude générale, le FESF a dû renoncer mercredi à lever 3 milliards d'euros à cause de «conditions détériorées» sur les marchés. Klaus Regling, son directeur, souhaite visiblement attendre le vote des députés grecs demain. Mais le signal est troublant, au moment où la zone euro veut courtiser les investissements chinois, russes ou brésiliens, dont les grands dirigeants seront tous présents à Cannes, ce jeudi. Autre signe d'inquiétude : l'écart de taux d'intérêt entre les emprunts français et allemands à dix ans a atteint hier un niveau record de 130 points de base, soit 1,3 %. Jamais depuis la création de la zone euro, Paris n'avait emprunté aussi cher comparativement à Berlin.

La riposte européenne à la décision du gouvernement grec s'est opérée sous deux formes. D'abord, dramatiser l'enjeu. Le président de la Commission, José Manuel Barroso, a estimé qu'un rejet du plan de sauvetage aurait des conséquences politiques incalculables. Deuxième angle de riposte, la carte de la fermeté, jouée par Paris : «Nous regrettons solennellement (…) cette annonce prise de façon unilatérale, a déclaré le premier ministre François Fillon à l'Assemblée nationale. Les Grecs doivent dire vite et sans ambiguïté s'ils choisissent ou non de garder leur place dans la zone euro».

DES UNES D'HIER EN EUROPE








Papandreou, "l'homme le plus impopulaire d'Europe"

Le Premier ministre grec a reçu une volée de bois vert dans la presse, après avoir annoncé que le sort de la Grèce appartenait désormais à la vox populi. "Une erreur colossale", titre un éditorialiste du quotidien espagnol El País, qui voit ce referendum comme un "mauvais choix pour la Grèce et un risque pour l'Union Européenne". Le quotidien catalan La Vanguardia publie, quant à lui, un édito au titre éloquent "Le retour de la peur", dans lequel il assure que ce referendum ouvre une ère de "dangereuse incertitude". Le Times avance pour sa part que ce referendum semble "ne plaire à personne à part à George Papandreou" et argue que l'annonce a plongé l'Union dans une "grande panique".
Pourtant, The Wall Street Journal, bible du milieu des affaires, estime qu'il s'agit d'"Une leçon de Démocratie par la Grèce". "George Papandréou est certes devenu l'homme le plus impopulaire d'Europe", mais "il fait à son peuple et à tous les Européens une belle faveur". Qui aurait "cru que les Grecs avaient quelque chose à enseigner de la Démocratie ?", souligne le journal. "S'ils votent oui, M. Papandréou verra sa politique renforcée. S'ils votent non, ils devront prendre leurs responsabilités." Et de toute évidence, "le non-paiement de la dette donnera une leçon sur ce qui arrive lorsqu'un pays vit au-dessus de ses moyens." 
Le quotidien britannique The Guardian met en exergue le fait que 60% des électeurs "sont contre les termes du plan, mais que 70% ne souhaitent pas quitter la zone euro". Il estime donc que le Premier ministre grec devrait proposer une question simple - "Voulez-vous rester dans la zone euro ou pas ?" - car les votants "ont tendance à être assez conservateurs, ils préfèrent le statu quo, qui, dans le cas présent, consosterait à garder la monnaie unique". Le quotidien de centre gauche ajoute que "si l'Europe est un problème pour la Grèce, la Grèce en est un bien plus grand pour l'Europe : lorsque vous devez 1000 euros à la banque, vous avez un problème mais si vous lui devez 100 milliards, c'est la banque qui a un problème". Autrement dit, le Premier ministre, avec ce referendum, "a plus de pouvoir que ce que pensent les gens".
Professeur à Berkley et ancien ministre du Travail de Bill Clinton, Robert Reich signe, un papier au ton énergique dans le Christian Science Monitor. Selon lui, que les Grecs acceptent ou refusent le plan de sauvetage, leur niveau de vie est condamné à se détériorer davantage. Robert Reich rappelle que le plan de sauvetage de Wall Street, en 2008, n'avait pas été soumis au referendum et que si cela avait été le cas, les Américains l'auraient probablement rejeté. Au lieu de cela, "Wall Street a prospéré, ce qui n'est pas le cas de la nation". Pour l'universitaire, la question est de savoir si l'on souhaite être "régi par la loi de la Démocratie ou par celle des marchés financiers" ; il ajoute qu'au vu de l'expérience américaine, il choisirait la première. Le titre choisi par le quotidien espagnol El Mundo - "Papandreou affirme que la Démocratie est au-dessus de la loi du marché" - lui répond en écho.

Grèce : l'incongruité démocratique

Suscitant l'hystérie des marchés et l'indignation des dirigeants européens, l'annonce par le Premier ministre grec George Papandreou d'un referendum sur le plan de désendettement adopté cinq jours plus tôt à Bruxelles n'est sans doute pas dénué d'arrière-pensées.

Elle n'en marque pas moins une tentative de retour du politique dans un processus qui entendait s'en affranchir. « Incompréhensible », « anormal », « insultant », « folie politique », « cette annonce a surpris toute l’Europe »… Ce n’est pas cette fois la publication de nouveaux chiffres ou une énième catastrophe économique qui a semé la panique dans les salles de marchés et la désolation parmi les dirigeants européens mais une grossièreté de dix lettres, lâchée la veille par le Premier ministre Papandréou comme un pet géant au milieu d’une communion solennelle : « referendum ».  
 
Les mêmes, cinq jours plus tôt, n’avaient pas eu de superlatifs assez puissants pour louer l’auto-adoption par les dix-sept pays de la zone euro (voir encadré ci-contre) du plan échafaudé sans souci majeur de l’adhésion d’une population grecque implicitement considérée comme négligeable sinon coupable des malheurs du temps. Futilité dans le monde en construction, on ne s’était guère d’avantage inquiété des réalités politiques délicates de cet État où le gouvernement ne dispose plus guère – le voudrait-il – de la marge de manœuvre nécessaire à l’instauration réelle d’une austérité impitoyable doublée d’une mise sous tutelle humiliante.
 
La broutille démocratique ainsi ignorée, la réunion à suivre du G20 se présentait sinon comme une fête, au moins une parade de Croisette, montée des marches incluse pour les metteurs en scène de l’accord du miracle. L’irruption surprise du pétard référendaire la transforme en cauchemar.
 
Au-delà même de son issue, les délais qui s’imposent pour une tenue du scrutin en janvier prochain s’annoncent très anxiogènes. L’adoption du plan fera, par définition, l’objet d’un âpre débat dans un pays déjà notoirement exaspéré et en ébullition. Trois mois d’insupportable attente et d’incertitudes pour « les marchés » déjà en proie à toutes les convulsions. Au bout, un résultat douteux car, détail qui aurait dû rester subalterne, une faible minorité de Grecs jugent positifs les résultats du sommet de Bruxelles (sondage du journal grec To Vima). Son rejet possible laisse augurer pour beaucoup la faillite de la Grèce et sa sortie consécutive probable de la zone euro. Deux éventualités prévues depuis longtemps par nombre d’économistes mais considérées par beaucoup en Europe comme annonciatrice d’apocalypse.
 L’avenir incertain du scrutin
 
Sans doute le Premier ministre grec n’est-il pas guidé dans sa subite inspiration (qu’il n’avait pas plus communiqué à son ministre des finances qu’à ses homologues européens) par de seules considérations morales ou démocratiques, ni par un impératif d’usage. Le dernier référendum hellène date de 1974, et il s’agissait alors d'abolir la royauté. En lançant cette option, Georges Papandreou repousse le scénario d’élections anticipées certainement perdues auquel voulaient l’acculer ses adversaires de droite. Il peut espérer souder par la force d’un choix binaire imposé (c’est « oui » ou c’est « non ») les rangs turbulents du PASOK qui assure sa fragile majorité. Dans un contexte social devenu irrespirable, il oblige aussi ses compatriotes à prendre leurs responsabilités face à la régression sociale demandée mais aussi, de façon subséquente, face au maintien de leur pays dans la zone euro.
 
Il n’est pas sûr, cependant, qu’il arrive jusque là. Bien avant d’aborder ledit référendum, le chef du gouvernement grec doit dès ce vendredi 4 novembre affronter un nouveau vote de confiance du parlement … sur la question du plan de Bruxelles. En juin dernier, il n’avait obtenu l’adoption du dernier programme d’austérité – depuis entré en application mollement et sans grand succès - que par 154 voix sur 300, sur fond d’émeutes. Or, parmi plusieurs personnalités socialistes, deux députés au moins ont fait connaître dès mardi leur défection par hostilité au référendum annoncé. Leur vote négatif vendredi serait paradoxal – il leur est justement demandé d’approuver le plan européen – mais il n’est pas exclu. Ajouté à d’autres, il pourrait alors provoquer la chute du cabinet de Papandreou et provoquer mécaniquement des élections anticipées.
 
Une voie plus directe, en somme, vers l’instabilité et l’inconnu tant redoutés des bailleurs de fonds et décideurs européens dont le chemin de croix, en toute hypothèse, n’est pas près de s’achever. En se rappelant brutalement à leur bon souvenir, la politique grecque se confirme décidément bien mal soluble dans la simple logique de marché.