TOUT EST DIT

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mercredi 27 août 2014

Les deux vertus de M. François

   Quoi qu’on pense de la politique de François Hollande, on doit savoir gré au Président de deux choses. D’abord, d’être un prévisionniste averti en ce qui concerne la météorologie. Qu’il se déplace pour un événement important et immanquablement la pluie, à défaut de la reprise, sera là. Ensuite, d’avoir du goût pour le remaniement. Ce qui permet au citoyen de découvrir le secrétaire général de l’Elysée. Homme de première importance mais homme de l’ombre, il n’apparait qu’à cette occasion : aboyeur prestigieux, il annonce la liste du nouveau gouvernement puis il disparait. C’est son jour de gloire. Ces quelques minutes enivreraient n’importe qui. Lui reste serein : il sait qu’un changement d’équipe interviendra un jour ou l’autre et qu’une fois encore, il sera le messie.

Gouvernement Valls II ou le triomphe de Terra Nova

Pour Louis Manaranche, la composition du nouveau gouvernement achève la mue de la gauche que le think-tank Terra Nova avait appelée de ses vœux en 2011.
Il est dans la vie politique des événements profondément ambivalents.
Une sortie médiatique de deux puis trois ministres contre la politique économique du gouvernement, trop inféodée à leurs yeux aux objectifs d'austérité fixés outre-Rhin, a entraîné un remaniement mineur. En soi, cela n'a rien de remarquable. Pourtant, à y regarder de plus près, ce qui s'est passé n'est pas insignifiant. Les ministres qui ont été poussés vers la porte l'ont été pour des prises de position qui sont historiquement marquées à gauche. Il ne serait venu à l'idée de personne, il y a quelques années, par exemple pendant la campagne de l'élection présidentielle, d'envisager que l'on puisse, à gauche, reprocher haut et fort à un homme de gauche de donner la priorité à la relance de l'activité productive sur la réduction des déficits budgétaires. On aimerait se réjouir d'une forme de sain consentement au réel ou d'une redécouverte de la vertu de prudence, qui inviterait à ne pas entreprendre d'action publique dont on n'ait pas les moyens. Néanmoins, il semblerait plutôt que nous assistions à une redéfinition au sommet de l'État de ce qui constitue l'ADN de la gauche. On remplace des ministres dont l'identité de gauche reposait essentiellement sur l'économique, le social et l'institutionnel, par des ministres dont la ligne en la matière consiste manifestement en un consentement aux règles de la gouvernance libérale mondiales. Le seul novice y consent même avec enthousiasme.
En revanche, l'Éducation nationale échoit à une ministre dynamique et décidée qui s'est fait le héraut de la lutte pour de nouvelles émancipations individuelles, pour une refonte des rôles et des images attribués à l'un et à l'autre genre, allant jusqu'à un affranchissement à l'égard des données invariants de l'incarnation et de la sexuation. Ainsi, l'Éducation nationale, que l'on confiait jadis volontiers à des amoureux de l'émancipation par la transmission des savoirs, semble se présenter aujourd'hui comme l'aboutissement et le champ d'essais de ces luttes nouvelles et expérimentales. Le deuil des derniers représentants gouvernementaux de la gauche vieille école se veut compensé par la promotion de celle qui mieux que quiconque symbolise le primat de l'émancipation libertaire. Ainsi, la mue annoncée et préconisée par le think-tank Terra Nova en 2011 est accomplie. À la droite de ne pas la singer, si elle veut un jour retrouver non pas le pouvoir mais avant tout le peuple.

Arbitrage Tapie: Christine Lagarde mise en examen pour "négligence"

La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde a annoncé aujourd'hui avoir été mise en examen la veille à Paris pour "négligence" dans l'enquête sur l'arbitrage entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais. Elle n'entend cependant pas démissionner de la direction du FMI : "Je retourne travailler à Washington dès cet après-midi", a-t-elle précisé à l'AFP.

"Elle est extrêmement combative", a dit à Reuters un proche de la directrice générale du FMI. "Elle considère cette décision totalement infondée et a chargé son avocat de déposer tous les recours."

Cette affaire porte sur la sentence arbitrale de 2008 qui avait octroyé quelque 400 millions d'euros à Bernard Tapie -dont 45 millions d'euros au titre du préjudice moral- pour clore le long litige qui opposait l'homme d'affaires au Crédit Lyonnais sur la revente d'Adidas.

Les juges cherchent à déterminer si cette sentence est le fruit d'un "simulacre" d'arbitrage organisé avec l'aval du pouvoir de l'époque.

La commission d'instruction de la CJR entend comprendre le rôle qu'a pu jouer Christine Lagarde dans le choix pris à l'automne 2007 de préférer l'arbitrage, c'est-à-dire une justice privée, à la justice de droit commun.

Valls, la gauche et les patrons

Il y aura du monde à l’Université d’été du Medef, ce mercredi, pour écouter le premier grand discours du Premier ministre fraîchement reconduit : des milliers de patrons qui, sensibles au geste que leur envoie Manuel Valls, devraient se laisser d’autant plus facilement séduire qu’ils savent que le chef du gouvernement est, à gauche, l’un des plus ouverts à la thématique de l’entreprise. Est-ce que, pour autant, cela suffira à réparer la fragile mécanique de la confiance, tous ces rouages qui ont été bloqués par l’accumulation des punitions fiscales et des zigzags gouvernementaux ? Est-ce qu’un déclic se produira dans l’esprit de tous ces entrepreneurs qui permettrait enfin de relancer l’investissement et de ranimer la création d’emplois ? Pas sûr… Car, non loin de ce campus où s’exprimera le Premier ministre, d’autres oreilles attentives décortiqueront les propos de Manuel Valls. Tout ce que la planète socialiste compte de hiérarques et de militants soupèsera les mots et les accents du discours de Manuel Valls, et s’interrogera gravement : en fait-il trop pour les entreprises ? A-t-il lâché de nouveaux « cadeaux » aux patrons ? A-t-il bien insisté sur les « contreparties » ? N’a-t-il pas oublié le « peuple de gauche » ?
C’est là le problème de ce nouveau gouvernement : peut-être est-il cohérent, mais ce qu’il reste de sa majorité ne l’est pas. Frondeurs, exclus, virés, démissionnaires, opposants de l’intérieur, ils seront nombreux, face à Manuel Valls et à sa ligne. Réformer l’Etat sera un combat, alléger les prélèvements une gageure, libérer le marché du travail un casse-tête, épargner aux entreprises de nouvelles contraintes un défi. Et encore faudrait-il en faire dix fois plus pour que le traitement proposé ait une chance de permettre à la France de se redresser.
Au fond, le problème de Manuel Valls, c’est la gauche, pas les patrons.

Présidence Hollande: un scénario grec

Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé n'est pas le fruit du hasard. Remaniements répétés, politique d'austérité à rebours des promesses de campagne, effondrement du parti socialiste: le film est déjà connu... il s'est déroulé à Athènes, ces cinq dernières années. Il a abouti à une spirale récessionniste, 28% de chômage et un parti socialiste représentant quelque 8% de l'électorat, gouvernant main dans la main avec la droite conservatrice.
C'est une soirée de janvier 2011, dans une taverne d'Athènes. Un an et demi avant la présidentielle française et alors que DSK est encore donné favori dans la course. DSK est connu en Grèce: en tant directeur général du FMI il fait partie de cette « Troïka » qui a assainé au pays une sévère cure d'austérité en échange d'un ensemble de prêts (mémorandum de mai 2010). Il est venu d'ailleurs contrôler l'avancée des mesures le mois dernier, on le dit proche de Papandréou, le premier ministre grec et leader du PASOK (parti socialiste), attaché à sortir la Grèce de l'ornière, moins dur dans les négociations que les représentants de la Commission européenne. DSK président serait-il une bonne nouvelle pour la Grèce? La future élection présidentielle française en tout cas figure déjà dans les discussions. Enfin, les socialistes reviendront au pouvoir et pourront proposer une alternative à cette politique d'austérité, faire contre-poids face à Merkel... Autour de la longue tablée, un ami pourtant m'avertit: « Le PS va arriver au pouvoir en France pour faire exactement la même chose que le PASOK en Grèce. C'est plus facile de faire passer ce genre de mesures par un gouvernement de gauche qu'un gouvernement de droite... » Je lui dit qu'il exagère - c'est ce que j'ai envie de croire, au fond, mais quelque chose me dit qu'il n'a pas complètement tort.
J'ai souvent repensé à cette prédiction qui s'avère si juste aujourd'hui, six mois après mon retour en France et alors que j'assiste, au sein de la rédaction de Mediapart, à cette droitisation inédite d'un gouvernement socialiste. Comme un film déjà vu dont on connaîtrait la fin, je note, jour après jour, les similitudes des deux trajectoires. Un financier au ministère de l'économie? En novembre 2011, c'est même un ancien gouverneur de la banque centrale grecque qui prend le poste de premier ministre, dans la foulée de la chute de Georges Papandréou : Loukas Papadémos. Plus tard, c'est un libéral convaincu, le directeur du think tank du patronnat grec, qui prendra les reines du ministère des finances et conduira de nombreuses "négociations" avec la Troïka: Yannis Stournaras.
La politique impulsée par l'Elysée, elle aussi, résonne étrangement à mes oreilles. Coupes dans les dépenses publiques, cadeaux au patronnat, non-sens fiscaux, reculs sur les droits sociaux...: autour de moi, l'orientation franchement libérale de la présidence Hollande choque, déconcerte, déçoit et désespère. Mais elle m'étonne si peu. En Grèce, - certes, le pays était alors dans une situation autrement plus critique, sous la pression d'une dette publique intenable qui rendait impossible l'emprunt sur les marchés - cela a commencé par un gouvernement Papandréou qui, à rebours de ses promesses électorales, a immédiatement coupé dans le vif des dépenses publiques (gel des recrutements, réductions de salaires des fonctionnaires, baisses des retraites, diminution budgétaires dans d'importants secteurs comme la santé), augmenté les impôts visant les classes moyennes (hausse de la TVA, nouvelle taxe indépendante du niveau de revenu, baisse drastique du seuil d'imposition - tout cela sans lutter contre la fraude et l'évasion fiscales), et ouvert la voie à un programme de privatisations des biens publics ainsi qu'à une libéralisation dans le secteur privé (remise en cause des conventions collectives). Par la suite, le gouvernement Papadimos (le « technicien ») a réformé le marché du travail: baisse du SMIC, libéralisation des professions dites règlementées, facilitation des procédures de licenciements dans le secteur privé, licenciements dans la fonction publique. C'était tout l'objet du deuxième mémorandum, voté en février 2012. Arrive ensuite, après les élections du printemps suivant, le gouvernement Samaras (coalition droite conservatrice-PASOK): la casse sociale continue, la réduction de la fonction publique se poursuit, et la pression fiscale est toujours essentiellement supportée par les classes moyennes.
Au fur et à mesure que sont votés ces projets de loi, dont aucun ne relèvera d'une politique de redistribution sociale (voir ce bref récapitulatif), le PIB grec s'effondre de 25% et le chômage explose à 28%. Mais les partenaires européens, eux, sont satisfaits... tout comme les marchés, et après quatre années pendant lesquelles les Grecs sont descendus en flèche, notamment par la presse allemande, Athènes fait son retour en grâce: au printemps, l'Etat grec peut à nouveau emprunter sur les marchés.
Pour le PASOK, cette politique aura été fatale. Très vite, une fronde se forme, des membres quittent le parti, l'électorat décroche. Je commençais à le raconter, déjà, dans l'un de mes premiers articles publiés dans Mediapart, en juin 2011. Le parlement grec devait alors voter la confiance à un nouveau gouvernement Papandréou, qui procédait déjà à un remaniement entre deux trains d'austérité. Louka Katséli, entre autres, vient de quitter le gouvernement: ministre du travail, pilier du PASOK dont elle incarnait l'aile gauche, cette adversaire déclarée de la rigueur rejoint les bancs de l'assemblée. Parallèlement, une trentaine de députés mènent la fronde et menacent de ne pas voter la confiance à ce nouvel exécutif. Mais la discipline de parti finit par l'emporter, les voix discordantes ravalent leurs langues au moment du vote, et le nouveau gouvernement obtient la confiance, à cinq voix près. Le chantage affiché par le premier ministre, repris par la suite par ses successeurs à chaque fois que la Vouli a dû se prononcer sur des lois si discutées, fonctionne: « Si le gouvernement saute, c'est la faillite du pays et la sortie de la zone euro... », dit en substance Yorgos Papandréou. Quelques mois plus tard, l'appareil du PASOK est à nouveau ébranlé: au moment du deuxième mémorandum, Louka Katséli et plusieurs autres personnalités, comme le compagnon de route du PASOK Odysseas Voudouris, votent contre. Ils ne reviendront pas. La première sera exclue de son groupe parlementaire et tentera par la suite, sans succès, de créer sa propre formation; le second, comme d'autres députés PASOK, se rapprochera, progressivement et avec quelques détours, de la gauche radicale de Syriza.
Nous sommes alors en février 2012. Le PASOK poursuit inéxorablement sa chute entamée un an plus tôt. Dans les intentions de vote, il est passé au-dessous des 15 %: l'effondrement est historique et le parti ne s'en remettra pas, lui qui cumulait presque 40% des suffrages à chaque élection depuis sa création, en 1974. L'hémorragie se confirme en effet dans les urnes lors des législatives anticipées une année plus tard avec un score de 12%, et ira encore decrescendo aux européennes du printemps dernier avec un résultat de 8%, - sur fond d'absention croissante: le PASOK, ce grand parti de masse qui drainait le vote populaire grec et constituait le coeur du système politique post-dictature, a vécu. Pour les municipales qui se déroulent au même moment, les grandes villes qui parviennent à ne pas basculer à droite ne réussissent ce tour de force, comme quatre ans plus tôt, que grâce à des personnalités indépendantes et iconoclastes, bien distinctes du PASOK.
Aujourd'hui, la Grèce n'a toujours pas retrouvé le chemin de la croissance malgré les derniers chiffres de l'économie qui indiquent que la chute est peut-être, enfin, enrayée après six années consécutives de récession. Le PASOK co-gouverne le pays avec la droite conservatrice de Nouvelle Démocratie. Chaque loi passe sur la base d'une majorité extrêmement mince, les deux partis rassemblés ne détenant que 154 sièges à l'assemblée sur 300. Et une partie de l'électorat, désabusé, se tourne vers le parti néo-nazi Aube Dorée qui n'avait pas d'existence politique il y a encore trois ans (9% aux européennes en mai). Toute ressemblance avec le cas français...

Hollande libéré !

Hollande libéré !

Hollande malmené ! Hollande éreinté ! Hollande accablé ! Mais Hollande libéré ! On ne nous en voudra pas, au lendemain de cette journée de commémoration du 70 e anniversaire de la libération de Paris, de détourner le message légendaire du général de Gaulle en l'adaptant à nos vicissitudes contemporaines. Oui, Hollande libéré ! Mais de quoi au juste ? De ses vieux démons. De cette manie de la synthèse molle, du mariage des contraires, de l'indétermination devant l'obstacle. Oui, Hollande s'est libéré de lui-même en acceptant la démission du gouvernement Valls après les incartades répétées de Montebourg. Oui, François Hollande a fait preuve de courage, de ce courage qui constitue parfois la force des faibles, acculés au mur.
Sans doute l'y a-t-on aidé. On pense évidemment aux pressions de Manuel Valls qui n'a pas laissé au président le temps de procrastiner. Même si, à l'Élysée, on a lourdement insisté sur le « consensus absolu » entre les deux hommes. En tout cas, Montebourg et Hamon ont insolemment poussé trop loin le bouchon de la « bouteille du redressement productif » pour espérer s'en sortir.
Reconnaître la nécessité de ce « remaniement comportemental » n'enlève rien à la crise politique qu'il ouvre et aux responsabilités initiales de François Hollande. La fronde des députés PS va-t-elle être stoppée ou, au contraire, attisée par cet acte d'autorité de l'exécutif ? Tout dépendra, peut-être, de l'ampleur du changement. Un nouvel axe de gauche va-t-il se constituer autour des déçus du hollandisme ? Rien ne le garantit non plus, compte tenu des différences partisanes.
Il reste que cette possible résurgence d'une gauche idéaliste traduit le désarroi engendré par les promesses oubliées et les ambiguïtés trop longtemps entretenues par François Hollande. Son attentisme le condamne aujourd'hui à la clarté. Le deuxième gouvernement Valls comprendra-t-il des socialistes « amis » des frondeurs comme Christiane Taubira ? S'élargira-t-il à des écolos dissidents ? Les réponses à ces questions nous diront si Hollande s'est définitivement libéré.

La « méthode couac »

La « méthode couac »

La « méthode couac » : voici la stratégie initiée par Arnaud Montebourg, ministre de l'Économie, avec la complicité de Benoît Hamon, ministre de l'Éducation nationale. Dans la presse et à Frangy-en-Bresse, à l'occasion de la traditionnelle Fête de la Rose, l'un et l'autre ont plaidé pour une inflexion majeure de la politique de François Hollande. Sous Jean-Marc Ayrault, les « couacs » se multipliaient dans un désordre risible. Sous Manuel Valls, ils relèvent d'une tactique assumée par les ministres frondeurs et prennent l'allure d'un défi lancé à l'exécutif à un moment critique du quinquennat. C'est donc autrement grave.
D'abord, parce que cette attitude, contraire à l'éthique, de deux ministres importants, sur une orientation politique essentielle, altère la solidarité gouvernementale. Ensuite, alors que François Hollande sollicite la confiance du pays, de telles dissensions ne peuvent qu'entretenir la perplexité des Français. Ce n'est pas que le débat de fond sur l'équilibre entre politique de l'offre et de la demande soit inconcevable.
Il est même normal que le sujet agite la majorité parlementaire. En revanche, il n'a plus sa place au sein du gouvernement une fois le choix présidentiel arrêté. Sauf à assumer en démissionnant. Ce n'est pas sans hypocrisie qu'Arnaud Montebourg argue de sa loyauté tout en maniant le chantage. En fait, il utilise son maroquin pour façonner son image d'homme de la « vraie » gauche en vue de 2017. Tout comme le fait Benoît Hamon, sensible à un « ticket » avec le ministre de l'Économie.
Et c'est avec une bien coupable clémence que François Hollande banalise les « écarts » de ses ministres. On nous ferait presque croire qu'ils ont parlé avec la bénédiction de l'Élysée. Delphine Batho, ministre de l'Écologie sous Jean-Marc Ayrault, fut congédiée pour beaucoup moins que cela. En vérité l'exécutif hésite à punir les « cautions » de gauche que représentent Montebourg et Hamon. Du coup, dans l'affaire, c'est surtout l'autorité de Manuel Valls qui se trouve prise en défaut. Mais on connaît trop le tempérament péremptoire du Premier ministre pour qu'il accepte ce nouveau franchissement de « ligne jaune » dans la « méthode couac ».

L’été pourri

L’été pourri

Contrairement à une idée trop répandue, l'été pourri n'a rien à voir avec la météo. Vous savez bien, la fameuse différence entre température réelle et température ressentie… Pour cet été, le ressenti, c'est cette pluie qui a tenu les enfants dedans, mis des taches noires sur les tomates du jardin et obligé les adeptes des épaules couleur café à avaler des boîtes de gélules pour revenir bronzés. C'est aussi le manque de ciel bleu quand le gris rétrécit l'horizon et que Bison futé nous rebat les oreilles des embouteillages sur les routes de la rentrée. De tout cela, nous nous remettrons, c'est sûr… Pas du sombre et nauséeux été dont on voudrait maintenant qu'il s'achève.
Plus que nos petites râleries vacancières, le climat réel de l'été, ce sont les orages de l'actualité qui ont remplacé les éclairs par les balles traçantes des mitrailleuses et les grondements du tonnerre par le fracas des bombes. Un déluge quotidien de violence sauvage dans ce monde qui ose se prétendre civilisé, ce monde qui toujours pèse les retombées commerciales ou pétrolières avant les raisons humanitaires et qui hésite quand tombent par milliers les victimes innocentes.
Les brumes tragiques des matins de l'information n'ont jamais laissé percer la moindre éclaircie d'espoir. Mais à quels moments d'insouciance peut-on prétendre quand, dans Gaza, on pilonne les écoles, quand le Hamas et la droite dure israélienne qui n'existent que par la guerre piétinent les trêves et les négociations ? À quels sujets légers peut-on aspirer quand, en Irak, des fous de Dieu font couler le sang des chrétiens jetés dans une terrifiante errance au désert ? Les regards sont incrédules, les mots sont vains, nous sommes au-delà de la barbarie.
Un noir chagrin nous envahit aussi quand la menace revient en Europe centrale, là où il y a cent ans débutait la Première Guerre mondiale que l'on commémore en réactualisant les qualificatifs de l'horreur. L'histoire ne sert plus à rien. Et comme s'il fallait un point final à l'été sanglant, en Syrie, un journaliste coupable a dit la vérité, il doit être décapité. Heureusement, dans quelques jours on oubliera les massacres, pour ne plus parler que d'économie et de pourcentages.

Valls, Hollande : l’électrochoc

Valls, Hollande : l’électrochoc

D’un choc l’autre : après le choc de compétitivité, qui n’a pas fait d’étincelles, voici, beaucoup plus radical, l’électrochoc avec lequel les deux morticoles à la tête du gouvernement ont décidé de soigner le cas Montebourg. Et de sortir par la même occasion du coma dépressif dans lequel s’enfonçait le gouvernement Valls, après seulement 135 jours d’existence tourmentée.
L’électrochoc ? Un traitement médicalement recommandé pour soigner certaines affections mentales qui se manifestent notamment par des états « confusionnels et dépressifs ». Ce à quoi tendaient certains membres du gouvernement disparu. Montebourg réclamait, lui, une politique alternative ? Il aura droit à un courant alternatif… « Placé entre deux électrodes » ! Il faut dire que le cas Montebourg était, comme celui du gouvernement, particulièrement « confusionnel ». Et saugrenu : un ministre de l’Economie trouvant mauvais la politique qu’il est chargé de mettre en œuvre et le criant haut et fort, c’était tout de même assez schizophrénique. D’autant plus que, dans le récent entretien qu’il avait accordé la semaine dernière au Monde, François Hollande insistait sur la « cohérence » de sa politique.

A la suite de ce traitement de choc, suggéré par le médecin chef Valls au diafoirus de l’Elysée, les trois principaux contestataires de la ligne Hollande, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Aurélie Filippetti ont annoncé, après avoir pris quelques décharges, qu’ils ne participeraient pas au prochain gouvernement. Les deux premiers avaient pourtant soutenu Manuel Valls dans ses intrigues pour évincer Jean-Marc Ayrault, œuvrant avec lui dans sa conquête de Matignon. Ils avaient reçu en récompense, l’un le ministère de l’Economie, l’autre celui de l’Education… Mais peut-être se sont-ils un peu trop, de ce fait, crus intouchables ? Les détenteurs du pouvoir n’aiment pas trop qu’on leur rappelle trop ostensiblement : qui t’a fait roi ? Le pacte entre les trois hommes n’aura tenu que cinq mois. A peine plus que le pacte de solidarité…
L’imbuvable « cuvée du redressement »
Après le défi que Montebourg et Hamon avaient lancé à Manuel Valls, dimanche dernier, lors de l’épineuse fête de la rose de Frangy-en-Bresse, avec notamment l’aigrelette « cuvée du redressement » jugée imbuvable en haut lieu, le chef du gouvernement n’a pas hésité à dégainer contre ses anciens comparses son épée de matador. « Un ministre de l’Economie ne peut pas s’exprimer ainsi, que ce soit sur la ligne économique du gouvernement auquel il appartient ou à l’égard d’un partenaire européen de la France. » La dernière phrase rappelant les accusations portées à l’encontre de l’Allemagne, que Montebourg juge responsable des politiques d’austérité en Europe. Montebourg souhaitait que François Hollande fonde, tel « un oiseau de la tempête », sur l’Aigle germanique…
On peut aussi s’interroger si le ministre provocateur, dont l’entourage évoquait le départ depuis quelques mois déjà – en vue bien sûr de se positionner pour l’élection présidentielle de 2017 – n’a pas préparé sa sortie, la rendant, de façon délibérée, inévitable et la plus spectaculaire possible.
Lundi après-midi, dans son laïus de départ, Montebourg, démissionné mais toujours flamboyant, s’est dit « fier du devoir accompli ». Peaufinant au passage sa posture présidentielle, il a cité saint Augustin : « La crainte de perdre ce que l’on a, nous empêche d’atteindre ce que l’on peut être. »
Dans un contexte géopolitique angoissant, où de multiples tragédies, que ce soient celles du Proche et du Moyen-Orient, ou du côté russo-ukrainien, risquent d’embraser le monde, où de grandes transhumances humaines incontrôlables déstabilisent nos civilisations, où la France se trouve en pleine déchéance économique, ces palinodies politiciennes, dérisoires jusqu’à l’indécence, ne peuvent évidemment qu’exacerber davantage la défiance déjà très grande des électeurs à l’égard des partis de l’UMPS. Une UMPS au bord de l’implosion elle aussi.
Après la désintégration de lundi matin, le Premier ministre forme sa nouvelle équipe. Valls consultait hier mardi à tour de bras. Avec, pour les anciens ministres désireux de le rester, une simple prescription : se soumettre ou se démettre ! Quant aux nouveaux membres de son gouvernement, Valls espère en débaucher quelques-uns du côté des Verts… Sous condition d’une consigne impérative : que les nouveaux entrants laissent leurs frondes au vestiaire. 

Hollande : l’homme sans qualités

Devant le tour désastreux pris par la présidence de « moi président », un puissant vent de panique souffle désormais sur la majorité présidentielle y compris le gouvernement Valls qui vient d’imploser.

J’ai aujourd’hui une pensée particulière pour François Hollande qui, le 12 août dernier, a fêté dans l’adversité ses soixante ans sans apparemment se rendre compte, ou fait-il seulement semblant de l’ignorer pour donner le change, qu’il risque très bientôt de tomber de haut et de se faire très mal à la haute idée que, manifestement, il se fait de lui-même.

Ce que nous constatons, chez chacun des présidents successifs de la Vème, c’est une dégradation de ses qualités d’hommes d’États au fur et à mesure de son exercice du pouvoir. Nous constatons en outre dans chaque président une dégradation plus profonde que chez le précédent. Elle est due à un rapide affaiblissement de leurs facultés perceptives et cognitives, qui provient lui-même de ce qu’ils ne rencontrent jamais de contradiction institutionnalisée. — Jean-François Revel, L’Absolutisme inefficace, 1992.
J’essaie donc avec une humilité redoublée de me mettre à sa place pour tenter de comprendre comment ce petit politicien de moindre envergure, faisant chaque jour que Dieu fait la preuve de son absence de talent dans l’accomplissement de sa tâche, peut encore oser regarder en face les Français sans être envahi par un ardent sentiment de honte !
Devant le tour désastreux pris par la présidence de « moi président », un puissant vent de panique souffle désormais sur la majorité présidentielle y compris le gouvernement Valls qui vient d’imploser : une révolution (démocratique) de palais ne semble donc plus devoir être exclue tout spécialement à la suite de l’intervention d’Arnaud Montebourg à la fête de la Rose.
Toynbee, dans son célèbre ouvrage « L’Histoire », avance l’hypothèse que le rôle des élites dans un pays est de répondre aux défis historiques qui sont lancés à la nation. Si ces élites sont incapables de répondre, le même défi se répète jusqu’au moment où il entraîne : au mieux un changement d’élites (De Gaulle en 58, défi de la décolonisation) (…) À l’évidence, les élites dirigeantes françaises ont été incapables d’analyser les défis qui sont proposés à notre pays depuis la chute du mur de Berlin et la fin du communisme et d’y répondre. — Charles Gave, Des lions menés par des ânes, 2003.
Comme on voit, cela remonte à loin et rend d’autant plus difficile, tant le (mauvais) pli a été pris au fil des alternances biaisées de gouvernement, un retour serein à une situation plus conforme au temps présent où il n’est plus question, pour peu que l’on ait encore la volonté de recouvrer notre dignité égarée, de se dérober à l’épreuve des faits quelle qu’en soit la dureté.
François Hollande ayant tiré toutes ses cartouches mouillées en se mettant à dos ses propres amis copieusement trahis depuis un certain discours du Bourget (26 janvier 2012), il ne lui reste plus, en effet, qu’à en tirer toutes les conséquences. Sauf qu’en l’absence d’un vrai programme libéral de gouvernement nous n’avons aucune chance de nous en sortir ! Alors, à Dieu vat !

Que d’eau, que d’eau…

Que d’eau, que d’eau…

Il pleut sur François Hollande, il pleut depuis le premier jour, depuis sa remontée des Champs-Elysées et son avion foudroyé sur le chemin de Berlin.
Il pleut sur sa présidence, sur sa popularité, sur sa cote de confiance, au point de lui ôter toute force de conviction et toute latitude d’action.
Il pleut sur sa manière louvoyante de gouverner, sur sa façon approximative d’exercer le pouvoir : défié depuis des semaines, le président de la République avait choisi jusque-là de tergiverser, traitant par la petite blague les provocations du fort en gueule Montebourg. N’ayant plus dans sa main que de mauvaises options, le voilà contraint de faire une charrette là où un acte d’autorité, isolé et précoce, aurait pu suffire.
Il pleut sur sa majorité qui se retrouve ainsi en plein naufrage, lâchée par ses alliés Verts, par les communistes, par les amis de Mélenchon et maintenant par une fraction du PS qui choisit délibérément, signe d’une incroyable crise, de ne pas participer au gouvernement.
Il pleut sur sa politique, sur les choix à contretemps qu’il a défendus avec obstination puis reniés avec conviction. Il pleut sur des lois faites et défaites, sur des plans bricolés, des réformes avortées. Il pleut sur la croissance, sur l’emploi, sur toutes les performances que la France aurait pourtant les moyens de réaliser.
Il pleut sur ce chef qui n’a pas voulu trancher depuis des années, sur cette clarification politique qu’il n’a jamais assumée, ni comme patron du PSpendant dix ans, ni comme candidat au discours militant, ni comme président au geste hésitant. Il pleut sur cette gauche qui se divise et rêve de cette « autre politique » dont aucun gouvernement, nulle part dans le monde, ne veut plus.
Il pleut, et c’est toute la France qui prend l’eau.

Le « complexe d’égalité » de François Hollande

Quand l’égalitarisme ne suffit plus, il faut se mettre au-dessous du niveau des Français.

Notre Président s’est beaucoup illustré par des impairs dans le savoir-vivre, notamment au début de son mandat. Il s’est aussi beaucoup fait remarquer parce que ses sorties publiques semblent très souvent marquées par un temps désastreux. Les complaisants diront qu’il n’y est pour rien. Et pourtant…
Lors de son discours à l’Île de Sein, il a atteint les sommets du ridicule, persistant à faire son intervention sous une pluie diluvienne, et cela sans le moindre abri. On a accusé encore une fois son service de communication. C’est oublier que si les conseillers lui donnent… des conseils, il reste le seul maître à bord (c’est le cas de le dire) et entend bien ne pas laisser une quelconque influence le guider. Si ses conseillers lui ont suggéré de s’abriter ce jour-là, il n’a pas voulu écouter leur avis, prétextant que si le public venu l’écouter était sous la pluie, il ne pouvait pas avoir, lui, un traitement de faveur.
égalité hollande Le HonzecC’est là tout le grave problème de François Hollande et de la gauche en général : surtout ne pas laisser penser qu’on est favorisé, ce qui serait en totale contradiction avec l’idéal politique d’égalité socialiste. On peut avoir une maison à Menton surévaluée, mais ne pas vouloir vivre au Palais de l’Élysée. On peut avoir des passe-droits pour ses impôts, mais ne pas vouloir prendre l’avion. On peut s’offusquer d’être pris en photo en maillot de bain, mais pas d’être filmé quand on dégouline. Quelle est l’impression donnée par un Président de la République ruisselant dans son imperméable, ne voyant même plus à travers les verres de ses lunettes trempés de pluie, et continuant, stoïque, un discours teinté d’ironie pendant que d’autres membres du gouvernement jouent les dissidents en prenant l’apéritif sous un soleil radieux ?
Ridicule ! Il est rigoureusement impossible de faire preuve de déférence envers quelqu’un qui ne prend même pas la peine de soigner son apparence pour parler au peuple. Le respect dû à la fonction était de toute façon une notion inexistante pour une bonne partie du gouvernement précédent : déjà alors qu’il était candidat pour être le président « de tous les Français », François Hollande lançait avec désinvolture son fameux « Je n’aime pas les riches » ; il y avait déjà là de quoi percevoir en quoi la formulation respectueuse n’était pas dans ses priorités. Aurélie Filippetti, supposée manier avec brio la plume, a adressé au Président et au Premier Ministre une lettre dans laquelle le niveau de savoir-vivre et de respect du protocole est proche de zéro : le « cher François » côtoie allègrement le « Monsieur le Président de la République » et le « mon cher Manuel » le « Monsieur le Premier Ministre », histoire de bien signifier que malgré les hautes fonctions, on reste avant tout des camarades.
Non, décidément, ne pas vouloir s’abriter de la pluie battante pour se mettre au niveau des autres spectateurs, ce n’est pas du respect, c’est justement le contraire : c’est être en poste à la plus haute fonction de l’État et vouloir continuer à jouer au pauvre.

Nicolas Doze: Gouvernement Valls II: Emmanuel Macron nommé ministre de l’Économie – 27/08