TOUT EST DIT

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mercredi 11 juin 2014

Réponse à Alain de Benoist sur le monothéisme et la tolérance


Cher Alain, vous avez donné à Boulevard Voltaire un entretien portant sur l'intolérance des monothéismes. Vieux thème autrefois développé par Ernest Renan, qui en avait eu l'idée en lisant Spinoza et que le GRECE, en ce temps là a souvent repris. Pour mesurer la naïveté renanienne il suffit de consulter son article Paganisme dans les Nouvelles études d'histoire religieuse, par exemple p. 15 : "De là cette merveilleuse liberté qui permit à l'esprit grec de se mouvoir spontanément dans toutes les directions, sans jamais rencontrer autour de lui la limite d'un texte révélé". Merveilleuse liberté au nom de laquelle on tua Socrate comme... athée, parce qu'il ne croyait pas aux dieux de la Cité.
Vous mettez sans doute toutes sortes de bémols aux vieilles exclusives. Ainsi dites-vous avec profondeur et le véritable respect de l'autre qui vous caractérise : "Personnellement, j’irai jusqu’à contester l’usage indistinct du mot « religion » pour qualifier toutes sortes de formes différentes d’engagement spirituels, de croyances ou de fois". Je suis tout à fait d'accord et je comprends tout ce que vous, vous voulez dire par là. Quant à moi, j'ajouterais, sur un registre légèrement différent : la religion n'est pas toujours une vertu. Comme le dit le Père Laberthonière quelque part, il existe aussi un vice de religion.

Cela étant posé, en toutes lettres, c'est au monothéisme que vous imputez un nouveau type d'intolérance : l'intolérance religieuse. Mais l'intolérance religieuse est vieille comme la religion, c'est le vice de religion que je viens d'évoquer, ce que doit signifier d'ailleurs la vieille histoire de Caïn et Abel, qui, parce qu'ils ne priaient pas Dieu de la même façon, se sont trouvés opposés, jusqu'à la mort. Je cite Caïn et Abel. Mais l'intolérance religieuse, ce sont les sacrifices humains sur les Hauts lieux de Canaan ou dans les Pays Aztèques. C'est le tribut humain livré chaque année au Minotaure, car la religion grecque comme l'a montré ER Dodds n'est pas exempte de cette violence. Voyez Ajax, la tragédie de Sophocle : Athéna, jalouse, rend fou ce pauvre Ajax (c'est l'até, la folie divine) et le pousse à se suicider. La theia moira n'est pas forcément clémente. Les dieux ne sont pas toujours bons.  et ils se jouent des hommes, tout en légitimant les violences humaine par la violence divine (c'est l'histoire de la  Guerre de Troie, où l'on crie Gott mit uns des deux côtés et où la théomachie surplombe et légitime les conflits humains). La violence a souvent été complice du sacré, comme l'a montré René Girard. Et ce n'est pas le monothéisme qui a inventé cela. Le problème du polythéisme, c'est que, à travers cette théomachie, cette guerre des dieux, on est bien obligé de constater qu'il ne parvient pas à poser la valeur universelle de l'être humain : si vous n'avez pas les mêmes dieux, vous n'avez pas la même valeur, vous n'êtes rien.

Quant à la tolérance des païens, les chrétiens l'ont expérimentée à leurs dépens, en trois siècles de martyrs. Il y a eu des martyrs dès le début et partout dans l'Empire, je pense, au-delà des apôtres à propos desquels on peut invoquer un dessein divin spécial, à saint Polycarpe à Smyrne ou à saint Justin à Rome. Les gens de Smyrne et les gens de Rome ne se sont pas donnés le mot entre 155 et 165 : ils ont spontanément manifesté leur vraie nature : intolérante. Il y en a un qui l'a éprouvé bien avant Jésus-Christ, il était monothéiste, mais à sa manière : il croyait à une loi unique pour tous les hommes : Socrate, condamné pour athéisme, parce que les dieux de la Cité ne lui suffisaient pas pour penser l'unité de l'humanité. Je pense aussi à Celse, ce grand ennemi des chrétiens que vous faisiez naguère profession d'admirer : quel vieux con ! Quel intolérant ! Il déteste les cultes orientaux et ajoute foi à l'anthropophagie des chrétiens, interprétant ainsi l'eucharistie d'une manière bien téméraire. Mais surtout, pour lui, les hommes au loin sont des sous-hommes. Ils peuvent être immolés à la gloire de Rome...

Non seulement l'intolérance religieuse ne remonte pas au monothéisme, mais c'est un monothéisme, le christianisme, qui invente la tolérance. Pourquoi ? Parce que contrairement au polythéisme, le christianisme est un universalisme. Les hommes sont tous concernés, qu'ils le sachent ou non, par la passion du Christ. On ne peut donc les traiter comme des sous-hommes, même si on en aurait bien envie, même s'il est arrivé que des chrétiens conservent quelque chose du vieil exclusivisme païen. Il faut penser une attitude intermédiaire, qui est d'ailleurs celle de Dieu d'après l'Evangile : "Il fait briller son soleil sur les bons et sur les méchants". La parabole du bon grain et de l'ivraie représente comme une thématisation explicite d ela tolérance évangélique. Attention ! Cette tolérance n'a rien à voir avec l'indifférence. Il est vrai que les chrétiens essaieront toujours de convertir ceux qui ne le sont pas (sous peine de ne plus être chrétiens que de nom). Je ne dis pas que tous les chrétiens ont les défauts du prédicant baptiste, mais je dis que le salut de leurs frères leur importe et que d'une manière ou d'une autre, ils se considèrent comme des témoins de la foi véritable.

Mais n'est-ce pas de l'intolérance cela ?

Le mot tolérance a changé de sens Lorsque Cajétan ou Suarez le théorisaient aux deux bouts du XVIème siècle, il signifiait ce que porte son étymologie : un devoir de supporter l'erreur au nom de la dignité de celui qui est dans l'erreur. Mais aujourd'hui la tolérance, c'est l'agnosticisme obligatoire et la non-pensée comme apothéose de l'esprit. Quiconque affirme quelque chose dans l'ordre de la destinée humaine, devient pour cela, un intolérant. Il est bien évident cher Alain, que ni vous ni moi ne pouvons admettre cette tolérance-là qui mène droit à ce que vous vous avez appelé la pensée unique. Qu'est-ce que la pensée unique sinon l'impossibilité de penser, érigée en loi ? Fausse tolérance puisqu'elle engendre la plus terrible intolérance, celle de la non-pensée.

Pénibilité : la France perd des points


Présenté par le gouvernement comme un joyau du progrès social, ce « compte pénibilité » tient plutôt de la caricature d’une France qui perd. Et qui se perd. Passons sur l’usine à gaz de cette mécanique infernale, unique en Europe. Oublions son coût aussi lourd que flou, supporté comme il se doit par les entreprises. Laissons de côté les effets pervers et les mauvais signaux envoyés sur la prévention, l’emploi des seniors, le nécessaire report de l’âge de départ à la retraite… Plus que ces ravages annoncés, le clou de la loi Touraine est révélateur d’un triple fourvoiement.
 
D’abord, il accentuera le corporatisme, dans une France déjà asphyxiée par de multiples statuts, minée par la jalousie sociale, paralysée par ses rigidités. Vous avez aimé détester les « régimes spéciaux », vous adorerez maudire les « métiers pénibles » – potentiellement 20 % des salariés ! Ensuite, il alimentera le clientélisme, machine folle à transferts sociaux. A chaque catégorie professionnelle ses rentiers, ses lobbyistes, ses revendications. En multipliant les régimes particuliers, le gouvernement s’expose à davantage de conflictualité, de concessions et donc… de déficits.
 
Même s’il ouvre de nouveaux droits, ce dispositif alimentera enfin la défiance. Ce mal français ronge notre économie. Bombe financière, fruit d’un mauvais marchandage sur la « réforme » des retraites, symbole d’un paritarisme boiteux écrasé par l’interventionnisme étatique, le « compte pénibilité » est l’archétype de ces politiques du passé, dépassées avant même d’être appliquées. Au final, c’est toute la France qui perd, pour le coup, des points.

L’UMP à crédit

L’UMP à crédit
L'UMP est donc devenue depuis hier soir « l'Union Momentanée des Pachas ». On ne nous en voudra pas de jouer ainsi avec le sigle du parti créé en 2002, et mis à toutes les sauces ces derniers temps avant, sans doute, d'être promis à un inéluctable changement. Car il va de soi que le bureau politique d'hier soir, rue de Vaugirard, n'a fait qu'éviter le pire avec la désignation transitoire à la tête du mouvement de la « troïka » de trois anciens Premiers ministres (Fillon-Juppé-Raffarin) flanquée d'un secrétaire général en la personne de Jean-Luc Chatel. En bonne diplomatie politique, cela s'appelle un compromis.
On aurait aimé que cette solution de sagesse, dans l'attente du congrès qui élira le président de l'UMP, soit le fruit d'une réelle prise de conscience des dirigeants. Qu'ils aient enfin mesuré l'éc'urement de leurs militants. Qu'ils aient privilégié l'impérieuse nécessité démocratique d'incarner une alternance politique crédible au lieu d'abandonner le terrain au FN. Hélas, rien n'est moins évident que cela.
À coup sûr, les ambitions personnelles ont encore prévalu hier soir sur la défense de l'intérêt général. Sarkozistes et Copéistes ne voulaient pas d'un triumvirat omnipotent et, selon eux, dépourvu de légitimité. Fillonistes et Juppéistes s'opposaient à la nomination, non statutaire, d'un président intérimaire (Jean-Luc Chatel) qui avait démissionné de la direction du parti en même temps que Copé. D'où le fameux compromis ménageant, dans une défiance réciproque, les intérêts de chacun pour l'avenir.
C'est bien entendu sur ce plan-là que rien n'est réglé. Quid de la candidature de Sarkozy à la présidence de l'UMP ? Quid de la ligne politique du parti ? Quid de la primaire pour 2017 ? Toutes ces questions constituent des bombes à fragmentation lente. Elles ne seront pas sans conséquence sur l'avenir de l'UMP. Sans oublier les « cactus » financiers. À court terme, la « troïka » et son secrétaire général vont devoir plonger dans les comptes du parti endetté à hauteur de 70 millions d'euros. Sur tous les plans, l'UMP a bien besoin de se refaire un crédit.

Des taux fous, fous, fous...


Jetez un coup d'oeil aux taux d'emprunt des pays d'Europe du Sud... Ils continuent à chuter et atteignent des niveaux que personne n'aurait pu prévoir au plus fort de la crise de la zone euro ni même il y a quelques mois. L'hystérie collective des investisseurs continue: il faut dire qu'avec les torrents de liquidité qui inondent le marché, les investisseurs achètent tout et n'importe quoi.
Les pays d’Europe du Sud continuent à attirer les investisseurs
Quand on regarde les taux d’emprunt d’état à 10 ans de ces anciens pays estampillés en faillite ou à haut risque il y a encore quelques mois, il y a de quoi halluciner. Les taux Espagnols hier sont passés en dessous des taux Américains, les taux Italiens en dessous des taux Anglais. Et les deux s’approchent des 2.5%.

Même le Portugal est à la fête
Rappelons que le Portugal a mis fin il y a quelques jours au plan d’aide internationale. Il est redevenu autonome et va d’ailleurs lever aujourd’hui entre 500 et 750 millions d’euros à 10 ans. Tenez vous bien, le taux pourrait être de 3.3% environ. Il était à 7.5% il y a 9 mois seulement.

On peut expliquer cette euphorie.
Avec deux explications pourtant contradictoires. Les investisseurs parient sur une économie européenne atone, au bord de la déflation, mais ils parient également sur un rebond économique des pays d’Europe du Sud. Déflation plus retour de la confiance égale taux bas. Et je suis incapable de vous dire si c’est une bulle ou bas. En ce moment tout monte car les marchés financiers sont inondés de liquidités et nul ne sait quand ça s’arrêtera…

Ras-le-bol du sabotage économique

Ras-le-bol du sabotage économique


Zéro croissance. Un chômage qui grimpe. Un pouvoir d'achat en berne. Et un retard qui se creuse avec tous nos voisins. Et pendant ce temps, des groupes et des corporations ne pensent qu'à défendre leurs privilèges même si cela doit accélérer notre chute. On ne peut pas parler de revendication. C'est tout simplement du sabotage économique. Le même qui a détruit notre industrie.
GRÈVE DES TRAINS...

Journée de grève dans les transports. Ce qu’il se passe aujourd’hui est l’illustration parfaite du mal Français. Une journée suffit à comprendre ce qui bloque la France. D’un côté les usagers de la SNCF pris en otage par des syndicats irresponsables et de moins en moins représentatifs. Des syndicats vent debout contre une réforme qui n’a pourtant aucun impact sur leur statut, alors que c’est le statut même de cheminots qu’il faudrait réformer en profondeur.

ET PROTESTATION DES TAXIS
A l’heure où le leader des voitures de tourisme avec chauffeur, Uber, lève aux États Unis 1.2 milliards de dollars sur une valorisation de 17 milliards, ici c’est une corporation qui défend encore son pré carré et rejoint tous ceux qui veulent bloquer la concurrence.Tout cela me rend dingue. Le pays coule lentement mais sûrement et certains continuent à l’enfoncer. Rajoutez à cela un gouvernement et des politiques sans aucun courage qui cède à la moindre grève ou à la moindre menace et vous comprenez pourquoi on ne décolle pas. 


PAUVRE SECTEUR PRIVÉ
Et pendant ce temps l'écart se creuse entre secteur privé et fonctionnaire avec une discussion aujourd'hui entre les syndicats et le gouvernement sur la baisse des cotisations salariales pour deux millions de fonctionnaires. Vivement qu'on soit tous fonctionnaires et qu'on en finisse.

VOUS LES FEMMES...
Notre président, notre Julio Iglesias national, continue à alimenter son image d'homme à femmes. Il a dégagé trois conseillers à l’Élysée, Thierry Rey sur le sport, David Kessler à la culture et surtout l'ancien banquier d'affaires Emmanuel Macron pour les remplacer par trois femmes, respectivement Nathalie Ianetta, Audrey Azoulay et l'économiste de la Bank of America Laurence Boone. Il est trop fort. Vraiment trop fort. Personne ne peut lutter. À quand un film: "Welcome To the Élysée Palace...."

BONNE NOUVELLE?
La production industrielle est en hausse de 0.3% en Avril après une baisse en Mars...Mais elle est toujours 16% plus faible qu'en 2008.

APRÈS LES TALIBANS
Au Pakistan, c'est Al-qaida qui fait exploser une partie de l'Irak. Bravo Barack.

LA BOURSE ENTRE EN BOURSE
Euronext a annoncé qu'il se coterait le 20 Juin à une valorisation d'environ 1.5 milliard d'euros avec une levée d'environ 1 milliard d'euros. On apprend que les dirigeants et le conseil d'administration toucheront 6.8 millions d'euros plus des actions, en fonction de la performance, pour un bénéfice de 87.5 millions d'euros l'année passée. Est-ce qu'il vaudra mieux être dirigeant qu'actionnaire ?

MERCI CÉCILE
On ne peut pas toujours dire que les politiques et les membres du gouvernement ne font rien. C'est faux. L'action de Cécile Duflot a eu un impact sur le logement: La construction des logements s'est effondrée et la loi Alur a provoqué un ralentissement sans précèdent des ventes de biens compte tenu de la masse de documents nécessaire aujourd'hui à une transaction. Sacrée Cécile. On la regrette déjà.

LE LIVRE D'HILLARY
Hard choices est en vente. 1 millions de livres pré commandés et une estimation des ventes à 2 millions. Elle a reçu une petite avance garantie de 14 millions de dollars... Scandaleux qu'elle dépasse nos grands penseurs Marc Lévy et Guillaume Musso...

SURPRENANT
On apprend à l'occasion que George Bush a battu Bill Clinton( 2,082,000 ventes de Decision Points contre 1,659,000 pour My life de Bill Clinton) et l'autobiographie de Barack (2,053,000) pour Dreams from my father... Un livre de George Bush...

VOILA C'EST TOUT
BONNE JOURNÉE
MAY THE FORCE BE WITH YOU

SNCF, taxis, intermittents : les derniers feux du corporatisme à la Française


En 1960, Jacques Rueff avait été chargé par le Général de Gaulle d'identifier les blocages de l'économie française: parmi d'autres, l'économiste libéral avait relevé que «la limitation réglementaire du nombre de taxis nuit à la satisfaction de la demande et entraîne la création de «situation acquises». Un demi-siècle plus tard, la situation n'a pas changé. Et pour cause! A chaque tentative de réforme, les taxis se sont mobilisés. Et ils ne sont pas seuls!
En ce mois de juin, le retour du beau temps emporte avec lui toute une flopée de protestataires: intermittents, cheminots... Comme toujours, serait-on tenté d'ajouter. Il faut les comprendre ; les grévistes du printemps 2014 ont des inquiétudes sincères: les réformes en cours vont altérer - souvent à la marge - les forteresses qui les protégeaient. Personne n'aime perdre son confort. Pour autant, ces réticences n'enlèvent rien au fait que nos grévistes se battent pour des rentes qui servent une minorité mais sont collectivement inefficaces.
Ces combats d'arrière-garde sont le reflet d'une France à bout de souffle.
Une France exsangue et en faillite. Les régimes si généreux et protecteurs dont bénéficient nos grévistes datent d'une autre époque. D'un temps où la France vivait de manière dispendieuse: quand elle pouvait se payer le luxe de financer les rentiers pour entretenir la paix sociale. Qu'importe que les intermittents bénéficient d'aides, puisque la croissance était là pour remplir les caisses. Qu'importe également, que les taxis soient protégés par une réglementation qui nuit à l'emploi, puisque le dynamisme économique créait de l'activité ailleurs.
Le problème, c'est que le chômage a explosé et que l'Etat est ruiné. L'inaction des Gouvernements successifs et l'effet conjugué des défenseurs des privilèges acquis nous ont conduit dans l'impasse. Les grévistes font mine de l'ignorer, mais le système qu'ils défendent est en train de mourir faute d'avoir été soigné.
La France s'est enfoncée doucement, mais sûrement. Jusqu'à la révolution numérique, qui a constitué un choc brutal. Les débuts de la mondialisation avaient constitué une première alerte, mais internet est aujourd'hui le plus clair révélateur des archaïsmes français: son extraordinaire dynamisme confronte avec une violence crue nos réglementations dépassées à leurs limites, et pour tout dire, à leur absurdité.
Une France également craintive et fragile. Une société de rentiers est sclérosée et statique: puisque chacun défend son pré-carré en veillant à bien le clore derrière soi, tout le monde pressent que s'il perd sa portion de privilège, il ne retrouvera que des portes fermées. L'avenir est nécessairement angoissant, puisqu'il pourrait apporter du changement et bouleverser l'équilibre fragile des rentes. Dans une société de rentiers, les opportunités et le mérite n'existent pas: seules comptent la cooptation et les accointances sociales. Alors tout le monde se bat, avec hargne, pour retenir ses miettes d'Etat-Providence, acheter sa charge et conserver ses droits de tirage.
Nos grévistes ne sont pas les seuls coupables, ni les seuls responsables. Dans un système organisé autour de l'Etat, il incombait aux élites administratives et politiques de prendre la mesure des défis. Elles ne l'ont pas fait. Le système politique en paie le prix.
Aujourd'hui, dans la rue les marches des grévistes ressembleront à une marche funèbre. Celle d'un modèle dit «social» qui a conduit à sa propre perte, délitant au passage la société française. Les protestataires prétendent construire un monde pour demain, alors qu'ils s'inclinent devant un univers qui disparaît. Leurs revendications sont d'autant plus virulentes qu'il est probable qu'au plus profond d'eux-mêmes, ils réalisent que ce tour de piste est l'un des derniers. Sur le pavé de Paris, leurs chants résonnent comme des requiems.