Résistance de l'euro en pleine crise de la dette européenne, deux poids deux mesures des agences de notation, ruée vers le yen -devise du pays le plus endetté au monde-, la crise qui frappe l'économie mondiale met aussi en lumière quelques paradoxes.
L'euro résiste face au dollar en pleine crise de la dette européenne
Pourquoi la monnaie européenne résiste et tend même à s'apprécier face au billet vert ? La Grèce est pourtant quasiment en situation de défaut de paiement, le Portugal, l'Espagne ou l'Italie empruntent à des niveaux inédits sur les marchés.
La bonne tenue de l'euro s'explique car le dollar n'a jamais été aussi peu attractif aux yeux des investisseurs. La croissance des Etats-Unis a nettement ralenti pendant l'hiver et les analystes craignent une récession au second semestre.
Par ailleurs, les programmes d'assouplissement monétaire mis en place par la Réserve fédérale américaine depuis 2008 ont fragilisé le billet vert en faisant tourner la planche à billet.
Fort par rapport au dollar, l'euro résiste toutefois mal face au yen ou au franc suisse, deux valeurs refuge.
Les agences de notation: deux poids deux mesures ?
Pourquoi Moody's, Standard and Poor's et Fitch concentrent leur pression sur certains pays de la zone euro alors que d'autres Etats sont tout autant voire davantage endettés ? La Grèce est considérée comme le pays le moins fiable de la planète, si l'on en croit la liste des pays notés par Standard and Poor's, avec une dette qui représente 152% du PIB du pays. La Jamaïque est en revanche beaucoup mieux notée alors que la dette de l'île atteint 137% de son PIB.
Accusées de laxisme après la crise des "subprimes", les agences se veulent sévères envers la zone euro, d'autant que l'hypothèse d'un défaut de paiement de l'un de ses membres, la Grèce, n'est plus exclue. Or, s'il intervient, les créanciers privés d'Athènes subiront de fortes pertes, ce qui a obligé les agences à dégrader fortement la note de la Grèce.
De nombreux experts critiquent aussi le rôle de "pompiers pyromanes" des agences. Ainsi, si l'une d'entre elles était amenée à dégrader la note de l'Italie parce que celle-ci a de plus en plus de mal à emprunter sur les marchés, les investisseurs vont s'affoler et les taux d'emprunts s'envoler encore davantage pour Rome.
Une ruée vers le yen
Pourquoi les investisseurs plébiscitent tant la devise du pays le plus endetté au monde ? La monnaie nippone approche de son plus haut niveau face au dollar depuis 1945, une flambée totalement déconnectée des fondamentaux économiques du Japon assez peu reluisants.
Le yen a toujours bénéficié de son rôle de valeur refuge, surtout en période de dégradation économique. En effet, même si l'endettement du pays est le plus élevé au monde, atteignant 252% du PIB, il est en très grande partie financé par l'épargne des Japonais.
Le cours du yen menace le redémarrage de l'économie de l'archipel, déjà en convalescence depuis le seisme du 11 mars, faisant perdre beaucoup d?argent aux exportateurs japonais comme ceux du secteur automobile.
Pour tenter d'affaiblir sa monnaie, le gouvernement est intervenu jeudi directement sur les marchés, pour la première fois depuis septembre 2010, mais cette action conduite unilatéralement devrait avoir un effet limité aux yeux des experts.
Politique d'austérité et croissance atone: un cocktail explosif
Au moment où la croissance semble ralentir des deux côtés de l'Atlantique, les gouvernements des Etats-Unis et des Etats de la zone euro sont engagés dans des politiques d'austérité, peu propices à la relance de l'activité économique.
Mais leur dette a explosé et ils sont sous la surveillance étroite des marchés, et des agences de notation, qui réclament une réduction des déficits. Faute de relance de la croissance par la dépense publique, les Etats voient leur marge de manoeuvre se réduire comme une peau de chagrin.



Cette semaine, la flambée des primes de risque espagnole et italienne (celle de l’Espagne a dépassé les 403 points de base par rapport aux taux sur les obligations allemandes et a clôturé au-dessus de 380) a placé les deux pays en situation d’urgence. L’inquiétude politique déclenchée par la punition infligée sans fin par les marchés boursiers et financiers a donné lieu à des consultations entre le chef du gouvernement, José Luiz Rodríguez Zapatero, et les partis de l’opposition, afin d’étudier les scénarios possibles face à la sérieuse détérioration de la solvabilité espagnole, et de conjurer les craintes concernant un éventuel sauvetage de l’Espagne, démenti par Bruxelles.
Le diagnostic est posé, mais l’Europe ne résout toujours pas le problème de fond de la crise grecque, et n’offre toujours pas l’image d’une direction économique unique. Pendant ce temps, l’Espagne et l’Italie restent piégées dans la contradiction insoluble qui se présente lors de l’application d’un plan drastique de redressement fiscal. Plus les coupes budgétaires exigées d’un pays sont importantes, plus les perspectives de croissance s’effondrent. Les investisseurs comprennent que sans croissance, les financements accordés ne peuvent être remboursés. Ils augmentent donc le coût de leur refinancement, ce qui restreint encore un peu plus leur activité déjà exsangue. Et ainsi de suite, jusqu’à un inévitable sauvetage.
Ni l’Allemagne ni la BCE n’ont finalement pu concrétiser les critères de réforme financière exposés lors du dernier sommet européen. Pendant ce temps, l’Europe se dirige droit vers une crise irréversible. Si l’Italie et l’Espagne, troisième et quatrième économies de la zone euro, devaient demander un plan de sauvetage, le désastre serait total pour la monnaie unique.
Une réponse orthodoxe (telle que celle suggérée par le FMI) consisterait à présenter à l’Europe et aux marchés des mesures de réduction budgétaire supplémentaires, autour de 2 % du PIB. Mais cette décision aurait des effets sur la croissance équivalents à l’étranglement produit par l’augmentation démesurée des coûts financiers. Cela équivaudrait à renoncer à toute reprise pendant les 5 prochaines années.













