TOUT EST DIT

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mercredi 15 septembre 2010

Les pays industrialisés investissent moins, la Chine innove

Alors que des entreprises du monde entier ont réduit leurs budgets de recherche et développement (R&D) depuis le début de la crise, la Chine a investi massivement dans l'innovation et a déposé davantage de brevets et de marques, a annoncé mercredi un organisme des Nations Unies.

L'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a déclaré que le nombre de dépôts de brevets des Etats-Unis pour protéger leurs nouvelles inventions était resté inchangé en 2008 et 2009.

Les dépôts de brevets, qui permettent aux inventeurs de profiter de leurs innovations pendant une durée limitée, ont reculé de 7,9% en Europe et de 10,8% au Japon l'an dernier.

En revanche, en Chine, ces dépôts ont augmenté de 18,2% en 2008 et de 8,5% en 2009. Les dépôts chinois de noms de marques ont en outre bondi de 20,8% l'an dernier alors que ceux des Etats-Unis, de l'Allemagne et du Japon ont respectivement baissé de 11,7%, 7,7% et 7,2%.

"Le paysage de l'innovation au lendemain de la crise va continuer de présenter un aspect différent de celui d'il y a dix ans", a déclaré Francis Gurry, le directeur général de l'OMPI, en introduction du rapport.

"La Chine fait évoluer la chaîne de valeurs et augmente rapidement les exportations reposant sur ses propres innovations, il y a donc inévitablement un nombre toujours croissant des dépôts de brevets", a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse.

Carsten Fink, chef économiste de l'organisation, a estimé que les réserves importantes de liquidités de la Chine lui avaient permis de continuer à financer l'innovation pendant une période marquée par un resserrement du crédit bancaire et une raréfaction du capital-risque.

"UN RÉSERVOIR ÉNORME"

"Il existe (en Chine) des réserves énormes permettant de financer l'investissement intérieur dans la R&D et les projets industriels", a-t-il ajouté.

Francis Gurry pense que l'évolution observée durant la récession devrait devenir une tendance de fond favorable aux pays émergents.

"Alors que la solidité de la reprise reste incertaine, l'évolution géographique en matière d'innovation devrait continuer de se faire en direction des nouveaux acteurs, en particulier en Asie", a-t-il dit.

D'autres pays émergents ont également cherché à protéger leurs innovations avant la fin de la crise, avec notamment des taux de croissance à deux chiffres en 2008 pour les dépôts de brevets effectués au Belize, au Pérou, en Roumanie et en Turquie.

La crise a toutefois réduit la trésorerie des grands groupes internationaux et accru l'incertitude, ce qui a pesé sur les dépenses de R&D des entreprises.

General Motors a ainsi réduit son budget R&D de 24,5% entre ses exercices fiscaux 2008 et 2009, tandis que Toyota et Honda ont respectivement coupé leurs dépenses en la matière de 19,8% et 17,7%, selon le rapport de l'OMPI, qui s'appuie sur les rapports annuels des sociétés et les données de la Securities & Exchange Commission (SEC), l'autorité des marchés financiers américains.

De même, Hewlett-Packard a réduit ses dépenses de R&D de 20,4%, Motorola de 22,5%, Caterpillar de 17,8%, Procter & Gamble de 7,6% et Unilever de 3,9%.

Tous les groupes n'ont cependant pas suivi la même tendance. ZTE, deuxième fabricant chinois d'équipements télécoms, et Huawei Technologies ont respectivement augmenté leur budget R&D de 44,8% et 27,4%, tandis qu'Apple et Microsoft ont relevé leurs dépenses de 20,2% et 10,4% entre 2008 et 2009.

Selon l'OMPI, l'amélioration de l'accès aux financements depuis la fin de l'année dernière devrait aider à faire remonter doucement les investissements dans l'innovation ainsi que les dépôts de brevets, mais un rebond complet prendra du temps.

par Laura MacInnis

Sarkozy enjoint Reding d'accueillir des Roms

Devant des sénateurs, Nicolas Sarkozy a dénoncé mercredi comme scandaleuses les déclarations de la commissaire européene Viviane Reding sur la politique française à l'égard des Roms et conseillé au Luxembourg, son pays d'origine, d'accueillir ces derniers.

La France contre-attaque mercredi face à la critique virulente de la commissaire européenne Viviane Reding. «Il ne s'agit pas de polémiquer, ni avec la Commission, ni avec le Parlement. Cependant, certains propos ne sont tout simplement pas acceptables», a estimé la présidence française, à la veille d'un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne (UE) à Bruxelles.

Nicolas Sarkozy a pour sa part suggéré mercredi à Viviane Reding d'accueillir des Roms au Luxembourg, son pays d'origine. «Il a dit que notre politique était la bonne et qu'il était scandaleux - il s'en expliquera d'ailleurs demain - que l'Europe s'exprime de cette façon sur ce que fait la France», a rapporté le sénateur de Haute-Marne, Bruno Sido, à l'issu d'un déjeuner avec le chef de l'Etat. «Il dit qu'il ne faisait qu'appliquer les règlements européens, les lois françaises et qu'il n'y avait absolument rien à reprocher à la France en la matière mais que si les Luxembourgeois voulaient les prendre, il n'y avait aucun problème».

Des propos qui ont fait bondir le Luxembourg. «Elle ne parle pas pour le Luxembourg et n'a pas pris d'instructions au Luxembourg. Faire cet amalgame là de la part de Nicolas Sarkozy entre la nationalité de la commissaire et le Luxembourg est quelque chose de malveillant», a indiqué en fin de journée Jean Asselborn, ministre luxembourgeois des Affaires étrangères.«Il faut réagir à cet amalgame (...) je sais que Nicolas Sarkozy a des problèmes avec les Luxembourgeois, mais il ne faut quand même pas exagérer». Avant d'ajouter : «Quant au fond, moi personnellement je suis entièrement sur la ligne qui est conduite par la Commission».

Barroso soutient Reding

L'Elysée réagissait aux déclarations la veille de Viviane Reding, chargée de la Justice et des Droits fondamentaux au sein de l'exécutif européen, notamment ulcérée par la dissimulation de l'existence d'une circulaire française ciblant expressément les Roms pour les expulsions. «J'ai été personnellement interpellée par des circonstances qui donnent l'impression que des personnes sont renvoyées d'un Etat membre (de l'UE) juste parce qu'elles appartiennent à une certaine minorité ethnique. Je pensais que l'Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Seconde Guerre mondiale», avait-elle déclaré mardi. Des propos qui ont aussitôt déclenché la polémique, à tel point que le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a apporté mercredi son soutien «personnel» à Viviane Reding, tout en affirmant qu'elle n'avait pas voulu faire un parallèle avec les déportations pendant la guerre.

Un «dérapage», pour Pierre Lellouche

Le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes Pierre Lellouche a pourtant estimé mercredi que ces propos constituaient un «dérapage». La Commission «ne peut s'ériger en censeur des Etats», a-t-il estimé sur RTL. «Je ne peux pas laisser Mme Reding dire que la France de 2010, dans le traitement des Roms, c'est la France de Vichy (...) Roissy n'est pas Drancy». Le ministre de l'Immigration, Eric Besson, lui a fait écho sur Europe 1. «Elle dérape, si j'ose dire, c'est-à-dire qu'elle utilise une expression qui est à la fois choquante, anachronique et qui procède d'amalgames», a-t-il déclaré.

L'opposition a pour sa part déploré la politique d'exclusion entreprise par le gouvernement. Pour Martine Aubry, «l'image de la France est abîmée, pas seulement en Europe, partout». «C'est une véritable honte dans notre pays de pourchasser des hommes et des femmes tout simplement parce qu'ils appartiennent à une ethnie et pas parce qu'ils ont commis des délits», a-t-elle déclaré sur France Inter. «Tout ça pour quoi ? Pour faire peur, pour diviser, pour opposer. Ça me fait vraiment mal».

«Viviane Reding nous traite de nazis» (FN)

François Bayrou a lui aussi pris position sur cette polémique, estimant que l'influence de la France était atteinte. «La France, pilier de l'Union européenne, pays de référence, est aujourd'hui un sujet d'émotion, de troubles, de scandales et ceci est une atteinte profonde à l'influence de notre pays», a expliqué le président du MoDem sur la chaîne Public Sénat.

Pour le député européen Daniel Cohn-Bendit, la réaction de Viviane Reding a été d'autant plus vive que le gouvernement français «a menti» à propos de la circulaire sur les Roms. «Mme Reding s'est mise en colère parce qu'elle rencontre des hommes plus ou moins charmants comme Pierre Lellouche et Eric Besson qui lui racontent des bobards et elle se réveille le matin et elle lit dans les journaux qu'il y a cette circulaire», a-t-il expliqué sur France Info. «Elle se dit ‘ils se sont foutus de ma gueule'. C'est pour ça qu'elle est furieuse».

Marine Le Pen a quant à elle accusé mercredi l'UE «d'esprit totalitaire». Viviane Reding, «entre les lignes, limite, nous traite de nazis, ce qui est quand même extrêmement grave», a estimé la vice-présidente du Front national (FN).

Retraites : l'Assemblée à vif adopte le projet de loi

L'Assemblée nationale a adopté mercredi la réforme des retraites dans une ambiance survoltée. Dans la matinée, Bernard Accoyer a suspendu d'autorité la séance-marathon de la fin de l'examen du texte, dénonçant « l'obstruction » des députés de gauche pour retarder le vote solennel du texte. L'opposition s'indigne.
Par 329 voix contre 233, l'Assemblée nationale a adopté mercredi après-midi la réforme des retraites, dans une ambiance survoltée. Le vote n'a donné lieu à aucun suspense, la droite disposant d'une nette majorité parmi les députés. Mais il a été précédé, dans une ambiance houleuse, d'une séance parlementaire marathon, qui a débuté en milieu d'après-midi mardi pour ne s'achever que mercredi matin, les députés de gauche tentant de repousser l'heure du vote en se « battant jusqu'au bout ». Le président UMP de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, a subi les foudres de l'opposition pour avoir coupé court aux débats. Les socialistes ont crié « démission » en sa direction lorsqu'il a mis fin aux explications de vote personnelles de cinq minutes chacune sur le texte que les députés de gauche avaient commencées à 7 h 45 et entendaient poursuivre toute la journée pour retarder l'heure du vote.


ET NOS SOCIALISTES AUX ABOIS, FAUTE D'INTELLIGENCE ET DE PROPOSITIONS SÉRIEUSES S'EN PRENNENT À BERNARD ACCOYER !!! AH ! LES NULS, LES GUEUX, LES PLEUTRES !!

Pourquoi nous sommes des économistes atterrés

La crise économique et financière qui a ébranlé le monde en 2008 n'a pas affaibli la domination des schémas de pensée qui orientent les politiques économiques depuis trente ans. Le pouvoir de la finance n'est pas remis en cause. En Europe, au contraire, les Etats, sous la pression des institutions européennes et internationales et des agences de notation, appliquent avec une vigueur renouvelée des programmes de réformes et d'ajustements structurels qui ont dans le passé montré leur capacité à accroître l'instabilité économique et les inégalités sociales.
Certes, les pouvoirs publics ont dû partout improviser des plans de relance keynésiens, et même parfois nationaliser temporairement des banques. Mais ils veulent refermer au plus vite cette parenthèse. Le logiciel "néolibéral" est toujours le seul présenté comme légitime, malgré ses échecs patents. Fondé sur un paradigme qui présuppose l'efficience des marchés notamment financiers, il prône de réduire les dépenses publiques, de privatiser les services publics, de flexibiliser le marché du travail, de libéraliser le commerce, les services financiers et les marchés de capitaux, d'accroître la concurrence en tout temps et en tout lieu...

L'Union européenne est prise dans un piège institutionnel. Les déficits publics ont explosé à cause de la crise financière. Mais pour les financer, les Etats se sont contraints à emprunter chèrement auprès d'institutions financières privées, qui obtiennent, elles, des liquidités à bas prix de la Banque centrale européenne (BCE). Les marchés ont donc la clé du financement des Etats.

Dans ce cadre, l'absence de garantie des dettes publiques par la BCE comme le manque de solidarité européen permettent le développement de la spéculation, d'autant que les agences de notation jouent à accentuer la défiance.

Pour rassurer les marchés, un Fonds de stabilisation de l'euro a été improvisé, mais surtout des plans drastiques et bien souvent aveugles de réduction des dépenses publiques ont été lancés à travers l'Europe. Les prestations sociales, des Pays-Bas au Portugal en passant par la France avec l'actuelle réforme des retraites, sont en voie d'être gravement amputées alors que se profile le spectre d'un chômage et d'une précarité persistants. Les fonctionnaires sont souvent touchés en priorité, y compris en France, où la hausse des cotisations retraite sera une baisse déguisée de leur salaire.

Mesures irresponsables

Le nombre de fonctionnaires diminue partout, menaçant le bon fonctionnement des services publics (éducation, santé...). Ces mesures sont irresponsables d'un point de vue politique et social, et même au strict plan économique, puisqu'elles vont maintenir les pays européens dans la récession.

La construction européenne elle-même est menacée. L'économie devrait y être au service de la construction d'un continent démocratique, pacifié et uni. Au lieu de cela, une forme de dictature des marchés s'impose partout.

Face à la crise sociale et à l'impuissance du politique, les tensions xénophobes s'attisent, souvent instrumentalisées par des dirigeants sans scrupules.

Qu'on l'interprète comme le désir de "rassurer les marchés" de la part de gouvernants effrayés, ou bien comme un prétexte pour imposer des choix idéologiques, la soumission sans débat à cette dictature n'est pas acceptable. Un véritable débat démocratique sur les choix de politique économique doit donc être ouvert en France et en Europe.

En tant qu'économistes, nous sommes atterrés de voir que ces politiques sont toujours à l'ordre du jour et que leurs fondements théoriques ne sont pas publiquement remis en cause. D'autres choix doivent être discutés. La crise a mis à nu la fragilité des évidences répétées à satiété par les décideurs et leurs conseillers. Il faut interroger ces fausses évidences, mal fondées scientifiquement. Les économistes doivent donc assumer leurs responsabilités.

La plupart des "experts" qui interviennent dans le débat public le font pour rationaliser les politiques actuelles de soumission des politiques économiques aux exigences des marchés financiers. Mais, à l'instar de celles qui l'on précédée, cette grande crise doit provoquer une refondation de la pensée économique. Nombre de chercheurs commencent d'ailleurs à s'y atteler dans le monde.

Issus d'horizons théoriques très différents, nous avons souhaité favoriser l'expression publique des nombreux économistes qui ne se résignent pas à voir un schéma "néolibéral" réaffirmé et jugent qu'il faut changer le paradigme des politiques économiques en Europe. Nous avons rédigé un "Manifeste d'économistes atterrés".

Nous espérons que notre initiative contribuera, avec d'autres, à vivifier la réflexion sur les alternatives aux politiques actuelles, qui menacent les fondements mêmes de l'idée européenne.


Sur le Web

"Le bateau coule", selon Ségolène Royal

Ségolène Royal, présidente PS de la région Poitou-Charentes, a estimé mercredi qu'avec "une affaire et parfois même plusieurs affaires" par jour, le "bateau gouvernemental coule", et elle a accusé le pouvoir en place de ne plus supporter "aucun contre-pouvoir". La défense du gouvernement face aux accusations de violation du secret des sources des journalistes dans l'affaires Woerth-Bettencourt montre que "le pouvoir en place ne supporte plus aucun contre-pouvoir : ni la liberté de la presse, ni l'indépendance de la justice", a déclaré Mme Royal sur LCI.
Selon elle, "avec une affaire par jour, parfois même plusieurs affaires par jour, le bateau gouvernemental coule", mais "ni la France ni les Français ne doivent couler avec" lui. A ceux qui à droite ripostent en rappelant les écoutes illégales sous François Mitterrand, Mme Royal a répliqué : "S'ils se justifient par ce qui s'est passé il y a vingt ans dans une affaire que nous avons condamnée, que la justice a condamnée, c'est donc un aveu."

Elle a par ailleurs accusé le gouvernement de vouloir, avec sa politique d'expulsion des Roms, "capter un électorat populaire qui est désorienté, qui souffre du chômage". "En trouvant des boucs émissaires" le pouvoir actuel cherche à "concentrer la peur des gens et leur inquiétude du lendemain sur des sujets qui n'ont rien à voir avec ce qui se passe aujourd'hui dans la crise économique et sociale", a-t-elle dénoncé.

La France, vivement condamnée par Bruxelles, qui menace de la sanctionner, "doit se remettre au clair avec les règles européennes et surtout avec les valeurs morales de l'Europe", a jugé Mme Royal. Sur les retraites, elle a estimé que "la bataille n'est pas perdue" contre cette réforme "injuste et dangereuse". Elle a appelé à une "mobilisation très, très forte", le 23 septembre lors de la prochaine journée d'action.

LA SAINTE DÉJANTÉE DE LA POLITIQUE FRANÇAISE, MADAME IRMA LA CONNE, CELLE QUI MARCHE À CÔTÉ DE SES POMPES, LA PRO DU CHARLATANISME, QUI PROMET TOUT ET N'IMPORTE QUOI, NOUS FAIT VOIR LA LIE DE LA BASSESSE POLITICIENNE.

Le commentaire politique de Christophe Barbier


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Besoin de sérénité

On savait que la campagne de 2012 était lancée depuis cet été. Que la reconstruction progressive de l'opposition contribuerait à durcir la rentrée politique. Que personne, y compris au sein de sa propre famille, ne ferait de cadeau à personne.

Mais on espérait - naïvement sans doute - que les clameurs des règlements de comptes ne couvriraient pas trop les graves débats de fond dont dépend l'avenir d'une France en crise. Que les ambitions personnelles n'emprunteraient pas trop les chemins de l'invective et de la déstabilisation. Que la volonté de recoller avec l'opinion ne conduirait pas à des mesures expéditives, au risque de voir la France pointée du doigt en Europe. On espérait des confrontations civilisées, éclairantes, projet contre projet. On espérait...

Depuis quelques mois, nous vivons, au contraire, dans un climat politique délétère. Des surenchères de tous bords excitent insidieusement les tentations malsaines qui ne demandent qu'à proliférer sur le terreau des inquiétudes.

Cette ambiance se dégrade chaque jour un peu plus, hier encore, à cause des perturbations d'un gouvernement et des divisions d'une majorité affaiblis par le report sine die du remaniement annoncé. À cause, aussi, du spectacle indécent des ambitions et des privilèges individuels au moment où la majorité des Français souffrent.

Des affaires ou des suspicions d'affaires monopolisent l'énergie médiatique et affaiblissent le pays et ses institutions. Le bruyant spectacle des questions au gouvernement, chaque semaine à l'Assemblée nationale, couvre parfois de désolation notre précieuse démocratie.

La justice, accusée de ne pas effectuer le travail nécessaire pour blanchir ceux qui clament leur innocence, devient alors suspecte. Les médias, certains beaucoup plus que d'autres, en se laissant porter par ce climat, se livrent à un antisarkozysme commode et excessif. Les politiques, à coup de petits mensonges et de grands calculs, font douter de leur parole des citoyens qui aspirent à la justice et veulent savoir ce que seront les impôts, les frais de santé, les retraites et l'emploi de demain.

À ne plus croire rien ni personne, car le discrédit des uns ne fait pas le crédit des autres, c'est la politique, au sens noble, qui en pâtit. La tentation pourrait être grande, lors des futures élections, de se réfugier sous des bannières protestataires et extrémistes. Ou sous pas de bannière du tout. À force de considérer l'électorat comme une matière malléable à souhait, on risque, autre hypothèse, de mettre les Français dans la rue.

Pendant ce temps-là, on oublie juste un détail : il faut réformer les retraites, la Sécurité sociale, la fiscalité, etc., pour désendetter le pays. Échouer ou même temporiser sur ces questions nous vaudrait la pire sanction: une dégradation de la note de la France qui viendrait renchérir nos emprunts, amplifier la spirale des déficits et des sacrifices sociaux.

Il est urgent de siffler la fin de cette partie irrationnelle et destructrice. De prendre les décisions de nature à ramener un minimum de clarté et de sérénité. Vingt mois nous séparent de la présidentielle. Vingt mois...



Michel Urvoy

Mauvaise pioche

« Les merdes volent en escadrille », constatait Jacques Chirac, tout au long de ses années de pouvoir. Malgré sa volonté de rupture, Nicolas Sarkozy n'échappe pas, lui non plus, à l'escadrille. À croire même qu'il la pilote car il n'est pas pour rien dans ses ennuis. Un nuage chasse l'autre, mais c'est quand il y en a beaucoup qu'il y a un problème ! Pour tenter d'en chasser quelques-uns, Brice Hortefeux s'est montré à l'Assemblée d'autant plus offensif qu'il avait été pris la main dans l'encre peu sympathique de ses circulaires avec, puis sans Roms.

Pas de chance, la Commission européenne, excédée, parle de honte et annonce le lancement d'une procédure. Sachant l'amour des Français pour Bruxelles, ce n'est pas cela qui va émouvoir le gouvernement ni freiner les expulsions. Attention quand même : cela commence à faire vraiment désordre. De même que cette histoire de service a priori anti terroriste mobilisé pour dénicher l'auteur des fuites à la presse dans l'affaire Woerth-Bettencourt, comme il l'avait été à propos de rumeurs sur le couple présidentiel. Gorge profonde était un magistrat très proche de MAM. Tiens donc.

Traque légale ou pas, cabinet noir ou pas, on le verra. Une chose est sûre : dans ces affaires de basse police, droite et gauche se tiennent par les grandes oreilles. La gauche grimpe au rideau ? Mitterrand avait moins de scrupules ! Le gouvernement s'offusque d'une fuite ? Il ne s'est pas gêné pour publier, en le tronquant, un PV d'audition qui l'arrangeait ! En tout cas, à vouloir étouffer, on s'expose au pire. Autorisée à poursuivre son investigation, la juge Prévost-Desprez ne va pas se priver.

Mauvaise pioche donc, en ce moment, pour Nicolas Sarkozy encore bien malmené dans les derniers sondages. La droite aimerait mieux un candidat Fillon. Pire même, Villepin fait jeu égal avec lui. Double affront, révélateur de l'ambiance actuelle un peu lourde et d'un trouble dans cette droite dont le chef n'est plus aussi incontestable qu'il y a trois ans. Nicolas Sarkozy mise sur le temps qui reste pour récolter les fruits de son action. Ceux qui ne seront pas pourris d'ici là.

XAVIER PANON

« Une honte »

Que Paris veuille l'ignorer n'y change rien. La Commission de Bruxelles, en vertu des traités portés et ratifiés par la France, est bel et bien la gardienne de la législation européenne. Au nom de ce droit européen, rien de plus logique que la France se fasse menacer de poursuites pour sa politique d'expulsion des Roms. Même si cela fait mal à la patrie autoproclamée des droits de l'homme, il ne devrait pourtant s'agir que de juridiction communautaire, pas d'autre chose.
Ce qui étonne est le ton de la commissaire luxembourgeoise Viviane Reding, loin d'être une gauchiste. Elle parle de « honte », fait allusion à la Seconde Guerre mondiale... Ses propos témoignent d'une vraie exaspération devant le comportement du gouvernement français, devant l'attitude de ministres qui prétendent tout et le contraire dans un flottement perpétuel qui irrite nos partenaires. Plus l'ignorance française du cadre européen, seulement mis de l'avant quand Paris y trouve son compte. Plus une certaine arrogance toujours prompte à donner des leçons.
L'affaire des Roms, en introduisant une discrimination ethnique dans une circulaire (corrigée depuis) est le révélateur de trop. Rappelons que ce n'est pas le démantèlement des camps illégaux qui est condamné par les textes européens, et d'ailleurs la plupart des Etats de l'UE sont confrontés au même problème. Mais la manière dont la France a cru s'affranchir de la question après des années de laxisme sans organisation ni prévention : les maires qui ont assisté impuissants à l'occupation de terrains municipaux ou privés en savent quelque chose.
Nos partenaires n'ignorent pas que ce populisme du « bouc émissaire » relève de l'électoralisme en réponse à une situation intérieure chancelante. Or, qu'il s'agisse de l'agitation sociale autour d'une réforme de la retraite imposée à la hache, de l'expulsion des Roms ou des affaires politico-financières, les remugles du linge sale franco-français commencent à sérieusement indisposer quand ils ne prêtent pas à l'ironie maniée à longueur de colonnes dans la presse étrangère. Dans cette atmosphère délétère, la France semble discréditée - à moins qu'elle ne se soit elle-même discréditée - à la veille de négociations européennes aussi importantes que l'avenir de la politique agricole commune et à la veille de sa présidence du G20...
Et c'est un beau gâchis. Aux pas heureux sur la scène européenne de l'été 2008 face à la crise géorgienne et à la crise financière succède l'opprobre européen.

Jean-Claude Kiefer

Poussée de fièvre

Après le film social, le film politique, voire d’espionnage, voici le retour du film catastrophe. Un grand classique de la rentrée, pour jouer à se faire peur, sur fond de psychose mondiale.

Un an après la grippe H1N1 venue du Mexique, voici la super-bactérie venue d’Inde. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les spécialistes, réunis cette semaine à Boston, sont vraiment rassurants. Parfaits pour nous plomber le moral en parlant de “bombe à retardement”, compte tenu de “l’énorme réservoir que représente pour ce pathogène les 1,3 milliard d’habitants du sous-continent indien”. Rien que ça. Rassurants, on vous le dit. Surtout quand ils ajoutent que cette super-bactérie est résistante à tous les antibiotiques. Merci. On imagine déjà Roselyne Bachelot sur le coup. Le nez plongé dans le “catalogue” des vaccins. D’autant que plus près de chez nous, un Niçois a contracté le virus de la dengue, ou “grippe tropicale”, sans avoir quitté sa région. Au secours. Enfin dans un autre genre, le gouvernement et l’UMP voient, au-delà de la rentrée sociale, se développer une poussée de fièvre parmi les militants. Après les retraites, l’affaire Bettencourt, les circulaires… Après l’Europe qui s’élève contre les expulsions de Roms, voici Villepin, crédité d’un flatteur 15 % dans un sondage visant à désigner le meilleur candidat de la droite en 2012. Ex aequo avec un certain Sarkozy… à qui il reste moins de deux ans pour trouver le remède.



Frédéric AILI

Fuites

Ainsi, il y aurait des fuites dans la justice… La belle découverte : les fuites judiciaires sont nées avec le secret de l'instruction, pour se répandre dans les gazettes au gré des intérêts des uns et des autres - avocats, magistrats ou politiques. Mais il existe différentes jauges de fuite : dans l'affaire Woerth, le tuyau serait branché sur le ministère de la Justice, premier garant du secret. Pire, on aurait ensuite utilisé nos barbouzes républicains pour les colmater. Cela confine au Grand Guignol, et au supplice pour ce pauvre Éric Woerth, sous le goutte à goutte des fuites depuis tant de semaines. Tout cela fait aussi souvenir d'un conseil de Charles Pasqua, un expert : quand vous êtes emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l'affaire, et si nécessaire une affaire dans l'affaire de l'affaire, jusqu'à ce qu'on n'y comprenne plus rien. On n'en est plus très loin.

Crise après crise

Le 15 septembre 2008, avec le dépôt de bilan de la banque new-yorkaise Lehman Brothers, le monde entrait dans une tourmente financière sans précédent depuis les années 1930. Deux ans après, où en sommes-nous ? Heureusement, les erreurs de 1929 n’ont pas été rééditées. La coopération entre les gouvernements et les autorités monétaires de la planète entière a conjuré le risque du plongeon dans le vide. D’énormes moyens financiers ont été mis en œuvre par les États pour éviter les faillites en chaîne, bancaires puis industrielles. Ce n’est pas rien. Il suffit de repenser aux images de la Grande Dépression pour le mesurer.

Cependant, il est impossible de pousser un soupir de soulagement. Trop d’inquiétudes demeurent, contrairement à ce qui s’était passé après bien d’autres crises financières de ces vingt-cinq dernières années, vite effacées de nos mémoires. Tout d’abord, si elle n’a pas provoqué de dépression, la crise de 2008 a provoqué un sévère regain du chômage dans les économies occidentales. La désindustrialisation a franchi un cran supplémentaire dans bien des pays, notamment en France. L’incertitude sur l’avenir de l’emploi, notamment pour les plus jeunes, a repris le dessus.

L’autre sujet d’inquiétude tient au fait que la capacité de nuisance des marchés boursiers demeure. Certes, de nombreuses mesures ont été prises pour limiter leurs errements, et c’est tant mieux. Mais la réglementation ne peut pas tout prévoir, chaque tourmente étant différente de la précédente. On l’a vu l’hiver dernier lorsque la situation budgétaire de la Grèce a provoqué une grande agitation financière, au point de mettre l’euro en danger. Il y a chaque fois des solutions possibles mais elles ont toujours un coût. Or, les États, lourdement mis à contribution il y a deux ans, sont au bout de leurs moyens. Ils ne peuvent plus jouer les pompiers en toutes circonstances. Le seul véritable espoir, dans cette incertitude, réside dans le renforcement de la coopération internationale, notamment entre les « vieux » pays riches et les nations émergentes du Sud. C’est dire la responsabilité de la France qui assurera l’an prochain la présidence du G8 et du G20.




Guillaume Goubert

Paris et Berlin veulent mettre fin au "supermarché européen de l'asile"

La France et l'Allemagne ont dénoncé mardi à Bruxelles l'augmentation continue des demandes d'asile sur leurs territoires et demandé à leurs partenaires européens de respecter les règles communes. "Cette situation est intenable (...) La France connaît, comme un certain nombre d'autres partenaires, une véritable crise nationale de l'asile", a averti le ministre de l'immigration, Eric Besson, au cours d'une réunion avec ses homologues de l'UE.
La France et l'Allemagne sont deux des cinq premiers pays de destination de la demande d'asile mondiale. Les chiffres "ont augmenté de plus de 43 % en deux ans et de 12,5 % depuis le début de l'année" dans l'Hexagone, a précisé Eric Besson, alors que dans le même temps, "certains pays connaissent une baisse sans précédent des demandes".

LA FRANCE, LE PAYS LE PLUS SOLLICITÉ

Selon le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, les demandes d'asile dans le monde sont restées stables en 2009. Les Etats-Unis demeurent le pays le plus sollicité par les requérants d'asile, avec 13 % de l'ensemble des demandes dans les pays industrialisés. Le second pays de destination en 2009 a été la France, qui a connu une hausse de 19 % par rapport à 2008 - du fait de l'augmentation du nombre de demandes d'asile déposées par des citoyens serbes originaires majoritairement du Kosovo.

Le Canada, qui arrive en troisième position, a, lui, enregistré une baisse de 10 %. On trouve ensuite le Royaume-Uni qui a également enregistré une baisse des demandes d'asile avec 29 800 dossiers remis, l'un des chiffres les plus bas observés depuis quinze ans. Au contraire, les demandes d'asile en Allemagne ont augmenté de 25 %. En somme, ces cinq pays de destination principaux ont reçu 48 % du total des demandes d'asile enregistrées en 2009.

"BESOIN DE CES NORMES COMMUNES"

Paris et Berlin veulent "mettre fin au supermarché européen de l'asile", a affirmé Eric Besson. "Il faut être lucide, pour certains, la demande d'asile est une tentative de détourner les règles européennes pour réguler les flux migratoires et cette tendance tend à augmenter", a soutenu Eric Besson, partisan de "procédures accélérées pour écarter les demandes manifestement infondées". "Le droit d'asile ne sera durablement préservé que si les Etats de l'Union disposent des moyens de dissuader les abus dont il peut faire l'objet", souligne un document commun franco-allemand.

Les deux pays refusent toute dérogation à la règle selon laquelle le pays où est arrivé un migrant doit traiter sa demande d'asile et décider si elle est recevable ou non. L'ambitieux projet de doter l'UE d'un régime commun pour le droit d'asile pour 2012 est bloqué depuis un an. La Belgique espère toutefois trouver des compromis pour débloquer plusieurs textes sur le sujet durant son semestre de présidence de l'UE s'achevant fin décembre.

"Ce ne sera pas évident car les divergences restent importantes", a reconnu le secrétaire d'Etat belge en charge de l'immigration, Melchior Wathelet, à l'issue de la réunion. "La proposition d'un mécanisme de suspension de la règle pour le traitement de la demande d'asile est le thème le plus controversé, car il y a une vraie réticence de plusieurs pays", a-t-il reconnu. "Il va falloir faire des compromis, trouver des accords", a-t-il plaidé.

"Nous avons besoin de ces normes communes", a pour sa part plaidé la commissaire en charge des affaires intérieures, Cecilia Malmström. "Ce sera plus humain pour les gens. Si la réponse à la demande d'asile est négative, autant la recevoir rapidement", a-t-elle expliqué. "Nous allons devoir mettre les bouchées doubles et nous attendons des propositions concrètes de la part des Etats et du Parlement européen", a-t-elle conclu.

Pour en savoir plus :

- Le rapport de l'UNHCR sur les demandes d'asile dans les pays industrialisés en 2009



IL EST URGENT AUSSI DE STOPPER LA POLITIQUE DU REGROUPEMENT FAMILIALE.

Qu'est-ce qu'un nomade ?

Une fois les Roms placés au coeur de l'actualité, on a dit, à leur sujet, tout et son contraire. Qu'il existait des motifs légitimes d'expulser certains d'entre eux. Qu'il y avait de bonnes raisons de les défendre tous. Que la France faisait exception. Que l'embarras de l'Europe était général. Mais on s'est peu interrogé sur cet arrière-plan fort ancien que constitue le nomadisme, sur ses survivances et ses métamorphoses. Pourtant, la vie nomade est bien la première qu'ait connue l'humanité. Et elle habite le monde très différemment de la vie sédentaire.

Le nomade parcourt un territoire. Au lieu d'être rivé à un point fixe, il a pour demeure un espace, avec ses contours singuliers et ses lignes de force. Il voyage, mais sans faire l'aller-retour d'un point à un autre, de manière utilitaire ou touristique. A la différence des transhumants, des émigrés, des exilés, le nomade, accompagné des siens, investit en tous sens son domaine de vie d'un mouvement permanent. Mais son territoire, même s'il est vaste, est délimité. Ce n'est jamais le monde entier qui est parcouru, mais un pan du monde, qui s'étend sur le territoire de plusieurs Etats.

Le nomade les ignore, il était là bien avant. La vie sédentaire a triomphé -avec son cortège d'ancrages, de résidences, d'enracinement -culture des sols et des localités. Entre les enracinés, qui recouvrent désormais pratiquement tout l'espace, et les survivants du nomadisme, existe une rivalité profonde et silencieuse, archaïque. Pour les gens qui se croient de souche, l'inquiétante étrangeté des vagabonds est suspecte. Au fil des siècles, autour des figures dissemblables de l'errance, l'imaginaire européen a multiplié les craintes. Celui qui ne fait que passer est sûrement malfaisant.

Que faire de ces préjugés ? Tenter de les dissoudre. Que faire des nomades ? Leur permettre, dans des conditions dignes, de persister dans leur singularité. Et de cohabiter, autant que possible, avec leurs homonymes modernes. Car de nouveaux nomades -élitistes, mondialisés et connectés -ont surgi de la globalisation. Le mot a envahi bureautique et publicité. Sous l'effet des réseaux sans fil, de l'électronique mobile et de la connexion permanente, on a vu proliférer les nomades high tech, travaillant n'importe où comme s'ils étaient chez eux.

Ils attestent sans doute que la tentation du nomadisme n'a pas fini d'habiter le monde moderne. Mais ces nomades riches postmodernes se déplacent seuls, et non avec femmes et enfants. Plus encore, ils sont censés être partout chez eux. Du coup, ces prétendus itinérants paraissent plus sédentaires qu'on ne le dit : leur domicile fixe, grâce à la technique, s'étend à la planète entière. D'aéroports en bureaux climatisés, à peu près tous identiques, ils vont partout mais sans voyager vraiment.

Où donc trouver de vrais nomades modernes ? Chez les philosophes -ceux du moins qui n'ont pas des pensées de plomb. Nietzsche, dans « Humain, trop humain » (1878), a vu l'essentiel, comme d'habitude : « (…) en opposition avec les intelligences liées et enracinées, nous voyons presque notre idéal dans une espèce de nomadisme intellectuel. » Voilà que le couple nomade-sédentaire se transpose dans le registre de l'esprit. Même en habitant toujours au même endroit, certains penseurs nomadisent dans le territoire des idées, parcourent les écoles sans s'y fixer, vont et viennent d'un concept à l'autre, sans être enfermés dans aucune doctrine. D'autres, au contraire, changent physiquement de lieu, mais demeurent immobiles sur les cartes mentales.

Quel que soit le registre, le clivage passe toujours entre mouvement et immobilisme. Aux temps anciens comme aux temps modernes. Dans la pensée comme l'espace. Finalement, le nomade incarne le rêve d'une quête perpétuelle, et le sédentaire celui d'être ancré quelque part. Reste à inventer le monde où tous peuvent vivre ensemble -nomades à l'ancienne, nomades avec avion, nomades des idées -sans oublier les sédentaires.



Roger-Pol Droit


Les drôles de guerres de l'affaire Woerth-Bettencourt

La cour d'appel de Versailles amenée hier à se prononcer sur la poursuite ou non de l'enquête d'une juge. Des avocats qui se retrouvent aujourd'hui devant un tribunal pour régler leur différend, un quotidien national qui dépose plainte pour violation du secret des sources… En trois jours, trois fronts ouverts dans l'affaire Woerth/Bettencourt. Où cela va-t-il s'arrêter ? Certes, un dossier pénal de cette ampleur est toujours une guerre de tranchée. Tout le monde se salit un peu et la stratégie est essentielle. Mais il y a des codes, des barrières infranchissables. Or ils semblent tous exploser dans cette affaire hors norme. Au point que le conflit d'origine opposant une mère et sa fille est devenu presque anecdotique tant les déflagrations des autres « guerres » du dossier, entre avocats, entre juges, entre mis en cause politiques, sont venues perturber son déroulement. La presse elle-même est devenue protagoniste à part entière. Et tous se livrent désormais un combat sans merci : il n'y a plus une seule place sereine où parler des enjeux juridiques de l'affaire. Presque un cas d'école.
Guerre n° 1 : la fille contre la mère

On a du mal à se rappeler qu'au départ il y a le conflit entre une mère, Liliane Bettencourt, et sa fille, Françoise Bettencourt-Meyers, qui reproche à l'artiste François-Marie Banier d'avoir abusé des largesses de l'héritière de L'Oréal. En soi, le dossier est hors norme puisqu'il concerne les héritières -parmi les premières fortunes de l'Hexagone -d'un des fleurons de l'industrie française. Les analystes ont à peine le temps de s'interroger sur l'avenir de L'Oréal face aux appétits de son principal actionnaire, Nestlé, que l'affaire vire au brûlot politique à la suite de la divulgation des enregistrements clandestins de conversations entre Liliane Bettencourt et son entourage. Le climat devient sulfureux. Quatre enquêtes préliminaires sont ouvertes, dont une pour financement illégal de parti politique et une pour blanchiment de fraude fiscale.
Guerre n° 2 : la presse contre le pouvoir

Depuis les révélations de Mediapart qui ont lancé l'affaire Woerth jusqu'à la plainte récente du « Monde » pour violation de la loi sur le secret des sources des journalistes, la presse est embarquée dans le maelström de l'affaire Woerth-Bettencourt. S'il est habituel qu'un grand procès se joue aussi dans les médias, la divulgation d'écoutes pirates relatant des conversations privées et/ou couvertes par le secret professionnel est une première. De la même manière, même si on peut déplorer l'atteinte au secret de l'enquête, les procès-verbaux d'audition ont « fuité » tant d'un côté que de l'autre. Ce sont ceux d'abord de Patrice de Maistre, gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, dans « Le Monde », mettant à mal la défense du ministre du Travail. Puis ceux de Claire Thibout, comptable de la milliardaire, à l'origine d'accusations sur un financement illégal de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, qui affirme ensuite que ses propos avaient été déformés et dont le PV de rétractation se retrouvent aussitôt dans « Le Figaro »… comme au plus clair des affaires politico-financières des années 1980. La presse alors servait de caisse de résonance et permettait de protéger le travail de certains juges. Sauf qu'ici aucun juge d'instruction n'est saisi et que l'affaire fait l'objet de plusieurs enquêtes préliminaires par le parquet sans procédure contradictoire.
Guerre n° 3 : les juges contre les juges

Entre le procureur Philippe Courroye et la juge Isabelle Prevost-Desprez, l'inimitié est de notoriété publique au tribunal de grande instance de Nanterre. Chacun est chargé d'une partie du dossier : au procureur (le parquet) Philippe Courroye la partie « politique », à la juge (le siège) Isabelle Prévost-Desprez l'enquête sur l'éventuel abus de faiblesse. Hier, la cour d'appel de Versailles, saisie par l'avocat de Liliane Bettencourt, a décidé qu'Isabelle Prévost-Desprez pouvait poursuivre son travail d'investigation. Philippe Courroye, lui, avait classé la plainte pour abus de faiblesse de Françoise Bettencourt-Meyers, estimant que le dossier n'était pas assez solide sur le fond. Isabelle PrévostDesprez s'est au contraire empressée de recevoir la citation directe faite ensuite par l'avocat de la fille de Liliane Bettencourt à l'encontre de François-Marie Banier. La juge enrage de voir le dossier coupé en deux et soupçonne Philippe Courroye de vouloir étouffer l'affaire… A l'audience, elle laisse entendre que le procureur ne serait pas indépendant. Lui, de son côté, fait la mauvaise tête et refuse de lui transmettre les enregistrements, obligeant la juge à en demander une nouvelle retranscription à la brigade financière. C'est, peut-être, in fine, le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, qui, lui, n'a rien contre personne mais pense à sa fin de carrière, qui aura le dernier mot en demandant éventuellement la saisine de la Cour de justice de la République sur le cas d'Eric Woerth.
Guerre n° 4 : les avocats contre les avocats

C'est, là encore, un classique, mais cette guerre-là prend des proportions ubuesques. Aujourd'hui, Olivier Metzner, l'avocat de Françoise Bettencourt-Meyers, va se retrouver devant la 17 e chambre du tribunal de grande instance de Paris, face à Georges Kiejman, avocat de Liliane Bettencourt. Est-ce pour représenter leurs célèbres clientes ? Absolument pas : Olivier Metzner accuse Georges Kiejman de diffamation. Les deux ténors du barreau se sont envoyés des noms d'oiseaux par presse interposée : « complice d'espionnage », siffle le premier, « aigrefin », rétorque le second. Deux de leurs confrères les représentent, Richard Malka pour Georges Kiejman, François Stefanaggi pour Olivier Metzner et Françoise Bettencourt-Meyers. C'est une première.

Les guerres sont ouvertes. Mais cette fois, il semble que même la justice saisie ne soit pas capable d'éteindre les feux.
Alors la stratégie judiciaire n'est plus que le faire-valoir d'une stratégie médiatique poussée jusqu'à l'absurde.





Valerie De Senneville


La prochaine réforme du logement

En ces temps troublés, le logement est plus que jamais un refuge, pour chacun, pour chaque famille, pour chaque patrimoine. « Une France de propriétaires » est donc un objectif louable, surtout dans un pays où la proportion de foyers possédant leur toit est plus faible que chez la plupart de ses voisins. Comme Nicolas Sarkozy y tient beaucoup, il a présenté hier un nouveau prêt à taux d'intérêt zéro pour encourager l'accession à la propriété. Le président de la République a ainsi fait trois avancées remarquables. D'abord, il procède à un acte inhabituel d'autocritique car ce prêt va notamment remplacer le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt immobilier, qui constituait pourtant l'une des mesures phares de son début de mandat en 2007. Ensuite, il propose un dispositif moins coûteux et plus ciblé sur les Français peu aisés. Enfin, il mène une simplification trop rare pour ne pas être soulignée, car le « PTZ + » remplace à la fois le PTZ, le crédit d'impôt et le Pass Foncier, un outil provisoire d'aide à l'acquisition de terrain.

La simplification s'arrête hélas ici. Le PTZ + voulant prendre en compte toute une batterie de critères (zone géographique, performance énergétique, taille du foyer…), il est d'une telle complexité que les professionnels hésitaient hier soir à dire quels seront les gagnants et les perdants du changement. Ils redoutaient des difficultés plus grandes pour les plus démunis, qui doivent être en principe les premiers bénéficiaires ! Et, sur le plan budgétaire, les économies annoncées de 1,6 milliard d'euros par an constituent en fait un impact… par rapport à une tendance potentielle. Le PTZ + se traduira en réalité par des dépenses supplémentaires dans un premier temps, puis par une baisse de 200 millions d'euros à partir de 2018. Pas vraiment de quoi combler le déficit public.

Au total, ce nouveau prêt fera un peu bouger les lignes. Mais il ne changera pas radicalement la donne dans l'accession à la propriété. Il faut d'ailleurs être très prudent en la matière. Un encouragement mal calibré à l'achat de logements par les ménages les plus défavorisés aux Etats-Unis a provoqué la crise du « subprime ». Une subvention aveugle à la pierre tombe dans la poche des seuls vendeurs. C'est ainsi que la politique du logement en France mobilise près de 2 % du PIB, deux fois plus que la moyenne des pays développés, sans que les Français soient deux fois mieux logés que les autres. Il faut donc agir en amont, à la source du problème : la rareté du foncier disponible. Nicolas Sarkozy a demandé à Benoist Apparu, secrétaire d'Etat au Logement et à l'Urbanisme, de lui faire dans les prochaines semaines des propositions pour libérer des terrains en milieu urbain. C'est ici que se jouera la vraie réforme de la politique du logement.



Jean-Marc Vittori


Deux ans après Lehman

on pourrait parler de petit bout de la lorgnette si les sommes en jeu n'étaient pas aussi astronomiques. Depuis la faillite de Lehman Brothers il y a deux ans, son démantèlement aura coûté au moins 2 milliards de dollars rien qu'en frais d'avocats et d'experts-comptables ! Cette facture, avancée par le « Financial Times », en dit long sur l'extraordinaire complexité des opérations dans lesquelles était impliquée la firme américaine, sur la difficile « traçabilité » des produits financiers qu'elle traitait et même sur la connaissance des risques qu'elle prenait. S'il faut tant de temps et tant de monde pour démêler l'écheveau Lehman Brothers, n'est-ce pas parce que la maison elle-même était devenue incontrôlable ?

Mais, deux ans après la faillite de la firme maudite de Wall Street, sans doute serait-il naïf de croire que cette question ne se pose plus nulle part. Est-on certain que les procédures internes de contrôle ont été suffisamment resserrées partout ? Est-on certain que la surveillance des institutions financières, si défaillante en 2008, soit vraiment beaucoup plus performante qu'à l'époque ? Est-on certain qu'un nouvel AIG ne soit pas en train de mûrir bien à l'abri du regard des régulateurs ? Croit-on vraiment que le système financier présentera moins de risques le jour où les grandes banques de Wall Street auront cédé à d'autres leurs activités de trading pour compte propre ? Ne nous trompons pas. En deux ans, des avancées importantes ont été accomplies aux Etats-Unis et en Europe pour mieux réglementer et surveiller le secteur financier. Et rien n'eût été possible sans le rétablissement de la confiance des particuliers dans les institutions financières et de ces dernières entre elles. Sans ce préalable qu'il faut mettre au crédit des Etats et des banques centrales, tout le système financier aurait pu s'écrouler.

Mais, au cours des deux dernières années, la deuxième monnaie mondiale, l'euro, a failli éclater, la liquidité du système bancaire est restée extrêmement tendue, des Etats ont frôlé le défaut de paiement, de nouvelles bulles sur les matières premières et les obligations sont apparues... Deux ans après Lehman, les plaques tectoniques du système financier ne sont pas stabilisées. Le monde n'est pas à l'abri d'un séisme majeur.



Nicolas Barré

Un monde de moins en moins prévisible